L’Almanach international

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1937, Espagne, Nazisme, 26 avril, massacre Bruno Teissier 1937, Espagne, Nazisme, 26 avril, massacre Bruno Teissier

26 avril : la mémoire de Guernica

Guernica, petite ville du Pays basque a été victime d’un raid de terreur destiné à anéantir une partie de la population et d’en terroriser l’autre. Une stratégie adoptée par Vladimir Poutine en Tchétchénie, en Syrie et aujourd’hui en Ukraine. Et que dire de Gaza que l’armée israélienne s’applique à rayer complètement de la carte au prix de dizaines de milliers de morts ?

 

Volodimir Zelenski n’avait manqué de le faire remarquer quand il s’était adressé aux députés espagnols : ce que la petite ville de Guernica a vécu en 1937, de nombreuses localités d’Ukraine sont en train de le vivre tant l’acharnement des forces russe à tout détruire pour soumettre l’ennemi parait sans limite. L’armée russe a aussi à son palmarès la destruction presque totale de Grozny et d’une bonne partie d’Alep… Dans plusieurs décennies toutes ces villes commémoreront leur anéantissement comme le fait Guernica chaque 26 avril. Et que dire de Gaza que l’armée israélienne s’applique à rayer complètement de la carte au prix de dizaines de milliers de morts ? Le 8 décembre 2023, la ville martyre du Pays basque espagnole s’est transformée en mosaïque humaine géante aux couleurs du drapeau de la Palestine. Un symbole fort, 86 ans après les bombardements du régime nazi sur la ville de Guernica. Les participants n’avaient qu’un seul mot d’ordre : « Le monde et l’Histoire ne doivent pas accepter un nouveau Guernica ». Ils n’ont, hélas, pas été entendus.

Cet après-midi, 15h45 toutes les cloches de la petite ville de Guernica vont sonner et à 16h15 précise, une sirène retentira en souvenir du terrible bombardement de 1937 qui fit 1650 morts (selon le gouvernement basque) sur les 5000 habitants que comptait la petite ville de Biscaye (Pays basque espagnol).

Pour la Commémoration du bombardement de Guernica (Conmemoracion del bombardeo de guernica) les autorités procèdent à un dépôt de gerbes au cimetière de Zallo pour rendre hommage aux morts et ce soir, à 21h30, une marche silencieuse va parcourir comme chaque année les rues de la ville. En 2022, pour le 85e anniversaire, le président du gouvernement, Pedro Sánchez, avait participé aux commémorations, lui aussi avait cité Vladimir Poutine sans son message.

Ce 26 avril était jour de marché, en deux heures quelque 22 tonnes de bombes ont été lâchées sur la ville par l’aviation allemande venue tester de nouveaux appareils et surtout une méthode de guerre inédite : un raid de terreur destiné à anéantir une partie de la population et d’en terroriser l’autre. Le Pays basque était resté fidèle à la république (voir 14 avril). Sa soumission était une aide appréciable, réclamée par le général Franco en train d’imposer sa dictature à l’ensemble de l’Espagne. Par miracle, l’arbre de Guernica, symbole de l’autonomie du Pays basque, est sorti indemne des bombardements, mais le pays n’allait pas tarder à être soumis par les franquistes. Dès le début du XVIIIe siècle, Guernica était devenue un véritable emblème de la démocratie et de la liberté, surtout après la fin de la Première Guerre carliste (1833-1840). C’est aussi cela que Franco avait demandé à Hitler d’abattre.

Un Musée de la paix a été inauguré en 2003 et l’on décerne, aujourd’hui, un Prix Guernica pour la paix et la réconciliation. En 2020, un hommage particulier avait été fait à José de Laubaria, le maire de la ville à l’époque et à George L. Steer, journaliste sud-africain arrivé à Guernica quelques heures après le bombardement et qui câbla dans la nuit même son reportage de la ville martyre. C’est son article publié le 28 avril 1937, à la une du Times et du New York Times, qui a frappé l'opinion publique mondiale en révélant l'implication secrète de l’Allemagne nazie dans la destruction de la ville. En 2022, Guernica a été reconnu comme un “lieu de mémoire” par le gouvernement espagnol.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 avril 2024

 
Mural reproduisant le célèbre tableau de Picasso, commandé par la république espagnole pour l’exposition de 1937 à Paris.

Mural reproduisant le célèbre tableau de Picasso, commandé par la république espagnole pour l’exposition de 1937 à Paris.

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1948, Corée du Sud, massacre, 3 avril Bruno Teissier 1948, Corée du Sud, massacre, 3 avril Bruno Teissier

3 avril : mémoire du soulèvement de Jeju réprimé dans le sang

L’île coréenne de Jeju, un paradis touristique situé à mi-chemin entre la péninsule et le Japon commémore une insurrection matée dans le sang en 1948-49. Les syndicats sud-coréens profitent de ce 76e anniversaire pour se mobiliser contre le président Yoon Seok-yeol issu d'un parti conservateur.

 

L’île coréenne de Jeju, un paradis touristique situé à mi-chemin entre la péninsule coréenne et l’archipel japonais commémore une insurrection matée dans le sang en 1948-49. Pendant un demi-siècle, le sujet a été totalement tabou en Corée au point que le simple fait d’évoquer ce massacre pouvait vous valoir la prison. Il faut attendre les années 1990 pour qu’on commence à évoquer le sujet ; 2003 pour qu’un président prononce des excuses et le 70e anniversaire, en 2018, pour qu’un président coréen (de gauche), Moon Jae-in, fasse le voyage dans l’île pour commémorer le soulèvement de Jeju (제주 4·3 민중항쟁).

Tout avait commencé le 1er mars 1948, jour de la fête nationale. Un cheval de la police a grièvement blessé un petit garçon. La foule en colère contre les forces de l’ordre, se fait menaçante, les policiers tirent dans le tas faisant 8 morts et 6 blessés graves. La population de l’île réagit par une grève générale qui touche tous les secteurs y compris l’administration. La répression est féroce, les arrestations se multiplient. Ce qui pousse de nombreux jeunes à adhérer au nouveau Parti du travail, né d’une fusion des communistes et des socialistes coréens. Un parti aussitôt interdit à Séoul où les Américains sont en train d’installer au pouvoir des hommes d’extrême droite, notamment des collabos de l’occupation japonaise.

Le 3 avril 1948 une insurrection est lancée (c’est la date que l’on commémore aujourd’hui). Les autorités débordées négocient. Mais le 1er mai des incidents engendrent un véritable dérapage. On sait aujourd’hui qu’ils ont été volontairement provoqués par des éléments d’extrême droite de Corée du Nord, réfugiés à Jeju. On est en Corée du Sud dans un contexte de guerre froide exacerbée. Vu de Séoul, où les Américains sont encore au pouvoir pour quelques mois, l’île de Jeju est un véritable repère de communistes à éliminer . La répression est féroce : au moins 30 000 habitants de l’île sont massacrés (10 % de la population) et 40 000 s’exileront au Japon, principalement à Osaka où ils forment aujourd’hui un quartier. Les combats dureront jusqu’en 1949 et même sporadiquement jusqu’en 1953. L’île restera totalement bouclée jusqu’en 1954. Des dizaines de milliers d’habitants de Jeju sont emprisonnés. La majorité des victimes affirment avoir été arrêtées de façon arbitraire, interrogées et torturées par la police militaire avant d'être contraintes à signer une fausse déclaration confessant des crimes.

La répression a laissé des blessures profondes sur les victimes et leur famille. Nombre de leurs enfants, pendant des décennies, ont subi des discriminations lors de la recherche d'emploi à cause de la condamnation de leurs parents. Ces derniers ne seront réhabilités qu’en… 2019. Seuls 18 d’entre eux étaient encore en vie lors de ce verdict historique, prononcés il y a seulement deux ans. Des indemnités sont à l’étude pour leurs enfants. 8500 personnes ont reçu en 2020, une carte d’identité de victime qui leur permet, notamment, d’avoir une réduction de 50% sur les vols vers Jeju. Depuis 2014, le 3 avril est une commémoration officielle en Corée. En 2018, la ville d’Osaka a érigé une stèle commémorative. Le 3 avril 2022, le président élu Yoon Suk-yeol a fait un déplacement à Jeju, il s'agissait de sa première apparition publique après son élection. 

En 2023, les syndicats sud-coréens ont profité du 75e anniversaire de la commémoration, pour se mobiliser contre ce président élu issu d'un parti conservateur.

En 2024, le 30 mars, le rassemblement national des travailleurs qui s'est tenu devant l'hôtel de ville de Jeju, a évoqué l'esprit du 76e anniversaire du soulèvement populaire du 3 avril. Quelque 2 500 membres de la Confédération coréenne des syndicats de tout le pays y ont participé pour réclamer, notamment, la démission du président Yoon Seok-yeol.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1962, Algérie, France, 26 mars, massacre Bruno Teissier 1962, Algérie, France, 26 mars, massacre Bruno Teissier

26 mars : le jour où les Pieds-noirs ont perdu l’Algérie

Il y a 62 ans des soldats français tiraient sur la foule des manifestants faisant des dizaines de morts parmi les Européens d’Alger qui manifestaient contre l’indépendance de l’Algérie. Ce drame occulté a marqué la fin du rêve d’une Algérie française.

 

Il y a 62 ans des soldats français tiraient sur la foule des manifestants faisant des dizaines de morts. Les victimes de la fusillade de la rue Isly, à Alger, le 26 mars 1962, étaient des Français vivant en Algérie manifestant contre le processus de décolonisation. Quelques jours plus tôt, le 18 mars, les accords d’Évian avaient décidé un cessez-le feu en vue d’accorder son indépendance à l’Algérie, mettant fin à 17 ans d’une sale guerre qui avait débuté le 8 mai 1945. Les appelés étaient enfin démobilisés, ce que la France célèbre chaque 19 mars. Mais pour les Pieds-noirs, tel qu’on appelait à l’époque les Français vivant en Algérie, le conflit n’était pas achevé. Le Cercle Algérianiste et d’autres associations de Pieds-noirs, souhaiteraient que l’on commémore le massacre du 26 mars, et demandent que cette journée soit inscrite prochainement à l'agenda des commémorations officielles. Ce qui n’est pas le cas, il n’y a pas de commémorations récurrentes, sauf des cérémonies ponctuelles et discrètes, dans diverses localités du sud de la France où vivent de nombreux descendants de Pieds-noirs.

Cela n’a pas empêché les autorités de célébrer le 80e anniversaire du drame en présidence du président Macron qui a dénoncé «une page tragique de notre récit national» et un massacre « impardonnable ». Le président français  voulait contrebalancer, dans la mémoire des Pieds-noirs, son qualificatif de « crime contre l’humanité » dont il avait taxé la colonisation, lors d’une visite à Alger en 2017. Une qualification qui n’avait pourtant rien d’exagéré si on se remémore les conditions de la conquête de 1830 et des années qui ont suivi.

Le 26 mars 2022, le président Macron avait rendu hommage aux 800 000 Français d'Algérie, «déracinés au sein de leur propre patrie», mais sans pour autant reconnaître la responsabilité de l’État français dans ce massacre. Il est vrai que les circonstances étaient assez particulières. Quelques jours plus tôt, le 23 mars déjà, des Français avaient tué des Français. Les victimes étaient des soldats du contingent tués par des terroristes français engagés dans l’OAS, la sinistre Organisation de l’armée secrète qui s’était donné pour objectif de saboter de processus d’indépendance de l’Algérie. C’est cette même OAS qui avait appelé la population européenne d’Alger à la manifestation du 26 mars. Malgré son interdiction par le préfet de police, plusieurs milliers de partisans de l'Algérie française ont afflué. Ils se dirigent vers le quartier de Bab-el-Oued, refuge de membres de l'OAS, afin de forcer les barrages installés par l'armée française Le trajet principal passe devant la Grande Poste, à l'entrée de la rue d'Isly. Des soldats du contingent, marqués par la fusillade du 20 mars, étaient chargés du maintien de l’ordre. C’est là que tout a dérapé. Un premier coup de feu est parti. On ne sait d’où, car aucune enquête officielle n’a été faite après le massacre. Soudain, les soldats ont tiré sur la foule perçue comme menaçante. Le bilan officiel est d'une cinquantaine de morts et 150 blessés, sans doute plus, on ne sait pas exactement. Des pieds-noirs se sont aussitôt vengés en lynchant des Algériens du quartier de Belcourt (aujourd’hui Belouizdad)… l’enchaînement de la violence a ruiné tout espoir d’empêcher l’indépendance de l’Algérie. C’est dire si cette date est douloureuse pour ceux qui ont dû quitter un pays où ils étaient établis parfois depuis plusieurs générations, mais établis comme colons, au détriment d’une population autochtone dépourvue de tout droit politique. L'événement a marqué le début de l'exode massif des Européens d'Algérie.

Le soir du 26 mars 1962, le président Charles de Gaulle s'adressait aux Français pour leur demander de voter en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Il ne fit aucune allusion à ce massacre occulté pendant des dizaines d’années. En 2010, toutefois, le gouvernement français a finalement décidé d'inscrire les noms des victimes de la rue d'Isly sur le Mémorial de la guerre d'Algérie à Paris, mais l'État français n'a jamais reconnu de responsabilité dans ces événements dans lesquels les terroristes de l’OAS ont aussi leur part. D’autant qu’après le 26 mars, l’OAS fera encore de nombreuses victimes, tant civiles que militaires. L’indépendance de l’Algérie qui arrivait beaucoup trop tard, était dans le sens de l’histoire. L’opinion publique française voulait tourner la page de la guerre d’Algérie. D’où l’occultation de ce drame, comme d’autres, pendant un demi-siècle. Mais voilà que cette date du 26 mars nous revient, avec tout le refoulé sur le bon vieux temps des colonies cultivé de plus en plus ouvertement par l’extrême droite.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 mars 2024

Quelques jours plus tôt, le 23 mars 1962

 
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1988, Irak, Kurdistan, massacre, 16 mars Bruno Teissier 1988, Irak, Kurdistan, massacre, 16 mars Bruno Teissier

16 mars : le génocide kurde d’Halabja, quand un dictateur se sent les mains libres

Comme Poutine en Tchétchénie, Saddam Hussein a eu tout loisir de massacrer des populations totalement à sa merci dans l’indifférence de l’Occident… Les Kurdes commémorent les quelque 5000 morts, hommes, femmes, enfants tués une seule journée par un bombardement de gaz chimique sur le village d’Halabja par l’armée irakienne.

 

Le 16 mars de chaque année, les Kurdes du monde entier commémorent les quelque 5000 morts, hommes, femmes, enfants tués une seule journée par un bombardement de gaz chimique sur le village d’Halabja (هه‌ڵه‌بجه ou Helepçe).

C’était le 16 mars 1988, l’Irak était en guerre contre l’Iran depuis huit ans, une guerre par procuration, soutenu par une bonne partie des pays occidentaux, en particulier les États-Unis, dans l’espoir de faire tomber le régime de Khomeiny à Téhéran. L’Iran a résisté au prix de centaine de millier de morts… Profitant du conflit, les Kurdes d’Irak, soutenus par l’Iran, sont entrés en rébellion contre le dictateur irakien Saddam Hussein. La localité kurde d’Halabja, située tout près de la frontière iranienne, en avait profité pour se libérer par les armes. La reconquête irakienne fut terrible, le 15 mars 1988, la ville était reprise par Bagdad. Le lendemain, des avions de combat irakiens ont survolé la zone pendant cinq heures, libérant des gaz toxiques, notamment du sarin et du gaz moutarde. L'attaque chimique a entraîné la mort d'environ 5 000 personnes, pour la plupart des civils. Le taux de mortalité était particulièrement élevé chez les enfants, car les gaz toxiques sont plus denses que l'air et ont donc tendance à couler au sol. Entre 7 000 et 10 000 personnes ont été blessées et/ou ont subi les conséquences à long terme de l'attaque.

L’émotion fut grande dans les opinions publiques occidentales, mais les réactions des partenaires occidentaux de l’Irak furent insignifiantes à l’époque. Saddam Hussein était vu comme un rempart contre l’Iran révolutionnaire. Dans un premier temps, l’US Defense Intelligence Agency avait même accusé l’Iran du massacre. Mais après enquête, la responsabilité du régime e Bagdad s’est avérée incontestable. Mais l’affaire classée sans suite.

En ce début d’année 1988, le massacre d’Halabja n’était qu’un épisode de la reconquête sanglante du Kurdistan, dite campagne d’Anna, qui fit plus de 180 000 morts en quelques semaines. Saddam Hussein ne sera renversé que 15 ans plus tard, par les Américains, et sous un prétexte fallacieux. L’épisode d’Halabja sera alors déclaré génocide. Ali Hassan Al Majid, un cousin de Saddam Hussein mieux connu sous le nom de "Chemical Ali", a été pendu en 2010 pour avoir ordonné l'attaque. Beaucoup regrettent que les Américains ne l’aient pas livré au tribunal international de La Haye, tout comme Saddam Hussein, le grand ordonnateur du massacre, avec lequel l’Occident a continué à coopérer pendant des années. Lui aussi a été exécuté après un semblant de procès.

La journée du 16 mars est un jour férié au Kurdistan autonome d’Irak. Des cérémonies ont lieu chaque année à Halabja où un mémorial a été construit. La ville a été désignée comme capitale de la paix par le Parlement du Kurdistan irakien en 2015. Aujourd’hui, les survivants réclament toujours réparation.

L’événement est aussi célébré à Erbil, la capitale kurde et dans la diaspora. En 2014, un mémorial dédié aux victimes de l'attaque chimique de 1988 a été édifié à La Haye, dans le jardin du siège de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. Le monument a été inspiré par une photo intitulée "Silent Witness", prise par le journaliste turc Ramazan Ozturk.

#Halabja #Helebce #Halepçe #هەڵەبجە #Helebce #Halepçe #HalepceKatliamı

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Monument commémoratif inspirée d’une photo tragique qui a marquée l’opinion internationale

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1937, Éthiopie, massacre, 19 février Bruno Teissier 1937, Éthiopie, massacre, 19 février Bruno Teissier

19 février : La mémoire d’un massacre fasciste en Éthiopie

Chaque 12 du mois de Yekatit, le maire d’Adis-Abeba vient déposer une gerbe place des Martyrs, sur le monument dédié aux 30 000 habitants de la capitale éthiopienne massacrés par les troupes fascistes italiennes.

 

Chaque 12 du mois de Yekatit (የካቲት ፲፪), le maire d’Adis-Abeba vient déposer une gerbe place des Martyrs, sur le monument (Sidist Kilo) dédié aux 30 000 habitants de la capitale éthiopienne massacrés par les troupes italiennes conduites par le général fasciste Rodolfo Graziani. La place est aussi appelée Yekatit 12 du nom de la date qui correspond au 19 février.

En février 1937, alors que les Italiens occupaient l’Éthiopie, deux jeunes éthiopiens Abraha Deboch et Mogus Asgedom décidèrent d’assassiner Graziani. Ils lui ont lancé des grenades à main alors qu'il parlait devant la statue commémorative située au milieu de Siddist Kilo, près du campus principal de l'université d'Addis-Abeba.

Le général Graziani et de nombreux responsables fascistes italiens qui étaient présents lors de son discours ont été blessés, certains tués.

Au lendemain de l’attentat, la réponse italienne a été immédiate. Du 12 au 15 février 1937, plus de 30 000 Éthiopiens vivant à Addis-Abeba ont été massacrés en seulement trois jours par des soldats fascistes brutaux et leurs complices. Les carabiniers italiens ont tiré sur les foules de mendiants et de pauvres rassemblés pour la distribution d’aumônes. Et les choses se sont enchaînées. Cet attentat a fourni le prétexte pour mettre en œuvre l'ordre de Mussolini, datant du le 3 mai 1936, d’exécuter sommairement « Les jeunes Éthiopiens », le petit groupe d’intellectuels qui avaient reçu une éducation universitaire dans des collèges américains et européens.

À partir de 1945, le massacre a été commémoré chaque année par un dépôt de gerbe de la part de Haïlé Sélassié. Dans les écoles la journée se terminait par une veillée aux chandelles ainsi que dans l’administration. Le gouvernement du Derg a ensuite réduit la célébration au minimum. C’est après la chute de Menguistu, en 1991, qu’a été instaurée la Journée nationale des martyrs (የሰማዕታት ቀን).

Cette journée est célébrée alors que le régime éthiopien met une chape de plomb sur la famine qui menace deux millions de Tigréen au nord du pays, dernier épisode d’une guerre qui comme à Gaza a débuté par des massacres.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 février 2024

 

Devant le Sidist Kilo, le monument dédié aux martyrs, à Adis Abeba (photo Borkena) en 2022

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1943, Grèce, Seconde Guerre mondiale, massacre Bruno Teissier 1943, Grèce, Seconde Guerre mondiale, massacre Bruno Teissier

16 février : la Grèce commémore le massacre de Domenikon

Ce massacre fait référence à la destruction totale du village de Domenikos dans le département de Larissa, en Thessalie, les 16 et 17 février 1943 par les forces d'occupation allemandes et italiennes qui, après y avoir mis le feu, ont ensuite procédé à l’exécution par la force brute de 150 villageois, soit tous les hommes de 14 à 80 ans.

 

Le massacre de Domenikos (Σφαγή του Δομένικου) fait référence à la destruction totale du village de Domenikos dans le département de Larissa, en Thessalie, les 16 et 17 février 1943 par les forces d'occupation allemandes et italiennes qui, après y avoir mis le feu, ont ensuite procédé à l’exécution par la force brute de 150 villageois, soit tous les hommes de 14 à 80 ans.

Cette page de la Seconde Guerre mondiale a été oubliée pendant de nombreuses années, selon l'historienne Lidia Santarelli, les massacres italiens en Grèce sont « un trou noir dans l'histoire ». Elle fut remise à jour par le documentaire de Giovanni Donfrancesco La guerra sporca di Mussolini (La sale guerre de Mussolini) diffusé à partir du 14 mars 2008 sur History Channel. Le village de Domenikon a été reconnu village martyr en 1998. L'Italie, quant à elle, a présenté ses excuses à la Grèce pour le massacre le 16 février 2009, par l'intermédiaire de son ambassadeur à Athènes.

Le massacre de Domenikon est le premier massacre de civils en Grèce. Il a donc servi de « modèle » pour les autres massacres de civils qui ont rapidement suivi durant le reste de l'occupation italienne dans ce pays, jusqu'au retrait de l'armée italienne durant l'été 1943. Le massacre est surnommé par les Italiens « le petit Marzabotto ». Le second massacre de civils a lieu trente jours plus tard dans le village de Tsaritsani où soixante personnes ont été abattues, suivi de massacres dans d'autres secteurs de la Thessalie et en Grèce interne, comme à Domokos, Pharsale ou encore Oxine. On dénombre plusieurs milliers de civils massacrés dans toute la Grèce et près de 400 villages détruits partiellement ou totalement, dont Kalávryta est un autre exemple.

Aucun des 1500 criminels de guerre italiens - dont les coupables du massacre - n’a jamais été jugés, ceci pour que l'Italie puisse conserver après la Seconde Guerre mondiale, une bonne position internationale. La majorité des criminels de guerre italiens qui ont survécu ont continué à travailler pour le gouvernement italien. Le secret sur les crimes de guerre italiens a été encouragé par le Royaume-Uni et les États-Unis.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 15 février 2024

16 février 2022

 
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1979, Centrafrique, massacre, 18 janvier Bruno Teissier 1979, Centrafrique, massacre, 18 janvier Bruno Teissier

18 janvier : la Journée des martyrs en Centrafrique

Chaque année, en Centrafrique on se souvient des dizaines d’écoliers tombés sous les balles de la police de l’empereur Bokassa Ier alors qu’ils protestaient contre le prix des uniformes qu’on leur imposait. C’était il y a 45 ans, ces dernières années le pays a été en proie à des violences d’une tout autre ampleur.

 

Alors que le pays est en proie à une vague de violence depuis plusie mois, va-t-on, comme chaque année, se souvenir des dizaines d’écoliers tombés sous les balles de la police de l’empereur Bokassa Ier alors qu’ils protestaient contre le prix des uniformes qu’on leur imposait. L’empereur s’était même rendu en prison pour bastonner personnellement ceux qui avaient échappés aux tirs. On était le  18 janvier 1979. Une Journée des martyrs a été instituée pour perpétuer leur souvenir.

Comme d’autres dirigeants africains, ce sinistre empereur était une création des autorités françaises. L’affaire, entre autre, a coûté sa réélection au président Giscard d’Estaing.

Cette journée souvenir n’a pas empêché, en 2010, le président Bozizé de  réhabiliter l’empereur et de le réhabiliter dans ces droits. François Bozizéa été renversé en 2013. Depuis, le pays a sombré dans la guerre civile. La majorité du territoire est aux mains de dizaines de milices armées qui provoquent des affrontements et commettent des massacres, malgré la présence militaire française et onusienne. Les autorités de manquent pas d’organiser chaque 18 janvier des cérémonies à l’occasion de cette Journée des martyrs. Ceux-ci se sont multipliés, victimes des différentes milices, depuis quelques années.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 17 janvier 2024

 
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1964, Panama, massacre, 9 janvier Bruno Teissier 1964, Panama, massacre, 9 janvier Bruno Teissier

9 janvier : la Journée de la souveraineté nationale au Panama

C’est un jour férié et chômé, sans alcool ni fête, pour commémorer la mort de 21 étudiants tués le 9 janvier 1964 lors des émeutes au cours desquelles les Panaméens revendiquaient la souveraineté de la zone du canal de Panama. Cette journée est aussi connue comme la Journée des Martyrs.

 

Le 9 janvier est un jour de deuil au Panama, pendant toute la journée, il est interdit de boire de l’alcool et d’organiser des fêtes ou des spectacles publics. C’est un jour férié et chômé au niveau national pour commémorer la mort de 21 étudiants et d’un bébé panaméens tués le 9 janvier 1964 lors des émeutes au cours desquelles les Panaméens revendiquaient la souveraineté sur le canal de Panama. Cette journée est connue comme la Journée des Martyrs (Día de los Mártires) ou la Journée de la souveraineté nationale (Día de la Soberanía Nacional).

À l’époque le pays était divisé en deux zones car les Américains occupaient la zone du canal de Panama qu’il était attribué à perpétuité depuis le début du siècle. Des milliers d'Américains et leurs familles vivaient dans cette zone selon leurs propres lois et coutumes tout en travaillant pour le canal ouvert en 1914. Les États-uniens y avaient aussi installé une importante base militaire. Les Zonians, comme on les appelait, n’avaient pratiquement aucun contact avec le reste du pays et sa population. Laquelle ne pouvait accéder à la zone du canal sans une autorisation spéciale.

Face aux protestations récurrentes des Panaméens, Washington avait fini par faire concessions symboliques, comme la présence conjointe des deux drapeaux américain et panaméen sur les bâtiments officiels de la zone du canal. À partir du 1er janvier 1964. Mais les Zonites ignorèrent l'accord et refusèrent de hisser le drapeau panaméen. Ce fut notamment le cas des élèves américains du lycée Balboa. Après négociation avec la police, il a été convenu qu'un groupe de six étudiants panaméens s'approcherait du mât du drapeau pour hisser leur drapeau et chanter l'hymne panaméen. Zonites tentèrent de les empêcher. Ils ont encerclé les étudiants et une bagarre a éclaté, au cours de laquelle le drapeau a été déchiré en morceaux. Quand cela s’est su dans le reste du pays, des milliers de manifestants ont afflué dans la zone du canal. La police, débordée, a été contrainte de demander l'aide de l'armée américaine, qui a décidé de tirer et d'utiliser des gaz lacrymogènes contre les manifestants. 21 étudiants et 4 membres des forces américains ont perdu la vie au cours des trois jours d’émeute.

Ces événements ont mis en lumière la situation coloniale que subissait le Panama de la part d’un État toujours prompt à dénoncer le colonialisme des Européens. Il faudra malgré tout attendre de nombres années pour que la situation évolue. En 1977, le traité Torrijos-Carter établit la neutralité du canal et la double administration panamo-américaine sur les lieux. Puis, le 31 décembre 1999, les États-Unis ont finalement rendu canal au Panama.

Comme chaque année, le Président Laurentino Cortizo, accompagné de membres du Cabinet, dépose une couronne de fleurs devant le Monument aux Martyrs du Centre de Formation Ascanio Arosemena du Canal de Panama, où se trouve également la « Flamme éternelle », à la mémoire des 21 martyrs qui ont offert leur vie. la lutte pour la souveraineté nationale. Il s’agit de l’ancien lycée Balboa qui porte aujourd’hui le nom d’un étudiant de 20 ans tué d’une balle dans le dos le 9 janvier 1964.

De leur côté, divers mouvements populaires et syndicats panaméens manifestent au parc Santa Ana de la capitale pour rendre hommage aux martyrs mais surtout pour dénoncer le poids de l’influence américaine sur le mouvement actuel de leur pays.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 janvier 2024

 
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1943, Grèce, massacre, Seconde Guerre mondiale, 13 décembre Bruno Teissier 1943, Grèce, massacre, Seconde Guerre mondiale, 13 décembre Bruno Teissier

13 décembre : mémoire d’un massacre de civils en Grèce

À Kalávryta (Καλάβρυτα), dans le Péloponèse, on ne prépare pas encore Noël, le village est en deuil chaque année à la même date. Il y a 80 ans, il était victime du plus grand massacre de civils opéré par les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale, la Shoah mise à part.

 

À Kalávryta (Καλάβρυτα), dans le Péloponèse, on ne prépare pas encore Noël, le village est en deuil chaque année à la même date, il a été victime du plus grand massacre de civils opéré par les nazis, la Shoah mise à part.

Il y a 80 ans, le 9 décembre 1943, la localité est cernée par les soldats allemands afin qu'aucun habitant ne puisse s'échapper. L'armée allemande rassure les habitants en leur indiquant qu'elle ne recherche que des rebelles, mais les troupes allemandes dirigées par Karl von Le Suire, en représailles à la mort de 81 soldats allemands tués par des résistants, commencent par brûler des maisons du village. Les hommes sont séparés des femmes et des enfants. Le 13 décembre, toute la population mâle, âgée de plus de 12 ans, fut tuée par des mitrailleuses à la sortie du village, seuls 13 en réchappèrent sur quelque 700 hommes (certains sources parlent d’un millier). Les femmes et les enfants parviennent, toutefois, à s'échapper du village en flamme. Le monastère d’’Agha Lavra, où avait commencé la guerre d'indépendance, est lui aussi incendié.

Sur les lieux du massacre, s'élève aujourd'hui un mémorial rappelant la date de l'évènement et portant sur de hautes stèles le nom de toutes les victimes. Mikis Theodorakis leur a dédié Le Requiem, en 1984. Le dernier des 13 survivants du massacre, Argyris Serlelis, est décédé le 27 février 2005.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 décembre 2023

 

Timbre grec commémorant le massacre de Kalávryta

Mémorial

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1911, Libye, massacre, 26 octobre Bruno Teissier 1911, Libye, massacre, 26 octobre Bruno Teissier

26 octobre : en Libye, mémoire des victimes de l’occupation italienne

Chaque 26 octobre, les drapeaux sont mis en berne en mémoire des victimes de trois décennies de colonisation italienne en Cyrénaïque et en Tripolitaine. La date fait référence au massacre de quelque 4000 civils, le 26 octobre 1911, lors de la conquête du pays dont les villes côtières ont été bombardées depuis de navires de guerre.

 

Chaque 26 octobre, les drapeaux sont mis en berne. Traditionnellement, les fonctionnaires portent un brassard noir en mémoire des victimes de trois décennies de colonisation italienne en Cyrénaïque et en Tripolitaine qui a débuté le 3 octobre 1911 et a duré jusqu’en 1943.

La date du 26 octobre fait référence au massacre, en 1911, de quelque 4000 civils lors de la conquête du pays dont les villes côtières ont été bombardées depuis de navires de guerre. Le même jour plusieurs centaines de civils, hommes, femmes, enfants, ont été transférés vers des îles italiennes désertes ou peu peuplées comme Tremiti, Ponza, Qavignana, Feninuntepe ou Ustica. D’autres ont été parqués dans des camps dans le désert. Les déportations se sont succédées jusqu’en 1943, elles ont concerné plus de 5000 personnes. L’armée italienne a été impitoyable envers ceux qui s’opposaient à la conquête du territoire libyen. Elle a été la première, en novembre 1911, à lâcher des bombes sur des populations civiles depuis des avions. Aïn Zara, une oasis au sud-est de Tripoli  est devenu le premier endroit sur Terre à être bombardé depuis les airs. Cette méthode de guerre fera, hélas, école jusqu’à nos jours.

Cette Journée de deuil (يوم الحداد الليبي ) qui est un jour férié, cultive la mémoire des morts à l’époque coloniale. En 1998, le gouvernement italien a exprimé ses regrets et ses excuses pour ce qui est arrivé au peuple libyen en raison du colonialisme italien. Kadhafi avait réclamé des compensations, mais Rome avait toutefois considéré que la question était réglée par un accord conclu en 1956 avec le roi Idriss.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Sur un billet de banque, le portrait d’Omar al-Mokhtar, un des chefs de la résistance à la colonisation italienne, capturé en 1931 et exécuté par pendaison, le 16 septembre.

Une page du Libyan stand, du 24 octobre 2022, évoquant la journée de deuil et ce à quoi elle fait référence.

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1959, Guinée-Bissau, massacre, 3 août Bruno Teissier 1959, Guinée-Bissau, massacre, 3 août Bruno Teissier

3 août : quand la police du dictateur portugais tirait sur la foule en Guinée-Bissau

Les dockers du port de Pidjiguiti, à Bissau, manifestaient pour de meilleurs salaires. Le 3 août 1959, la police au service de la dictature portugaise, tire sur les grévistes faisant entre 25 et 50 morts selon les sources. Ce massacre qui, en réaction, a provoqué la lutte armée contre l’occupation portugaise, est commémoré chaque 3 août.

 

La Guinée, autour de Bissau, sa capitale, était alors une colonie portugaise. Les dockers du port de Pidjiguiti, à Bissau, manifestaient pour de meilleurs salaires. N’ayant pas obtenu gain de cause, ils ont entamé une grève dans l’après-midi du 3 août 1959. Le représentant de l’État portugais a fait aussitôt appel à la Police internationale et de défense de l'État, la sinistre PIDE au service de la dictature portugaise. Les policiers tirent sur les grévistes faisant une cinquantaine de morts et une centaine de blessés. La plupart était des marins, des débardeurs et des dockers, travaillaint pour Casa Gouveia, un monopole commercial intermédiaire du groupe CUF (Companhia União Fabril).

Un mouvement indépendantiste, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, mené par Amilcar Cabrar, manifestait depuis 1956 de manière non-violence pour l’indépendance. C’est le massacre de Pidjiguiti, suivi d’autres, qui a amené le PAICG à abandonner la résistance non violente pour une lutte armée. La guerre d’indépendance de la Guinée-Bissau a débuté en 1963, elle durera jusqu’en 1974 avec l’annonce de l’indépendance.

Après l'indépendance, la mémoire de Pindjiguiti sera mobilisée comme l'un des symboles et des fondements de l'État indépendant, inséparable du Parti, et, encore une fois, de l'exigence d'unité. L'indépendance est célébrée comme une restauration de la justice qui honore les martyrs du colonialisme, avec un accent énorme sur les victimes du massacre. C'est ainsi que le 3 août est déclaré fête nationale et que, entre 1975 et 1980, une série d'initiatives sont menées qui confortent la centralité de l'imagerie du massacre.

L’anniversaire du massacre du 3 août, la Journée des Martyrs de la colonisation (Dia dos mártires da colonização), est donc un jour férié national en Guinée-Bissau et une journée publique de commémoration qui se déroule avenida 3 de Agosto, la grande avenue de la capitale. Près des quais, un grand poing noir a été érigé, il est connu sous le nom de “Main de Timba “ et sert de monument commémoratif.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

En 1979, le monument aux martyrs de Pindjiguiti a été inauguré à l'emplacement approximatif des événements.

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2011, Norvège, 22 juillet, massacre, Extrême droite, terrorisme Bruno Teissier 2011, Norvège, 22 juillet, massacre, Extrême droite, terrorisme Bruno Teissier

22 juillet : il y a 12 ans, le massacre d'Utøya endeuillait la Norvège

Jour de recueillement en Norvège pour commémorer les terribles attentats d'un extrémiste de droite en 2011, principalement dans l'île d'Utøya, contre la jeunesse de gauche : 77 morts. Douze ans plus tard, celle-ci est au pouvoir en Norvège et le terroriste est toujours en prison.

 

Jour de recueillement en Norvège pour commémorer les terribles attentats commis par un extrémiste de droite en 2011, d’abord à Oslo puis dans l'île d'Utøya contre la jeunesse de gauche. Avec 77 morts, la petite Norvège fut bien plus terriblement touchée que les États-Unis, le 11 septembre 2001. Un carnage de masse, des victimes incarnant le multiculturalisme, un "manifeste" diffusé au moment du massacre et censé le justifier avec une idéologie qui a inspiré l’auteur de la tuerie de Christchurch, le 16 mars 2019.

Cette tuerie a en effet engendré d’autres, pas seulement en Nouvelle Zélande : le 22 juillet 2016, cinq ans jour pour jour après Utøya, un jeune homme psychologiquement fragile, décrit comme obsédé par Breivik, avait abattu neuf personnes dans un centre commercial à Munich, avant de se suicider. On le savait déjà, le nazisme n’est pas mort avec Hitler.

En attaquant Utøya, comme il l’a écrit dans son manifeste, le terroriste voulait tuer le Parti social-démocrate. C’est, en effet, la jeunesse de ce parti qui se réunissait sur l’île norvégienne. Dix ans plus tard, en octobre 2021, cette formation remportait à nouveau les élections et formait le gouvernement norvégien, qui est dirigé depuis cette date par Jonas Gahr Store. Deux des jeunes ministres sont des survivants de l’attaque d’Utøya.

Le site du mémorial : 22. juli-senteret

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1948, Palestine, Israël, 9 avril, massacre Bruno Teissier 1948, Palestine, Israël, 9 avril, massacre Bruno Teissier

9 avril : il y a 75 ans, le massacre de Deir Yassin en Palestine

Alors qu'Israël poursuit imperturbablement sa colonisation, les Palestiniens commémorent le massacre de Deir Yassin, petit village palestinien dont la population a été tuée en 1948 par une milice d’extrême droite juive (l’Irgoun) dans le seul but de créer la terreur dans la population palestinienne et ainsi « libérer » le territoire du futur État israélien. Depuis la date du 9 avril est commémorée dans le monde arabe, elle symbolise le drame Palestinien.

 

Alors qu'Israël poursuit imperturbablement sa colonisation, que des ministres d’extrême droite du gouvernement Netanyahou annoncent l’annexion de la majorité  du territoire de la Cisjordanie, les Palestiniens commémorent le massacre de Deir Yassin, petit village palestinien dont la population a été tuée en 1948 par une milice d’extrême droite juive dans le seul but de créer la terreur dans la population palestinienne et ainsi « libérer » le territoire du futur État israélien. 

Le 9 avril 1948, alors que la Palestine était encore occupée par les Britanniques, une milice d’extrême droite juive (l’Irgoun) lançait une attaque contre un village arabe musulman qui jusque-là vivait en bons termes avec les localités environantes, y compris juives. Épaulée par la Haganah, l’armée de l’Agence juive, l’Irgoun finit par venir à bout de la résistance de ce village de quelques centaines d’habitants, ceux qui n’ont pas réussi à fuir sont exécutés, hommes, femmes, enfants, soit entre 120 et 254 victimes selon les sources. Rayer ce village de la carte s’intégrait dans le plan de « nettoyage ethnique » de la région. Aujourd’hui les traces de Deir Yassin ont complètement disparu, la localité se trouvait à 5 km de Jérusalem, sur la route de Tel Aviv. Mais, l’objectif était avant tout de semer la terreur parmi la population arabe. La nouvelle du massacre a créé un véritable choc psychologique, provoquant un mouvement de panique parmi les populations arabes, accélérant son exode. L’objectif des combattants sionistes était atteint, vider le territoire à conquérir. 

Depuis la date du 9 avril est commémorée dans le monde arabe, elle symbolise la Nakba. Le drame de Deir Yassin a été comparé à celui Oradour-sur-Glane par nombre d’éditorialistes de la presse arabe. Qui s’en souci aujourd’hui ? Il n’y a plus guère de place dans les médias pour se souvenir de la question palestinienne, hélas, complètement passée de mode. 75 ans après la création d’Israël, la question est pourtant plus épineuse que jamais.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 avril 2023

 
Timbres émis en 1965 par la poste du Pakistan.

Timbres émis en 1965 par la poste irakienne.

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1968, Vietnam, États-Unis, massacre Bruno Teissier 1968, Vietnam, États-Unis, massacre Bruno Teissier

16 mars : mémoire d'un Oradour-sur-Glane au Vietnam

Le 16 mars 1968, 120 GI de la brigade d’infanterie légère anéantissent le village de My Lai, un remake américain d'Oradour-sur-Glane. Ce massacre est une page particulièrement sombre de la guerre du Vietnam et de l’Histoire des États-Unis.

 

Le 16 mars 1968, 120 GI de la brigade d’infanterie légère anéantissent le village de My Lai, un remake américain d'Oradour-sur-Glane.

La tuerie le 16 mars 1968 dans le hameau sud-vietnamien de My Lai a suscité une réprobation internationale. Le massacre, qui ne devait être connu que plus tard en novembre 1969, a commencé lorsque les hommes de la compagnie Charlie commandés par le lieutenant Calley ont ouvert le feu sur des civils au cours d'une mission dans le village de My Lai et les villages voisins. Les victimes étaient essentiellement des vieillards, des femmes et des enfants. Le lieutenant Calley dira qu'il avait reçu l'ordre de nettoyer le village, censé être un repère de la guérilla communiste Vietcong mais en réalité rempli de femmes, enfants et personnes âgées désarmées. Le bilan exact du massacre est toujours controversé mais les estimations américaines font état de 347 à 504 personnes tuées. Le lieutenant Calley, seul Américain à avoir été jugé coupable de ce massacre, a été condamné à la perpétuité par une cour martiale mais a été libéré au bout de trois ans, en 1974, sur intervention du président américain Richard Nixon.

S’il a marqué l’opinion mondiale, le massacre de Mỹ Lai (Thảm sát Mỹ Lai) est loin d’être le seul. Dans la même région, pendant sept mois de l’année 1967, les troupes américaines ont commis de nombreuses atrocités.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Mémorial de Sơn Mỹ dédié au massacre de Mỹ Lai

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10 mars : il y a 64 ans les Tibétains se soulevaient contre l'occupation chinoise

La diaspora tibétai­ne commémore le soulève­ment de 1959 au Tibet contre l’invasion chinoise. Sur place, tout est verrouillé, la présence policière et militaire renforcée et le Tibet est fermé aux étrangers. À l’époque, le Tibet n’avait pas bénéficié d’une mobilisation internationale contre l’agression chinoise, comme c’est le cas aujourd’hui en faveur de l’Ukraine.

 

Voilà une cause bien éclipsée aujourd’hui par la crise ukrainienne, mais la diaspora tibétai­ne n’oublie pas ce rendez-vous annuel. Chaque année, le 10 mars, elle commémore le soulève­ment de 1959 au Tibet contre l’invasion chinoise.

Le 10 mars 1959, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sont descendus dans les rues de Lhassa pour réclamer l’indépendance du Tibet. Ce mouvement de protestation, porté par une population déjà exaspérée, fut réprimé dans un bain de sang (plus de 80 000 morts). Pékin considérait le Tibet comme appartenant à la zone d’influence chinoise, il n’était pas question d’imaginer son émancipation. Ce raisonnement est aujourd’hui celui de Moscou à l’égard de l’Ukraine.

Aujourd’hui, la commémoration se déroule à l’extérieur du pays, notamment en Inde, où une partie des Tibétains sont réfugiés. Notamment dans la ville himalayenne de Dharamsala, dans le nord de l'Inde où est réfugié le Dalai Lama. Au Tibet, tout est verrouillé, la présence policière et militaire renforcée et le pays est fermé aux étrangers pour quelques jours. Ceux-ci, d’ailleurs, ont été rares en Chine ces derniers temps, en raison de l’épidémie de covid.

Suite aux manifestations de 2008 au Tibet, lourdement réprimées par l’État chinois (plus de 200 morts, 5 000 prisonniers, condamnations à de lourdes peines de prison et des exécutions), la situation au Tibet ne cesse d’empirer : on déplore plus de 2000 prisonniers politiques tibétains, des morts sous la torture, des disparitions forcées, des violences des forces de polices contre des rassemblements pacifiques entraînant des morts. Depuis 2009 au Tibet, quelque 150 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre cette répression. La plupart sont morts. Pékin alourdit son emprise sur la région, depuis 2019, il prélève de manière systématique l’ADN des 3,5 millions de Tibétains comme il l’a fait pour les 23 millions de Ouïghours. On ignore l’objectif précis de ce programme. En revanche, l’envoi de centaines de milliers d'enfants tibétains, âgés de 4 à 18 ans, dans des internats coloniaux chinois au Tibet, loin de leurs familles, est beaucoup plus clair : il vise à éradiquer la culture tibétaine. 

La Chine suit la crise ukrainienne avec intérêt, elle s’est abstenue à l’ONU de condamner l’agression russe. Elle le sait, un parallèle pourrait être fait avec l’invasion du Tibet en 1959. Elle est également dans le viseur de la communauté internationale pour sa politique d’élimination du peuple ouïghour et ses visées sur Taïwan.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

à lire : Himalaya à cœur ouvert, dans lequel, l’auteur Alain Laville, parle de la souffrance du peuple tibétain à travers une série de témoignages recueillis au Tibet.

 
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1947, Taïwan, 28 février, massacre Bruno Teissier 1947, Taïwan, 28 février, massacre Bruno Teissier

28 février : le massacre du « 228 » à Taïwan, symbole des années de dictature

Depuis vingt ans, le 28 février est un jour férié à Taïwan (le 2-28) qui commémore un massacre qui remonte à 1947 et fait resurgir toute la mémoire des quatre décennies de dictature du KMT qui ont suivi.

 

Depuis vingt ans, le 28 février, Peace Memorial Day (和平纪念日) est un jour férié à Taïwan qui commémore un massacre qui remonte à 1947. Ce jour-là, une altercation entre un membre du Kuomintang (KMT) et une vieille femme vendant des cigarettes de contrebande avait dégénéré en émeute populaire et en tuerie. Le nombre des victimes se comptait en dizaines de milliers.

Le KMT était le parti de Tchang Kaï-chek, l’adversaire nationaliste de Mao. Vaincu par les communistes, le parti, puissamment armé, s’était replié sur l’île de Taïwan où il avait pris le pouvoir. La population était exaspérée par cette occupation « continentale » et multipliait les manifestations. Le 28 février, l’ordre a été donné de tirer sur la foule des manifestants en colère. La répression dans les milieux d’opposition durera jusqu’en mai 1947 et fera quelque 20 000 victimes.

Ce massacre du « 228 » (二二八事件) a été le prélude à près de quatre décennies d’une dictature du KMT. La loi martiale n’a été levée qu’en 1987 et il a fallu attendre 1995 pour que le tabou soit levé, que des excuses officielles soit prononcées et que l’on envisage de dédommager les familles des victimes. Depuis 2003, l’événement fait l’objet de commémoration officielle. En 2011, un Musée du 228 a été inauguré (le site du Mémorial dédié à l’événement).

Quant au KMT, c’est aujourd’hui un parti conservateur qui a tourné la page de la dictature. Il est revenu au pouvoir en 2008, par les urnes, et il est resté la première force politique taïwanaise jusqu'en 2016. Le KMT est maintenant dans l’opposition, mais dirige la plupart des villes du pays. En 2018, a été mise en place la Commission indépendante de justice transitionnelle, par l'administration du président Tsai Ing-wen (蔡英文) dont la tâche est de reconstituer les actions du régime KMT entre le 15 août 1945 et le 6 novembre 1992, afin de dresser un tableau aussi complet que possible des crimes commis par l'État. Comme en Espagne, le souvenir de la dictature est un passé qui ne passe pas et resurgit sans cesse tant que tout n’a pas été exposé, raconté, dévoilé. En 2019, un homme s’en était pris à la statue de Chiang Kai-shek au Memorial Hall (中正 紀念堂) la veille du 28 février, pour protester contre la lenteur de la justice transitionnelle. Depuis, cette statue est protégée par la police chaque 28 février car beaucoup demandent qu’elle soit retirée de l’espace public.

À Taipei, les militants marchent depuis Nanjing West Road dans le district de Datong à partir de 09h00 , ce 28 février 2023. Le programme des manifestants est de passer devant plusieurs points de repère de la ville, notamment la maison de thé Tianma, l'ancienne succursale du Monopoly Bureau Taipei, le mémorial Taipei 228, l’ancienne station de radiodiffusion de Taipei (qui est aujourd'hui le musée commémoratif de Taipei 228) et l'Executive Yuan. Chaque année, des centaines de personnes pourraient participent pacifiquement aux manifestations. Pour ce 228 Memorial Day, les autorités ont fermé des routes le long du parcours de la marche de protestation à partir de 15h00 le 27 février.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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The Horrifying Inspection (恐怖的 檢查), gravure de Huang Rong-can

The Horrifying Inspection (恐怖的 檢查), gravure de Huang Rong-can

Le gouvernement de Taïwan organise une cérémonie commémorative au Mémorial de l'incident du 228

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1947, Italie, 10 février, massacre Bruno Teissier 1947, Italie, 10 février, massacre Bruno Teissier

10 février : la Journée du souvenir du massacre des italiens d’Istrie

La Giornata del ricordo, instaurée en 2004, invite à se souvenir des victimes italiennes des massacres opérés par les forces yougoslaves entre septembre 1943 et mai 1945. La plupart ont été jetées dans les foibe, ces cavités naturelles du littoral adriatique, parfois encore vivantes…

 

La Giornata del ricordo (le Jour du souvenir) instaurée en 2004, invite à se souvenir des victimes italiennes des massacres opérés en Istrie et alentours par les forces yougoslaves entre septembre 1943 et mai 1945. La plupart ont été jetés dans les foibe, ces cavités naturelles du littoral adriatique, parfois encore vivantes. Ainsi ont péri quelque 1500 à 2000 personnes, selon les historiens ; 10 000, selon les organisations de rapatriés italiens. Ces opérations de nettoyage ethnique n’ont vraiment cessé qu’au début de 1947. La date du 10 février est celle du traité de paix signé à Paris entre la Yougoslavie et l’Italie, en 1947. Le souvenir est très vif en Italie, où de nombreuses associations cultivent cette mémoire. On oublie souvent que des atrocités ont été commises par les deux camps, notamment par les troupes italiennes qui pratiquèrent parfois une stratégie de la «terre brûlée» inspirée des méthodes allemandes. 

Les territoires concernés : l’arrière-pays de Trieste, l’Istrie, Rijeka (Fiume), Zadar (Zara)… ont été acquis par le royaume d’Italie en 1918. 42% des habitants (celle des villes principalement) étaient italiens, 58% étaient slaves (Slovènes et Croates). La région a subi pendant deux décennies une politique d’italianisation à outrance et de racisme à l’égard des Slaves ce qui explique la violence des réactions dans les années qui ont suivi la chute du régime fasciste. Avec l’arrivée au pouvoir des communistes yougoslaves, le processus s’est inversé, les villes ont été slavisées et la population italienne, très pro-fascistes dans les années 1930 et 1940, a été massivement chassée vers la péninsule italienne.

Aujourd’hui, ces régions sont situées en Slovénie et en Croatie, les Italiens n’y représentent plus qu’une petite minorité. Les Italiens réclament des indemnités, Slovènes et Croates leur répondent en chiffrant les victimes yougoslaves du fascisme italien à plusieurs dizaines de milliers. Cette guerre des mémoires profite aux extrêmes droites des différents pays, lesquelles sont très influentes dans les deux pays. Les partis de gauche s’étaient exprimés contre l’instauration d’une telle commémoration en raison de son caractère revanchiste et profasciste.

Peu de temps après l'instauration du Jour du Souvenir en Italie, la Slovénie a décidé de créer un Jour du retour du Littoral à la patrie (Dan vrnitve Primorske k matični domovini), marqué chaque année, le 15 septembre, date d'entrée en vigueur du traité de paix avec l'Italie.

Depuis 2014, on organise, le dimanche plus proche du 10 février, une course à pied de 10 km à Rome dans le quartier de Giuliano Dalmata, appelée la Corsa del Remembrance. En Trieste, la même course est organisée depuis 2017.

La  Foiba di Basovizza à Trieste est le lieu de mémoire le plus important d'Italie concernant cette commémoration. Chaque année, une cérémonie participative et solennelle s’y déroule à partir de 10h30.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1953, Sao-Tomé et Principe, massacre, martyrs, 3 février Bruno Teissier 1953, Sao-Tomé et Principe, massacre, martyrs, 3 février Bruno Teissier

3 février : les 70 ans du terrible massacre de Batepá à São-Tomé-et-Principe

L’archipel de São-Tomé-et-Principe commémore un terrible massacre opéré par les colonisateurs portugais qui fit des centaines de morts, le 3 février 1953 autour du village de Batepá.

 

Ce matin, une grande marche pour la liberté relie la capitale São Tomé à la zone de Fernão Dias, district de Lobata, au mémorial du Massacre-53 (ou massacre de  Batepá), lieu de la principale cérémonie sur la plage de Fernão Dias. Chaque année, le 3 février, la république São-Tomé-et-Principe commémore un terrible massacre opéré par les colonisateurs portugais qui fit des centaines de morts, le 3 février 1953 autour de Batepá, un village situé près de Trindade, à une dizaine de kilomètres de Sao Tomé, la capitale du pays. Cette année, c’est le Premier ministre, Patrice Trovoada, qui conduit la marche.

En ce jour de 1953, des colons portugais du gouvernement ont assassiné des centaines de créoles - indigènes de São Tomé - sous prétexte d'un complot communiste. Ce massacre est une réponse aux manifestations des créoles (ou filhos da terra) qui refusaient de travailler dans les conditions difficiles de la récolte du café, qu’ils percevaient comme une forme d’esclavage. Avec l'abolition de l'esclavage en 1875, l'archipel s’est en effet retrouvé confronté à une pénurie de main-d’œuvre en raison du boom du cours du cacao. Les autorités coloniales ont dû faire venir des contractuels (serviçais) d'Angola, du Cap-Vert et du Mozambique. Ces derniers, manipulés par les autorités coloniales, ont aussi participé aux massacres dirigés par Carlos Gorgulho, le gouverneur, représentant du gouvernement portugais. Ces massacres de Batepá se soldèrent par des centaines de morts, voire un millier, à cause de la violence armée, de l'étouffement dans les cellules des prisons, de la torture et même des incendies volontaires.

La terrible répression menée par les autorités coloniales portugaises a fortement contribué à l'émergence d'un sentiment nationaliste santoméen qui aboutira à l'indépendance en 1975.

La république de Sao Tomé-et-Principe commémore chaque année les événements tragiques du 3 février 1953, sous le nom de Martires da Liberdade (Fête des martyrs de la Libération). La première commémoration date du 3 février 1975, avant même l'indépendance, proclamée le 12 juillet 1975. La principale cérémonie se déroule au mémorial de Fernão Dias, dépôt de gerbe et ravivage de la flamme, suivit d’une messe en plein air. La journée est fériée et chômée.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La marche pour la liberté du 3 février (la tradicional marcha da liberdade em honra aos heróis de 53)

Le monument à la mémoire des martyrs du 3 février 1953, œuvre de l’architecte Alexandre d'Alva, érigé en 2015 sur la plage de Fernão Dias, au nord de l'île de São Tomé.

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1937, URSS, Ukraine, Russie, massacre, 15 décembre, Grèce, déportations Bruno Teissier 1937, URSS, Ukraine, Russie, massacre, 15 décembre, Grèce, déportations Bruno Teissier

15 décembre : la diaspora grecque commémore la purge dont elle a été victime en URSS

Le 11 décembre 1937, le gouvernement soviétique ordonnait une vaste purge parmi la communauté grecque. Ce fut l’une des plus sanglante de l’époque de la Grande Terreur en URSS : plus de 90% des personnes arrêtées ont été exécutées. D’autres ensuite ont été déportés en masse.

 

Le 15 décembre 1937, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures de l’URSS, Nikolai Yezhov a signé le décret n ° 50215 déclenchant une vague d’arrestation visant la communauté grecque. À l’époque plus de 300 000 Grecs vivaient en URSS. C’est la mémoire de cette purge sanglante qui est commémorée dans la diaspora grecque plus qu’en Grèce elle-même : Ελληνική Επιχείρηση του NKVD 15 Δεκεμβρίου.

Le 20 juillet 1937, une première purge opérée par le NKVD avait visé les Allemands vivant en URSS, puis ce fut les Polonais, le 9 août, puis les Japonais, les Coréens, les Estoniens et Finlandais, les Iraniens et bien d’autres… Mais la plus sanglante de toutes fut sans doute l’ « Opération hellénique », selon le jargon stalinien de la période de la Grande Terreur : plus de 90% des quelque 22 000 Grecs emprisonnés du 15 décembre 1937 à mars 1938 ont été exécutés. Les élites ont été particulièrement visées, on a décapité les théâtres, les écoles de langues grecques… même des communistes grecs réfugiés en URSS pour fuir la dictature de Metaxas. Parmi les victimes de cette première série d’exécutions, figure Konstantin Chelpan, l’ingénieur qui a conçu le moteur du char soviétique T-34 et qui a reçu pour cela le prix Lénine. Ce char d’assaut a été un élément décisif de la victoire soviétique sur les Allemands lors de l’opération Barbarossa. Mais Chelpan n’a pas vécu cette victoire de l’URSS puisqu’il a été exécuté le 4 février 1938, après avoir dû avouer sous la torture qu’il dirigeait une organisation contre-révolutionnaire nationaliste grecque, complotant pour saboter une usine de Karkhiv.

Les persécutions de la communauté grecques ont particulièrement touché Azov, Odessa, la Crimée, Kharkiv, Kyiv, Donetsk et Krasnodar où vivait une grande partie de la communauté grecque soviétique, mais aussi Donetsk et Marioupol, des villes en grande partie grecques. Les campagnes ont été également très touchées par la “dékoulatisation” visant les Grecs, dans le village ukrainien de Stila, par exemple, au printemps 1938, pas un seul homme âgé de 18 à 60 ans n'avait été laissé en vie. Les purges ont duré 13 ans et contrairement à ce qu’ont vécu d’autres peuples comme les Tatars de Crimée, il n’y a eu aucune réhabilitation ultérieure prononcée par les autorités soviétiques. Les vagues d’arrestations suivantes ont surtout conduit à des déportations massives au goulag, principalement dans la Kolyma, dans l’extrême orient sibérien ou dans les steppes du Kazakhstan. Un grand nombre de ces détenus sont morts de maladie, d’autres se sont suicidés. Les morts massives ont commencé à l’automne 1938 avec les grands froids. Une libération à grande échelle eut lieu pendant l’hiver 1947-1948, mais, seule une petite moitié des prisonniers sont rentrés des camps. De 1937 à 1949, Staline a exterminé 38 000 Grecs.

Récemment, en Ukraine on a construit des monuments à leur mémoire et on discutait de faire du 15 décembre un jour de mémoire. Ce jour-là, des Grecs du monde entier ont une pensée pour les victimes, bien oubliée, de l'opération grecque du NKVD. La date est importante pour de nombreux Grecs, en particulier ceux dont les proches ont été tués pendant la purge. Ce n’est pas un jour commémoratif officiel en Grèce où cet épisode de l’histoire a été longtemps occulté. La Grèce aurait pu sauver beaucoup d’entre eux. Une fois passée la purge sanglante du 15 décembre, Staline proposait de laisser partir la communauté grecque d’URSS, mais Metaxas, le dictateur grec d’extrême droite, ne souhaitait pas le rapatriement de communistes grecs. Après des négociations acharnées, 10 000 visas furent tout de même délivrés par Athènes sur 40 000 demandes déposées, principalement accordés à des femmes et à des enfants de Grecs arrêtés. Une partie des malchanceux sont morts en Sibérie.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 décembre 2022

 

Des familles réunies pour inaugurer un premier mémorial en Sibérie peu après la chute de l’URSS

Un mémorial à Krasnodar avec la liste des victimes

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1932, Suisse, massacre, manifestation politique, 9 novembre Bruno Teissier 1932, Suisse, massacre, manifestation politique, 9 novembre Bruno Teissier

9 novembre : il y a 90 ans, l'armée suisse tirait sur la foule des manifestants

Le 9 novembre 1932, à Genève, l’armée tirait sur une foule tentant d’empêcher un meeting d’une organisation fasciste. Les 13 morts de cette fusillade sont commémorés chaque année par la gauche genevoise.

 

Le 9 novembre 1932, l’extrême droite fasciste genevoise organisait un meeting à la salle communale de Plainpalais pour une mise en accusation publique de deux leaders de la gauche genevoise : Léon Nicole et Jacques Dicker. Pour empêcher ce meeting, une manifestation ouvrière réunit plusieurs milliers de personnes. Craignant des troubles, le Conseil d’État fait appel à l’armée qui envoie de jeunes recrues inexpérimentées encadrées par des officiers qui leur font croire qu’une révolution de type bolchevique a éclaté à Genève. Pressée par les manifestants devant l’ancien Palais des expositions (actuellement Uni-mail), l’armée tire dans la foule à 21 h 34 sans sommation, assassinant en quelques secondes 13 personnes et en blessant des dizaines d’autres… Les victimes sont surtout des passants et des curieux plus que des militants socialistes.

Aucun soldat ne sera poursuivi, en revanche, le lendemain, Nicole et six autres socialistes sont arrêtés, rendus responsables de ces événements puis écroués à Saint-Antoine. En mai 1933, à l'indignation générale de l'opinion publique, Léon Nicole sera condamné par une cour d'assises fédérale à 6 mois de prison. Une fois relâché, Léon Nicole a repris la direction du parti socialiste genevois et est devenu président du Conseil d'Etat le 1er décembre 1933. Genève a connu le premier gouvernement à majorité de gauche en Suisse. Celui durera jusqu’en 1936.

En 2016, le gouvernement genevois demande la réhabilitation nationale des sept condamnés : Léon Nicole, Auguste Millasson, Francis-Auguste Lebet, Jules Daviet, Albert Wütrich, Francis Baeriswyl et Edmond Isaak par une cour d'assises fédérale le 3 juin 1933 à 6 mois de prison. Ces personnes avaient été défendues par Jacques Dicker, l'arrière grand-père de l'écrivain Joël Dicker. Cette réhabilitation sera refusée par Berne en 2019. Un refus qui n'empêche pas une partie des Genevois de perpétuer leur devoir de mémoire, à chaque date anniversaire.

Cette année, pour les 90 ans du drame, e comité intersyndical et des organisations politiques organisent une cérémonie en leur hommage en réitérant le mot d’ordre « Plus jamais ça ! » La cérémonie commence à 18h devant la Pierre du 9 novembre, en face d’Uni-Mail. Une exposition et une conférence marquent aussi l’événement.

La pierre commémorative a été installée en 1982, pour le cinquantenaire de l’évènement. Elle est régulièrement vandalisée, preuve que les tensions qui ont divisé Genève dans les années 1930, en très le Parti socialiste et l’Union nationale de Georges Oltramare, ne sont pas totalement éteintes.

Aux lendemains de la fusillade du 9 novembre, craignant une remise en cause de l’ordre établi, les autorités procèderont en Suisse à plus de 200 arrestations dans les milieux ouvriers. Des troupes seront mobilisées dans les cantons de Genève, Vaud, Berne et Zürich. Les distributions de tracts et manifestations seront interdites dans la plupart des villes du pays. Les journaux ouvriers seront empêchés de publication, d’autres soumis à relecture. Le drame reste une date charnière de le l’histoire politique de la Suisse.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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