L’Almanach international

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19 mars, Libye, 2011 Bruno Teissier 19 mars, Libye, 2011 Bruno Teissier

19 mars : la commémoration de la victoire sur Kadhafi

Le 19 mars, en principe, est férié en Libye pour commémorer la victoire sur Kadhafi. Un événement qui semble appartenir à un passé lointain.

 

Le 19 mars, en principe, est férié en Libye pour commémorer la victoire sur Kadhafi (إحياء ذكرى الانتصار على القذافي).

Il y a 13 ans, le 19 mars 2011, une coalition emmenée par Paris, Londres et Washington lançait une intervention militaire contre le régime du colonel Kadhafi… Le dictateur est tombé, les forces de l’OTAN ont quitté le pays, laissant la place à une guerre civile qui a fracturé le pays et engendré un chaos dont les répercussions ont largement dépassé les frontières du pays. Aujourd’hui, les combats ont cessé mais la Libye en tant qu’État n’existe plus. Le pays est écartelé entre plusieurs pouvoirs où règne corruption et kleptocratie. La situation paraît très instable mais tout concourt à un maintien durable du statu quo. Treize ans après la chute de la dictature, les fractures sont multiples et ne sont toujours pas surmontées. Aux divergences tribales, s’ajoutent celles des milices, pour la plupart, parrainées par des États étrangers…

La « Géopolitique de la Libye » de Kader A. Abderrahim dresse un bilan de ses années et fait un portrait du pays tel qu’il est aujourd’hui.

La Libye est analysée et disséquée dans ses différentes composantes afin de permettre au lecteur d’appréhender les dynamiques à l’œuvre qui obèrent un retour à la stabilité. La diversité des différents protagonistes permet d’analyser le jeu et les stratégies des voisins de la Libye, comme l’Algérie et d’acteurs plus lointains : la Turquie, le Qatar, les ÉAU, les États-Unis, la Russie… Les enjeux du pétrole, les intérêts géopolitiques du Maghreb aux confins du Sahara et de l’Afrique sont décortiqués afin de restituer les réalités de ce pays fort peu connu.

 
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1911, Libye, massacre, 26 octobre Bruno Teissier 1911, Libye, massacre, 26 octobre Bruno Teissier

26 octobre : en Libye, mémoire des victimes de l’occupation italienne

Chaque 26 octobre, les drapeaux sont mis en berne en mémoire des victimes de trois décennies de colonisation italienne en Cyrénaïque et en Tripolitaine. La date fait référence au massacre de quelque 4000 civils, le 26 octobre 1911, lors de la conquête du pays dont les villes côtières ont été bombardées depuis de navires de guerre.

 

Chaque 26 octobre, les drapeaux sont mis en berne. Traditionnellement, les fonctionnaires portent un brassard noir en mémoire des victimes de trois décennies de colonisation italienne en Cyrénaïque et en Tripolitaine qui a débuté le 3 octobre 1911 et a duré jusqu’en 1943.

La date du 26 octobre fait référence au massacre, en 1911, de quelque 4000 civils lors de la conquête du pays dont les villes côtières ont été bombardées depuis de navires de guerre. Le même jour plusieurs centaines de civils, hommes, femmes, enfants, ont été transférés vers des îles italiennes désertes ou peu peuplées comme Tremiti, Ponza, Qavignana, Feninuntepe ou Ustica. D’autres ont été parqués dans des camps dans le désert. Les déportations se sont succédées jusqu’en 1943, elles ont concerné plus de 5000 personnes. L’armée italienne a été impitoyable envers ceux qui s’opposaient à la conquête du territoire libyen. Elle a été la première, en novembre 1911, à lâcher des bombes sur des populations civiles depuis des avions. Aïn Zara, une oasis au sud-est de Tripoli  est devenu le premier endroit sur Terre à être bombardé depuis les airs. Cette méthode de guerre fera, hélas, école jusqu’à nos jours.

Cette Journée de deuil (يوم الحداد الليبي ) qui est un jour férié, cultive la mémoire des morts à l’époque coloniale. En 1998, le gouvernement italien a exprimé ses regrets et ses excuses pour ce qui est arrivé au peuple libyen en raison du colonialisme italien. Kadhafi avait réclamé des compensations, mais Rome avait toutefois considéré que la question était réglée par un accord conclu en 1956 avec le roi Idriss.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Sur un billet de banque, le portrait d’Omar al-Mokhtar, un des chefs de la résistance à la colonisation italienne, capturé en 1931 et exécuté par pendaison, le 16 septembre.

Une page du Libyan stand, du 24 octobre 2022, évoquant la journée de deuil et ce à quoi elle fait référence.

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1951, Libye, 24 décembre, indépendance Bruno Teissier 1951, Libye, 24 décembre, indépendance Bruno Teissier

24 décembre : les Libyens célèbrent une indépendance très virtuelle

C’est un pays complètement éclaté et occupé par plusieurs forces étrangères qui célèbre aujourd’hui le 71e anniversaire de son indépendance. Des festivités sont prévues, organisées chacune de leur côté par les deux gouvernements rivaux, sous l’œil des puissances occupantes qui n’ont aucun intérêt à ce que la Libye recouvre un jour son indépendance.

 

Officiellement, en Libye, c’est le Jour de l’indépendance (عيد الاستقلال) et la fête nationale. Mais ce 24 décembre marque également le premier anniversaire du report des élections générales qui devaient se tenir le 24 décembre 2021, pour le 70e anniversaire de l’indépendance. Elles n’ont pas eu lieu et il y a bien peu de chance qu’elles soient organisées prochainement. Le pays aujourd’hui est complètement éclaté et occupé par plusieurs forces étrangères.

Le 24 décembre 1951, le roi Idriss Ier proclamait l’indépendance du pays, jusque-là occupé par les Anglais et les Français qui avaient chassé les Italiens. La Libye devenait le premier État indépendant du Maghreb. En 1949, l’ONU s’était prononcé en faveur de son indépendance, l’année suivante, une assemblée avait été élue. Celle-ci avait désigné Idriss al-Senoussi, chef de la puissante dynastie des Senoussi, souverain de la nation sous le nom d’Idris 1er. Le pays retrouvait sa liberté formelle après exactement quatre siècles de tutelle étrangère, turque (à partir de 1551) puis italienne (à partir de 1911). La pleine indépendance économique n’est toutefois venue qu’avec la découverte du pétrole, à partir de 1959, et sa totale indépendance politique, après le coup d’État du colonel Kadhafi, en 1969. C’est lui qui a été renversé en 2011 par une révolte populaire, lourdement appuyée par une intervention étrangère (française, anglaise, américaine…). Entre ces deux dates le pays, devenu très riche, a joui de quatre décennies d’une réelle indépendance, sans doute les seules de toute son histoire mais pendant ces années florissantes, la Libye n’a eu qu’un rôle le plus souvent perturbateur, voire terroriste, sur la scène régionale. Au dictateur fantasque et dangereux a succédé un chaos non moins préoccupant.

Aujourd’hui, après des années de guerre civile, la Libye demeure éclatée entre l’est, l’ouest et le sud rebelle.  À L’ouest, en Tripolitaine, siège un gouvernement reconnu par l’ONU qui ne survit que grâce à l’aide militaire massive de la Turquie, laquelle a repris pied en Libye après un siècle d’absence et fait de ce pays un pion de sa stratégie méditerranéenne. À l’Est, en Cyrénaïque, siège le Parlement ainsi qu’un contre gouvernement dirigé par Abdul Hamid Dheibah, soutenu l’Égypte, armée par les Saoudiens et les Émiraties et épaulé par des mercenaires russes installés par Moscou (les sinistres milices Wagner). Au Sud, au Fezzan, le monde tribal a repris le dessus et les minorités non arabes ont reconquis leur liberté d’action, appuyées, les unes par le Soudan, les autres par le Tchad ou l’Algérie… 

La signature d'un cessez-le-feu négocié par l'ONU en octobre 2020 avait ouvert la voie à des élections prévue le 24 décembre 2021. Elles ont été reportées en raison d'un désaccord sur la base juridique du vote. En août 2021, le parlement de l'Est a choisi un nouveau gouvernement dirigé par Dheibah, mais le Premier ministre qui siège a Tripoli, Mohammed Menfi, soutenu par la communauté internationale et l’ONU, a refusé de se retirer. C’est un pays éclaté et dépendant de forces étrangères, qui célèbrent aujourd’hui sa fête nationale. Cette date du 24 décembre avait été effacée du calendrier officiel de 1969 à 2011, sous le règne de Kadhafi. L’ancien dictateur ne fêtait que l'anniversaire du coup d’État qui l’avait porté au pouvoir, le 1er septembre 1969.

Ce 24 décembre, des célébrations sont néanmoins organisées à Tripoli, notamment cette année, au planétarium, à destination des enfants, sous le titre « Notre indépendance à travers les yeux de nos enfants ». Du côté du gouvernement de l’est libyen, on a décrété deux jours de festivités. Exceptionnellement, ce dimanche 25 décembre sera un jour férié. En Libye de puis Kadhafi, c’est le vendredi, le jour de repos hebdomadaire et Noël n’est pas fêté.

Beaucoup de Libyens n’ont qu’un rêve aujourd’hui, c’est le retour de la paix, de la prospérité – ce pays peu peuplé est très riche –, et peut-être aussi celui d’une indépendance véritable. Leur crainte est que les présences étrangères ne s’éternisent et que le pays demeure divisé et occupé ad vitam aeternam, comme l’est l’île de Chypre dont l’exemple est très peu rassurant pour l’avenir du pays. Ankara a décidé de prolonger sa présence militaire en Libye. Au nord de Chypre, l’armée turque va bientôt fêter son demi-siècle d’occupation. Au Sud de l’île, les Anglais sont présents depuis beaucoup plus longtemps encore. En Libye, depuis que la conquête de Tripoli par Haftar a été finalement sabotée par les Russes de peur que les Américains ne s’en mêlent, un équilibre des forces s’est établi entre Ankara et Moscou. Qui a intérêt à la réunification du pays et à rendre à la Libye son indépendance ?

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Timbre émis à l’occasion du 10e anniversaire de l’indépendance

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2011, Libye, libération, 23 octobre Bruno Teissier 2011, Libye, libération, 23 octobre Bruno Teissier

23 octobre :  les Libyens célèbrent la libération du pays

Ce “jour de la libération" a marqué la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi, le 23 octobre 2011.

 

Depuis 2012, les Libyens, tout au moins ceux qui vivent à l’Ouest du pays, célèbrent chaque année l'anniversaire du "jour de la libération" qui a marqué la chute du régime du colonel Mouammar Kadhafi, suite à un soulèvement populaire qui a duré de plus de huit mois, épaulé par une intervention militaire étrangère. Connue sous le nom de "révolution libyenne", cette rébellion a abouti à la création du Conseil national de transition (CNT), premier gouvernement libyen post-Kadhafi. 

Le régime de Kadhafi a été renversé pendant la guerre civile libyenne qui avait commencé le 17 février 2011 dans la ville de Benghazi. Le 20 octobre, Mouammar Kadhafi a été capturé et tué dans la ville de Syrte, et les combats ont pris fin. Le 23 octobre 2011, l'ancien chef du Conseil de transition, Mustafa Abdel-Jalil, a annoncé la défaite des forces loyalistes, la chute du régime et la libération de tout le sol libyen. C’est cet anniversaire qui est célébré comme le Jour de la libération (يوم التحرير), un jour férié officiel.

La Libye n’a toutefois pas retrouvé son unité, le Conseil national de transition n’a véritablement autorité de que dans la région de Tripoli, l’instabilité demeure et la démocratie n’est pas au rendez-vous.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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2011, Libye, révolution, 17 février Bruno Teissier 2011, Libye, révolution, 17 février Bruno Teissier

17 février : toujours divisés, les Libyens célèbrent la chute de Kadhafi

Dans un climat hautement tendu, les Libyens célèbrent le 11e anniversaire de la révolution qui a provoqué la chute de Mouammar Kadhafi.

 

C’est dans un climat hautement tendu que les Libyens célèbrent le 11e anniversaire de la révolution (ذكرى الثورة) qui a provoqué la chute de Mouammar Kadhafi. En effet, la semaine dernière, le Parlement situé à Tobrouk, a nommé un nouveau premier ministre. Or, le gouvernement d'unité nationale, dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, qui siège à Tripoli refuse de céder la place à un gouvernement parallèle nouvellement nommé et dirigé par Fathi Bashaga. Les élections générales qui devaient avoir lieu le 24 décembre, ont été annulées, le Parlement n’a donc guère de légitimité pour prendre une telle initiative.

Chaque 17 février, dans la plupart des villes du pays, des milliers de personnes arborant les couleurs du drapeau national (rouge, vert et noir) se rassemblent sur les places publiques où les autorités organisent des concerts ou des feux d’artifice. À Tripoli, la capitale, c’est traditionnellement la place des Martyrs qui sert de lieu de commémoration. C’est d’ailleurs sur cette place que  se sont regroupés, ces derniers jours, les partisans du gouvernement Dbeibah. D’où un risque de forte tension cette année pour la commémoration du Jour de la Révolution (يوم الثورة).

Le 17 février 2011, à Benghazi, après deux jours de manifestations pour la libération de l’avocat et militant des droits de l’homme, Fathi Terbel, une foule de 600 personnes s’était massée devant le poste de police principal de la ville. En dépit de la répression, les manifestants ont été de plus en plus nombreux et la police a dû quitter la ville. Rapidement, la rébellion a gagné plusieurs villes de l’Est libyen. Des renforts envoyés de Tripoli ont été stoppés à Ras Lanouf, à quelque 600 kilomètres de Benghazi. À Misrata également, des combats opposaient les forces du régime et les révolutionnaires qui ont pris les armes. Un mois plus tard, une coalition sous mandat de l’ONU, dirigée par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, a lancé une campagne de frappes aérienne contre les positions du régime qui permit aux  multiples oppositions de remporter la partie, mais sans se préoccuper de la suite des événements. Le 20 août 2011, des révolutionnaires armées faisaient leur entrée à Tripoli. Mouammar Kadhafi se réfugit à Syrte où il sera liquidé quelques semaines plus tard. Un nouveau régime se mettra en place dans le chaos, le 23 février 2011.

La chute du dictateur, en place depuis 42 ans,  sans aucune politique d’accompagnement, provoquera une décennie de violence. Le pays est aujourd’hui fragmenté, en témoigne la dualité de gouvernement, occupé par des forces étrangères et totalement désorganisé. 

Les Libyens fêtent l’anniversaire de leur révolution, mais pour le moment, celle-ci n’a généré qu’une situation d’anarchie, de violence et de déclin économique. Le 17 février est un jour férié en Libye, mais la démocratie espérée n’est toujours pas au rendez-vous ce 17 février 2022.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde 16 février 2022

Mise à jour 2024 : le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, a organisé une fête grandiose à Tripoli, malgré une forte opposition de la population qui dénonce le gaspillage d'argent public dans un pays où règne une corruption effrénée. À l'est libyen, le gouvernement Oussama Hammad a, de son côté, annulé toutes les festivités en solidarité, a-t-il annoncé, avec la ville de Derna, victime d'intempéries qui ont causé la mort et la disparition de près de 15 000 personnes, en septembre 2023.

Lire : Géopolitique de la Libye, par Kader Abderrahim

 
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2020, Libye, Migrants, 9 février, naufrage Bruno Teissier 2020, Libye, Migrants, 9 février, naufrage Bruno Teissier

9 février : en mémoire de 91 migrants disparus en mer il y a un an

Le 9 février 2020, un bateau avec 91 personnes à bord a fait naufrage au large de la Libye.

 

Le 9 février 2020, un bateau avec 91 personnes à bord a fait naufrage au large de la Libye. Le bateau en détresse au large de la ville de Garabulli, en Libye, avait contacté Alarm phone (Plateforme non gouvernementale d'appel téléphonique de détresse en mer Méditerranée), l'ONG a immédiatement alerté les autorités italiennes, maltaises et libyennes, qui n'ont pas réagi. Aucun secours n’a été porté à cette embarcation en perdition dont les passagers et passagères ont disparu en mer sans laisser traces. Leur mort n’est pas un accident. Les autorités européennes et libyennes étaient bien informées de la détresse des 91 personnes et elles auraient dû intervenir. Ils étaient pour la plupart originaires du Nigeria et du Soudan, tentant de s’éloigner des côtes libyennes et de rejoindre l’Europe via la Méditerranée. 

Depuis quelques années, les entraves à l’action des ONG se multiplient, notamment de la part des autorités italiennes et maltaises. Parfois, ce sont des pêcheurs libyens qui les recueillent…

Plus de 20 000 personnes ont ainsi disparu au fond de la mer depuis 2014, beaucoup d'entre elles lors de "naufrages invisibles". Ces « bateaux fantômes », également appelés « épaves invisibles », sont généralement signalés par des ONG telles que « Alarm Phone » et « Caminando Fronteras ». Ces dernières reçoivent souvent des appels de migrants en détresse en mer et de membres de la famille à la recherche d’un être cher perdu.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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