L’Almanach international

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1974, Portugal, révolution, 25 avril Bruno Teissier 1974, Portugal, révolution, 25 avril Bruno Teissier

25 avril : les 50 ans de la Révolution des Œillets au Portugal

Il y a 50 ans , la Révolution des œillets au Portugal, mettait fin, sans effusion de sang, à l’une des dictatures les plus longues et les rétrogrades d’Europe. Un type de régime dont les extrêmes droites européennes, notamment en France, mais aussi au Portugal, se proposent de réinstaurer.

 

La Révolution des œillets (Revolução dos Cravos), au Portugal, avait mis fin, sans effusion de sang, à l’une des dictatures les plus longues et les rétrogrades d’Europe. Elle avait aussi permis l’indépendance des colonies portugaises d’Afrique. Chaque 25 avril, pour son anniversaire, un défilé se déroule le long de l'Avenida da Liberdade, la grande avenue de Lisbonne. La veille, dans beaucoup de villes, on a tiré un feu d'artifice au son de la chanson Grândola, Vila Morena.

Chaque année, on se remémore cet évènement. Aux premières heures du 25 avril 1974, à 0 h 25, Rádio Renascença, une radio catholique portugaise, avait diffusé la chanson Grândola, Vila Morena, du compositeur José Afonso. C’était le signal attendu par les jeunes soldats du Mouvement des forces armées (MFA) pour déclencher la révolution.

Orchestré par environ 200 capitaines et majors de l’armée portugaise, le soulèvement, qui fête ses 48 ans ce lundi, visait à rétablir la démocratie au Portugal, paralysé depuis 1933 par l'Estado Novo d'António de Oliveira Salazar, le dictateur qui a gouverné le pays jusqu'en 1968, année où il passa le pouvoir à son héritier politique, Marcello Caetano. 

Les partis et mouvements politiques étaient interdits et de nombreux dirigeants de l'opposition étaient emprisonnés ou en exil. De plus, l'image des forces de sécurité du pays était déjà assez érodée par la durée et la dureté du régime de Salazar et surtout par les guerres coloniales en Angola, Mozambique, Guinées Bissau… 

L'idée de ce soulèvement est venue des officiers Otelo Saraiva de Carvalho et Vasco Lourenço, par le biais du MFA, un mouvement nouvellement créé dont le but véritable avait été caché aux autorités. 

Le soulèvement a eu lieu en un éclair. Suite à la diffusion de la chanson de José Afonso à la radio, le MFA a occupé en quelques heures divers emplacements stratégiques à travers le pays. Au lever du jour, une foule d’environ un million de personnes avait déjà encerclé les stations de radio en attente d'informations. L'opération a complètement surpris Marcello Caetano. Acculé, il démissionne par téléphone et s'exile à Rio de Janeiro, où il vécut jusqu'à sa mort en octobre 1980.

En apprenant que les militaires avaient l'intention de restaurer la démocratie et de mettre fin à la guerre coloniale, les Portugais ont commencé à donner des œillets aux soldats, qui les ont mis au bout de leurs fusils - ce qui donne son nom à la révolution. Parce qu’il s'est déroulé sans effusion de sang, le soulèvement a bénéficié d'un large soutien populaire.

La promesse de la démocratie a été tenue : le 25 avril 1975, jour anniversaire de la révolution, les premières élections directes en 41 ans ont eu lieu. Les socialistes ont gagné. Un an plus tard, à nouveau un 25 avril, date symbolique, la nouvelle Constitution du pays est entrée en vigueur.

Suite à la révolution, une fête nationale a été instituée au Portugal le 25 avril, appelée Journée de la Liberté (Dia da liberdade).  La Révolution des Œillets a également permis, des années plus tard, au Portugal de rejoindre l'Union européenne, mettant fin à un demi-siècle d’isolement volontaire de la dictature de Salazar. 

C’est un anniversaire un peu désenchanté, le Parti socialiste (très souvent au gouvernement depuis trois décennies) vient tout juste de céder le pouvoir à la droite et une extrême droite nostalgique de Salazar a émergé électoralement avec 18,8 % des voix lors des législatives du 10 mars 2024. Celle-ci a surfé, notamment, sur la crise immobilière particulièrement aigüe au Portugal, amis aussi sur des scandales qui ont touché la gauche comme la droite ces dernières années.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 avril 2024

 
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2018, 1956, Soudan, révolution, 19 décembre Bruno Teissier 2018, 1956, Soudan, révolution, 19 décembre Bruno Teissier

19 décembre : la révolution inachevée de décembre au Soudan

Le 19 décembre 2018, des manifestants se rassemblaient à Khartoum pour protester contre la vie chère et réclamer le départ du dictateur Omar El Béchir. Celui tombera, mais le gouvernement de transition n’est pas parvenu à instaurer la démocratie. L’armée a pris le pouvoir et aujourd’hui, le pays est en proie à une véritable guerre entre de clans.

 

Le 19 décembre 2018, des manifestants se rassemblaient à Khartoum pour protester contre la vie chère, alors que le pays est en proie à une grave crise économique. Les manifestants réclament le départ du président Omar El Béchir, en place depuis près de trente ans. Pour ce dictateur, ce sera le début de la fin, puisqu’il sera renversé par l’armée le 11 avril suivant.

Cette date n’avait pas été choisie au hasard. Le 19 décembre est l’anniversaire de la déclaration d’indépendance du Soudan par les députés du Parlement soudanais le 19 décembre 1956, marquant la fin de plusieurs décennies de colonisation du pays par la Grande-Bretagne.

Malheureusement, la Révolution de décembre 2018 n’a pas atteint son but d’instaurer la démocratie au Soudan. Le gouvernement de transition, dirigé par Abdallah Hamdok, ne parvient pas à s’imposer. Les élections libres n’ont pas pu être organisées. Un coup d’État militaire, le 25 octobre 2021, mené par le général Abdel Fattah al-Burhane, douche tout espoir d’une démocratisation rapide du régime.

Le 19 décembre 2021, pour marquer l’anniversaire de la révolution, une immense manifestation a eu lieu dans tout le pays. À Khartoum, les manifestations ont pris une dimension insurrectionnelle avec l’occupation de la place du palais présidentiel par les manifestants qui dénonce la mainmise des militaires sur l’avenir du pays. La même protestation d’ampleur contre la dictature militaire n’a pas eu lieu en 2022. Le contexte a radicalement changé.

Depuis, la situation s’est encore dégradée. Le pays, et la capitale en particulier, est en proie à des combats meurtriers entre l’armée sous les ordres du général al-Burhane et des paramilitaires dirigés par son rival, Mohamed Hamdane Dagalo, dit Hemeti. Ce dernier contrôle aujourd’hui presque toute la capitale. Pour les civils pris au piège des tirs croisés, les conséquences sont dramatiques. Plus de 5 millions de personnes ont dû fuir leur foyer pour échapper à la violence, la plupart des établissements de santé ne sont plus opérationnels et la faim et les maladies sont en augmentation. Les paramilitaires du général « Hemetti » accroissent leur contrôle sur l’ouest du pays, tandis que l’armée régulière ne tient plus qu’une fraction du territoire entre le Nil et la mer Rouge… Les espoirs générés par la Révolution de décembre sont plus éloignés que jamais.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 décembre 2023

 

Le slogan de la Révolution de décembre : سقط – بس "Tasgut bas" (Juste tomber, c'est tout !)

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1910, Mexique, révolution, 20 novembre Bruno Teissier 1910, Mexique, révolution, 20 novembre Bruno Teissier

20 novembre : le Mexique célèbre sa révolution

Le Jour de la Révolution est l’un des jours fériés les plus importants au Mexique, il commémore le déclenchement de la révolution de 1910 au Mexique, un événement majeur qui a marqué le XXe siècle dans ce pays. On lui voue toujours un culte même si toutes ses ambitions sont très loin d’avoir été toutes atteintes. Le Mexique, toutefois, a sa propre référence révolutionnaire, c’est un des très rares pays du monde dans ce cas.

 

Le Jour de la Révolution (Día de revolución)  est l’un des deux jours fériés les plus importants au Mexique, avec le 16 septembre. Depuis 2006, c’est un jour férié mobile, placé le troisième lundi de novembre afin qu’il soit toujours un jour chômé. C’est donc un hasard, cette année pour le 113e anniversaire de la révolution de 1910, s’il tombe sur sa date traditionnelle du 20 novembre.

La révolution de 1910 a fait tomber une dictature installée depuis 36 ans, celle de Porfirio Díaz, un président systématiquement réélu lors de scrutins peu démocratiques. À partir de 1908, Francisco I. Madero, un homme d’affaires, a lancé une grande campagne contre le dictateur et annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 1910. La réaction du gouvernement fut immédiate : Madero fut fait prisonnier à San Luis Potosí après la victoire électorale de Díaz en juin 1910. Peu de temps après, il parvient à s'échapper pour se réfugier à San Antonio, au Texas, d'où il lance un appel à la rébellion (dit Plan de San Luis Potosí) pour le 20 novembre. Cette première journée sera pitoyable, seule une poignée de fidèle s’est mobilisée sans aucun résultat. Madero dégoûté envisage de s’exiler en Europe. Il y renonce quand il apprend, quelques semaines plus tard, qu’un maquis à tout de même émergé dans le Chihuahua, où Pancho Vila, un bandit notoire, a pris fait et cause pour la révolution annoncée. Tandis qu’au Morelos, c’est Emiliano Zapata qui prend les armes contre les grands propriétaires terriens. La révolution fini par prendre racine au printemps suivant. Finalement, le gouvernement de Porfirio Díaz tombe le 27 mai 1911 et le dictateur quitte le Mexique pour terminer sa vie à Paris. Madéro remporte les élections convoquées en octobre 1911 et devient président.

La Révolution n’était pas finie pour autant, une guerre civile opposant conservateurs et progressistes va durer une décennie provoquant un million de morts. Les coups d’État vont se succéder. Madero sera reversé et assassiné en février 1913. Il n’est pas oublié pour autant, son portrait figure aujourd’hui sur le nouveau billet de 1000 pesos.

Les historiens ne s’accordent pas sur la date de fin de la révolution que l’on célèbre au Mexique chaque 20 novembre. Certains avancent la proclamation de la constitution de 1917 (qui est toujours celle du Mexique), d’autres optent pour 1919 et la mort de Zapata, ou 1920 avec la présidence d'Adolfo de la Huerta, ou encore 1924 avec celle de Plutarco Elías Calles. D'autres préfèrent la fixer à la fin de la présidence de Lázaro Cárdenas, en 1940, qui par sa politique sociale a repris à son compte les idéaux de la révolution de 1910. Sa nationalisation du pétrole n’a-t-elle pas été perçue comme un geste révolutionnaire ? Après lui, la révolution, dont on n’a jamais annoncé la fin, s’est fossilisée. En témoigne le nom du parti politique qui s’en réclame, le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) et qui a dirigé le pays pendant trois quarts de siècle.

Depuis 1936, on célèbre l’acte déclencheur de la révolution mexicaine avec une parade militaire est organisée. Laquelle est suivie d’un défilé d’écoliers, d’étudiants, de sportifs et, cette année, de quelque 1300 figurants en costume évoquant l’époque de la révolution. Le défilé commémoratif du 20-Novembre débute au Zócalo, la principale place de la capitale mexicaine où siège la présidence de la république, et se termine au campo de Marte.

Ce défilé de la Révolution mexicaine 2023, rend notamment  hommage à des femmes remarquables dans cette lutte, comme Amelia Robles Ávila, qui a atteint le grade de colonel dans l'armée et qui est considérée comme la première personne transgenre au Mexique. Son identité a même été reconnue par les institutions, ce qui était difficile à l'époque. Il y aura aussi un spectacle en l'honneur d'Adela Velarde Pérez , connue sous le nom de la Adelita, une femme qui a inspiré des dizaines d'histoires et de chansons révolutionnaires, et de Valentina Ramírez Avitia, dite La Valentina, une femme qui se faisait appeler « Juan Ramírez » et qui a reçu le grade de lieutenant pour ses nombreux faits d’armes.

Plus attendu, le défilé 2023 rend également hommage à des personnages tels que Frida Kahlo et Diego Rivera, éminents peintres et combattants sociaux mexicains. Les athlètes militaires médaillés aux Jeux panaméricains de 2023 défileront eux aussi accompagnés par des groupes de charros de 8 États du Mexique.

La fête du 20-Novemvre est marquée par des cérémonies de lever du drapeau un peu partout dans le pays, des discours, des défilés, des festivals, des concerts en plein air, des fêtes en plein air et d'autres événements festifs.

La révolution est partout au Mexique, dans le paysage urbain, le nom des rues, la statuaire, l’imaginaire collectif… On notera que cette révolution est antérieure à celle de 1917 en Russie, à laquelle les forces politiques, en particulier la gauche, ne se sont jamais référées. Le Mexique a sa propre référence révolutionnaire, c’est un des très rares pays du monde dans ce cas.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 novembre 2023

 

Des écoliers chantant La Cucaracha, un chant révolutionnaire que chacun adapte à son goût, photo Ute Hagen

Pancho Villa et ses hommes, 1911

Le président Madero, au premier plan

Le monument dédié à la Révolution de 1910 à Mexico

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1953, Cuba, révolution, 26 juillet Bruno Teissier 1953, Cuba, révolution, 26 juillet Bruno Teissier

26 juillet : Cuba célèbre la geste de Fidel Castro

La date du 26 juillet est présente partout dans l'île, sur les murs, le long des routes, dans les manuels scolaires… C'était en 1953, un jeune avocat nommé Castro et quelques compagnons lançaient une attaque contre la caserne de la Moncada, à Santiago de Cuba. Le projet était de provoquer le renversement du dictateur Batista. Mal préparée, l’opération a tourné au désastre mais elle n’en est pas moins considérée comme le début de la lutte révolutionnaire qui conduira Castro au pouvoir six ans plus tard.

 

La date du 26 juillet est présente partout dans l'île, sur les murs, le long des routes, dans les manuels scolaires… C'était en 1953, un jeune avocat de 26 ans nommé Castro et quelques compagnons lançaient une attaque contre la caserne de la Moncada, à Santiago de Cuba. Le projet était de provoquer le renversement du dictateur Fulgência Batista qui avait instauré un régime autoritaire l’année précédente, sous l’égide des États-Unis.

Fidel Castro prévoyait de reprendre deux bâtiments voisins de la caserne Moncada : le Palais de Justice, avec un groupe commandé par Raul Castro, son frère, et un hôpital militaire par la troupe dirigée par Abel Santamaria. Un troisième groupe devait lancer l'attaque sur la cible principale et était commandé par Fidel Castro, lui-même.

Mal préparée l’opération tourne à la catastrophe. La plupart des insurgés sont tués. Fidel est arrêté et emprisonné. Lors de son procès, assurera sa propre défense. De celle-ci, on retiendra la fameuse phrase de conclusion "L'histoire m'absoudra". Il sera condamné à 15 ans de prison, mais en 1955, les prisonniers politiques seront finalement amnistiés. Fidel et son groupe s'exilent au Mexique, où ils rencontreront Che Guevara. Ensemble, ils vont créer un premier mouvement de guérilla, le Mouvement du 26 juillet, qui débarquera à Cuba le 2 décembre 1956 et parviendra à son but le 1er janvier 1959. Deux autres dates de la geste de Fidel Castro qui font l’objet de célébration nationale. Même si elle a tourné au désastre, l’opération du 26 juillet 1953 est considérée comme le début de la lutte révolutionnaire qui conduira Castro au pouvoir six ans plus tard. Son régime lui a survécu mais, comme fossilisé, il connaît aujourd’hui un désenchantement certain, ce qui n’empêche pas les commémorations de demeurer vivantes.

Le Día Nacional da Rebeldía Cubana (Journée nationale de la rébellion cubaine) fait l’objet chaque année de grandes célébrations, mais pour ce 70e anniversaire, les manifestations s’étalent sur plusieurs jours. Les commémorations ont commencé le week-end dernier et se poursuivent toute la semaine. Les journées du 25 au 28 juillet ont été déclarées fériés et chômées par le gouvernement.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1848, Hongrie, 15 mars, révolution Bruno Teissier 1848, Hongrie, 15 mars, révolution Bruno Teissier

15 mars : la fête nationale hongroise sur fond de guerre aux frontières

La fête nationale hongroise qui commémore le réveil démocratique du pays en 1848, est traditionnellement un rendez-vous politique important, d’autant plus cette année pour le 175e anniversaire de la révolution.

 

Budapest est pavoisée aux couleurs nationales, beaucoup de citoyens pour l’occasion portent la cocarde tricolore. La fête nationale hongroise (Nemzeti ünnep) débute à 9 heures par la levée du drapeau sur Kossuth Lajos tér. De là, un défilé militaire se rend au Musée national où la révolution a débuté il y a 175 ans. Profitant du réveil des peuples en cette année 1848, des démocrates hongrois s’étaient rendus au château de Buda porteur de 12 revendications à présenter au pouvoir des Habsbourg. Notamment l’exigence de la liberté de presse et l’abolition de la censure. Une commémoration bien paradoxale dans la Hongrie de Viktor Orbán qui depuis 2010 multiplie les mesures liberticides, notamment contre la presse d’opposition.  Le 15-Mars est également connu sous le nom de Fête de la Révolution de 1848 (1848-as forradalom ünnepe).

Ainsi, ce jour de fête populaire est aussi traditionnellement l’occasion d’une grande manifestation de l’opposition pour dénoncer un régime inspiré par l’extrême droite. Des manifestants de gauche viennent de toute l’Europe pour dénoncer les dérives du régime hongrois.

Tandis que l’ultra droite, le Mouvement Notre Patrie, se rassemble à côté du Musée national hongrois. Il est chaque année épaulé par des militants de l’extrême droite venus de toute l’Europe, en particulier des Polonais et des Italiens... Le 15-Mars à Budapest est devenu, comme le 23-Octobre, l’un des grands rendez-vous politiques européens. Cette année, avec la proximité des élections législatives, dont la guerre en Ukraine est venue modifier la donne, la journée prend une dimension particulière.

Quant au parti au pouvoir, le Fidesz (extrême droite populiste), il profite des cérémonies officielles sur la place Kossuth Lajos devant le Parlement à 15 heures, où le Premier ministre Viktor Orbán prononce un discours. La Marche pour la Paix (organisée par le parti au pouvoir) se joint à la cérémonie. Le mardi 15 mars, conformément à la tradition, on peut venir voir gratuitement la couronne de Saint Étienne au Parlement. Le jour est férié et chômé, beaucoup de musées et de bâtiment officiel ouvrent leurs portes au public ce jour-là. C'est à l'occasion de cette fête que sont distribués les Prix Kossuth (culture et des arts) et Széchenyi (culture hongroise).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1986, Philippines, révolution, 25 février Bruno Teissier 1986, Philippines, révolution, 25 février Bruno Teissier

25 février : les Philippines célèbrent la chute du père du président actuel, mais qui se souvient de ce dictateur ?

Aux Philippines, c’est Journée du pouvoir du peuple (People Power Revolution) qui célèbre le 36e anniversaire de la révolution de 1986. La révolte populaire qui a conduit à la chute du dictateur Ferdinand Marcos, le père du président actuel qui porte le même nom ! Mais que connaît la jeunesse de cette période sombre de l’histoire philippine hormis les récits enjolivés par la propagande numérique ?

 

Aux Philippines, c’est Journée du pouvoir du peuple (People Power Revolution) qui célèbre le 36e anniversaire de la révolution de 1986. La révolte populaire qui a conduit à la chute du dictateur Ferdinand Marcos, le père du président actuel qui porte le même nom !

Traditionnellement, le 25 février est un jour férié. Mais, c’est un événement spécial qui n'est pas codifié dans la loi philippine, ce qui signifie qu'il appartient à chaque président de décider s'il doit être déclaré jour chômé spécial ou non. On aurait pu imaginer que Marcos junior passe sous silence une célébration qui marque la chute de son père et son propre exil, en même temps que ses parents, le couple honni qui a trouvé refuge aux États-Unis après 20 ans de dictature. Il n’en a rien été et comme cette année le 25 février tombe un samedi, il a même décrété que le 24 février serait également un jour chômé, tout en déclarant que  la célébration pourrait être déplacée « à condition que l'importance historique de l'anniversaire de la révolution du pouvoir populaire de l'EDSA soit maintenue ».

Tous les présidents après Marcos Senior ont commémoré la Révolution EDSA d'une manière ou d'une autre, en déclarant des jours spéciaux (jour chômé ou simple jour férié uniquement pour les écoles), en participant à des programmes commémoratifs ou en publiant simplement un message, comme ce fut le cas de Rodrigo Duterte, qui avait ouvertement exprimé son admiration pour feu le dictateur Marcos.

Comment expliquer alors ce zèle de Ferdinand Marcos Junior ? Aurait-il renié la dictature exercée par son père ? En vérité, l’histoire des Philippines a été largement réécrite par des campagnes de révision en sur les réseaux sociaux qui ont débuté dans le cadre des élections présidentielles de 2016, auxquelles, Marcos Junior était candidat au poste de vice-président. Il a été battu de peu par un peu moins de 300 000 voix. Mais les élections présidentielles de 2022 lui ont  permis à d’accéder à la présidence. Sa victoire a été écrasante, près de 60% des voix, avec  la fille de l'ancien président Rodrigo Duterte comme colistière. Ce succès est largement dû à une campagne de désinformation numérique à grand renfort de vidéos sur TikTok, de pseudo-documentaires sur Youtube, de memes sur Facebook… qui ont fait de l'ère de la loi martiale un « âge d'or » pour le pays sous la présidence Marcos. Cette propagande, qui n’a jamais cessé, dépeint Marcos Sr. comme un leader visionnaire qui voulait une « nouvelle société » où de « bons citoyens » travailleurs et respectueux des lois pourraient avoir une vie digne et épanouie. Toute une génération qui n’était pas encore née en 1986 a été abreuvée de ces messages sans aucune information alternative sur cette époque de dictature, autres que les discours de vieux militants démocrates dénonçant les les violations des droits de l'homme. Cette propagande était totalement en phase avec celle du président Duterte (2016-2022) qui se présentait comme le sauveur du « bon citoyen » tout en menant une « guerre contre la drogue » qui a fait des milliers de morts, en particulier dans les bidonvilles des grandes villes, éliminant ainsi à la fois petits délinquants et opposants politiques. La présidence Duterte, que l’on a comparé à celle de Trump, a cultivé le culte du leader fort et ouvert la voie à son successeur Ferdinand Marcos Jr. dont il admirait le père.

On comprend qu’ayant ainsi préparé l’opinion, le président Marcos junior ait pu sans aucun risque politique marquer de deux jours fériés une célébration vidée de son sens politique. Les militants qui vont profiter de cette journée pour rappeler que la dictature de Ferdinand Marcos Sr. fut une période d’abus en tout genre, des tortures, de disparitions d’opposants et des meurtres, n’aura guère d’écho dans l’opinion, en particulier auprès de la jeunesse qui ne l’a pas vécu. Qui se préoccupe aujourd’hui des milliards volés au budget de l’État par la famille Marcos durant son règne ni des extravagances de Imelda Marcos dont les 3000 paires de chaussures retrouvées dans le palais présidentiel après la fuite du couple ? Qui se souvient que c’est le meurtre de Ninoy Aquino, le leader de l’opposition qui avait déclenché un mouvement populaire qui a conduit à la révolution des 22 au 25 février 1986 ? La plupart des manifestations ont eu lieu sur une longue portion de l’avenue Epifanio de Los Santos, connue à Manille sous l’acronyme EDSA, d’où l’appellation de Révolution EDSA pour désigner les événements commémorés aujourd’hui qui ont mis fin au long règne de Ferdinand Marcos (1965-1986) et de son épouse.

Prudemment, le président Ferdinand R. Marcos Jr. ne participe pas aux commémorations de ce 25 février. Ce jour-là, il assiste au festival Tan-ok ni Ilocano, une manifestation locale organisée dans le fief électoral de la famille Marcos, à Iloco Norte et déplacé, cette année, au 25 février pour justifier l’absence à Manille du président des Philippines, celui que l’on désigne aussi sous le nom de Bongbong Marcos (BBM).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Cette révolution fut qualifié de « Révolution jaune » en raison des rubans jaunes arborés par les manifestants

Pièce de monnaie philippines qui a circulé de 1988 à 2020

Dans la foulée de cette révolution, Cory Aquino, la veuve du leader de l’opposition à Marcos Sr. assassiné, est élue présidente des Philippines le 25 février 1986. Lors de ces élections, deux vainqueurs avaient été proclamés, le régime désignait Ferdinand Marcos et l’opposition Cory Aquino. Voyant que l’armée et les États-Unis ne le soutenaient plus, le dictateur Marcos a choisi l’exil, laissant Cory Aquino devenir présidente. Elle est ici photographiée avec son fils Benigno Aquino jr., dit Benigno Aquino jr, qui sera président des Philippines de 2010 à 2016.

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1917, Armée, Russie, URSS, Femmes, 23 février, révolution Bruno Teissier 1917, Armée, Russie, URSS, Femmes, 23 février, révolution Bruno Teissier

23 février : en Russie, la fête des pères couleur kaki, selon Poutine

Rétrospectivement, on aurait pu se douter que cette journée russe glorifiant l’homme en arme serait le prélude à une agression de l’Ukraine, laquelle a débuté l’an dernier dans la nuit du 23 au 24 février. Officiellement, ce jour férié russe est la Fête des défenseurs de la patrie. Mais, en réalité, la date du 23 février tient plus du combat des femmes que de celui des hommes… Mais ça la propagande de Moscou ne le dit pas.

 

Chaque 23 février, en Russie, les enfants offrent à leur père un dessin, réalisé à l’école, où le papa est représenté en tenue militaire, armes à la main. C’est le Jour des défenseurs de la patrie, un jour férié.

Les femmes se doivent aussi d’offrir un cadeau aux hommes de leur entourage (mari, père, cousins, collègues, patrons…). Certaines se ruinent pour cette occasion. Mais d’où vient cette coutume, en réalité très récente ?

En arrivant au pouvoir, Poutine s’est avisé qu’il n’y avait pas de fête pour les hommes, même pas une fête des pères, comme dans beaucoup de pays. Il est donc allé repêcher l’une de ces nombreuses fêtes soviétiques abandonnées : celle de l’Armée soviétique (День Красной Армии). Selon l’idéal poutinien, un homme, un vrai, se doit de porter l’uniforme. En 2002, on a donc créé un nouveau jour férié : la Journée des défenseurs de la patrie (День защитника Отечества). La Russie étant continuellement en danger (selon le discours officiel), on en profite en même temps pour entretenir la fibre nationale et militaire. Il est toujours bon de préparer une guerre… Dans le pays, le 23 février est une journée de plus pour des défilés militaires, dont les occasions ne manquent pas. Dans les familles, c’est une sorte de fête des pères, l’épouse prépare un bon dîner, les enfants ont confectionné un petit cadeau à l’école ou une carte avec le papa habillé en militaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
 

Le ruban de Saint-Georges (георгиевская лента)

Car le kaki est la couleur de la journée à en juger par la décoration des magasins ou par les cartes de vœux envoyées pour l’occasion, le caractère militaire de cette fête reste très appuyé. Le service militaire concernant tous les hommes, cette fête est bien celle des hommes russes, puisque tous, un jour, ont porté l’uniforme. Les autres couleurs de la journée sont celles du ruban de Saint-Georges, orange et noir, qui sont celles du militarisme russe (et de fait, elles sont interdites en Ukraine). Sans oublier le rouge des œillets, symbole de la victoire, et le drapeau blanc bleu rouge de la Russie.

Mais, pourquoi le 23 février ? On vous dira que c’est l’anniversaire de la fondation de l’Armée rouge, en 1918, ce qui n’est pas tout à fait vrai, car les premiers enrôlement date du 22 février 1918 et le décret de fondation du 28 février. On cite aussi les victoires décisives de Pskov et de Narva sur l’armée allemande mais les dates ne correspondent pas vraiment (28 février et 4 mars 1918). Alors pourquoi, en 1923, aurait-on instauré le 23 février une fête de l’Armée rouge (День Красной Армии) qui donnait lieu chaque année à un grand défilé sur la place Rouge ?

 

Image d’époque soviétique célébrant le 23 février

 

En fait, c’est par souci de commémorer une date sacrée de la révolution russe : le 23 février 1917, jour des premières manifestations qui allaient mettre par terre le régime tsariste. En somme, le 23 février est le tout premier jour de la Révolution russe. Mais, comme les bolcheviques n’ont été pour rien dans cette première révolution spontanée, ce qui contredisait totalement les théories marxistes (la révolution ne pouvait pas avoir été spontanée), il fallut bien trouver une autre raison de fêter le 23 février, quitte à tordre un peu l’histoire.

L’Empire russe était resté fidèle au calendrier julien que l’Europe occidentale a abandonné au XVIe siècle. Ce 23 février correspondait, en fait, au 8 mars du calendrier grégorien (celui qui a cours en Occident) et c’était la  Journée internationale de la femme. Une date encore peu connue à l’époque mais l’écho était tout de même parvenu jusqu’à Pétrograd. Ce jour-là, en 1917, des marches de protestations féminines avaient été organisées dans le seul but de dénoncer la condition faite aux femmes. Spontanément, les ouvrières du textile ont quitté leur travail en masse pour rejoindre des bourgeoises réclamant le droit de vote et elles se sont mises à dénoncer leur condition sociale d’ouvrières. Dans les heures puis les jours qui suivent,  elles ont  été imitées par d’autres ouvriers hommes et femmes confondus… la Révolution russe était lancée.  Le 23 février/8 mars selon le calendrier est donc une date majeure de la révolution russe mais la révolution bolchevique, celle que vénèrent les communistes, n’aura lieu que sept mois plus tard, le 7 octobre, c’est la fameuse révolution d’Octobre. 

le 23 février / 8 mars 1917, les femmes manifestent à Pétrograd, capitale de la Russie à l’époque

Sans le savoir, en offrant un cadeau à leurs compagnons, les femmes russes commémorent la première phase de la révolution russe dont elles ont été les premières actrices. Mais ça le récit national russe ne le précise pas.

L’histoire retiendra que c’est dans la nuit du 23 au 24 février 2022 que Vladimir Poutine a lancé son armée sur l’Ukraine. La date n’avait pas été choisie au hasard.

 

Photo souvenir dans un centre commercial russe avec un arme prêtée par le photographe, le Jour des défenseurs de la Patrie

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1951, Népal, révolution, 19 février Bruno Teissier 1951, Népal, révolution, 19 février Bruno Teissier

19 février : la Journée de la démocratie au Népal, un pays où elle a rarement eu cours

Les Népalais célèbrent une révolution qui a mis fin à un système de premiers ministres héréditaires en 1951 mais qui n’a pas pour autant débouché sur la démocratie. Celle-ci, au Népal, est encore récente et bien hésitante.

 

Rastriya Prajatantra Diwas (राष्ट्रिय प्रजातन्त्र दिवस), la Journée nationale de la démocratie est célébrée à Tundikhel, dans le centre de Kathmandou, par un défilé militaire en présence des hauts responsables gouvernementaux et par des spectacles culturels. C’est un jour férié et chômé au Népal.

Cette Journée de la démocratie est présentée comme l’anniversaire de « l'entrée du Népal dans le monde moderne ». En 1951, un soulèvement populaire mettait fin à la dynastie des Rana qui régnaient sur le Népal depuis 1847.  Les Rana formaient un clan qui a monopolisé le pouvoir pendant plus d’un siècle avec le soutien des Anglais. Les rois du Népal avaient alors perdu tout pouvoir et étaient relégués à une fonction de représentation. Le chef du gouvernement portant le titre de rana était toujours un membre du clan issu de la famille râjput Shumsher, lesquels se cooptaient de manière à perpétuer leur pouvoir. Ce siècle des Rana est vu comme une période sombre dans l’histoire du Népal.

Quand en 1947, les Britanniques se sont retirés de l’Inde (devenue indépendante le 15 août), cette oligarchie a perdu son principal soutien extérieur. Le Parti du Congrès indien n’a eu de cesse que de les chasser du pouvoir en provoquant une révolution en 1950. C’est avec son soutien que le roi  Tribhuvan du Népal a finalement mis fin à leur pouvoir en janvier 1951. La primauté de la monarchie a été rétablie, tandis que le Congrès népalais obtenait la promesse que des représentants populaires élus seraient intégrés au nouveau gouvernement. C’est cet anniversaire que l’on célèbre chaque année au Népal par ce Jour de la démocratie.

Cela dit, cette révolution n’a pas pour autant instauré la démocratie. Loin de là, Il faudra attendre 1959 pour que le Népal connaissances ses premières élections parlementaires qui déboucheront sur un régime contesté par l’opposition. Dès 1960, le Népal connaît un retour à une monarchie absolue (celle du roi cette fois), qui a duré jusqu’en 1990, laissant la place à une monarchie constitutionnelle très chaotique, avec une alternance de régimes autoritaires et de crises gouvernementales sur fond de guérilla maoïste. Le Parlement a été suspendu encore une fois de 2002 à 2006. En 2008, le Népal est finalement devenu la République démocratique fédérale du Népal sans pour autant échapper l’instabilité gouvernementale. Si le régime actuel s’apparente à la démocratie, celle-ci a très peu existé depuis la révolution de 1951 que l’on commémore aujourd’hui.

Cette Journée nationale de la démocratie est célébrée chaque 7 Falgun, le septième jour du onzième mois de l’année du calendrier népalais, lequel débute à la mi-février pour se terminer à la mi-mars, soit le 19 février. En vérité, les autorités ont prévu trois jours de célébration, les 6, 7 et 8 du mois de Falgun, cette année 2079. En effet, le calendrier népalais a débuté en 57 avant J.-C., si bien que pour encore deux mois, nous sommes en 2079.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1793, France, république, 21 janvier, révolution, monarchie Bruno Teissier 1793, France, république, 21 janvier, révolution, monarchie Bruno Teissier

21 janvier : le Jour de la tête de veau ou la Mémoire de Louis XVI

C’est une tradition vieille de 229 ans qui est à nouveau honorée cette année, en France, celle d’organiser des banquets où l’on sert de la tête de veau, pour célébrer la décapitation de Louis XVI, le 21 janvier 1793.

 

C’est une tradition vieille de 229 ans qui est à nouveau honorée cette année en France, celle des banquets où l’on sert de la tête de veau, pour célébrer la décapitation de Louis XVI, le 21 janvier 1793.  Il existe à Paris, un Club de la Tête de Veau, qui chaque 21 janvier, organise un banquet de ce type. Le restaurant Le Coq de la Maison Blanche, à Saint-Ouen, les a accueillis pendant des décennies, avant sa fermeture, récente.  Dans plusieurs villes de province, également, la tradition de ces banquets républicains s’est poursuivie jusqu’à nos jours (interrompu seulement en 2021 pour cause de covid).

La tradition remonte à 1794, quand le citoyen Romeau proposa, pour remplacer les fêtes religieuses, d’organiser, chaque 21 janvier, des banquets servant de la tête de cochon et chaque 14 juillet, de déguster un gâteau en forme de Bastille. Le gâteau du 14 juillet n’a pas pris mais la tradition, bien française, du banquet républicain à cette date anniversaire, a survécu jusqu’à nos jours, sauf que l’on est passé au milieu du XIXe siècle du cochon au veau.  La tête de cochon, c’était celle dont était affublé Louis XVI sous la plume des caricaturistes dans les premières années de la Révolution. La mode de la tête de veau est venue plus tard, d’Angleterre. Chaque 30 janvier, à Londres, les partisans de la monarchie constitutionnelle, y festoyaient à la tête de veau, arrosée de vin rouge pour célébrer la décapitation du roi Charles Ier, le 30 janvier 1649. L’habitude avait été prise de se moquer de ceux qui se rassemblaient chaque 30 janvier pour commémorer le décès de ce roi anglais catholique adepte d’une monarchie absolue. Cette cérémonie à la mémoire de Charles Ier est toujours organisée de nos jours au Banqueting House, mais le Calf’s head Club (club de la tête de veau) de Londres, créé pour se moquer, n’existe plus. Les Français, indécrottables républicains, ont adopté le symbole de la tête de veau, s’y sont tenus et l’on même parfois adapté. L’an dernier, la Cantine de Ménilmontant, à Paris, proposait un menu Tête de veau à la sauce gribiche, couscous vapeur à déguster pour se payer la tête de Bouteflika, le président algérien encore en place le 21 janvier 2020. En provinces, des confréries de la tête de veau et des associations de libres penseurs cultivent, eux aussi, la tradition républicaine héritée de la Révolution française. 

Ces derniers acharnés de la République sont moins nombreux qu’il y a un siècle. La république est un fait acquis. Ils croisent parfois les derniers royalistes, formant un autre groupuscule, mais bien rodés pour les célébrations. Le patron du restaurant Le Coq de la Maison Blanche racontait qu’il recevait aussiles 21 janvier, des royalistes qui sortent de la messe à la cathédrale de Saint-Denis sur le coup de 13 heures… Comme chaque année, ce 230e anniversaire est en effet l’occasion pour des personnes des beaux quartiers de la capitale de faire leur incursion annuelle dans le 93, car c’est à Saint-Denis que se trouve la nécropole royale. D’autres célébrations religieuses se déroulent en divers endroits, notamment à la Chapelle expiatoire à Paris, mais aussi, vers 10h, ainsi que place de la Concorde, lieu de l’exécution du roi. À 10h, une manifestation de l’Alliance royale à Saint-Germain l’Auxerrois, l’ancienne paroisse des rois de France. Toujours à Paris, le sanctuaire du catholicisme fondamentaliste, l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, donne elle-aussi sa messe. La province participe bien sûr aux célébrations annuelles : à Toulon, ancien fief royaliste, une messe de requiem est célébrée en l’église Saint-François-de-Paule, comme chaque année. À Marseille, c’est en la basilique du Sacré-Cœur, avenue du Prado qu’une messe est dite à la demande de l'Union Royaliste Provençale (une branche de l’Action Française) et du Souvenir Bourbonien. À paris, l’Action Française organise chaque 21 janvier une marche aux flambeaux partant de l’église Saint-Roch dans le 1er arrondissement. À Poitiers, c’est en l'église Notre-Dame-la-Grande… Cette semaine, les bouchers ont eu une demande accrue de têtes de veau, un peu partout en France. Qu’en pensent "Les entêtés de la tête de veau", une association créée en Corrèze, la région où Jacques Chirac a débuté sans carrière politique ?

Mais, si vous n’aimez ni les messes en latin ni la tête de veau, et que vous êtes tout de même adepte des cérémonies groupusculaires, vous pouvez vous tout aussi bien célébrer la mémoire de Lénine, mort lui aussi un 21 janvier. À Moscou, ils sont encore quelques milliers à se rassembler près de la Place Rouge où chaque année son mausolée est fleuri. Mais, en France, les hommages se font aujourd’hui très discrets. Son souvenir s’estompe, la plaque mentionnant le domicile parisien de Lénine a été enlevée récemment de la façade de l’immeuble du 4 rue Marie-Rose, dans le 14e où il habita.

Le 21 janvier est aussi l’anniversaire de la mort de George Orwell, en 1950… « Il y a assez de causes réelles de conflits pour ne pas les accroître en encourageant les jeunes gens à se lancer des coups de pied dans les tibias au milieu de rugissements de spectateurs en furie. » écrivait-il. Il avait raison.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 janvier 2023

 
Louis XVI affublé d’une tête de cochon, une caricature de 1792

Louis XVI affublé d’un corps de cochon, une caricature de 1792

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2010, Tunisie, 17 décembre, révolution Bruno Teissier 2010, Tunisie, 17 décembre, révolution Bruno Teissier

17 décembre : vers la chute d’un dictateur tunisien et l’installation d’un nouveau

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits, s’immolait sur la grande place de Sidi Bouzid. Ce geste de désespoir aboutira à la chute du dictateur… Le 17 décembre 2022, parait comme la dernière étape de la mise en place d’une nouvelle dictature. Au lendemain de l’élection législative de ce jour, une fois la presse muselée, le président Kaïs Saïed aura les coudées franches pour imposer sans limite son pouvoir personnel.

 

La date du 17 décembre est désormais celle de la Fête de la Révolution (عيد الثورة), ainsi en a décidé il y a un an le président Kaïs Saïed. Elle remplace le 14 janvier qui n’est plus un jour férié. Cette dernière date avait le désavantage aux yeux du chef de l’État de commémorer le renversement du président Ben Ali, en 2011. Kaïs Saïed dont le régime est de plus en plus autoritaire craint ce genre de référence. D’autant, qu’aujourd’hui des cadres du régime de Ben Ali ont refait surface au premier plan. Ne pouvant gommer la mémoire du Printemps arabe qui, en Tunisie, avait suscité tant d’espoir, le jour férié a été transférée au 17 décembre, une date commémorant l’étincelle qui déclenchât le renversement du régime honni.

Il y a douze ans, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits à la sauvette, s’immolait sur la grande place de Sidi Bouzid, bourgade déshéritée de la Tunisie profonde. La police lui avait confisqué son chariot et sa balance sans lesquels il ne pouvait plus travailler et donc survivre. Il mourra 18 jours plus tard à l’hôpital. Ce geste désespéré face un système qui ne lui offrait aucune issue, avait provoqué un mouvement de colère qui allait très vite se muer en manifestation politique contre le régime du président Ben Ali, basé sur la corruption et la répression. Le dictateur, après 23 ans de règne, finira par quitter le pays le 14 janvier 2011. C’était la date qui était fêtée jusqu’en 2020.

L’émotion avait été forte dans le monde après l’annonce de cette immolation. En 2011, Mohamed Bouazizi a reçu le prix Sakharov à titre posthume, la ville de Paris lui a dédié une place dans le 14e arrondissement, Time magazine en a fait la personnalité de l’année, le Canada a même donné asile à sa famille… À l’image d’un Jan Palach, Mohamed Bouazizi est devenu le symbole d’une révolution à laquelle il n’a pas participé.  Toutefois, même s’il a eu droit à une statue dans sa ville natale, la Tunisie n’en avait pas fait un symbole. Le 19 décembre, jusqu’en 2021 n’était célébré que localement.

La Tunisie où tout avait démarré est aussi le seul pays où le Printemps arabe a donné des résultats. Des élections démocratiques ont permis le renouvellement de la classe politique, même si des tenants de l’ancien régime comme la très conservatrice Abir Moussi, sont revenus sur le devant de la scène. Le pluralisme politique  a commencé à s’imposer, dans un contexte  très chaotique où les islamistes ont joué les perturbateur mais sans chercher à confisquer le pouvoir. Cette marche vers la démocratie la démocratie est aujourd’hui stoppée net par l’austère président Kaïs Saïed, élu sur un programme anti corruption. La page du Printemps arabe s’est refermée le 25 juillet 2021 par le coup de force du Président contre le Parlement élu démocratiquement. La deuxième étape a été le changement de la constitution, le 25 juillet 2022, afin d’assurer son pouvoir personnel. Pour boucler le tout, des élections législatives ont été placées ce 17 décembre pour élire un nouveau parlement sans pouvoir réel, comme du temps du dictateur Ben Ali. Le scrutin est boycotté par l’opposition, laquelle n’a d’ailleurs plus guère l’occasion de s’exprimer tant la répression prend de l’ampleur.

Choix cynisme du président tunisien : ce 17-Décembre qui commémore le sursaut qui a permis de faire tomber une dictature, fera date comme celui où une nouvelle dictature se sera mise en place. Au lendemain de l’élection de ce 17 décembre 2022, une fois la presse muselée, le président Kaïs Saïed aura les coudées franches pour imposer son pouvoir personnel. Compte tenu de son âge, les Tunisiens peuvent espérer que sa dictature ne dure pas 38 ans comme celle de Ben Ali.

En mai 2020, l’Union européenne a créé un « Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d’expression ». La journaliste bloggeuse, aujourd’hui décédée, avait été la première à couvrir les événements de décembre 2010 et de janvier 2011 à Sidi Bouziz, à diffuser des photos, à dresser des listes de victimes de la répression policière… Cette année, en 2022, le prix est attribué à quatre journalistes tunisiennes : Issa Ziadia, Sana Adouni, Mabrouka Khedir et Bahira Ouji. Ce prix pourra-t-il continuer à être décerné dans un pays a fortement régressé surtout depuis le coup de force du 25 juillet et un décret présidentiel prévoyant une peine de prison de cinq ans et une amende de 50 000 dinars (plus de 15 000 euros) pour toute personne « qui utilise délibérément les réseaux de communication et les systèmes d’information pour produire, promouvoir, publier ou envoyer de fausses informations ou des rumeurs mensongères ». En novembre 2022, un chef de parti politique critique envers Saied est empêché de quitter la Tunisie. La police ouvre une enquête sur un journaliste pour un article critique envers le Premier ministre…

Mise à jour 18 décembre 2022 : Les élections législatives ont d’enregistré le plus faible taux de participation de l’histoire récente du pays : seulement 8,8 % du corps électoral s’est rendu aux urnes ! L’opposition estime que Kaïs Saïed a “perdu toute légitimité” et appelle la population à manifester pour exiger une nouvelle élection présidentielle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1917, URSS, Russie, 7 novembre, Biélorussie, révolution Bruno Teissier 1917, URSS, Russie, 7 novembre, Biélorussie, révolution Bruno Teissier

7 novembre : le souvenir de la Révolution d'Octobre

Le jour n’est plus est férié en Russie (remplacée par le 4 novembre), mais reste une journée importante pour beaucoup de Russes. Pendant 73 ans, elle a été marquée par un grand défilé militaire à la gloire de la Révolution d’octobre. Poutine en a fait une journée patriotique sans référence révolutionnaire.

 

La Biélorussie est le dernier État de l’ex-URSS à célébrer encore le Jour de la Révolution d'octobre (Дзень Кастрычніцкай рэвалюцыі) comme un jour férié en organisant des défilés militaires. La révolution est aussi commémorée officiellement en Transnistrie, au Vietnam et à Cuba.

Le jour n’est plus est férié en Russie (remplacé par le 4 novembre), mais il reste une journée importante pour beaucoup de Russes. Pendant des décennies, elle a été marquée par un grand défilé militaire à la gloire de la Révolution d’octobre. Selon l’historiographie communiste, la révolution aurait débuté dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917 par un coup de force bolchevique. La Russie vivait à l’époque sous le calendrier Julien, conservé aujourd’hui seulement par église orthodoxe. Dès 1918, la révolution a été célébrée le 7 novembre, selon la date du calendrier grégorien que les révolutionnaires venaient d’adopter mais le nom de « Révolution d’Octobre » est resté.

Pour occuper l’espace politique, Vladimir Poutine organise chaque 7 novembre des manifestations de ses partisans et tente de récupérer pour son propre compte des éléments de gloire de la geste stalinienne. Officiellement, on célèbre aujourd’hui le 81e anniversaire de la grande parade militaire de 1941, lorsque les soldats de l'Armée rouge ont marché sur la place Rouge avant de rejoindre le front pour défendre le pays contre les troupes nazies, alors aux portes de Moscou. À l'époque, ce défilé, organisé par Staline, avait pour vocation de commémorer la Révolution de 1917. Aujourd'hui, on se contente de rendre hommage aux soldats tombés pour la patrie pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la Russie de Poutine, la figure de Staline n'est plus du tout vouée aux gémonies, bien au contraire, son règne est aux yeux du régime, un grand moment de l'histoire de la Russie. Certaines statues de Lénine ont aussi été rétablies.

Le dictateur biélorusse, Alexandre Loukatchenko, qui a failli lui-même être balayé par une révolution en 2020, suite au trucage des élections présidentielles qui lui a permis de rester au pouvoir, expliquait il y a quelques jours pourquoi il maintenait la commémoration de la Révolution d’octobre : « Notre histoire du siècle dernier est basée sur certains principes. Nous avons toujours fait des cadeaux à notre peuple à l'approche du 7 novembre. Cette date marque presque une fin d'année, ce qui signifie aussi l'achèvement de tous les travaux agricoles. C'était l'une des raisons pour lesquelles j'ai maintenu cette fête : les gens ont l'habitude de recevoir des cadeaux des autorités, les uns des autres, alors donnons-nous l'occasion de le faire », déclarait le président Loukatchenko en octobre 2022.

En outre, en Biélorussie, le 7 novembre est aussi la Journée de l'aviation civile (Часопіс грамадзянскай авіяцыі). Drôle de fête quand on sait que presque tous les aéroports d’Europe sont fermés aux appareils de la Belavia, la compagnie nationale biélorusse ! Cela depuis l’atterrissage forcé, le 23 mai 2021, d’un avion de Ryanair avec le journaliste Raman Pratasevich à bord. Cet acte de piratage avait permis au dictateur biélorusse de mettre la main sur un de ses principaux opposants en exil et de le jeter en prison, où il se trouve toujours.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 novembre 2022

 

En Biélorussie, en 2017, lors du centenaire de la révolution

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À Moscou, à l’époque des célébrations de la révolution.

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1910, Portugal, république, 5 octobre, révolution Bruno Teissier 1910, Portugal, république, 5 octobre, révolution Bruno Teissier

5 octobre : le Portugal fête les 113 ans de sa république

La fête de la République est un jour férié qui commémore la révolution de 1910 qui reversa le roi Manuel II.

 

La fête de la République (Dia da República) est un jour férié qui commémore la révolution de 1910 qui reversa un jeune roi âgé de 21 ans, monté sur le trône deux ans plus tôt, après l’assassinat de son père et de son frère, le prince héritier. Le roi précédent avait laissé son premier ministre Franco instaurer une dictature qui provoquant de grandes tensions politiques. Ainsi le 5 octobre 1910, était mis fin à 767 ans de monarchie portugaise. Le roi Manuel II trouvera refuge au Royaume-Uni. La république, proclamée le même jour, ne durera que 16 ans. 9 présidents vont se succéder dans un climat quelque peu chaotique. Un coup d’État y mettra fin, le 28 mai 1926, pour mettre en place un régime autoritaire pour un demi-siècle.

La transition du XIXe au XXe siècle avait été particulièrement critique pour la société portugaise. Le nationalisme lusitanien était sur le point d'être soumis aux intérêts coloniaux britanniques. D'autre part, les dépenses excessives de la famille royale, le pouvoir excessif de l'église et l'instabilité politique et sociale complétaient un tableau de troubles sociaux permanents.

La dictature de João Franco, avec son incapacité à suivre l'évolution des temps et à s'adapter à la modernité, a contribué de manière décisive à un processus dramatique de décadence de la monarchie, dont les défenseurs de la république ont su en tirer le meilleur parti. Le parti républicain s'est présenté aux yeux du peuple comme le seul à disposer d'un programme capable de restaurer le prestige perdu du pays et de placer le Portugal sur la voie du progrès.

Ces circonstances ont dissuadé l'armée de combattre les quelque 2 000 soldats et marins en révolte entre le 3 et le 4 octobre 1910, ouvrant la porte à un changement de régime. La République a été proclamée le 5 octobre à 9 heures du matin depuis le balcon de la mairie de Lisbonne. Avec la République, les symboles nationaux ont été immédiatement remplacés : l'hymne national, le drapeau et la monnaie. Mais en réalité, tout avait commencé à prendre forme deux ans auparavant avec l’attentat tuant le roi et le prince héritier.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Lithographie de l'artiste Cândido da Silva représentant les événements révolutionnaires de la nuit du 3 octobre 1910 qui ont conduit à la proclamation de la République portugaise. Deux jours plus tard, le 5 octobre 1910, le jeune roi Manuel II s'exilait en Angleterre.

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23 juillet : la fête nationale de l'Égypte

Il y a 70 ans, le 23 juillet 1952, les officiers libres égyptiens chassaient le roi Farouk. Ce Jour de la Révolution est la fête nationale de l’Égypte.

 

Il y a 70 ans, le 23 juillet 1952, les « officiers libres égyptiens » chassaient le roi Farouk. L'année suivante, Nasser, un officier de 34 ans, s'imposait de manière autoritaire à la tête du pays. Sadate lui succèdera, puis Moubarak... Aujourd'hui, le président Sissi se veut leur successeur direct.

Le Jour de la Révolution, la fête nationale de l’Égypte est marquée par des célébrations de grande envergure, notamment des concerts télévisés sur des thèmes fortement nationalistes et des défilés militaires. Depuis quelques années, la fête se déroule dans une ambiance hautement sécuritaire.

La révolution du 25 janvier 2011, lors de laquelle le peuple égyptien était descendu dans les rues avec le slogan suivant : « Pain, liberté, dignité », a elle aussi été détournée de son sens. L’Égypte qui célèbre pas moins de trois révolutions (avec celle du 30 juin) est pourtant un État d’une grande stabilité mais au détriment de la démocratie, du pluralisme, des libertés publiques...

La constitution a été modifiée en 2019 : les nouveaux articles 140 et 241 permettent au président Sissi d'étendre son deuxième mandat de quatre à six ans, portant ainsi son terme à 2024 au lieu de 2022. Le chef de l'État pourra donc se présenter en 2024 à un troisième mandat de six ans. Jusqu'à aujourd'hui, la Constitution limitait le nombre de mandats à deux, de quatre ans chacun. la président Sissi est donc en place au moins jusqu’en 2030. À moins qu’une nouvelle révolution (une vraie) ne vienne interrompre son plan de carrière…

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1979, révolution, 19 juillet Bruno Teissier 1979, révolution, 19 juillet Bruno Teissier

19 juillet : le Nicaragua célèbre sa révolution et s’enfonce dans la dictature

La date fait référence à la chute du dictateur Somoza dont la famille régnait sur le pays depuis près de quatre décennies puisqu’elle a pris le pouvoir en 1936 et l’a perdu le 17 juillet 1979 après presque deux décennies d’une guerre de libération dont la victoire a eu un retentissement mondial.

 

La date fait référence à la chute du dictateur Somoza dont la famille régnait sur le pays depuis près de quatre décennies puisqu’elle a pris le pouvoir en 1936 et l’a perdu le 17 juillet 1979 après presque deux décennies d’une guerre de libération dont la victoire a eu un retentissement mondial. C’est l’entrée dans Managua des forces sandinistes, le 19 juillet 1979 qui est commémoré aujourd’hui par un jour férié.

En 1961, diverses organisations d'opposition avaient formé le Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Celui-ci porte le nom d'Augusto César Sandino, un révolutionnaire nicaraguayen qui a mené une rébellion contre l'occupation américaine du Nicaragua à la fin des années 1920 et au début des années 1930.

La révolution menée par le FSLN est maintenant connue sous le nom de révolution sandiniste ou révolution nicaraguayenne. Dans les années 1970, le FSLN lance une campagne militaire contre le régime. Finalement, le président Anastasio Somoza Debayle démissionne le 17 juillet 1979. Deux jours plus tard, l'armée du FSLN entre dans la capitale Managua et prend le pouvoir.

C’est Daniel Ortega, chef de file de la faction dite tercériste du FSLN (qui insistait sur l'action militaire davantage que sur le travail idéologique pour abattre le régime) qui accède au pouvoir. Les États-Unis vont tout faire pour miner cette révolution socialiste inspirée de Salvador Allende et de Fidel Castro. Celle-ci évoluera vers la démocratie. Une alternance aura lieu en 1990 avec la victoire de l’opposition. Après plusieurs gouvernements conservateurs successifs, Daniel Ortega revient au pouvoir en 2007 après avoir remporté l’élection présidentielle. La démocratie va peu à peu être écornée. Ortega et son épouse instaurent peu à peu une dictature familiale très semblable à celle qui est tombée en 1979. Ce qui rend cette célébration du 19 juillet totalement vide de sens.

La main mise sur le pays par le clan Ortega s’est encore accélérée ces derniers jours. Ce jeudi, l’Assemblée nationale, aux mains du parti présidentiel, a rendu hors-la-loi 78 nouvelles ONG et a franchi le cap des mille organismes aux activités désormais interdites. Un des plus récents est la congrégation religieuse des Missionnaires de la charité, ordre créé par Mère Teresa (de Calcutta), regroupant une quinzaine de religieuses, a été expulsé le 6 juillet 2022. La répression contre l’Église, mais aussi contre tout espace de pouvoir qui échappe au clan présidentiel, se poursuit implacablement. Le Nicaragua, à contre-courant du reste de l’Amérique latine, est en train de devenir une véritable dictature. En février dernier, Hugo Torres, un autre ancien héros de la guérilla sandiniste, devenu un opposant au président Ortega, est mort en prison.

 
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1958, Irak, révolution, république, 14 juillet Bruno Teissier 1958, Irak, révolution, république, 14 juillet Bruno Teissier

14 juillet : l’Irak célèbre la chute de la monarchie

Le Jour de la république irakienne est une fête nationale qui célèbre la chute de la monarchie hachémite et l’instauration d’une république irakienne en 1958.

 

Le Jour de la république irakienne (يوم الجمهورية) est une fête nationale qui célèbre la chute de la monarchie hachémite et l’instauration d’une république irakienne. en 1958

Le 14 juillet 1958, un coup d'État renversait la monarchie hachémite . Le roi et la reine étaient tués lors de ce soulèvement dont la date n’avait pas été choisie au hasard. Cette révolution menée au son de la Marseillaise, diffusée toute la journée à la radio, avait amené Abd al-Karim Qasim au pouvoir, comme Premier ministre de la nouvelle république. De 1968 à 2005, le jour de la République irakienne a été la fête nationale officielle du pays, jusqu’à ce que le Jour de l'indépendance de l'Irak, le 3 octobre, soit instauré comme fête nationale de l'Irak.

Le 14 juillet a été déclaré Jour de la République en Irak en 2005. Une statue d'Abd al-Karim Qasim a été érigée la même année au centre de Bagdad.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1972, Madagascar, révolution Bruno Teissier 1972, Madagascar, révolution Bruno Teissier

13 mai : Madagascar célèbre le cinquantenaire sa seconde indépendance

Le 13 mai 1972, la Première République malgache était renversée par une révolte populaire réprimée dans le sang. Une date qui a marqué la culture politique de la Grande île, qui commençait à prendre ses distances avec la France, et imposé l’armée au pouvoir.

 

Le « Mai malgache » ou plus précisément la « Révolution du 13-Mai » ne fait pas l’objet d’un jour férié même si cette date a façonné la mémoire collective de la Grande île. Pour ce 50e anniversaire des évènements du 13 mai 1972, la commémoration ne se limite pas à celle qu’organisent chaque année les « soixante-douzards » (de l’association « Hetsika 13 mai 72 » ), les manifestants qui ont renversé le régime de Philibert Tsiranana. Cette année, l’Université d’Antananarivo, la Fondation Friedrich-Ebert et la Commune Urbaine d’Antananarivo organisent plusieurs journées de commémoration tout au long de ce mois de mai 2022, cependant l’épicentre sera la journée du 13 mai à l’esplanade d’Ankatso le matin et sur le parvis de l’hôtel de ville d’Antananarivo l’après-midi.

Tout avait commencé fin 1971 par des mouvement lycéens, puis début 1972 par une grève des étudiants de l’école de médecine de Befelatanana dont les sortants étaient appelés, à l’époque des « médecins de l’indigénat » et étaient toujours affectés en banlieue, d’où leur frustration. Les manifestations ont pris de l’ampleur et l’allure d’une contestation du régime (la Première République malgache créée sous l’égide de la France). Acculé par la violence , notamment celle de sa propre police, le président Tsiranana avait d’abord envisagé de laisser le pouvoir aux étudiants qui l’ont refusé, puis à l’Église, nouveau refus. Finalement, c’est l’armée qui en a hérité (et, un demi siècle plus tard, ne l’a toujours pas lâché !). Le général Gabriel Ramanantsoa, étant le plus haut gradé de l’époque, est devenu le chef d’État, lors de la « Transition militaire ». Il était notamment reproché à Tsiranana d’être trop influencé par la France si bien que sa chute a été vue par beaucoup comme la deuxième indépendance de Madagascar (après celle officielle du 26 juin 1960). Cette révolution est, en effet, le début d’un processus de « malgachisation »  à marche forcée menée par un nouveau président plutôt conservateur. Il ne faut pas confondre avec la révolution qualifiée de socialiste, qui placera la Grande île dans la mouvance soviétique en 1975. Cependant, le renversement, en mai 1972, de la Première République suscite également la résurrection symbolique des victimes de l’insurrection déclen­chée le 29 mars 1947, dirigée contre l’occupation française. Dès son accession au sommet du pouvoir, Didier Ratsiraka, en 1975, leur fera ériger un mausolée.

À Antananarivo, les principales cérémonies ont lieu la Place du 13 mai « Kianjan’ny 13 mai », situé devant l’Hôtel de Ville, connu depuis 1972 pour être l’espace urbain de contestation. C’est là que, le 13 mai 1972, des milliers de manifestants se rendirent pour réclamer la libération d’étudiants arrêtés et envoyés au bagne. Les forces de l’ordre ont tiré sur la foule, faisant près de 40 morts et de nombreux blessés. C’est ce que l’on commémore aujourd’hui par des dépôts de gerbes et des programmes culturels qui ont démarré, il y a quelques jours à l’occasion de ce cinquantenaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 mai 2022

 

La place du 13-Mai, à l’époque

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2011, Libye, révolution, 17 février Bruno Teissier 2011, Libye, révolution, 17 février Bruno Teissier

17 février : toujours divisés, les Libyens célèbrent la chute de Kadhafi

Dans un climat hautement tendu, les Libyens célèbrent le 11e anniversaire de la révolution qui a provoqué la chute de Mouammar Kadhafi.

 

C’est dans un climat hautement tendu que les Libyens célèbrent le 11e anniversaire de la révolution (ذكرى الثورة) qui a provoqué la chute de Mouammar Kadhafi. En effet, la semaine dernière, le Parlement situé à Tobrouk, a nommé un nouveau premier ministre. Or, le gouvernement d'unité nationale, dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, qui siège à Tripoli refuse de céder la place à un gouvernement parallèle nouvellement nommé et dirigé par Fathi Bashaga. Les élections générales qui devaient avoir lieu le 24 décembre, ont été annulées, le Parlement n’a donc guère de légitimité pour prendre une telle initiative.

Chaque 17 février, dans la plupart des villes du pays, des milliers de personnes arborant les couleurs du drapeau national (rouge, vert et noir) se rassemblent sur les places publiques où les autorités organisent des concerts ou des feux d’artifice. À Tripoli, la capitale, c’est traditionnellement la place des Martyrs qui sert de lieu de commémoration. C’est d’ailleurs sur cette place que  se sont regroupés, ces derniers jours, les partisans du gouvernement Dbeibah. D’où un risque de forte tension cette année pour la commémoration du Jour de la Révolution (يوم الثورة).

Le 17 février 2011, à Benghazi, après deux jours de manifestations pour la libération de l’avocat et militant des droits de l’homme, Fathi Terbel, une foule de 600 personnes s’était massée devant le poste de police principal de la ville. En dépit de la répression, les manifestants ont été de plus en plus nombreux et la police a dû quitter la ville. Rapidement, la rébellion a gagné plusieurs villes de l’Est libyen. Des renforts envoyés de Tripoli ont été stoppés à Ras Lanouf, à quelque 600 kilomètres de Benghazi. À Misrata également, des combats opposaient les forces du régime et les révolutionnaires qui ont pris les armes. Un mois plus tard, une coalition sous mandat de l’ONU, dirigée par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, a lancé une campagne de frappes aérienne contre les positions du régime qui permit aux  multiples oppositions de remporter la partie, mais sans se préoccuper de la suite des événements. Le 20 août 2011, des révolutionnaires armées faisaient leur entrée à Tripoli. Mouammar Kadhafi se réfugit à Syrte où il sera liquidé quelques semaines plus tard. Un nouveau régime se mettra en place dans le chaos, le 23 février 2011.

La chute du dictateur, en place depuis 42 ans,  sans aucune politique d’accompagnement, provoquera une décennie de violence. Le pays est aujourd’hui fragmenté, en témoigne la dualité de gouvernement, occupé par des forces étrangères et totalement désorganisé. 

Les Libyens fêtent l’anniversaire de leur révolution, mais pour le moment, celle-ci n’a généré qu’une situation d’anarchie, de violence et de déclin économique. Le 17 février est un jour férié en Libye, mais la démocratie espérée n’est toujours pas au rendez-vous ce 17 février 2022.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde 16 février 2022

Mise à jour 2024 : le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, a organisé une fête grandiose à Tripoli, malgré une forte opposition de la population qui dénonce le gaspillage d'argent public dans un pays où règne une corruption effrénée. À l'est libyen, le gouvernement Oussama Hammad a, de son côté, annulé toutes les festivités en solidarité, a-t-il annoncé, avec la ville de Derna, victime d'intempéries qui ont causé la mort et la disparition de près de 15 000 personnes, en septembre 2023.

Lire : Géopolitique de la Libye, par Kader Abderrahim

 
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1932, révolution, Thaïlande Bruno Teissier 1932, révolution, Thaïlande Bruno Teissier

10 décembre : faute de démocratie, la Thaïlande célèbre sa révolution constitutionnelle

La Thaïlande commémore par un jour férié, sa première constitution, promulguée le 10 décembre 1932. Cette première charte avait fait basculer le Siam d’un système de monarchie absolue à un régime constitutionnel

 

En cette journée mondiale des droits de l’homme, la Thaïlande commémore par un jour férié, sa première constitution, promulguée le 10 décembre 1932. Cette première charte avait fait basculer le Siam (devenu la Thaïlande) d’un système de monarchie absolue à un régime constitutionnel où, en principe, le pouvoir du monarque demeure limité.

Ce Jour de la constitution  ou Wan Rattha Thammanun (วันรัฐธรรมนูญ) est une fête paradoxale quand on sait que la constitution de 1932 n’a duré que 14 ans et que depuis, la Thaïlande a connu une vingtaine de constitutions ! La plupart ont été adoptées après un coup d’État militaire destiné à restreindre l’élan démocratique d’une population toujours prête à réclamer plus de liberté. L’instabilité chronique du pays s’est même accentuée ces dernières années. La constitution actuelle ne date que de 2017, elle remplaçait celle de 2014 qui elle-même se substituait à celle de 2007. La précédente ne datait que de 2006…

À Bangkok, un monument de la démocratie, situé sur l'avenue Ratchadamnoen, symbolise la constitution de 1932. Il est gardé par quatre structures en forme d'aile destinées à représenter les quatre branches des forces armées thaïlandaises – l'armée, la marine, l'aviation et la police – qui ont participé à la révolution de 1932. Car à l’époque l’armée s’était rangée du côté des révolutionnaires contre le pouvoir royal.

Cela n’a plus été le cas par la suite. La plupart des dictateurs thaïlandais sont des militaires royalistes. C’est le cas du général Prayut Chan-o-cha, commandant en chef de l’armée, qui occupe aujourd’hui le poste de premier ministre. Son coup d’État de 2014 qui l’a amené au pouvoir avait été approuvé par le très respecté roi Bhumibol (Rama IX). Ce qui pourrait changer la donne, c’est à l’inverse, caractère si peu respectable du roi actuel, Vajiralongkorn (Rama X), ses frasque et ses tendances tyranniques. Des monarchistes convaincus sont en train de lâcher le monarque, certains éléments de l’armée se montrent de moins en moins convaincus par l’opportunité de soutenir le roi. Va-t-on vers une seconde révolution en vue de l’instauration d’une véritable démocratie ? La jeunesse qui manifeste régulièrement n’aspire qu’à cela. Les choses s’accélèrent, la situation politique se dégrade. Il y a fort à parier qu’elle-ci aura lieu avant 2032, tant la demande de démocratie est grande dans le pays.

 

Le monument de la démocratie (อนุสาวรีย์ประชาธิปไตย) a été construit pour commémorer la Révolution siamoise de 1932. Situé sur un rond-point de la principale avenue de la capitale, c’est un peu l’Arc de triomphe de Bangkok.

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1956, Cuba, 2 décembre, révolution Bruno Teissier 1956, Cuba, 2 décembre, révolution Bruno Teissier

2 décembre : les débuts d’une très improbable révolution cubaine

Tout a commencé de manière assez brouillonne sur la côte du Mexique. Après un premier échec en 1953 , qui leur ont valu la prison, puis l’exil, Fidel Castro et son jeune frère Raul se lancent avec une poignée d’hommes dans une nouvelle tentative pour reverser le dictateur Battista… c’est le Día de las Fuerzas Armadas Revolucionarias

 

Tout a commencé de manière assez brouillonne sur la côte du Mexique. Après un premier échec en 1953, qui leur ont valu la prison, puis l’exil, un jeune avocat cubain du nom de Fidel Castro et son jeune frère Raul se lancent avec une poignée d’hommes dans une nouvelle tentative pour renverser le dictateur Battista. Pour cela il faut retourner discrètement à Cuba. Un vieux yacht, baptisé le Granma, est acheté et retapé à la hâte, on remplit la cale d’armes et on s’embarque en pleine nuit pour échapper aux garde-côtes mexicains, nous sommes le 25 novembre 1956. Il y a 2000 km à parcourir pour relier les côtes cubaines, le trajet sera plus long que prévu, l’eau et la nourriture manquent mais qu’importe, on part faire la révolution. Peu habitués à la mer, plusieurs hommes sont malades. Il y a bien un médecin à bord, un certain Ernesto Guevara, mais qui ne sera pas d’un grand secours. Une forte tempête survient, le bateau manque plusieurs fois de se reverser, 82 hommes s’y entassent alors qu’il est prévu pour 25 au maximum. Un homme tombe à la mer, on le repêche par miracle. Mais pour ne pas couler, la majeure partie du matériel est jetée à la mer, sauf les armes bien sûr. 

Le Granma arrive enfin au large des côtes cubaines le 2 décembre, mais ne trouve pas l’endroit prévu pour débarquer. Finalement, il s’échoue dans une mangrove. Un des plus beaux sites de Cuba, aujourd’hui classé au Patrimoine mondial par l’Unesco. Mais, les futurs barbudos qui débarquent, l’eau à hauteur de poitrine, mettront plusieurs heures pour se sortir de ces marais. Ils y perdront la moitié de leurs armes. La cinquantaine d’hommes qui les attendaient ailleurs, finit par les rejoindre avec des camions et des jeeps. En avant vers la montagne. Mais, l’armée cubaine est à leur trousse. Le 5 décembre, à l’Alegria de Pio, les révolutionnaires épuisés tombent sur les soldats de Battista. C’est leur baptême du feu, un véritable désastre. Ils ne seront que 22 survivants à parvenir à se réfugier dans la Sierra Maestra où ils mettront deux ans à préparer l’assaut final. Ainsi sont nées les Forces armées révolutionnaires que l'on célèbre à Cuba chaque 2 décembre, le Día de las Fuerzas Armadas Revolucionarias.

Comme chaque année, un groupe de plusieurs jeunes de la province de Granma pataugent dans la mangrove à l'aube de ce 2 décembre, pour rejouer le débarquement du yacht Granma au lieu-dit de Los Cayuelos (sur la commune de Niquero), le lieu même où Castro a débarqué à Cuba il y a 65 ans. 

Traditionnellement, un grand rassemblement est organisé au Monument de la Portada de la Libertad, pour une soirée culturelle à laquelle participeront de jeunes Cubains encadrés par les autorités. La nuit prochaine, des centaines de jeunes pionniers feront du camping en hommage à Fidel. Pour les soutiens du pouvoir cubain, le mythe demeure intact. 

 
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1871, France, 18 mars, révolution Bruno Teissier 1871, France, 18 mars, révolution Bruno Teissier

18 mars : Il a 150 ans, la Commune de Paris, le clivage Paris-province déjà !

Le 18 mars 1871, les Parisiens se rebellent contre le gouvernement. C'est le début de la Commune qui durera 72 jours et se terminera dans le sang.

 

Le 18 mars 1871, les Parisiens se rebellaient contre le gouvernement, lequel se réfugiait à Versailles où s’était déjà établie l’Assemblée. Celle-ci est avait été élue deux mois plus tôt par un scrutin biaisé, la très grande majorité des députés est monarchiste alors que les Parisiens ont élus 37 républicains sur un total de 43 députés élus par la capitale. Parmi les élus parisiens, on trouve Louis Blanc, Georges Clemenceau, Victor Hugo… Les Parisiens ont résisté aux Prussiens, ils ne s’estiment pas vaincus. La province, sensible aux opinions des notables locaux, veut majoritairement la paix et a poussé à un armistice. Le décalage est total, même si des mouvements d’insurrections vont aussi s’organiser à Marseille, Lyon… même à Narbonne, où elles ne dureront que quelques jours voire quelques heures.

Le 18 mars 1871, le chef du gouvernement provisoire, Adolphe Thiers, fait arrêter Auguste Blanqui, l'un des leaders du mouvement, et envoie des troupes pour désarmer la Garde nationale. Mais celles-ci fraternisent avec la foule et la Garde nationale. En quelques jours, la Commune de Paris s'organise en une entité politique indépendante, avec un contre-gouvernement.

À Paris, la « Commune » s’institue sur le modèle de celle de 1792, dure 72 jours, du 18 mars au 28 mai 1871. Elle s’est terminée par le massacre d’au moins 20 000 insurgés, ou soupçonnés de l’être, sans autre forme de procès du 21 au 28 mai 1871, la « semaine sanglante». Sur plus de 38 000 insurgés jugés en conseil de guerre, 7 500 sont déportés en Algérie et en Nouvelle-Calédonie, comme Louise Michel. Les survivants sont amnistiés en 1880.

L’idéal d’un régime républicain, démocratique et socialiste n’aura pas le temps de se mettre en place mais l’héritage resurgira au cours des décennies suivantes : l’instruction gratuite, laïque et obligatoire, la suppression de l’enseignement religieux à l’école, la séparation de l’Église et de l’État, la valorisation du statut de l'ouvrier et de ses droits… la IIIe République y puisera une partie de ses idées et de sa politique, au bénéfice de la France toute entière.

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Cette dernière révolution française du XIXe siècle a eu un grand retentissement dans le monde. Son souvenir sera plus tard cultivé, notamment, par l’URSS. Un drapeau rouge de la commune offert en 1924 par une cellule parisienne du PC a été déposé dans le mausolée de Lénine. Chaque année, le 18 mars, on célébrait à Moscou la Journée de la commune de Paris.

Dans les années 1920 et 1930, de nombreux documents et objets, témoins de la Commune de Paris, sont arrivés en URSS de diverses manières et constituent aujourd'hui un ensemble muséographique important (y compris de grandes collections de matériaux visuels) dans plusieurs collections du RGASPI. Le détour par Moscou est indispensable pour de nombreux chercheurs travaillant sur cette révolution.

Ce timbre-poste soviétique, émis en 1971, pour le centenaire, est un témoin de cet intérêt, encore dans l’URSS fossilisée de Brejnev.

 
Une barricade boulevard Voltaire, photo de Bruno Braquehais

Une barricade boulevard Voltaire, photo de Bruno Braquehais

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