L’Almanach international

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1878, Kirghizistan, fondation de ville, 29 avril Bruno Teissier 1878, Kirghizistan, fondation de ville, 29 avril Bruno Teissier

29 avril : l’anniversaire de Bichkek, capitale du Kirghizistan

Depuis son indépendance le Kirghizistan a mis en place plusieurs célébrations en rapport à son histoire nationale antérieure à l’URSS. Mais, cette Journée de Bichkek, chaque 29 avril, renvoie tout de même à la colonisation russe.

 

Depuis son indépendance le Kirghizistan a mis en place plusieurs célébrations en rapport à son histoire nationale antérieure à la création de l’URSS. Mais, la Journée de Bichkek (Бишкектин туулган күнү), l’anniversaire de la capitale du pays, chaque 29 avril, renvoie tout de même à la colonisation russe.

La capitale kirghize a pour origine la forteresse de Pishpek, construite par le Khanat de Kokand, y a deux cent ans exactement, en 1825, dans le but de contrôler les routes caravanières locales et collecter le tribut des tribus kirghizes. On comprend que ces dernières aient encouragé les Russes à en prendre possession. Une fois la forteresse conquise (en 1860), ces derniers fondent la ville de Pishpek en 1878, le 29 avril. C’est cet anniversaire que l’on fête aujourd’hui. Cette ville deviendra, en 1926, la capitale de la république soviétique du Kirghizistan, et sera baptisée Frouzé, du nom d’un compagnon de Lénine. En 1991, la ville sera renommée Bichkek, un terme kirghiz proche du nom de la forteresse initiale et qui désigne un fouet servant à remuer le koumis, la boisson de lait fermenté nationale. C’était quelques semaines avant que le Kirghizistan accède à l'indépendance et que l’URSS disparaisse.

La cérémonie du 29 avril se déroule devant le monument dédié à Baityk Kanayev (1820-1886), l'un des chefs de file de la lutte contre l'oppression du khanat de Kokand. Ce héros national se rangera ensuite sous la protection des Russes. Il sera même invité à Saint-Pétersbourg en 1867 pour la cérémonie du couronnement de tsar Alexandre II.

En ce 29 avril, des événements festifs ont lieu tout au long de la journée dans tous les coins de la capitale, avec pour point culminant, un concert sur la place. T. Usubalieva, qui débute à 18h00.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29 avril 2025

Le monument dédié à Baitik Kanayev

 
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Kirghizistan, révolution, révolte populaire, 7 avril, 2010 Bruno Teissier Kirghizistan, révolution, révolte populaire, 7 avril, 2010 Bruno Teissier

7 avril : une révolution d’avril que le pouvoir kirghiz aimerait faire oublier

De la difficulté pour un dictateur kirghiz de commémorer une révolution qui a fait chuter, il y a 15 ans, un régime semblable en tout point au sien.

 

C’est aujourd’hui, le Jour de la Révolution populaire d'avril, une fête nationale qui commémore la révolution du 7 avril 2010, laquelle a renversé la dictature de Kurmanbek Bakiev. Celui-ci était arrivé au pouvoir en 2005 à la faveur d’une autre révolution, celle dite des Tulipes, que personne ne commémore car elle avait très vite débouché sur une dictature familiale. Le clan Bakiev, en effet, avait mis la main sur toutes les entreprises rentables du pays et avait verrouillé le système électoral pour s’incruster au pouvoir au point que seule une révolution pouvait le renverser. C’est ce qui est arrivé. La corruption, le népotisme et la répression politique ont fini par mobilier l’opposition. En avril 2010, les manifestations se sont intensifiées dans le centre de Bichkek. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants, causant la mort de 87 personnes. Mais les manifestants ont fini par prendre d'assaut le bâtiment du Parlement et, le 7 avril, ont renversé Bakiev, qui s'est enfui en Biélorussie.

Le Kirghizistan a connu ensuite quelques années d’un renouveau démocratique qui l’a singularité au sein de l’Asie centrale. Dès 2011, le nouveau régime (parlementaire), avait instauré un jour férié pour célébrer cette révolution. Chaque année, une cérémonie se déroulait sur la place Ala-Too, au centre de Bishkek. En 2016, le 7 avril a été déclaré journée chômé afin de donner plus de solennité à la célébration de la Révolution d’avril (Апрель революциясы) qui se déroule également sur un site commémoratif près de Bichkek.

Cette époque appartient au passé, la fenêtre libérale de l’Histoire kirghize est bien refermée à présent. Le 7 avril est toujours dans la liste des jours fériés, mais le nouveau code du travail, promulgué en 2004, en a fait une journée ordinaire. Le pouvoir essaye d’effacer le souvenir du 7-Avril. Depuis l’arrivée au pouvoir de Sadyr Japarov, en 2021, la vie politique a perdu toute sa substance, la presse d’opposition est à nouveau persécutée. L’exception démocratique du Kirghizistan (2010-2021) appartient aujourd’hui au passé. La république parlementaire a été transformée en une république présidentielle autoritaire. Le pouvoir favorise un cercle étroit autour du président. Lequel se félicite que le Kirghizistan compte « cinq ou six milliardaires en dollars et environ 200 millionnaires ». Le régime de Japarov ressemble totalement à celui de Bakiev, renversé le 7 avril 2010. Comme ce dernier, le président actuel a placé tous les membres de sa famille à des postes clés du pouvoir et de l’économie. Le Kirghizistan est devenu la république d’Asie centrale la plus proche du régime de Poutine, érigé en modèle par Japarov.

On comprend qu’il soit aujourd’hui malvenu de commémorer de manière trop appuyée une révolution que le pouvoir souhaite faire oublier, de crainte d’en susciter une autre. Mais la société kirghize a-t-elle les ressorts suffisants pour à nouveau renverser une dictature ?

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 avril 2025

Le 7 avril 2010, les manifestants prennent le Parlement

 
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Kirghizistan, épopée nationale, héros national Bruno Teissier Kirghizistan, épopée nationale, héros national Bruno Teissier

4 décembre : le Kirghizistan célèbre son épopée nationale

C’est le Jour de l'épopée Manas un poème épique que les Kirghizes considèrent aujourd’hui comme l’œuvre majeure de leur littérature ancienne et un fondement de leur identité culturelle.

 

Le 4 décembre 2013, l’Unesco inscrivait la trilogie Manas, Semetei, Seek sur la liste de du Patrimoine culturel immatériel de l'humanité. En 2015, en référence à cette reconnaissance, le gouvernement Kirghize déclarait le 4 décembre : Jour de l'épopée Manas (Манас дастаны), un poème épique de quelque 500 000 vers, que les Kirghizes considèrent aujourd’hui l’œuvre majeure de leur littérature ancienne. Cette célébration n’était pas la première. Déjà en 1995, les autorités locales, désormais libres de toutes références au marxisme-léninisme, avaient organisé des célébrations pour le 1000e anniversaire de ce long poème épique.

En vérité, l’âge de ce long poème, qualifié parfois de l’Iliade et l’Odyssée de l’Asie centrale, n’est connu précisément. Néanmoins, il ne peut pas être aussi ancien puisqu’il décrit des événements qui ont eu leu aux XVIe et XVIIe siècles. Cette épopée est composée de trois livres (le premier s'intitule "Manas", le deuxième épisode décrit les actes de son fils Semetei, et le troisième de son petit-fils Seitek (ou Seek). Pendant des siècles, elle a été transmise oralement à des générations successives de conteurs, appelés manasçı (Манасчы). Les manascis racontent ces histoires au travers d’un chant mélodique mais sans être accompagnés d'instruments de musique. Ils peuvent se relayer plusieurs jours d’affilée pour réciter d’un seul trait la totalité de l’épopée. Les premières transcriptions écrites ne datent que du milieu du XIXe siècle. Il en existe aujourd’hui plusieurs dizaines, complètes ou fragmentaires, avec des variantes et des évolutions d’un siècle à l’autre.

La principale innovation au XXe siècle est l’appropriation de cette épopée par les Kirghizes dont la nation est largement une invention de l’ère soviétique. Dans les premières transcriptions de l’épopée, Manas n’est pas qualifié de Kirghize mais de Nogaï. Les Nogaïs formaient un peuple turc nomade qui a eu son apogée aux XVe et XVIe siècles et dont il ne reste que des minorités éparpillées aujourd’hui de l’Anatolie au Kazakstan. À partir des années 1920, Manas est devenu Kirghize dans la totalité des récits. Aujourd’hui, Manas dont les statues équestres ont été érigées dans plusieurs villes, fait figure de héros national du Kirghizistan.

Contrairement aux figures de Genghiz Khan et de Timour, Manas n'est pas un personnage historique. Cet ancêtre mythique fait néanmoins la fierté des Kirghizes. Il est utilisé aussi bien par les gouvernements successifs, dès l’époque soviétique, que par ceux qui s’y opposent. À tel point que les autorités s’en prennent désormais aux manastchis et cherchant à brider leur discours pour en faire des relais de la propagande gouvernementale, sans vraiment y parvenir. Certains d’entre eux, en effet, ne se contentent pas de réciter ce qu’ils ont appris mais brodent sur les valeurs de luttes des glorieux ancêtres incitants les mécontents du régime à tenir tête à la dictature kirghize.

La fête du 4 décembre est marquée par divers événements culturels organisés dans tout le Kirghizistan.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 décembre 2022

 

La statue de Manas à Bichkek, capitale du Kirghizistan

Ce billet de banque kirghize représente le tombeau de Manas, un lieu bien réel pour un personnage imaginaire

manascis (ou manastchis)

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