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4 décembre : le Kirghizistan célèbre son épopée nationale

C’est le Jour de l'épopée Manas un poème épique que les Kirghizes considèrent aujourd’hui comme l’œuvre majeure de leur littérature ancienne et un fondement de leur identité culturelle.

 

Le 4 décembre 2013, l’Unesco inscrivait la trilogie Manas, Semetei, Seek sur la liste de du Patrimoine culturel immatériel de l'humanité. En 2015, en référence à cette reconnaissance, le gouvernement Kirghize déclarait le 4 décembre : Jour de l'épopée Manas (Манас дастаны), un poème épique de quelque 500 000 vers, que les Kirghizes considèrent aujourd’hui l’œuvre majeure de leur littérature ancienne. Cette célébration n’était pas la première. Déjà en 1995, les autorités locales, désormais libres de toutes références au marxisme-léninisme, avaient organisé des célébrations pour le 1000e anniversaire de ce long poème épique.

En vérité, l’âge de ce long poème, qualifié parfois de l’Iliade et l’Odyssée de l’Asie centrale, n’est connu précisément. Néanmoins, il ne peut pas être aussi ancien puisqu’il décrit des événements qui ont eu leu aux XVIe et XVIIe siècles. Cette épopée est composée de trois livres (le premier s'intitule "Manas", le deuxième épisode décrit les actes de son fils Semetei, et le troisième de son petit-fils Seitek (ou Seek). Pendant des siècles, elle a été transmise oralement à des générations successives de conteurs, appelés manasçı (Манасчы). Les manascis racontent ces histoires au travers d’un chant mélodique mais sans être accompagnés d'instruments de musique. Ils peuvent se relayer plusieurs jours d’affilée pour réciter d’un seul trait la totalité de l’épopée. Les premières transcriptions écrites ne datent que du milieu du XIXe siècle. Il en existe aujourd’hui plusieurs dizaines, complètes ou fragmentaires, avec des variantes et des évolutions d’un siècle à l’autre.

La principale innovation au XXe siècle est l’appropriation de cette épopée par les Kirghizes dont la nation est largement une invention de l’ère soviétique. Dans les premières transcriptions de l’épopée, Manas n’est pas qualifié de Kirghize mais de Nogaï. Les Nogaïs formaient un peuple turc nomade qui a eu son apogée aux XVe et XVIe siècles et dont il ne reste que des minorités éparpillées aujourd’hui de l’Anatolie au Kazakstan. À partir des années 1920, Manas est devenu Kirghize dans la totalité des récits. Aujourd’hui, Manas dont les statues équestres ont été érigées dans plusieurs villes, fait figure de héros national du Kirghizistan.

Contrairement aux figures de Genghiz Khan et de Timour, Manas n'est pas un personnage historique. Cet ancêtre mythique fait néanmoins la fierté des Kirghizes. Il est utilisé aussi bien par les gouvernements successifs, dès l’époque soviétique, que par ceux qui s’y opposent. À tel point que les autorités s’en prennent désormais aux manastchis et cherchant à brider leur discours pour en faire des relais de la propagande gouvernementale, sans vraiment y parvenir. Certains d’entre eux, en effet, ne se contentent pas de réciter ce qu’ils ont appris mais brodent sur les valeurs de luttes des glorieux ancêtres incitants les mécontents du régime à tenir tête à la dictature kirghize.

La fête du 4 décembre est marquée par divers événements culturels organisés dans tout le Kirghizistan.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La statue de Manas à Bichkek, capitale du Kirghizistan

Ce billet de banque kirghize représente le tombeau de Manas, un lieu bien réel pour un personnage imaginaire

manascis (ou manastchis)

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