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14 mars : en mémoire de Marielle Franco, femme politique brésilienne assassinée

Le président Lula a demandé à l’Assemblée de voter la création d’une « Journée nationale Marielle Franco pour combattre la violence politique basée sur le genre et la race » en mémoire de cette femme politique brésilienne assassinée il y a six ans dans une rue de Rio.

 

Le 14 mars 2018, Marielle Franco, une conseillère municipale de la ville de Rio de Janeiro était assassiné, en même temps que son chauffeur, Anderson Pedro Gomes. Ils sont tués dans leur voiture, prise en embuscade. Son assistante Fernanda Chaves, assise à côté de la parlementaire sur la banquette arrière de la voiture, a survécu et a préféré quitter le pays avec sa famille, pour ne pas devenir une cible.

Noire, bisexuelle militante et femme de gauche, elle enquêtait sur la corruption. Son assassinat a provoqué un grand choc. Dans les mois qui ont suivi, l’État de Rio a instauré, pour chaque 14 mars,  un « Jour de Marielle Franco, Journée de lutte contre la violence politique faite aux femmes noires » (Dia Marielle Franco de Enfrentamento à Violência Política contra Mulheres Negras). D’autres États brésiliens ont fait de même.

Un an plus tard, les assassins ont fini par être arrêtés : Ronnie Lessa et Elcio de Queiro, deux anciens membres de la police militaire. Mais, trois ans après le double assassinat, il reste encore beaucoup d’incertitudes sur l’identité des commanditaires. Sous Bolsonaro l’enquête est resté au point mort, ce que déplorait Marinete Silva, la mère de la victime. Il faut dire que Flavio Bolsonaro, le fils de l’ancien président a été cité dans le dossier… En 2023, le gouvernement Lula a relancé l’enquête, en la confiant à la police fédérale en février et en promettant d’identifier les commanditaires et de prouver l’implication de milices para-militaires. Pour le moment seuls des complices de l’assassinat ont avoué.

Sociologue de 38 ans, Marielle Franco était une enfant du quartier de la Maré. Elue  conseillère municipale en 2016, elle était connue pour son activisme en faveur des femmes, de la cause LGBT, des noirs, et des habitants des favelas, et pour ses critiques à l’égard de la police militaire. Le 10 mars, elle s’en prenait au 41e bataillon de police militaire, qu’elle qualifiait de « bataillon de la mort », pour ses actions dans le quartier d’Acari.

La figure de Marielle Franco a pris une dimension internationale : Paris lui a dédié un jardin public dans le 10e arrondissement. À Berlin, on vient d’inaugurer une fresque murale. Plusieurs villes lui ont donné un nom de rue… Finalement, en juillet 2022, une statue à son effigie, œuvre du sculpteur Edgar Duvivier financée par une souscription populaire, a été dévoilée sur une place du centre de la ville de Rio de Janeiro

En 2023, à la veille du 5e anniversaire de l’assassinat de Marielle, le président Lula a demandé à l’Assemblée de voter la création de la « Journée nationale Marielle Franco pour combattre la violence politique basée sur le genre et la race » à l’échelle nationale. L'objectif, selon le gouvernement, est de "sensibiliser la société aux violences subies par les femmes dans l'environnement politique, en particulier les femmes noires".

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, le 13 mars 2024

 
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2018, 1956, Soudan, révolution, 19 décembre Bruno Teissier 2018, 1956, Soudan, révolution, 19 décembre Bruno Teissier

19 décembre : la révolution inachevée de décembre au Soudan

Le 19 décembre 2018, des manifestants se rassemblaient à Khartoum pour protester contre la vie chère et réclamer le départ du dictateur Omar El Béchir. Celui tombera, mais le gouvernement de transition n’est pas parvenu à instaurer la démocratie. L’armée a pris le pouvoir et aujourd’hui, le pays est en proie à une véritable guerre entre de clans.

 

Le 19 décembre 2018, des manifestants se rassemblaient à Khartoum pour protester contre la vie chère, alors que le pays est en proie à une grave crise économique. Les manifestants réclament le départ du président Omar El Béchir, en place depuis près de trente ans. Pour ce dictateur, ce sera le début de la fin, puisqu’il sera renversé par l’armée le 11 avril suivant.

Cette date n’avait pas été choisie au hasard. Le 19 décembre est l’anniversaire de la déclaration d’indépendance du Soudan par les députés du Parlement soudanais le 19 décembre 1956, marquant la fin de plusieurs décennies de colonisation du pays par la Grande-Bretagne.

Malheureusement, la Révolution de décembre 2018 n’a pas atteint son but d’instaurer la démocratie au Soudan. Le gouvernement de transition, dirigé par Abdallah Hamdok, ne parvient pas à s’imposer. Les élections libres n’ont pas pu être organisées. Un coup d’État militaire, le 25 octobre 2021, mené par le général Abdel Fattah al-Burhane, douche tout espoir d’une démocratisation rapide du régime.

Le 19 décembre 2021, pour marquer l’anniversaire de la révolution, une immense manifestation a eu lieu dans tout le pays. À Khartoum, les manifestations ont pris une dimension insurrectionnelle avec l’occupation de la place du palais présidentiel par les manifestants qui dénonce la mainmise des militaires sur l’avenir du pays. La même protestation d’ampleur contre la dictature militaire n’a pas eu lieu en 2022. Le contexte a radicalement changé.

Depuis, la situation s’est encore dégradée. Le pays, et la capitale en particulier, est en proie à des combats meurtriers entre l’armée sous les ordres du général al-Burhane et des paramilitaires dirigés par son rival, Mohamed Hamdane Dagalo, dit Hemeti. Ce dernier contrôle aujourd’hui presque toute la capitale. Pour les civils pris au piège des tirs croisés, les conséquences sont dramatiques. Plus de 5 millions de personnes ont dû fuir leur foyer pour échapper à la violence, la plupart des établissements de santé ne sont plus opérationnels et la faim et les maladies sont en augmentation. Les paramilitaires du général « Hemetti » accroissent leur contrôle sur l’ouest du pays, tandis que l’armée régulière ne tient plus qu’une fraction du territoire entre le Nil et la mer Rouge… Les espoirs générés par la Révolution de décembre sont plus éloignés que jamais.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 décembre 2023

 

Le slogan de la Révolution de décembre : سقط – بس "Tasgut bas" (Juste tomber, c'est tout !)

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