L’Almanach international

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1951, 30 mars, culte afro-américain, Trinidad-et-Tobago Bruno Teissier 1951, 30 mars, culte afro-américain, Trinidad-et-Tobago Bruno Teissier

30 mars : Trinité-et-Tobago célèbre une secte afro-américaine liée au Baptisme

Spiritual Baptists Liberation Day, jour férié de Trinidad et Tobago, est l’anniversaire de la liberté de culte des baptistes spirituels, un courant local du protestantisme

 

Les baptistes spirituels ne sont qu’une minorité dans l’archipel de Trinité-et-Tobago, environ 5% de la population. Ce courant religieux a été interdit de 1917 au 30 mars 1951. C’est l’anniversaire de leur liberté de culte qui est, depuis 1996, marqué par un jour férié. Si on a fait du 30 mars une fête nationale (le Spiritual Baptists Liberation Day) pour l’ensemble du pays, c’est que beaucoup de ses habitants, sans y adhérer, se reconnaissent dans cette religion qui mélange le christianisme, notamment le baptême par immersion, à des pratiques africaines, comme la transe et l’usage de tambour. C’est en raison de ce  syncrétisme qu’elle a été mal vue puis interdite par les autorités coloniales britanniques à la demande des religions établies, notamment les trois autres courants du Baptisme présent dans l’archipel.

Leurs pratiques religieuses étant très bruyantes, les fidèles étaient appelés les shouters (crieurs), terme péjoratif à l’origine, si bien que le Spiritual Baptists Liberation Day (Jour de la libération des baptistes spirituels) est aussi connu comme le Shouters Liberation Day. Pendant plusieurs décennies, les shouters ont pratiqué leur culte la nuit et dans des lieux discrets. Les participants dansaient, criaient, tremblaient et tombaient au sol dans des convulsions. Un tel comportement a été jugé inconvenant par les milieux plus traditionnels et conservateurs de la société. En marge, les shouters ont été influents dans les mouvements syndicaux et les partis politiques de gauche. Beaucoup étaient d'anciens esclaves noirs américains recrutés par les Anglais. La levée de l’interdiction des cultes des batistes spirituels est notamment due au combat d’Elton George Griffith, leur évêque à partir de 1940. Outre à Trinidad et Tobago, ce culte est aussi présent dans plusieurs îles des Caraïbes, notamment à la Barbade et à Saint-Vincent (les shakers), mais aussi aux États-Unis.

Certaines pratiques religieuses de la foi baptiste du crieur spirituel se sont avérées similaires à celles de peuples ou d’anciens royaumes d'Afrique de l'Ouest, en particulier le peuple du Dahomey (aujourd’hui situé au Bénin), le peuple Kongo (maintenant au Congo, RDC et en Angola) et le peuple Yoruba (aujourd'hui principalement au Nigeria, au Bénin, au Ghana et au Togo).

Les baptistes spirituels se réfèrent à saint Jean-Baptiste et leur nom vient de la pratique d'immerger leurs fidèles dans l'eau pour les baptiser. Les rituels sont caractérisés par des sonneries de cloches, des chants, des cris et des « visites » du Saint-Esprit. Le terme de « spirituel » indique que le Saint-Esprit est impliqué dans la vie des croyants comme dans leur service religieux. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29 mars 2024

 
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1951, Népal, révolution, 19 février Bruno Teissier 1951, Népal, révolution, 19 février Bruno Teissier

19 février : la Journée de la démocratie au Népal, un pays où elle a rarement eu cours

Les Népalais célèbrent une révolution qui a mis fin à un système de premiers ministres héréditaires en 1951 mais qui n’a pas pour autant débouché sur la démocratie. Celle-ci, au Népal, est encore récente et bien hésitante.

 

Rastriya Prajatantra Diwas (राष्ट्रिय प्रजातन्त्र दिवस), la Journée nationale de la démocratie est célébrée à Tundikhel, dans le centre de Kathmandou, par un défilé militaire en présence des hauts responsables gouvernementaux et par des spectacles culturels. C’est un jour férié et chômé au Népal.

Cette Journée de la démocratie est présentée comme l’anniversaire de « l'entrée du Népal dans le monde moderne ». En 1951, un soulèvement populaire mettait fin à la dynastie des Rana qui régnaient sur le Népal depuis 1847.  Les Rana formaient un clan qui a monopolisé le pouvoir pendant plus d’un siècle avec le soutien des Anglais. Les rois du Népal avaient alors perdu tout pouvoir et étaient relégués à une fonction de représentation. Le chef du gouvernement portant le titre de rana était toujours un membre du clan issu de la famille râjput Shumsher, lesquels se cooptaient de manière à perpétuer leur pouvoir. Ce siècle des Rana est vu comme une période sombre dans l’histoire du Népal.

Quand en 1947, les Britanniques se sont retirés de l’Inde (devenue indépendante le 15 août), cette oligarchie a perdu son principal soutien extérieur. Le Parti du Congrès indien n’a eu de cesse que de les chasser du pouvoir en provoquant une révolution en 1950. C’est avec son soutien que le roi  Tribhuvan du Népal a finalement mis fin à leur pouvoir en janvier 1951. La primauté de la monarchie a été rétablie, tandis que le Congrès népalais obtenait la promesse que des représentants populaires élus seraient intégrés au nouveau gouvernement. C’est cet anniversaire que l’on célèbre chaque année au Népal par ce Jour de la démocratie.

Cela dit, cette révolution n’a pas pour autant instauré la démocratie. Loin de là, Il faudra attendre 1959 pour que le Népal connaissances ses premières élections parlementaires qui déboucheront sur un régime contesté par l’opposition. Dès 1960, le Népal connaît un retour à une monarchie absolue (celle du roi cette fois), qui a duré jusqu’en 1990, laissant la place à une monarchie constitutionnelle très chaotique, avec une alternance de régimes autoritaires et de crises gouvernementales sur fond de guérilla maoïste. Le Parlement a été suspendu encore une fois de 2002 à 2006. En 2008, le Népal est finalement devenu la République démocratique fédérale du Népal sans pour autant échapper l’instabilité gouvernementale. Si le régime actuel s’apparente à la démocratie, celle-ci a très peu existé depuis la révolution de 1951 que l’on commémore aujourd’hui.

Cette Journée nationale de la démocratie est célébrée chaque 7 Falgun, le septième jour du onzième mois de l’année du calendrier népalais, lequel débute à la mi-février pour se terminer à la mi-mars, soit le 19 février. En vérité, les autorités ont prévu trois jours de célébration, les 6, 7 et 8 du mois de Falgun, cette année 2079. En effet, le calendrier népalais a débuté en 57 avant J.-C., si bien que pour encore deux mois, nous sommes en 2079.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1951, Libye, 24 décembre, indépendance Bruno Teissier 1951, Libye, 24 décembre, indépendance Bruno Teissier

24 décembre : les Libyens célèbrent une indépendance très virtuelle

C’est un pays complètement éclaté et occupé par plusieurs forces étrangères qui célèbre aujourd’hui le 71e anniversaire de son indépendance. Des festivités sont prévues, organisées chacune de leur côté par les deux gouvernements rivaux, sous l’œil des puissances occupantes qui n’ont aucun intérêt à ce que la Libye recouvre un jour son indépendance.

 

Officiellement, en Libye, c’est le Jour de l’indépendance (عيد الاستقلال) et la fête nationale. Mais ce 24 décembre marque également le premier anniversaire du report des élections générales qui devaient se tenir le 24 décembre 2021, pour le 70e anniversaire de l’indépendance. Elles n’ont pas eu lieu et il y a bien peu de chance qu’elles soient organisées prochainement. Le pays aujourd’hui est complètement éclaté et occupé par plusieurs forces étrangères.

Le 24 décembre 1951, le roi Idriss Ier proclamait l’indépendance du pays, jusque-là occupé par les Anglais et les Français qui avaient chassé les Italiens. La Libye devenait le premier État indépendant du Maghreb. En 1949, l’ONU s’était prononcé en faveur de son indépendance, l’année suivante, une assemblée avait été élue. Celle-ci avait désigné Idriss al-Senoussi, chef de la puissante dynastie des Senoussi, souverain de la nation sous le nom d’Idris 1er. Le pays retrouvait sa liberté formelle après exactement quatre siècles de tutelle étrangère, turque (à partir de 1551) puis italienne (à partir de 1911). La pleine indépendance économique n’est toutefois venue qu’avec la découverte du pétrole, à partir de 1959, et sa totale indépendance politique, après le coup d’État du colonel Kadhafi, en 1969. C’est lui qui a été renversé en 2011 par une révolte populaire, lourdement appuyée par une intervention étrangère (française, anglaise, américaine…). Entre ces deux dates le pays, devenu très riche, a joui de quatre décennies d’une réelle indépendance, sans doute les seules de toute son histoire mais pendant ces années florissantes, la Libye n’a eu qu’un rôle le plus souvent perturbateur, voire terroriste, sur la scène régionale. Au dictateur fantasque et dangereux a succédé un chaos non moins préoccupant.

Aujourd’hui, après des années de guerre civile, la Libye demeure éclatée entre l’est, l’ouest et le sud rebelle.  À L’ouest, en Tripolitaine, siège un gouvernement reconnu par l’ONU qui ne survit que grâce à l’aide militaire massive de la Turquie, laquelle a repris pied en Libye après un siècle d’absence et fait de ce pays un pion de sa stratégie méditerranéenne. À l’Est, en Cyrénaïque, siège le Parlement ainsi qu’un contre gouvernement dirigé par Abdul Hamid Dheibah, soutenu l’Égypte, armée par les Saoudiens et les Émiraties et épaulé par des mercenaires russes installés par Moscou (les sinistres milices Wagner). Au Sud, au Fezzan, le monde tribal a repris le dessus et les minorités non arabes ont reconquis leur liberté d’action, appuyées, les unes par le Soudan, les autres par le Tchad ou l’Algérie… 

La signature d'un cessez-le-feu négocié par l'ONU en octobre 2020 avait ouvert la voie à des élections prévue le 24 décembre 2021. Elles ont été reportées en raison d'un désaccord sur la base juridique du vote. En août 2021, le parlement de l'Est a choisi un nouveau gouvernement dirigé par Dheibah, mais le Premier ministre qui siège a Tripoli, Mohammed Menfi, soutenu par la communauté internationale et l’ONU, a refusé de se retirer. C’est un pays éclaté et dépendant de forces étrangères, qui célèbrent aujourd’hui sa fête nationale. Cette date du 24 décembre avait été effacée du calendrier officiel de 1969 à 2011, sous le règne de Kadhafi. L’ancien dictateur ne fêtait que l'anniversaire du coup d’État qui l’avait porté au pouvoir, le 1er septembre 1969.

Ce 24 décembre, des célébrations sont néanmoins organisées à Tripoli, notamment cette année, au planétarium, à destination des enfants, sous le titre « Notre indépendance à travers les yeux de nos enfants ». Du côté du gouvernement de l’est libyen, on a décrété deux jours de festivités. Exceptionnellement, ce dimanche 25 décembre sera un jour férié. En Libye de puis Kadhafi, c’est le vendredi, le jour de repos hebdomadaire et Noël n’est pas fêté.

Beaucoup de Libyens n’ont qu’un rêve aujourd’hui, c’est le retour de la paix, de la prospérité – ce pays peu peuplé est très riche –, et peut-être aussi celui d’une indépendance véritable. Leur crainte est que les présences étrangères ne s’éternisent et que le pays demeure divisé et occupé ad vitam aeternam, comme l’est l’île de Chypre dont l’exemple est très peu rassurant pour l’avenir du pays. Ankara a décidé de prolonger sa présence militaire en Libye. Au nord de Chypre, l’armée turque va bientôt fêter son demi-siècle d’occupation. Au Sud de l’île, les Anglais sont présents depuis beaucoup plus longtemps encore. En Libye, depuis que la conquête de Tripoli par Haftar a été finalement sabotée par les Russes de peur que les Américains ne s’en mêlent, un équilibre des forces s’est établi entre Ankara et Moscou. Qui a intérêt à la réunification du pays et à rendre à la Libye son indépendance ?

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Timbre émis à l’occasion du 10e anniversaire de l’indépendance

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