L’Almanach international

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1876, Roumanie, artiste, 19 février Bruno Teissier 1876, Roumanie, artiste, 19 février Bruno Teissier

19 février : les Roumains rendent hommage à Constantin Brâncuși

Constantin Brâncuși est un artiste majeur du début du XXe siècle, l’initiateur de la sculpture moderne. S’il a fait ses débuts en Roumanie, son pays natal, c’est en France où il a émigré en 1904, qu’il est devenu l’artiste que l’on connaît. La Roumanie a attendu des décennies avant de lui rendre hommage.

 

Constantin Brâncuși (1876-1957) est un artiste majeur du début du XXe siècle, l’initiateur de la sculpture moderne. Il est à la sculpture ce que Picasso a été pour la peinture. S’il a fait ses débuts en Roumanie, son pays natal, c’est en France où il a émigré en 1904, qu’il est devenu l’artiste que l’on connaît.

Sa reconnaissance a été tardive en Roumanie. C’est en 2015 seulement que le Parlement a décrété une Journée Brâncuși (Ziua Brâncușilo), célébrée chaque 19 février, jour de son anniversaire. En 2016, le gouvernement roumain a lancé une souscription pour l’acquisition d’une œuvre de Brancusi dont le portrait figure désormais sur les billets de banques roumains. C’est un échec, en dépit d’une active communication avec pour slogan « Brâncuși est à toi ». L’œuvre, titrée La sagesse de la terre, sera tout de même achetée par l’État roumain qui, jusque-là, n’en possédait aucune.

Constantin Brancusi est peu retourné en Roumanie mais n’a jamais oublié son pays natal. En 1951, l’artiste prévoit de lui léguer l’ensemble de ses œuvres encore en sa possession. Refus des autorités communistes de Bucarest : « l’œuvre de Brancusi n’aide en rien la construction du socialisme en Roumanie » ! L’État communiste roumain le déchoit même de sa nationalité, Brancusi devient donc français en 1952, cinq ans avant sa mort à l’âge de 81 ans. Le contenu de son atelier de l’impasse Ronsin est légué au Musée national d’art moderne qui lui rendra un formidable hommage. Aujourd’hui, en effet, son atelier est visible, totalement reconstitué, sur le parvis du Centre Pompidou, à Paris. En 1955, Brancusi avait demandé à être enterré dans le cimetière de son village natal de Hobita, en Olténie. Nouveau refus des autorités roumaines… Brancusi repose au cimetière du Montparnasse à Paris.

Constantin Brâncuși a été élevé récemment au rang d’artiste national. Mais, l’hommage de la Roumanie a ses limites. En 2018, sa maison natale à Hobita s’est effondrée. L’État avait refusé de la prendre en charge…

Le public roumain a finalement fait honneur à son compatriote, l'exposition « Brâncusi : sources roumaines et perspectives universelles » du 30 septembre 2023 au 28 janvier 2024 au Musée d'Art de Timisoara a connu un grand succès, avec plus de 121 000 billets réservés.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 18 février 2024

Constantin Brâncuși, photo d’Edward Steichen, 1922

 
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1859, Roumanie, 24 janvier, indépendance Bruno Teissier 1859, Roumanie, 24 janvier, indépendance Bruno Teissier

24 janvier : les Roumains fêtent le jour de l'Unité

Il a 165 ans, le 24 janvier 1859 naissait la Roumanie de l’union de le la Moldavie et de la Valachie… Ce jour férié est de création récente (2013), cette Fête de l'union (Ziua Unirii) s’insère dans le processus d’exacerbation du nationalisme de la part d’un régime aux tendances populistes.

 

Le 24 janvier 1859, naissait la Roumanie fruit de l’union de la Moldavie et de la Valachie. Ce n’était encore qu’une « Petite Roumanie » qui, en 1918, sera agrandie d’autres provinces… Mais en 1859, l’union de deux principautés de langue roumaine n’était pas une évidence. Leurs anciens tuteurs, russes et ottomans, auraient préféré les garder distinctes. L'Union des Principautés (Petite Union) a eu lieu le 24 janvier 1859, par l'élection d'Alexandru Ioan Cuza comme dirigeant des deux principautés - le 5 janvier 1859 en Moldavie et le 24 janvier 1859 en Valachie. Finalement, il a bien fallu admettre leur union et la naissance d’un État, pas encore indépendant et qui prendra le nom, un peu plus tard, de Roumanie.

Ce jour férié a été créé récemment (2013), cette Fête de l'union (Ziua Unirii) s’insère dans le processus d’exacerbation du nationalisme de la part d’un régime aux tendances populistes. À Bucarest, une cérémonie est organisée au pied de la statue du prince Alexandru Ioan Cuza, située sur la colline du patriarcat roumain. Même chose dans d’autres villes du pays où une cérémonie militaire et religieuse se déroule au monument d'Alexandre Cuza sur la place Unirii. Depuis 2016, le 24 janvier est chômé dans tout le pays.

Cette année 2024, pour le 165e anniversaire de l’union, c’est à Iași et à Focșani, que se déroule l’essentiel des festivités, en présence des présidents du PSD (gauche) et du PNL (droite), Marcel Ciolacu et Nicolae Ciucă, mais en l’absence du président de la république, Klaus Iohannis, qui a choisi de rester à Bucarest et de participer à la cérémonie organisée à 12h au monument "Tombeau du Soldat inconnu" dans le parc Carol I. De son côté, le Premier ministre Marcel Ciolacu est présent à la cérémonie de décoration des drapeaux de bataille de l'état-major général des forces terrestres et de la 2e Division d'infanterie "Getica", à 12h. Quant au parti d’extrême droite AUR, il organise à Iasi une marche dédiée au 24-Janvier, sur l'itinéraire Piaţa Unirii - Palatul Culturii.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 janvier 2024

 
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1878, Roumanie, 14 novembre Bruno Teissier 1878, Roumanie, 14 novembre Bruno Teissier

14 novembre : la Roumanie célèbre l’annexion de la Dobroudja

Depuis 2015, les Roumains célèbrent une Journée de la Dobroudja qui commémore l’intégration de cette région littorale de la mer Noire à la Principauté de Roumanie, le 14 novembre 1878. Cet événement est perçu comme la deuxième étape du processus d'union nationale des Roumains.

 

Depuis 2015, les autorités roumaines célèbrent une Journée de la Dobroudja (Ziua Dobrogei) qui commémore l’intégration de la Dobroudja (Dobrogée, en français) à la Principauté de Roumanie, le 14 novembre 1878.

Cette région située entre le Danube et la mer Noire permet à la Roumanie d’avoir une véritable façade maritime. À l’époque la Roumanie n’était composée que de la Valachie et de la Moldavie. Seule cette dernière avait une petite ouverture sur la mer. Cette région de Dobroudja venait d’être arrachée à l’Empire ottoman par la Russie. Une partie de cette province, au sud, a été cédée à la Bulgarie. Le reste de la région a été échangé par les Russes avec la Bessarabie du Sud (une portion de la Moldavie historique aujourd’hui située en Ukraine). Le caractère roumain de la Dobroudja n’était pas évident à l’époque, les Turcs et Tatars représentant près de la moitié de la population et les Roumains moins d’un quart. S’ajoutaient des Bulgares, des Grecs, des Russes, des Allemands…

Le nord de la Dobroudja a été cédé à la Roumanie par le traité de Berlin signé le 13 juillet 1878. Mais, il a fallu plusieurs mois pour l'incorporer formellement au royaume de Roumanie. Instaurée par le Parlement roumain le 7 octobre 2015, la Journée de la Dobroudja est marquée par divers événements culturels et éducatifs. C’est une célébration officielle mais ce n’est pas un jour férié. Pour ce 145e anniversaire, un programme artistique intitulé « Harmonie interculturelles de Dobrogea » est proposé au Palais des Enfanst de Constanța à partir de 15 h. Par ailleurs, « Comment la jeunesse de Dobrogea, de différentes ethnies, voit l'avenir dans ces plaines » est un événement organisé à partir de 11h, sur le campus de l'Université Ovidius de Constanța. À partir de 14 h, une cérémonie de dépôt de gerbes se déroule au Monument dédié aux héros de la Guerre d'Indépendance roumaine, situé dans le parc de la Maison de la Culture. 

Pour les Roumains, l’union de la Dobroudja avec la Roumanie représente la deuxième étape de leur processus d'union nationale. La première étape avait eu lieu avec l'union des principautés de Valachie et de Moldavie, le 24 janvier 1859. Pour Bucarest, l’achèvement de l'unité nationale aura lieu, à Alba Iulia, le 1er décembre 1918, avec l’intégration de la Transylvanie au royaume de Roumanie.

Dans cette région littorale, les forces navales roumaines célèbrent la Journée de la Dobrogea à travers une série d'événements qui se déroulent à Tulcea et Constanța, le dimanche précédant, soit le 12 novembre, cette année. À Constanța, les marins militaires déposent des gerbes de fleurs au Monument de l'Indépendance dans le parc de la Maison de la Culture, lors d'une cérémonie qui a lieu à partir de 12h. Dans la garnison de Tulcea, les soldats participent à partir de midi, à une cérémonie militaire organisée au Monument de l'Indépendance et déposent des gerbes en l'honneur des héros martyrs qui se sont sacrifiés pour la réunification du pays.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 novembre 2023

 

L’entrée de l'armée roumaine en Dobroudja

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1918, Roumanie, unification du pays, 1er décembre Bruno Teissier 1918, Roumanie, unification du pays, 1er décembre Bruno Teissier

1er décembre : la fête nationale roumaine, une célébration de la Grande Roumanie

Le 1er décembre est aussi connu en Roumanie comme le Jour de l’Union. Cette date rappelle que le 1er décembre 1918 les représentants des Roumains et des Saxons de Transylvanie adoptent la proclamation d'Alba Iulia d'union avec le Royaume de Roumanie. C’est une exaltation de la Grande Roumanie.

 

Avec la chute du régime communiste de Ceauçescu, en 1989, il n’était plus possible de célébrer le 23 août comme l’avait fait le pouvoir communiste pendant un demi-siècle. Il n’était pas question non plus de revenir à la fête antérieure, celle du 10 mai qui rappelait une monarchie qui s’est avérée trop complaisante à l’égard du fascisme. Certains avaient proposé le 22 décembre, date du renversement du dictateur communiste, mais  l’exécution sommaire du couple Ceauçescu, trois jours plus tard, avait rendu la date peu glorieuse et l’option ne fut pas retenue.

On le sait, le choix s’est donc porté sur le 1er décembre, connu comme le Jour de l’Union (Ziua Unirii). Cette date rappelle que le 1er décembre 1918 les représentants des Roumains et des Saxons de Transylvanie adoptent la proclamation d'Alba Iulia d'union avec le Royaume de Roumanie. On parle alors de la Grande Union (Marea Unire) venue compléter celle du 24 janvier 1859, dite Petite Union quand la réunion des principautés médiévales de Valachie et Moldavie avait permis de créer la Roumanie. En 1990, la Grande Journée de l'Union a été déclarée Fête nationale avec le statut de jour férié et chômé. Sans que ce soit dit à l’époque, le changement de date avait aussi pour objet de couper l’herbe sous le pied de la minorité hongroise en Roumanie et de Budapest où l’on recommençait à évoquer une remise en question du rattachement de la Transylvanie à la Roumanie dans sa totalité. À l’inverse, cette date du 1er décembre qui se réfère à une Roumanie plus grande qu’elle ne l’est aujourd’hui, a aussi pour but d’évoquer le sort du nord de la Moldavie, la Bessarabie détachée du reste du pays par Moscou en 1940, et qui n’a pas été restitué à la Roumanie.

Bucarest s’est donc préparée pour le traditionnel défilé de l'armée sous l'Arc de Triomphe, qui réunit cette année la plus ample participation des militaires des pays alliés. « Après deux ans de pandémie, cette fois-ci il n'y a pas de restrictions pour le public. Qui plus est, le défilé présente, en première, les nouvelles acquisitions en matière de technique militaire moderne dont l'Armée Roumaine vient d'être dotée. Somme toute, des militaires roumains, 150 militaires étrangers - belges, français, macédoniens, moldaves, portugais, américains et néerlandais et autres soldats représentants les pays alliés, présents dans les structures de l'OTAN établies sur le territoire de la Roumanie, auxquels s'ajouteront 25 moyens techniques, y compris des aéronefs de combat venus du Canada, d'Italie, d'Espagne et des États-Unis » (Radio Romania)

D’autres célébrations importantes ont également lieu à Alba Iulia, la ville où a été forgée la Grande Union : cérémonies militaires et des dépôts de couronnes auront lieu aux statues des personnalités ayant marqué la Grande Union. Ici, la célébration a commencé dès le 30 novembre, jour de la Saint-André, jour férié où l’on fête le patron de la Roumanie avec un festival consacré aux traditions roumaines. 

Alba Iulia célèbre également le centenaire du couronnement du roi Ferdinand Ier, en 1922, à l'endroit même où en l'an 1600, le prince valaque Michel le Brave réalisait la toute première et très éphémère, union des trois principautés roumaines.

La guerre en Ukraine oblige, le défilé militaire d’Alba Iulia réunit cette année quelque 850 soldats et de la technique militaire terrestre, ainsi que des hélicoptères et des avions F-16. C'est ici que défilent des militaires français faisant partie du Groupement tactique de l'OTAN déployé à Cincu, au département de Brasov (centre).

Dans les rues de la capitale comme dans celle des autres villes, le public peut profiter des feux d’artifice et des illuminations, des concerts et de plats traditionnels, tels que les saucisses aux haricots, servis chaud sur les trottoirs pour se réchauffer en ce premier jour de décembre. Pour les frileux un programme spécial est prévu à la télé.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 novembre 2022

 
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2004, Roumanie, OTAN Bruno Teissier 2004, Roumanie, OTAN Bruno Teissier

3 avril : la Journée de l'OTAN en Roumanie, une célébration qui a pris un tour particulier

Chaque premier dimanche d’avril, la Roumanie célèbre son adhésion à l’Alliance atlantique et à l’OTAN. Suite au coup de tête d’un dictateur russe, l’organisation dénoncée comme moribonde a retrouvé sa jeunesse et renforcé sa présence au bord de la mer Noire.

 

Comme chaque premier dimanche d’avril, la Roumanie célèbre son adhésion à l’Alliance atlantique et à l’OTAN. Cette année, on s’en doute, la guerre de la Russie cotre l’Ukraine  donne à cette célébration une dimension particulière. Pour l’édition 2022 de cette fête, l’accent est mis sur les forces navales. La Journée de l'OTAN en Roumanie (Ziua NATO în România) est célébrée ce dimanche 3 avril par la marine roumaine à bord de navires militaires dans les ports militaires de Constanța, Mangalia, Brăila et Tulcea, ainsi que dans toutes les unités des forces navales roumaines. Ce choix symbolise le renforcement actuel de l’alliance occidentale sur le théâtre de la mer Noire, notamment avec l’appui de la France qui a renforcé, depuis l’agression russe, sa présence en Roumanie.

À 09h00, ce matin, le drapeau national de la Roumanie et celui de l'Alliance de l'Atlantique Nord sont hissés, tandis que l'hymne national de la Roumanie et celui de l'OTAN sont chantés. Les cérémonies militaires marquent le 18e anniversaire de l'adhésion de la Roumanie à l'OTAN et le 73e anniversaire de la fondation de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

C’est le 29 mars 2004, que la Roumanie a officiellement adhéré à l’OTAN par le dépôt des instruments de ratification au Département d’État des États-Unis, pays dépositaire du Traité de l’Atlantique du Nord. Cette procédure a été suivie, la 2 avril 2004, par la cérémonie de lever le drapeau roumain au siège de l’OTAN à Bruxelles. C’est ce lever de drapeau dont on fête l’anniversaire, à un jour près, aujourd’hui. C’est en 2005, que la Journée de l’OTAN en Roumanie a été fixée le premier dimanche du mois d’avril. 

Ce 3 avril est aussi l’anniversaire du plus grand sommet de l’OTAN jamais organisé. C’était en 2008, du 2 au 4 avril. C’était aussi le plus grand événement de politique étrangère organisée par la Roumanie : 26 pays membres, 23 pays partenaires, des dirigeants d’organisations internationales, 23 présidents, 22 premier ministres, 7 ministres des affaires étrangères… en tout plus de 6500 délégués ! La Roumanie est très fière de ce rôle de pays hôte qui lui avait été confié à l’époque. C’est lors de ce sommet de Bucarest que l’Ukraine et la Géorgie avaient, librement, formulé leur demande d’adhésion à l’OTAN. La France et l’Allemagne, soucieuses de ménager Moscou, s’y étaient opposées. La Géorgie allait le payer quelques mois plus tard par une agression militaire russe, à laquelle l’Europe n’a pas prêté attention. L’Ukraine ne perdait rien pour attendre. Les géopolitologues prisonniers du cadre mental de la guerre froide et imprégnés de propagande russe nous expliquent aujourd’hui que tout ce déploiement est responsable de la destruction de l’Ukraine et qu’il conviendrait, comme le dictateur Poutine l’a réclamé en janvier dernier, de procéder à un retrait de l’Alliance Nord-Atlantique de Roumanie et de Bulgarie. Or pour ces deux pays, qui ont choisi cette alliance en toute liberté, il est inconcevable de devenir à la situation d’avant 1997 (début de l’élargissement de l’OTAN), au risque de se retrouver très vite dans celle de 1947.

Si cette année, ce 3 avril a pris des accents militaires, la Journée officielle est d’abord une fête dédiée à la démocratie, à l'esprit européen et euro-atlantique. En matière de démocratie, la Roumanie a encore des efforts à faire, mais elle progresse. Pour ce qui est de son intégration à l’Europe, la Roumanie a toujours été animée d’un tropisme occidental, elle est mieux intégrée que la Hongrie ou la Pologne, toujours rétives à l’esprit communautaire. Quant à l’axe euro-atlantique, il y va de son indépendance. La petite Moldavie voisine, enlevée à la Roumanie en 1944, et toujours partiellement occupée par l’armée russe, n’a pas encore pu échapper à l’ombre de Moscou. Une situation qui ne quitte jamais l’esprit des Roumains, surtout un jour comme aujourd’hui.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 2 avril 2022

 

Le président roumain, Klaus Iohannis et le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg

Les forces navales roumaines mise à l’honneur de cette journée de célébration

Cérémonial pour la Journée de l'OTAN en Roumanie

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1918, Roumanie, Moldavie, URSS, 27 mars Bruno Teissier 1918, Roumanie, Moldavie, URSS, 27 mars Bruno Teissier

27 mars : le Jour de l'union de la Bessarabie avec la Roumanie

La république de Moldavie en occupe la majeure partie de la Bessarabie. Ce territoire majoritairement roumanophone a appartenu à la Roumanie mais a été confisqué par l’URSS…

 

La Roumanie célèbre le Jour de l'union de la Bessarabie avec la Roumanie (Ziua Unirii Besarabiei cu Romania). Cette célébration est récente (2017) et correspond à l’air du temps, l’émancipation des peuples, même si Moscou y verra inévitablement l’une de ces humiliations que soi-disant l’Occident lui impose. Alors qu’il ne s’agit là que de la liberté des peuples. Le 27 mars commémore le jour de 1918 où le parlement bessarabien a voté l’union du pays avec le Royaume de Roumanie. La date est celle du calendrier julien, elle a glissé d’un calendrier à l’autre sans modification.

La Bessarabie est située entre les fleuves Dniepr et Prout. Aujourd’hui la petite république de Moldavie occupe la majeure partie de son territoire. La région est majoritairement peuplée de Roumains, elle faisait partie jadis de la principauté de Moldavie, dont seule la moitié sud a formé la Roumanie dès la création du pays en s’associant à la Valachie. Car à l’époque la Bessarabie était occupée par la Russie qui l’a annexé à l’Empire en 1912. La Révolution russe parmi à certains peuples, les Finlandais, les Polonais… et les Moldaves à échapper à l’emprise russe. Le 2 décembre 1917 (ancien calendrier), le parlement nouvellement créé de Bessarabie a proclamé la République démocratique moldave au sein de la Russie. Le  24 janvier 1918, la Moldavie a déclaré son indépendance de la Russie. Enfin, le 27 mars 1918, le parlement moldave vote l'unification avec la Roumanie. L'union a été officiellement reconnue par les puissances européennes après la fin de la Première Guerre mondiale.

La Russie n’a jamais accepté cette perte. Suite au pacte scellé avec Hitler (pacte secret Ribbentrop-Molotov), Staline impose à la Roumanie de rétrocéder la région à l’URSS en juin 1940. La région est réinvestie par la Roumanie en juillet 1941 à la faveur l’offensive allemande contre l’URSS, puis reconquise par Moscou en août 1944. Finalement, la République socialiste soviétique de Moldavie obtient son indépendance en 1991 à la faveur de la disparition de l’URSS, mais sans avoir le droit de se rattacher à la Roumanie. Pour éviter cela la Russie entretient depuis 1992, une occupation militaire dans une république fantoche de Transnistrie, selon une stratégie qui a ensuite été utilisé par Moscou en Géorgie puis en Ukraine : les soi-disant républiques du Donbass.

Le projet de commémoration de l'union de la Bessarabie avec la Roumanie a été lancé par Eugen Tomac, alors député du Parti du mouvement populaire. En octobre 2015, le Sénat de Roumanie a adopté à l'unanimité la Journée de l'union de la Bessarabie avec la Roumanie. Cependant, il a fallu environ un an et demi pour que la fête soit adoptée par la Chambre des députés. Le 27 mars 2017, la fête a été promulguée par le président Klaus Iohannis, devenant officielle.

La Journée de l'Union de la Bessarabie avec la Roumanie est marquée par des événements culturels, artistiques et scientifiques organisés par les autorités nationales et locales, les ONG et les institutions culturelles en Roumanie et à l'étranger. Le drapeau national de la Roumanie flotte dans tout le pays à l'occasion de la fête.

La journée est bien sûr officieusement célébrée par une partie des habitants de la république de Moldavie, ceux qui soutiennent l'unification des pays roumains, ainsi que par diverses organisations roumaines travaillant en Moldavie, comme l'Institut culturel roumain.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 mars 2022

 

Les députés bessarabiens

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1944, Roumanie, armée, Seconde Guerre mondiale, 25 octobre Bruno Teissier 1944, Roumanie, armée, Seconde Guerre mondiale, 25 octobre Bruno Teissier

25 octobre : la fête de l'armée roumaine

La date rappelle de la reconquête sur les nazis, en 1944, de Carei, la dernière ville avant la frontière hongroise. Ce jour était également l’anniversaire du roi Michel.

 

Chaque 25 octobre, la Roumanie célèbre son armée. La date commémore la reconquête du territoire à la fin de de la Seconde Guerre mondiale, le 25 octobre 1944.

Le 23 août 1944, le dictateur roumain, Ion Antonescu qui avait soutenu l'Allemagne nazie, est renversé par une coalition des forces d’opposition rassemblée par le roi Michel Ier. Aussitôt, l’armée roumaine s’est retournée contre la Wehrmacht. Avec l’aide des Soviétiques, elle est partie à la reconquête de son territoire occupé par les Allemands et en particulier des provinces cédées à la Hongrie fasciste. Le 25 octobre 1944 est la date de la reconquête de Carei, la dernière ville avant la frontière hongroise. Ce jour était également l’anniversaire du roi Michel.

La date symbole donc la reconquête du territoire, en particulier celle de la Transylvanie, disputée avec la Hongrie. En revanche, la Roumanie ne récupèrera pas toutes ses provinces d’avant la guerre : l’URSS ne lui restituera pas ce qui est devenu l’actuelle Moldavie, ainsi que la partie de la Bucovine aujourd’hui intégrée à l’Ukraine. La célébration du 25 octobre a été créée en 1959, il ne fallait pas à l’époque fâcher Moscou. 

La Journée des forces armées roumaines, également connue sous le nom de Journée de l'armée roumaine (Ziua Armatei Române), n'est pas un jour férié, mais elle est encore largement célébrée dans tout le pays. Il est marqué par des discours officiels, des cérémonies solennelles, des défilés militaires notamment à Bucarest où l’armée défile jusqu’à l’arc de triomphe. 

Cette journée est aussi l’occasion de célébrer l’armée actuelle. Actuellement, un millier de soldats roumains sont impliqués dans des missions internationales, sous les auspices de l'OTAN, de l'UE, de l'ONU et de type coalition. Jusqu’à récemment, le contingent le plus important, 693 hommes, était déployé en Afghanistan, sous les auspices de l'OTAN, dans le cadre de la mission Resolute Support. La première action de l'armée roumaine hors des frontières nationales, après 1990, a commencé le 8 mars 1996, avec des contingents des armées des États membres et partenaires de l'OTAN, sur le théâtre d'opérations en Bosnie-Herzégovine, avec le 96e bataillon de génie. . En 2000, l'armée roumaine a commencé à participer à la mission de l'OTAN KFOR dans la province du Kosovo, avec du personnel et, plus tard, avec des sous-unités spécialisées au niveau de l'entreprise. La Roumanie a participé, avec 838 soldats, entre juillet 2003 et 31 juillet 2009, aux efforts internationaux pour la stabilisation de l'Irak, tant au sein de la Force multinationale (MNF-I) qu'au sein de la mission OTAN d'entraînement des forces de sécurité irakiennes. Au cours des missions sur les théâtres d'opérations, 30 soldats roumains sont morts et plus de 140 autres ont été blessés. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 octobre 2021

 
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1944, 1939, Roumanie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Bulgarie, 23 août Bruno Teissier 1944, 1939, Roumanie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Bulgarie, 23 août Bruno Teissier

23 août : une date funeste en Europe orientale

Une date à double face : l’ancienne fête nationale de la Roumanie communiste est aussi l’anniversaire du funeste pacte germano-soviétique.

 

Le 23 août était autrefois la fête nationale de la Roumanie communiste. La date célébrait la chute du régime fasciste d’Ion Antonescu par un coup d’État mené par le roi Michel Ier, le 23 août 1944. La Seconde Guerre mondiale n’était pas terminée et la Roumanie changeait de camp à la suite d’un renversement politique. En 1941, la Roumanie était entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie. Suite à ce coup d’État, le roi rejoignait les Alliés et déclarait la guerre à l’Allemagne. Mais, alors que l’Armée Rouge avançait, les communistes se sont rapidement imposés au pouvoir. En 1947, ils forcent le roi à abdiquer et s’approprieront l’événement. De 1949 à 1990, en effet, le 23 août a été célébré comme le Jour de libération de l'occupation fasciste (Ziua eliberării de ocupația fascistă). C’était alors la principale fête de l'État roumain communiste. Après la chute Ceaucescu, la fête nationale roumaine a été déplacée au 1er décembre, une référence à la Grande Roumanie de 1918. Car, même si elle évoque la chute du fascisme, la date du 26 août était bien trop associée au communisme roumain.

La date du 23 août est toujours présente dans le calendrier mémoriel, mais elle a changé d’appellation et de référence historique. C’est aujourd’hui la Journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme. Une célébration instaurée en 2009 par le Conseil de l’Europe. La date est celle du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939, aussi appelé pacte Molotov-Ribbentrop, qui a scellé le sort de toute l’Europe orientale, de l’Estonie à la Bulgarie, une série de pays européens commémorent cette date sous le nom de Jour du Ruban noir. La date est ignorée par la France mais elle est marquée, chaque année, par les États d’Europe orientale mais également par la Suède et le Canada.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 22 août 2021

 
chaîne humaine dans les Pays baltes, un 23 août

chaîne humaine dans les Pays baltes, un 23 août

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Roumanie, 1848, Drapeau, 26 juin Bruno Teissier Roumanie, 1848, Drapeau, 26 juin Bruno Teissier

26 juin : le drapeau roumain

La Roumanie fête son drapeau adopté en 1848 quand le gouvernement révolutionnaire a décrété le tricolore comme drapeau national pour tous les Roumains.

 

La Roumanie fête son drapeau adopté en 1848 par le gouvernement révolutionnaire. S’inspirant du drapeau français, celui-ci avait décrété le tricolore actuel comme drapeau national pour tous les Roumains le 26 juin 1848. La Journée du drapeau national (Ziua drapelului național al României) a été instaurée en 1998 à l’occasion de 150e anniversaire. Ce jour férié n’est pas un jour chômé.

Pour les deux principautés roumaines, les Règlements organiques de 1831 avaient fixé les couleurs symboles de chacune : bleu et rouge pour la Moldavie et bleu et jaune pour la Valachie. Selon la légende, le drapeau roumain serait, en effet, un mixte des deux drapeaux des deux principautés qui ont formé le pays. Jusqu’en 1848, les bandes étaient horizontales. En 1918, la Transylvanie, le Banat et la Bukovine se sont joints à la Roumanie sans que le drapeau soit modifié.

À partir de 1918, Tricolorul românesc était orné des armoiries royales, remplacées, ensuite, par des symboles communistes de 1947 à 1989. Au moment de la chute du régime communiste, on a donc arboré un drapeau avec un trou en son centre comme symbole de la révolution.

Le Tchad possède le même drapeau bien que chacun des deux pays affirme que les nuances du bleu diffèreraient, celle du Tchad serait plus foncée. Andorre et la Moldavie ont également le même tricolore mais mais frappé en son centre d’un blason.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 juin 2021

 
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1854, Régionalisme, Roumanie, 10 mars, affirmation nationale Bruno Teissier 1854, Régionalisme, Roumanie, 10 mars, affirmation nationale Bruno Teissier

10 mars : la journée des Sicules de Roumanie

Oui, il existe bien un peuple Sicule au cœur de l’Europe, les Széklers dans la langue locale, un dialecte du hongrois. Chaque 10 mars, ils revendiquent en vue d’obtenir leur autonomie.

 

Oui, il existe bien un peuple Sicule au cœur de l’Europe, les Széklers dans la langue locale, un dialecte du hongrois. Ils vivent dans quelques vallées des Carpates au cœur de la Transylvanie, en plein centre de la Roumanie alors que la Hongrie considère ce peuple de 600 000 personnes comme faisant partie du peuple hongrois. La légende voudrait que ce soient des descendants des Huns qui ont déferlé sur l’Europe conduit par Attila. Les Turcs les revendiquent aussi comme étant des leurs. À Istanbul, une manifestation de l’extrême droite nationaliste a lieu chaque 10 mars en soutien aux Sicules.

À Budapest, le drapeau des Sicules flotte sur le Parlement depuis 2013, le gouvernement hongrois leur distribue des passeports en vertu d’une procédure de naturalisation simplifiée. Cela a le don d’irriter les autorités roumaines qui font chaque année, le 10 mars, en sorte que les manifestations soient le plus limitées possible. Le drapeau sicule est interdit en Roumanie, sous peine d’amende. 

La journée du 10 mars est récente, elle date de 2012 quand le Conseil National Sicule (SzNT) a proposé que le 10 mars devienne la Journée de la Liberté Sicule en mémoire des martyrs sicules. Car la revendication est ancienne. C’est en mémoire de trois leaders d’une conspiration anti-Habsbourg exécutés le 10 mars 1854 que le Conseil National Sicule (CNS) organise depuis 2004 une commémoration au pied du Monument des Martyrs Sicules. Le massacre est connu sous le nom de Siculicidium.

Les représentants des Sicules, en particulier László Tökés, député européen, réclame un statut d’autonomie comparable à celui dont disposent les Allemands du Sud Tyrol ou les Suédois des îles Aaland. Régulièrement, et encore en 2020, le parlement roumain rejette toutes les demandes d’autonomie du pays sicule (Székelyfyföld). En 2013, László Tökés a demandé à la Hongrie d’assumer un rôle de protectrice des minorités hongroises de Roumanie ce qui a mis le feu aux poudres à Bucarest. Depuis, chaque année, un bras de fer entre les autorités roumaines (préfet, chef de la police) et les représentants sicules s’engagent pour obtenir l’autorisation du rassemblement du 10 mars de Marosvásárhely , la capitale des Sicules. Chaque année, on trouve une idée pour exprimer la revendication autonomiste : une chaîne humaine, des feux de joie…

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 mars 2021

 
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Extrême droite turque (Loups gris) manifestant à Istanbul en faveur de l’autonomie des Sicules

Extrême droite turque (Loups gris) manifestant à Istanbul en faveur de l’autonomie des Sicules

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1856, Roumanie, Abolition de l'esclavage, 20 janvier Bruno Teissier 1856, Roumanie, Abolition de l'esclavage, 20 janvier Bruno Teissier

20 janvier : la Roumanie se penche sur son passé esclavagiste

La Roumanie célèbre la libération de ses esclaves, le 20 janvier 1856. La Roumanie n’a pas réalisé de conquêtes lointaines ni pratiqué la traite. Ses esclaves étaient les Tsiganes, arrivés au XIVe siècle et tombé en esclavage sous le joug des monastères et des boyars, les nobliaux locaux.

 

La Roumanie célèbre la libération de ses esclaves, le 20 janvier 1856. La Roumanie n’a pas réalisé de conquêtes lointaines ni pratiqué la traite. Ses esclaves étaient les Tsiganes, arrivés au XIVe siècle et tombés en esclavage sous le joug des monastères et des boyards, les nobliaux locaux.

« les Tsiganes naissent esclaves. Tout enfant né d'une mère esclave est esclave. Tout propriétaire a le droit de vendre ou de donner ses esclaves. Tout Tsigane sans propriétaire est la propriété du Prince… » affirme le Code pénal de la Valachie au début du XIXe siècle. Celui de la Moldavie est rédigé dans le même esprit. À époque, on comptait quelque 250 000 esclaves dans les principautés roumaines.

La Roumanie connaîtra une rechute, puisque le prince Curza rétabli l’esclavage en 1861, avant qu’il ne soit à nouveau aboli en 1864, définitivement cette fois. Mais c’est la date du 20 janvier que le gouvernement roumain a choisi en 2011 pour commémorer l’événement. En 2016, pour les 160 ans de l’abolition, le monastère Tismana qui fut l’un des premiers à posséder des esclaves, a fait poser une plaque commémorative. Réaction tardive dans un pays où le sujet est demeuré longtemps tabou car chacun avait le sentiment qu’e l’esclavage n’avait jamais été complètement aboli, au moins dans les têtes.

À leur libération, les Tsiganes, sans argent et privés de terre dans un pays à très majoritairement rural, sont restés longtemps encore dépendants de leurs maîtres. Pour leur échapper ils se sont entassés à la périphérie des villes où ils ne sortiront guère de leur marginalité et de leur misère. Ce qui est encore la condition de beaucoup de Roms (c’est ainsi qu’on les appelle aujourd’hui) au début du XXIe siècle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 janvier 2021

 
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© Photothèque nationale de Roumanie

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1850, Roumanie, Poète national, 15 janvier Bruno Teissier 1850, Roumanie, Poète national, 15 janvier Bruno Teissier

15 janvier : la Roumanie célèbre son poète national

C’est l’anniversaire de la naissance d’Mihail Eminescu, poète national. Depuis 2010, celle date est aussi celle de la Journée de la Culture nationale roumaine.

 

Chaque 15 janvier, une foule se presse dans le cimetière Bellu de Bucarest, le plus fameux du pays, autour d'une tombe chargée de fleurs, celle d'un poète. Cette année, en raison de l’épidémie, elle sera bien moins nombreuse. Un haut dignitaire de l'église orthodoxe dirige la célébration, comme si une personnalité devait y être inhumée, Mihail Eminescu (1850-1889) est pourtant mort il y a bien plus d'un siècle. Ce soir, sera décerné le Prix national de la poésie qui porte son nom.

Pourtant, aujourd’hui, c’est l’anniversaire de sa naissance et non de son décès. Depuis 2010, cette date est aussi celle de la Journée de la Culture nationale roumaine. Toutes les institutions culturelles roumaines ont organisé des programmes dédiés à cette double fête.

Mihail Eminescu est partout en Roumanie, timbres, billets de banque, statues dans chaque ville, noms d’école… C’est le poète national, célèbre de son vivant et vénéré après sa mort, précoce, par toute la droite conservatrice roumaine qui dominait le pays à l’époque. Aujourd’hui que la statue est en place, on fait mine d’oublier les positions franchement antisémites, les vers xénophobes et les propos réactionnaires, déjà pour l’époque. Certains proposent de revisiter le personnage, mais le 15 janvier, c’est peine perdu. Chaque année, c’est un hommage unanime qui lui est rendu.

L’historien roumain Lucian Boia analyse ainsi le mythe : « Jouer la carte d'une seule personnalité, cela tient de la précarité sociale. Jamais une grande culture ne ferait pareil. On ne verra jamais les Français, les Britanniques ou les Allemands miser sur une seule personnalité qui incarne l'essentiel dans tous les domaines, pas seulement littéraire. C'est ça qui est extraordinaire dans le cas d'Eminescu : plus qu'un poète, il est considéré véritable symbole de la spiritualité roumaine et du sentiment d'appartenance au peuple roumain. Or, c'était déjà une exagération d'élever un poète au rang de poète national, en invoquant non seulement la valeur littéraire de son œuvre, mais aussi son identification à la nation roumaine. Tout cela est né d'un sentiment de frustration, du fait que les Roumains ont le complexe de vivre dans un pays petit et insignifiant. »

« Ce mythe est né vers la fin de la vie du poète quand son existence tragique se superpose à ses poèmes magnifiques. Ces deux dimensions ont finalement fusionné: le destin tragique et les vers surprenants. Le mythe a commencé à se manifester timidement juste après 1900, sur la toile de fond de plusieurs courants nationalistes qui ont donné la réplique aux influences pro-occidentales fortement manifestées jusqu'alors. On assiste alors à une phase d'équilibre qui réinstalle sur le devant de la scène la figure du paysan roumain. C'est à ce moment-là qu'Eminescu devient un grand idéologue de ce courant censé encourager l'appartenance aux valeurs culturelles roumaines. A partir de ce moment là, le mythe d'Eminescu ne cessera de se voir alimenter. C'est un mythe que tout le monde peut invoquer, à tous les niveaux politiques. » Lucian Boia, dans son dernier ouvrage, intitulé “Mihai Eminescu, le Roumain absolu. Construction et déconstruction d'un mythe ".

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 janvier 2021

 
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