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1846, Tunisie, Abolition de l'esclavage, 23 janvier Bruno Teissier 1846, Tunisie, Abolition de l'esclavage, 23 janvier Bruno Teissier

23 janvier : le jour de l’abolition de l’esclavage en Tunisie

La Tunisie est fière d’avoir été l’un des tout premiers pays au monde à avoir aboli l’esclavage, elle l’a fait le 23 janvier 1846 par un décret d’Ahmed Bey. Mais ce jour férié, créé en 2019, demeure très discret dans la Tunisie de Kaïs Saïed, dont les discours aux relents racistes envers les migrants africains, ne facilitent pas l’insertion sociale des Tunisiens descendants d’esclaves africains, toujours stigmatisés par leur couleur de peau ou leurs patronymes.

 

La Tunisie est fière d’avoir été l’un des tout premiers pays au monde à avoir aboli l’esclavage, elle l’a fait en 1846 soit deux ans avant la France. Seuls, Haïti, l’Argentine et le Royaume-Uni l’ont précédé. Elle est donc le premier pays arabe à avoir pris cette décision, bien avant le Maroc (1922), l’Arabie saoudite (1963) ou la Mauritanie (1981).

La commémoration, en revanche est récente et de meure discrète. C’est le 23 janvier 2019, que le président tunisien, Béji Caid Essebsi, a annoncé la création d’une Journée nationale de l'abolition de l'esclavage (اليوم الوطني لإلغاء الرق). Ce jour férié n’est pas chômé mais la célébration permet chaque année de rappeler une réalité bien occultée de la Tunisie ancienne.

Décrétée le 23 janvier 1846, par Ahmed Bey, l'abolition de l'esclavage avait toutefois été précédée par une interdiction de vente d'esclaves dès 1841 et de la décision, en 1842, que tout enfant né à Tunis, était libre.

Les esclaves, comme ceux qui ont été déportés en Amérique où aux Antilles par les Européens, provenaient principalement de la traite africaine qui arrivait en Tunisie par le Sahara. Jusqu’en 1841, la Tunisie recevait un millier d’esclaves noirs chaque année, ils étaient appelés les Abid ou les Chouchen. Il y avait aussi des esclaves berbères, les Akli, provenant des razzias entre tribus, ainsi que des esclaves européens, capturés lors de raids sur les côtes méditerranéennes ou les prises de navires marchands, c’était les Mamelouk. Ces derniers représentaient 10 à 20% des captifs selon les époques. Certains ont eu des destinées singulières. La propre mère d’Ahmed Bey, le souverain qui a aboli l’esclavage, était une esclave sarde.

En Tunisie, il en reste des stigmates et des non-dits : aujourd’hui encore des enfants naissent avec  les termes atig (affranchi) ou chouchane (« esclave ») accolés à leur nom. Une véritable stigmatisation dans un pays où les Tunisiens noirs ont encore du mal à trouver leur place, surtout depuis que Kaïs Saïed, le très autoritaire président actuel, par ses discours aux relents racistes, a lancé la chasse aux immigrés africains à qui l’Europe a fermé ses portes.

Les autorités tunisiennes veulent se débarrasser des migrants africains. Mais certains profitent de leur précarité soudaine en Tunisie pour les asservir. On assiste à un retour d’une forme d’esclavage encore courante dans les pays du Golfe : des femmes migrantes subsahariennes, à qui on a confisqué le passeport, sont aujourd’hui employées comme domestiques, contre leur gré et sans salaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 22 janvier 2024

Timbre-poste émis en 2021 pour commémorer l’abolition du 23 janvier 1846

 
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1873, Porto Rico, Abolition de l'esclavage, 22 mars Bruno Teissier 1873, Porto Rico, Abolition de l'esclavage, 22 mars Bruno Teissier

22 mars : Porto Rico célèbre les 150 ans de l’abolition de l’esclavage

La Journée de l’abolition de l’esclavage est célébrée par un jour férié dans une atmosphère de carnaval. Elle rappelle la loi votée par le Parlement espagnol le 22 mars 1873 qui abolissait l’esclavage à Porto Rico. On fait la fête dans l’île mais aussi à New York, Miami… La réalité, toutefois, fut bien moins idyllique que le discours festif pourrait le laisser penser.

 

À l’époque, avant de tomber sous la coupe des États-Unis, l’île de Porto Rico était encore espagnole. La Journée de l’abolition de l’esclavage (Día de la abolición de la esclavitud) est célébrée chaque année par un jour férié qui se déroule dans une atmosphère de carnaval. Elle rappelle la loi votée par le Parlement espagnol le 22 mars 1873 qui abolissait l’esclavage à Porto Rico. Une journée festive est organisée chaque année dans l’île mais aussi à New York, Miami… partout où des Portoricains ont émigré en masse pour fuir la misère de leur île.

Même si certains avaient déjà été émancipés, parfois par testament à la mort de leur maître, il y avait encore environ 35 000 esclaves à cette date dans l’île. Porto Rico était l'avant-dernier pays à abolir l'esclavage dans les Caraïbes, juste devant Cuba où il ne sera aboli qu’en 1886, mais près d'un siècle après ses voisins haïtiens qui se sont libérés en 1793. Et à Porto Rico, la libération n’eut rien d’immédiate, on accorda trois années aux propriétaires d’esclaves pour les libérer, sauf si l’esclave était en mesure de racheter sa liberté au prix fixé par son maître qui de toute manière sera indemnisé pour cette privation de main d’œuvre presque gratuite. L'Assemblée royale espagnole avait décidé un prêt de 35 000 000 de pesetas pour indemniser les propriétaires d'esclaves. Chaque propriétaire d’esclave a reçu une compensation de 100 pesos pour chaque travailleur perdu. Quant aux esclaves, pour des années de travail, parfois toute une vie, de travail gratuit, l’État espagnol n’avait rien prévu. Cela n’avait rien d’anormal à l’époque, d’ailleurs, il en fut de même dans les colonies françaises et anglaises.

Porto Rico a été « découverte » par Christophe Colomb en 1493 et les Espagnols ont commencé à coloniser l'île au début du XVIe siècle. Au début, ils ont asservi la population des Taínos, les autochtones. Mais, la majorité d'entre eux sont morts de conditions de travail inhumaines et des maladies infectieuses apportées par les Européens. En 1520, ce qui restait de la population taínos a été émancipé par décret royal et les Espagnols ont commencé à importer des esclaves africains. Les conditions étaient si durent que la première révolte d’esclave s’est produite en 1527. En 1784, le marquage à chaud des esclaves a finalement été suspendu et les esclaves ont eu la possibilité d'obtenir la liberté dans certaines circonstances. 

Au milieu du XIXe siècle, le mouvement abolitionniste à Porto Rico a commencé à prendre de l'ampleur. Dans l’île, à Mayagüez, Ramón Emeterio Betances a fondé une société abolitionniste  en 1858. Alors qu'en Espagne, il faut attendre 1865 pour qu’un groupe de Portoricains fonde la Société abolitionniste espagnole, laquelle exige aussitôt l'abolition de la « lugubre institution de l'esclavage ». Cette-ci ne viendra qu’en 1873, le 22 mars, Il y a 150 ans jour pour jour.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Cette mosaïque figurant l'abolition se trouve dans le capitole de Porto Rico (le Capitole). Elle a été conçu par l'artiste plasticien portoricain (né à New York) Rafael Tufiño Figueroa, connu sous le nom d' El Artista del Pueblo , pour les thèmes de ses œuvres. Cela représente un esclave brisant ses chaînes et, au premier plan, on peut voir les abolitionnistes Segundo Ruiz Belvis, Ramón Emeterio Betances, José Julián Acosta, Francisco Mariano Quiñones, Julio L. Vizcarrondo et Román Baldorioty de Castro, signant la loi. La mosaïque a été en réalisée par Enrique Pandolfini, en Italie.

Le monument commémoratif

Famille d’esclaves émancipés à la fin du XIXe siècle.

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1848, Abolition de l'esclavage, 20 décembre Bruno Teissier 1848, Abolition de l'esclavage, 20 décembre Bruno Teissier

20 décembre : la fête cafre célèbre la liberté des Réunionnais

L’île de la Réunion résonne depuis hier soir des rythmes du maloya, cette musique créée par les esclaves et quasiment interdite jusqu’aux années 1960. La Fête de la liberté commémore l’abolition de l’esclavage, le 20 décembre 1848.

 

L’île de la Réunion résonne depuis hier soir des rythmes du maloya, cette musique créée par les esclaves et quasiment interdite jusqu’aux années 1960. La Fête de la liberté commémore l’abolition de l’esclavage, le 20 décembre 1848. Il était déjà aboli depuis 1834 dans les îles voisines de Maurice et des Seychelles. À la Réunion, cette loi a été attendue pendant des décennies. Ce jour-là, un 20 décembre (20 désanm) donc, 62 000 esclaves ont été libérés, soit plus de 60% de la population de la Réunion. Leur premier geste a été d’abattre le poteau où ils étaient fouettés en public sur la place du marché de Saint-Denis, la capitale de l’île. Cette date n’est fériée à la Réunion que depuis 1983 et la fête Cafre (fèt kaf) est récente.  

Ce soir, la Nuit de la liberté sera marquée par un grand défilé aux flambeaux descendant la rue de Paris, à Saint-Denis. Chaque localité de l’île a prévu un kabar, grands bals populaires où s’exprime le maloya, musique dont le Parti communiste réunionnais a fait depuis les années 1970, un chant identitaire et revendicatif. Depuis 2006, il est inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 décembre 2022

 
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2001, France, Abolition de l'esclavage, esclavagisme, 10 mai Bruno Teissier 2001, France, Abolition de l'esclavage, esclavagisme, 10 mai Bruno Teissier

10 mai : la mémoire de la traite des Noirs, une date parmi d'autres

Depuis 2006, la France commémore chaque 10 mai, l’abolition de l’esclavage, en référence à la date du vote par l’Assemblée nationale en 2001 de la loi dite « Taubira ».

 

Depuis 2006, à la demande du président Chirac, la France commémore chaque 10 mai, l’abolition de l’esclavage, en référence à la date du vote par l’Assemblée nationale en 2001 de la loi dite « Taubira » (adoptée en dernière lecture par le Sénat le 21 mai). Une loi mémorielle qui a provoqué des débats parmi les historiens. L’article premier dit ceci : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité. ». Il lui a été reproché d’élargir la période à l’activité des Portugais, la France n’ayant débuté la traite qu’à la fin du XVIIe. Du coup, si on élargit la focale pourquoi ne pas faire référence à celle pratiquée par les Arabes et même les Africains entre eux, de manière bien antérieure... En réalité, le projet de loi de Christiane Taubira proposait le 8 février en référence à la condamnation par le Congrès de Vienne, le 8 février 1815, de la traite négrière transatlantique, « répugnant au principe d'humanité et de morale universelle ». Faute de consensus, cette date n’a pas été retenue. 

 Cela dit, chaque DOM ou TOM a une date de commémoration spécifique : le 27 avril à Mayotte, le 22 mai en Martinique, le 27 mai en Guadeloupe, le 10 juin en Guyane et le 20 décembre à La Réunion. Quant aux associations regroupant les Français d'outre-mer, elles ont opté pour le 23 mai, en mémoire de l’abolition de l’esclavage le 23 mai 1848 et de la marche silencieuse du 23 mai 1998 qui a contribué à la mobilisation en faveur de la loi Taubira. La date a été officialisée en 2008 par le gouvernement Fillon et depuis 2017,  le 23 mai est marqué comme « journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial ». 

Même dispersion au niveau international : l’ONU  a créé une « Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage » au 2 décembre, et l’Unesco célèbre le 23 août en souvenir de la nuit du 22 au 23 août 1791 lors de laquelle une révolte d’escales éclate à Saint-Domingue. Finalement, en 2008, l’ONU opte pour le 25 mars comme Journée internationale de célébration du bicentenaire de l'abolition de la traite transatlantique des esclaves.

Le 10 mai est qualifié officiellement de Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.

Le vingt-et-unième anniversaire de la loi du 21 mai 2001, qui a reconnu l'esclavage et la traite comme crimes contre l'humanité, est notamment célébré par la lecture d'un extrait du discours prononcé par la députée Christiane Taubira, rapporteure de la proposition de loi, devant l'Assemblée nationale en 1999.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1er février : Jour de la liberté aux États-Unis

Aux États-Unis, c’est le Jour de la liberté, en souvenir du 13e amendement à la constitution qui abolissait l’esclavage. On était en 1865, sous la présidence d’Abraham Lincoln.

 

Aux États-Unis, c’est le Jour de la liberté (National Freedom Day), une journée instaurée en 1948 en souvenir du 13e amendement à la constitution qui abolissait l’esclavage. On était en 1865, sous la présidence d’Abraham Lincoln. Libérés de l’esclavage, les Noirs attendront exactement un siècle pour devenir citoyen américain. Et, l’ont-ils été pleinement dans l'Amérique du président Trump ? D’ailleurs, celui-ci avait fait retirer du bureau ovale, le jour-même de son investiture, le portrait de… Martin Luther King. Le président Jo Biden l’a-t-il réinstallé ?

Le 1er février correspond à la date de la ratification de cet amendement par l’Illinois. La moitié des États américains le feront au cours de l’année 1865. D’autres dans les années qui suivent. Un tiers des États, ceux du Middle-West, ne l’ont jamais ratifié. Le 13e amendement fut suivi en 1868 par le 14e (qui garantit l'égalité des droits civiques dans les États) et en 1869 par le 15e (qui bannit les restrictions raciales au droit de vote)… les derniers obstacles au vote des Noirs n’ont pourtant été levés que le 6 août… 1965, soit un siècle plus tard.

Ce jour débute très officiellement aux États-Unis et au Canada, un mois en l’honneur des luttes de la population noire pour la conquête de ses droits (Black History Month), perçu comme très discriminatoire par les intéressés. L’histoire des Africain-Américains, comme l’on dit aujourd’hui, c’est ni plus ni moins que l’histoire de tous les Américains.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
L’illustration date de 1940, la journée du 1er février n’était pas encore une date officielle. En 2021, nous fêtons le 156e anniversaire de l’évènement.

L’illustration date de 1940, la journée du 1er février n’était pas encore une date officielle. En 2021, nous fêtons le 156e anniversaire de l’évènement.

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