L’Almanach international

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1991, Suisse, Femmes, 14 juin Bruno Teissier 1991, Suisse, Femmes, 14 juin Bruno Teissier

14 juin : la grève féministe des femmes suisses

Chaque année, depuis la grande manifestation du 14 juin 1991 qui avait mis 10% de la population suisse dans la rue, les femmes suisses manifestent pour l’application de leurs droits. Il est vrai que le pays a toujours été très en retard : le droit de vote acquis en 1981 seulement et dernièrement, en 2005, l’obtention d’un congrès de maternité… Cette année, les femmes sont dans la rue pour l’égalité salariale entre homme et femmes. Un problème qui n’est pas spécifique à la Suisse, mais cette manifestation monstre des femmes n’a pas d’équivalent.

 

Chaque année, depuis 1991, les femmes suisses manifestent pour l’application de leurs droits. Le 14 juin 1981, l'égalité entre les femmes et les hommes était enfin inscrite dans la Constitution fédérale après un référendum (60% de oui, 40% de non). Cette égalité des droits fut un long combat, les femmes suisses n’avaient le droit de vote au niveau fédéral que depuis 1981 et au niveau local, certains cantons alémaniques ont même résisté jusqu’en… 1990 pour leur permettre de voter.

Dix ans après cette inscription dans la constitution, peu de choses ayant évolué, une grève des femmes a été organisée, à la date anniversaire de cette inscription, soit le 14 juin 1991. Le succès de cette action de protestation a été phénoménal : plus 500 000 personnes étaient dans les rues, soit 10% de la population du pays à l’époque !  Depuis, cette grève des femmes a lieu chaque année, le 14 juin.

Une loi sur l’égalité entre homme et femme a fini par être votée en 1996 pour faire évoluer la situation. La dépénalisation de l’avortement a été acquise en 2002 seulement. Une femme sur dix est licenciée après son congé maternité, un congé qui n'a d'ailleurs vu le jour qu'en 2005 ! (soit un demi siècle après la plupart des pays européens)… Il existe, aujourd’hui, encore une différence de salaire de l’ordre de 20% entre hommes et femmes. Pour la retraite, l’écart est même de 30% et celle-ci a été récemment fixée à 65 ans (à partir de 2025). 

Si bien que le 14 juin, les femmes ont décidé, symboliquement, de s’arrêter de travailler à 15h24. C’est pour cela que le 14 juin est appelé la Grève des femmes (Frauen streik / feministischer Streik, ou sciopero femminista e delle donne). Par esprit de consensus, propre à la Suisse, beaucoup d’entreprises ont paris l’habitude de donner leur après-midi, voire leur journée, aux femmes chaque 14 juin.

La  journée du 14-Juin, peu marquée dans les cantons ruraux de langue allemande, est quasi institutionnalisée dans les cantons urbanisés les plus importants. Durant les deux dernières semaines, la Ville de Genève, par exemple, a mis à disposition des espaces d'affichages, permettant au Collectif de la grève d’annoncer l’événement au public. Elle a en outre décidé de pavoiser le Pont du Mont-Blanc, le Palais Anna et Jean-Gabriel Eynard et le toit du Grand Théâtre le 14 juin 2023 aux couleurs de la Grève féministe (le violet) et de prendre en charge les frais d’impression des drapeaux. Les lieux suivants sont illuminés en violet les soirs des 13 et 14 juin 2023 : le Palais Anna et Jean-Gabriel Eynard, le Musée Rath, le Grand Théâtre, le phare des Pâquis, la statue de la Brise ainsi que la statue de la colombe de la paix. Ce 14 juin, également, une salle est prêtée pour les préparatifs de la manifestation et le stockage du matériel… Les villes de Lausanne, Berne, Zurich, Bâle… sont également très engagées. Lausanne a même inauguré, en 2021, une Place du 14-Juin.

Lausanne 2023 sur YouTube

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Image du SIT, syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs

Le slogan de la manif du 14 juin 2023

La conseillère Viola Amherd (veste blanche), la présidente du Conseil national, Marina Carobbio Guscetti (à droite) et la vice-présidente du Conseil national, Isabelle Moret, le 14 juin 2019

À Bâle, la manif prend l’allure d’un carnaval

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1932, Suisse, massacre, manifestation politique, 9 novembre Bruno Teissier 1932, Suisse, massacre, manifestation politique, 9 novembre Bruno Teissier

9 novembre : il y a 90 ans, l'armée suisse tirait sur la foule des manifestants

Le 9 novembre 1932, à Genève, l’armée tirait sur une foule tentant d’empêcher un meeting d’une organisation fasciste. Les 13 morts de cette fusillade sont commémorés chaque année par la gauche genevoise.

 

Le 9 novembre 1932, l’extrême droite fasciste genevoise organisait un meeting à la salle communale de Plainpalais pour une mise en accusation publique de deux leaders de la gauche genevoise : Léon Nicole et Jacques Dicker. Pour empêcher ce meeting, une manifestation ouvrière réunit plusieurs milliers de personnes. Craignant des troubles, le Conseil d’État fait appel à l’armée qui envoie de jeunes recrues inexpérimentées encadrées par des officiers qui leur font croire qu’une révolution de type bolchevique a éclaté à Genève. Pressée par les manifestants devant l’ancien Palais des expositions (actuellement Uni-mail), l’armée tire dans la foule à 21 h 34 sans sommation, assassinant en quelques secondes 13 personnes et en blessant des dizaines d’autres… Les victimes sont surtout des passants et des curieux plus que des militants socialistes.

Aucun soldat ne sera poursuivi, en revanche, le lendemain, Nicole et six autres socialistes sont arrêtés, rendus responsables de ces événements puis écroués à Saint-Antoine. En mai 1933, à l'indignation générale de l'opinion publique, Léon Nicole sera condamné par une cour d'assises fédérale à 6 mois de prison. Une fois relâché, Léon Nicole a repris la direction du parti socialiste genevois et est devenu président du Conseil d'Etat le 1er décembre 1933. Genève a connu le premier gouvernement à majorité de gauche en Suisse. Celui durera jusqu’en 1936.

En 2016, le gouvernement genevois demande la réhabilitation nationale des sept condamnés : Léon Nicole, Auguste Millasson, Francis-Auguste Lebet, Jules Daviet, Albert Wütrich, Francis Baeriswyl et Edmond Isaak par une cour d'assises fédérale le 3 juin 1933 à 6 mois de prison. Ces personnes avaient été défendues par Jacques Dicker, l'arrière grand-père de l'écrivain Joël Dicker. Cette réhabilitation sera refusée par Berne en 2019. Un refus qui n'empêche pas une partie des Genevois de perpétuer leur devoir de mémoire, à chaque date anniversaire.

Cette année, pour les 90 ans du drame, e comité intersyndical et des organisations politiques organisent une cérémonie en leur hommage en réitérant le mot d’ordre « Plus jamais ça ! » La cérémonie commence à 18h devant la Pierre du 9 novembre, en face d’Uni-Mail. Une exposition et une conférence marquent aussi l’événement.

La pierre commémorative a été installée en 1982, pour le cinquantenaire de l’évènement. Elle est régulièrement vandalisée, preuve que les tensions qui ont divisé Genève dans les années 1930, en très le Parti socialiste et l’Union nationale de Georges Oltramare, ne sont pas totalement éteintes.

Aux lendemains de la fusillade du 9 novembre, craignant une remise en cause de l’ordre établi, les autorités procèderont en Suisse à plus de 200 arrestations dans les milieux ouvriers. Des troupes seront mobilisées dans les cantons de Genève, Vaud, Berne et Zürich. Les distributions de tracts et manifestations seront interdites dans la plupart des villes du pays. Les journaux ouvriers seront empêchés de publication, d’autres soumis à relecture. Le drame reste une date charnière de le l’histoire politique de la Suisse.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1602, Suisse, fête populaire, Fêtes traditionnelles Bruno Teissier 1602, Suisse, fête populaire, Fêtes traditionnelles Bruno Teissier

8 décembre : l'Escalade, la grande fête des Genevois

À Genève (Suisse) où le week-end est consacré à la célébration de l’Escalade, un fait historique glorifiant la résistance de la ville face à une puissance étrangère au XVIIe siècle.

 

Chaque 8 décembre, le vieux Lyon s’illumine (c’est la fête des Lumières). Cette année, la date de cette tradition coïncide avec celle de Genève (Suisse) où le week-end est consacré à la célébration de l’Escalade, un fait historique glorifiant la résistance de la ville face à une puissance étrangère.

C’est un peu carnaval ce 8 décembre à Genève qui va voir défiler en un imposant cortège de près de 1 000 participants en costumes d’époque représentant les divers personnages ou métiers d’antan ainsi qu’une cinquantaine de hallebardiers, membres de la Compagnie de 1602 (société historique), pilier de l’événement. Toute la journée ainsi que demain, spectacles de rue, marchés, scènes musicales animent la vieille ville mais le point fort de la soirée reste la retraite aux flambeaux qui s’achève par un immense feu de joie. Dans les foyers, la coutume est de confectionner des marmites en chocolat, frappées de l’écusson genevois et remplies de légumes en massepain, que l’on va casser en prononçant la phrase rituelle : « Qu’ainsi périssent les ennemis de la République ! »

Un cortège illuminé prendra le départ ce samedi à 19h45 à la Rue de l’Evêché 1, où sont vendus des lampions dès 18h30 à celles et ceux qui souhaitent participer.

En 1602, Genève, république riche et prospère, attire la convoitise des Savoyards. Charles-Emmanuel 1er, projette de faire de Genève sa capitale au Nord des Alpes et de lutter contre le calvinisme avec l'appui du pape Clément VIII, malgré « une paix jurée et rejurée ». Ainsi, la nuit du 11 au 12 décembre 1602, la plus sombre de l'année selon le calendrier Julien en vigueur à l’époque, une troupe de 2000 soldats débarque par surprise. Arrivés à Plainpalais les mercenaires escaladent les murailles qui entourent la ville. C'est pourquoi la commémoration porte le nom de l’Escalade. En 1603, le traité de Saint-Julien marquera la fin des hostilités. Les cours européennes appuient ce processus de paix. Genève bénéficie entre autres du soutien du roi de France Henri IV qui venait de signer l'Édit de Nantes, de la cour d'Angleterre, et du duc de Wurtemberg.

417 ans après, la cité continue de célébrer cet événement pendant tout un week-end, le plus proche du 12 décembre (la date fut conservée malgré l’adoption en 1701 du calendrier Grégorien). La fête de l'Escalade donne un nouveau visage à la ville, entre cortèges, traditions et feux de joie. la fête a débuté dès le vendredi soir par un cortège hommage aux victimes de la Vieille-Ville à Saint Gervais et se termine le dimanche, avec le grand cortège avec 800 participants costumés. Déguisements, marmites en chocolat et chants du Cé qu'è lainô font partie de cette fête qui permet la rencontre entre les générations.

De nombreux récits soulignent le courage de la Mère Royaume, qui ébouillante un Savoyard de sa marmite de soupe. En son hommage, depuis 1881, des marmites en chocolat, décorées de l'écusson genevois, sont vendues et dégustées chaque année à cette période.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 décembre 2019

 
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