L’Almanach international

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1878, Bulgarie, 3 mars, Célébration patriotique Bruno Teissier 1878, Bulgarie, 3 mars, Célébration patriotique Bruno Teissier

3 mars : les ambiguïtés de la fête nationale bulgare

La fête nationale de la Bulgarie commémore la signature du traité de San Stefano le 3 mars 1878, faisant réapparaître une Bulgarie sur la carte de l’Europe, près de cinq siècles après sa disparition en 1396, absorbée par l’Empire ottoman. Une fête ambiguë néanmoins, qui met mal à l’aise les voisins de la Bulgarie.

 

La fête nationale de la Bulgarie commémore la signature du traité de San Stefano (Санстефански мирен договор) le 3 mars 1878, faisant réapparaître une Bulgarie sur la carte de l’Europe, près de cinq siècles après sa disparition en 1396, absorbée par l’Empire ottoman. On peut s’interroger sur le choix de la date, car ce n’est pas encore l’indépendance du pays, laquelle ne sera obtenue que 30 ans plus tard, en 1908. Concernant la Bulgarie, ce traité ne sera jamais appliqué. Il est très vite annulé et remplacé, quatre mois plus tard, par celui signé à Berlin en juillet 1878. Ce dernier n’alloue plus à la Bulgarie qu’un territoire réduit de moitié et morcelé en deux principautés qui demeurent toutes deux sous l’autorité d’Istanbul.

Si la date a été choisie comme fête nationale, en 1990, c’est qu’elle célèbre une Bulgarie rêvée, une grande Bulgarie qui englobait la Macédoine du Nord dans sa totalité et une moitié de celle du sud, si bien que la Bulgarie aurait disposé d’une côte sur la mer Égée. Si cette Grande Bulgarie n’a pas été créée c’est qu’on a craint que ce pays ne devienne un obligé de la Russie – il le deviendra effectivement plus tard – et lui offre une ouverture sur la Méditerranée. 

Les Bulgares sont très frustrés d’avoir entrevu les contours d’un tel pays et que cela leur ait été aussitôt retiré. Ils ont profité des guerres balkaniques (1912-1913) pour tenter de reprendre ces territoires, en vain.  Finalement, la Bulgarie put en partie mettre la main dessus entre 1941 et 1944 mais à la faveur d’une alliance avec l’Allemagne nazie. Ce pays du camp des vaincus se verra donc retirer tous ses gains territoriaux en 1944.

De fait, cette fête nationale bulgare est toujours empreinte d’un certain irrédentisme qui n’est pas sans rappeler le discours des nationalistes russes à l’égard de la Biélorussie et de l’Ukraine… Quoi d’étonnant que l’extrême droite bulgare en fasse une célébration largement orchestrée. Certes la Bulgarie n'a pas de velléités d'envahir la Macédoine du Nord, mais elle s'adonne tout de même à des tracasseries diplomatiques comme un veto à son entrée dans l'UE. Ce qui n'est pas rien. Cela dit, le nom officiel de cette fête rappelle juste la Libération de la Bulgarie du joug ottoman (Ден на Освобождението на България от османско иго).

À Sofia, après une messe à 10 heures en la cathédrale Alexandre Nevski, un service commémoratif et d'action de grâce est organisé en l'honneur de la fête nationale. À 11 heures, le président Roumen Radev et la vice-présidente Iliyana Yotova participent à une cérémonie dе levée du drapeau bulgare devant le tombeau du Soldat inconnu où sont commémorées les victimes de la lutte pour la liberté de Bulgarie. Un feu d’artifice et une revue de la garde d’honneur se déroulent à 18.30 sur l’esplanade devant l’Assemblée nationale quand le président reçoit le corps de parade de l’armée bulgare.

Des célébrations ont également lieu au col de Chipka (Шипченски проход) dans les Balkans, au centre de la Bulgarie, qui fut le théâtre d’une la bataille décisive, du 5 au 9 janvier 1878. Une monument commémoratif y a été construit.

Le traité a été signé le 19 février 1878 de l’ancien calendrier, mais en 1916, le calendrier grégorien a été officiellement introduit dans le pays et le jour de la fête est devenu le 3 mars. Elle a été célébrée pour la première fois à cette date en 1917.

Le 3 mars est devenu le Jour de la libération de la Bulgarie en 1888, mais il a fallu attendre le centenaire, en 1978 pour que le 3-Mars soit une commémoration officielle et 1988, pour qu’il devienne un jour férié. En 1990, seulement, il a été officiellement déclaré fête nationale de la Bulgarie, en remplacement du 9 septembre, date anniversaire de l’entrée des troupes soviétiques sur le territoire bulgare en 1944, qui était la fête nationale de la Bulgarie communiste.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 mars 2025

 

La cérémonie du 3-Mars au col Chipka

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De San Stefano (mars 1878) à Berlin (Juillet 1878)

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1996, écologie, 31 octobre Bruno Teissier 1996, écologie, 31 octobre Bruno Teissier

31 octobre : la Journée de la mer Noire

La Journée internationale d'action pour la mer Noire est une célébration régionale destinée à sensibiliser le public à la nécessité d'une coopération régionale pour la protection de la mer Noire, en particulier de son écosystème marin aujourd’hui menacé par la guerre déclenchée par la Russie.

 

La Journée internationale d'action pour la mer Noire est une célébration régionale destinée à sensibiliser le public à la nécessité d'une coopération régionale pour la protection de la mer Noire. Mais la préoccupation écologique a du laisser place à un souci de sécurité en raison de la guerre déclenchée par un des signataires, la Russie dont l’objectif géopolitique était de faire de cette mer un lac russe. La bataille de la mer Noire a été gagnée par l’Ukraine grâce au blocage des détroits par la Turquie inquiète de l’évolution de la situation. Cette dernière ainsi que la Bulgarie et la Roumanie ont signé un accord pour lutter conjointement contre les mines marines dérivantes. On est loin des préoccupations à l’origine de cette journée du 31 octobre qui était l’occasion de se pencher sur l’état des écosystèmes marins de la mer Noire.

Le 21 avril 1992, les représentants des pays riverains de la mer Noire, de la Turquie, de l'Ukraine, de la Russie, de la Bulgarie et de la Roumanie se sont réunis à Bucarest pour signer la Convention sur la protection de la mer Noire contre la pollution. Le 31 octobre 1996, les États membres de la convention ont signé le Plan d'action stratégique de la mer Noire, qui est devenu la base de la protection de la mer contre la pollution. C’est la date de signature de ce plan qui est célébré chaque année avec des résultats bien médiocres compte tenu de la situation. Depuis février 2022, la guerre a gravement perturbé les écosystèmes de cette mer fermée.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 octobre 2024

 
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1908, Bulgarie, 22 septembre, indépendance Bruno Teissier 1908, Bulgarie, 22 septembre, indépendance Bruno Teissier

22 septembre : la Bulgarie fête son indépendance

La Bulgarie célèbre sa libération de l’Empire ottoman en 1908, trente ans après sa réapparition sur la carte de l'Europe.

 

La Bulgarie est apparue sur la carte de l’Europe en 1878 (lors du traité de San Stefano, le 3 mars, marqué par la fête nationale bulgare), mais sous forme d’une principauté autonome mais toujours plus ou moins dépendante de l’Empire ottoman. Ce n’est que 30 ans plus tard, le 22 septembre 1908, que l’indépendance a été proclamée. C’est ce que célèbre aujourd’hui, ce jour férié appelé Jour de l’indépendance bulgare (Ден на Независимостта на България).

Les Bulgares ont commencé à célébrer le jour de l'indépendance juste après la proclamation de celle-ci. Cependant, en 1944, la Bulgarie a été envahie par les Soviétiques et la célébration a été abolie . La Bulgarie communiste vivra juqu’en 1991 sous tutelle de Moscou, dont elle fut un petit frère fidèle parmi les fidèles. Finalement, le parlement bulgare a rétabli le Jour de l'indépendance bulgare en 1998 et depuis, la fête a été observée chaque année par un jour férié et chômé.

Le Jour de l'indépendance de la Bulgarie est une fête nationale largement célébrée dans tout le pays. Il est marqué par des discours officiels, des défilés, des spectacles en plein air, des services religieux spéciaux, des cérémonies de dépôt de couronnes dans les monuments et mémoriaux, et d'autres événements et activités festifs. Les plus grandes célébrations ont lieu à Sofia (la capitale), devant le monument de l'indépendance sur la place "Kniaz Alexander I", et surtout à Veliko Tarnovo (la ville où l'indépendance du pays a été proclamée), qui est traditionnellement le centre des célébrations. Lesquelles débutent à 9h dans la cour de l'église Saints 40 Martyrs (où avait été prononcé le manifeste d’indépendance) et se poursuivent avec un défilé militaire en costume d’époque.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 21 septembre 2024

 
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Une caricature de l’époque

le tsar Ferdinand lors de la proclamation d’indépendance

Le tsar Ferdinand lors de la proclamation d’indépendance, en 1908.

Veliko Tarnovo

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1876, Bulgarie, Poète national, 2 juin, héros national Bruno Teissier 1876, Bulgarie, Poète national, 2 juin, héros national Bruno Teissier

2 juin : la Bulgarie célèbre son poète et héros national, Hristo Botev

On célèbre chaque année la mort d’un héros national bulgare : c’est le Jour de Botev et de tous ceux qui sont morts pour la liberté de la Bulgarie.

 

Aujourd’hui, à midi comme chaque 2 juin, les sirènes retentissent dans tout le pays pendant 3 minutes pour honorer le poète Hristo Botev, un héros national bulgare.  L’usage est de s’immobiliser pendant le temps de la sirène.

Le poète Hristo Botev était aussi un révolutionnaire patriote et le 2 juin, on célèbre en même temps tous ceux qui sont morts pour la liberté de la Bulgarie. Il s’est fait connaître en 1867, un 24 mai, lors de la fête dédiée à Cyrille et Méthode, en prononçant un discours contre les autorités ottomanes (qui dirigent le pays) et les riches bulgares qui collaboraient avec les Turcs. Cela l’obligera à fuir le pays et à s’installer en Roumanie. En 1876, il prend la tête d’une insurrection dont le seul fait d’armes est la prise d’un navire sur la Danube. Faute de renforts, lui et ses camarades se sont retrouvés seuls face à des milliers de soldats ottomans et à une escouade d'artillerie. L’opération tourne au massacre, Hristo Botev est tué d’une balle. 

On était le 20 mai 1876 (dans le calendrier julien qui avait cours à l’époque) soit le 1er juin en Occident. Mais, quand la Bulgarie a adopté le calendrier grégorien, en 1916, le décalage entre les deux calendriers était passé de 12 à 13 jours. Ainsi, c’est le 2 juin qu’on célèbre chaque année la mort du héros national bulgare. En Bulgarie, c’est officiellement le Jour de Botev et de tous ceux qui sont morts pour la liberté de la Bulgarie (Ден на Ботев и загиналите за свободата на България). Cette année marque le 148e anniversaire de la mort héroïque de Christo Botev (1848 - 1876).

Très vite on a fait du poète, un héros national, oubliant ses idées anarchistes et socialistes. Mais, plus tard, dans la seconde moitié du XXe siècle, la propagande communiste va le dépeindre comme le pionnier du socialisme bulgare et ainsi perpétuer son culte. Aujourd'hui, il est commémoré comme l'un des deux plus grands révolutionnaires bulgares, aux côtés de Vasil Levski. La plupart des villes bulgares ont leur rue ou leur boulevard Hristo Botev, on en trouve aussi en Macédoine et en Roumanie. Des écoles et lycées portent son nom, ainsi que des clubs de foot et des stades, une radio nationale… 

Sa poésie a été influencée par les démocrates révolutionnaires russes et les figures de la Commune de Paris dont il avait eu les échos dans son exil roumain. Il était proche d’un autre poète qui lui survivra et sera même premier ministre d’une Bulgarie indépendante, Stefan Nikolov Stambolov.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er juin 2024

 
On rejoue chaque année la scène de la prise d’un navire sur le Danube

On rejoue chaque année la scène de la prise d’un navire sur le Danube

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Bulgarie, orthodoxes, 24 mai, Langues, écritures, vie de saint Bruno Teissier Bulgarie, orthodoxes, 24 mai, Langues, écritures, vie de saint Bruno Teissier

24 mai : les Bulgares fêtent leur alphabet

En Bulgarie, quelques manifestations célèbrent l’écriture slave (ou cyrillique), l’éducation et la culture bulgares. C’est en Bulgarie, vers 850, qu’est née une nouvelle écriture, mais celle-ci n’a rien à voir à celle que l’on nomme aujourd’hui cyrillique et qui est une adaptation de l’alphabet grec aux langues slaves.

 

Comme chaque année, le pape François reçoit ce matin au Vatican une délégation bulgare, en l’honneur de saint Cyrille et saint Méthode, fêtés aujourd’hui par l’Église orthodoxe (le 14 février par ­l’Église romaine, le 11 mai par les Églises d’Orient qui suivent le calendrier julien).

Cela dit, l’entente entre les Églises n’est pas encore à l’ordre du jour. En mai 2019, lors de sa visite en Bulgarie, le pape François s’est retrouvé à prier seul dans la grande cathédrale de Sofia face aux icônes de Cyrille et Méthode. Seul, car l’Église orthodoxe locale avait refusé de se joindre au chef de l’Église catholique pour les célébrations.

Simultanément, en Bulgarie, quelques rares manifestations vont célébrer l’écriture slave (ou cyrillique), l’éducation et la culture bulgares. Le 24 mai est connu comme la Journée de l'éducation et de la culture bulgares et de la littérature slave (Ден на българската просвета и култура и на славянската писменост).

C’est bien en Bulgarie, vers 850, que nait une nouvelle écriture, mais c’est du glagolitique qu’il s’agit. Une écriture compliquée qui ne sera pas utilisée très longtemps. En fait, elle sera vite remplacée par l’alphabet grec réaménagé pour les langues slaves, un alphabet qu’on appelle le cyrillique, du nom de l’un de ses soi-disant inventeurs, Cyrille et Méthode (selon une légende inventée par des slavophiles tchèques au XIXe siècle).

Ce nouvel alphabet, issu du grec, dépasse les frontières de la Bulgarie et se veut universel et démocratique. Elle vise à offrir à tous les peuples de langue slave un accès égal à la connaissance, qu’elle soit spirituelle ou scientifique. De nos jours, l’alphabet cyrillique est employé non seulement par les Bulgares, mais aussi les Serbes, les Ukrainiens, les Russes...

La Russie, qui ne voulait pas être en reste, a fait du 24 mai la Journée nationale de la littérature et de la culture slaves (Национальный день славянской письменности и культуры). La légende veut que ce soit le 24 mai 863 dans la ville de Pliska, alors capitale de la Bulgarie, que les frères de Thessalonique Cyril et Methodius aient annoncé l'invention de l'alphabet slave. Mais, c’est une légende.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 23 mai 2022

 
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Bulgarie, Armée, Fête agraire, orthodoxes, 6 mai, vie de saint Bruno Teissier Bulgarie, Armée, Fête agraire, orthodoxes, 6 mai, vie de saint Bruno Teissier

6 mai : la Saint-Georges des Bulgares, jour de bravoure de l'armée

Ce jour férié en Bulgarie est à la fois une journée de défilés militaires le matin, en l’honneur de l’armée, et de pique-nique en famille l’après-midi.

 

Ce jour férié en Bulgarie est à la fois une journée de défilés militaires le matin, en l’honneur de l’armée, et de pique-niques en famille, l’après-midi.

La Saint-Georges (Гергьовден) est fêtée ici le 6 mai, car l’église bulgare suit toujours le calendrier julien. En occident, elle est célébrée le 23 avril, notamment en Angleterre dont c’est le saint patron. Depuis 1880, en Bulgarie (avec une interruption tout de même de 1946 à 1993 sous le régime communiste), la Saint-Georges (Gergyovden) est connue en Bulgarie comme le Jour de la bravoure de l’armée (Ден на храбростта и празник на Българската армия).

L’église bulgare célèbre ce jour-là saint Georges le Victorieux. Le personnage est un officier romain, originaire de Cappadoce, devenu chrétien, qui refuse de refuse de se prêter aux cérémonies religieuses ordonnées par l’Empereur Dioclétien. Il sera mis à mort en Palestine pour refuser d’obéissance. Plus tard s'ajoutera, la légende de la lutte victorieuse de saint Georges contre un dragon malveillant qui symbolise le démon ou l’ennemi si on en fait un symbole militaire.

L’étymologie de Georges fait néanmoins de lui, aussi, un personnage qui travaille la terre. Depuis des siècles, la Saint-Georges est un fête agraire très importante et très populaire dans les Balkans, ainsi qu’en Turquie (Hidirellez) où elle est toujours très fêtée même si le pays est majoritairement musulman. Elle se passe en plein air, en famille autour un grand feu où on fait rôtir des moutons. Cette année, en raison de la pandémie, la fête ne pourra pas avoir lieu, aussi bien en Turquie qu’en Bulgarie ou ailleurs. D’ailleurs, en raison de problèmes d’approvisionnement, la viande de mouton risque de manquer en Bulgarie où 80% des stock ont été consommés pour les fêtes de Pâques.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 5 mai 2022

 
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10 mars : la Journée du sauvetage des juifs bulgares

Une commémoration qui n’est pas sans ombres : les autorités bulgares ont permis en 1943 aux 48 000 juifs bulgares d’échapper à la Shoah, mais elles ont aussi livré aux camps nazis 11 000 juifs des territoires occupés par la Bulgarie.

 

Cette Journée du souvenir de l’Holocauste (Ден на възпоменание на Холокоста) a été instaurée en 2003. La célébration est aussi appelée Jour du Salut des juifs bulgares (Деня на спасяването на българските евреи) car elle fait référence au sauvetage des juifs de Bulgarie par l’action des hauts dignitaires de l’Église orthodoxe. Il est un fait remarquable que les quelque 48 000 juifs de nationalité bulgare ont survécu à la Shoah. Si bien que le 12 mars 2002, lors d’une cérémonie officielle à Jérusalem, les métropolites bulgares Stéphane (1878-1957) et Cyrille (1901-1971) ont été déclarés Justes du monde par Yad Vashem – l’institution créée en 1953 par la Knesset d’Israël pour perpétuer la mémoire des martyrs et des héros de la Shoah en Europe. 

La belle histoire est toutefois un peu à nuancer. En 1940, la Bulgarie vit sous la dictature du roi Boris III, mise en place en 1935. Dès 1940, le pays adopte une législation anti-juive prévoyant l'identification et la marginalisation sociale et économique des citoyens juifs. 

Début 1941, la Bulgarie choisit le camp de l’Allemagne nazie dans l’espoir de récupérer les territoires de la Macédoine et la Thrace grecque ainsi que la Macédoine yougoslave dont elle s’estime injustement privée (non-application du traité de San Stefano). En avril 1941, avec ce choix diplomatique et stratégique la Bulgarie assouvit en partie ses ambitions territoriales. Les nouveaux territoires ainsi conquis permettent à la Bulgarie de s’ouvrir sur la mer Égée et de s’étendre jusqu’aux frontières de l’Albanie. Elle devra évidemment rendre ces territoires en 1945, mais Sofia les gère pendant quatre ans.

À l’automne 1942, l’Allemagne qui s’est lancée dans la Solution finale (l’extermination des juifs d’Europe) se fait pressante dans ses demandes adressées à la Bulgarie de livraison de juifs. Le 22 février 1943, un accord prévoyant la déportation de 20 000 juifs des « nouveaux territoires » est conclu. Mais, le nombre des juifs des régions de Yougoslavie et de Grèce occupées par les Bulgares n'excédant pas les 12 000, le gouvernement de Sofia prévoit alors la déportation de 8 000 juifs bulgares dits « indésirables ».

Ainsi, début mars 1943, les autorités bulgares organisent des rafles de juifs dans le nord de la Grèce et dans la Macédoine yougoslave occupée. Regroupés à Skopje, ils sont déportés par le train, puis par bateau sur le Danube. Livrés aux Allemands, quelque 11 343 juifs seront exterminés à Treblinka. 

Mais, s’agissant du sort des juifs de la Bulgarie proprement dite, la population bulgare, apprenant ce qui se tramait, s’est mobilisée dans plusieurs villes pour protester contre le sort qui est promis à leur compatriotes juifs. Une telle réaction s’est rarement vue en Europe à cette époque. Pressées par leurs fidèles, les autorités orthodoxes bulgares se sont adressées au roi Boris III pour le convaincre de ne pas participer à des persécutions contre ses propres sujets fussent-ils juifs. Finalement, le souverain fait savoir aux Allemands qu’on avait besoin d’eux pour des travaux des champs. 25 000 juifs de Sofia ont ainsi été déplacés dans la campagne bulgare, ce qui leur a sauvé la vie. 

On notera que contrairement aux l’Églises catholiques ou luthériennes, l’Église orthodoxe bulgare n’a jamais eu dans son histoire de discours anti juifs. Au XIXe siècle, la communauté juive a participé à la lutte nationale contre les ottomans. Si bien que les Bulgares ont toujours considérés les juifs comme des concitoyens comme les autres. Les rancœurs de l’époque ottomanes étaient oubliées.

Les autorités bulgares de l’époque sont responsables de la disparition de quelque 11000 juifs (un fait que le gouvernement bulgare actuel a encore du mal à admettre) mais, en même temps, elles ont contribué au sauvetage des 48 000 qui vivaient en Bulgarie en ne les livrant pas aux nazis. Ce pays refuge peut même affirmer être le seul dans l’Europe en guerre dont la population juive a augmenté pendant le conflit. La décision du roi Boris III d’assigner les juifs bulgares à des à des travaux agricoles ou de voirie dans tout le pays a été prise le 10 mars 1943. C’est cette date qui est commémorée aujourd’hui.

L’abrogation partielle de la législation anti-juive aura lieu le 31 août 1944, une mesure étendue par le gouvernement Muraviev (2-9 septembre 1944) avant la déclaration de guerre de l’Union soviétique à la Bulgarie (5 septembre), l’invasion de l’Armée rouge (8 septembre) et l’accession au pouvoir d’un Front de la patrie à dominante communiste (9 septembre). Il faudra toutefois attendre mars 1945 pour qu’un décret prévoie la restitution des biens juifs spoliés ou l’indemnisation des propriétaires dont les possessions nationalisées ne seront pas restituées, soit adopté.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 mars 2022

 

Chaque 10 mars, un hommage est rendu à Dimitar Pechev, vice-président du Parlement et ministre de la Justice de la Bulgarie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a grandement participé au sauvetage de ses concitoyens juifs. Il est aussi citoyen d'honneur de l'État d’Israël.

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1905, Macédoine du Nord, 23 mai, affirmation nationale Bruno Teissier 1905, Macédoine du Nord, 23 mai, affirmation nationale Bruno Teissier

23 mai : le journée nationale des Valaques ou Aroumains, peuple oublié des Balkans

La Macédoine du nord, peuplée de Slave et d’Albanais est le seul pays à avoir créé, en 2007, un jour férié en l’honneur du peuple Valaque ou Aroumain. Cette fête existe néanmoins depuis 1991, c’est aujourd’hui sa 30e édition.

 

La Macédoine du nord, peuplée de Slave et d’Albanais, est le seul pays à avoir créé un jour férié en l’honneur du peuple Valaque ou Aroumain. Depuis 2007, le ministère du Travail accorde un jour de congé aux personnes appartenant à ce peuple, très minoritaire en Macédoine. Le 23 mai y est connu sous le nom de Journée nationale des Valaques (Национален ден на Властите, en macédonien) (Dzua Natsionalã a Armãnjilor, en aroumain ). 

Les Valaques, tels qu’on les nomme en Macédoine et en Grèce, seraient quelque 250 000 éparpillés dans tous les Balkans et ailleurs en diaspora. Ce peuple de bergers ou de commerçants itinérants était jadis nomade ce qui explique sa dispersion. Aujourd’hui sédentarisés, ils se fondent dans les populations locales. Leur langue est latine, proche du roumain, aussi la Roumanie les considère comme des Roumains de la diaspora et les nomme Aroumains pour les distinguer. Ils ont aussi participé à l’histoire de la Grèce. Il y a 200 ans exactement, en 1821, commençait la guerre d'indépendance grecque et beaucoup des premiers combattants de l'indépendance (certains vivaient d’ailleurs en Roumanie) étaient eux-mêmes issus de la communauté aroumaine comme Rigas Velestinlis, Ioánnis Koléttis ou Giorgakis l'Olympiote. Mais, en Grèce, on affirme que les Valaques ne sont pas un peuple particulier, juste des Grecs latinisés que l’Empire ottoman a reconnus à tort comme un peuple.

La date du 23 mai fait en effet référence à la reconnaissance de la communauté aroumaine ou valaque comme nation (millet) par le sultan ottoman Abdul Hamid, le 23 mai 1905. Cette décision leur donnait droit au sein de l’empire à une éducation dans leur langue maternelle et à une autonomie religieuse. Au grand dam des Grecs qui, de fait, ne les fêtent pas le 23 mai.

C’est en 1991, il y a 30 ans exactement, que le 23 mai a été déclaré Journée nationale des Valaques du monde entier par la Ligue des Valaques et quelques autres associations valaques soucieuses de ne pas voir leur peuple s’effacer totalement du paysage du sud-est de l’Europe. Ce jour est principalement célébré par les Aroumains pro-roumains vivant en Albanie, en Bulgarie, en Macédoine du Nord et en Roumanie. En revanche, il n’est pas marqué en Grèce où pourtant, une localité du nord du pays, Samarine (Σαμαρίνα) se revendique comme capitale des Valaques. Ce village perdu est largement déserté aujourd’hui, mais des milliers de membres de la diaspora koutsovalaque (les Valaques du Pinde) s'y rassemblent autour du 15 août de chaque année. En Macédoine, c’est Krouchevo (Крушево), Crușuva en valaque, qui fait figure de capitale des Aroumains-Valaques. Ceux-ci ne représentent toutefois que 10% des habitants de la ville mais des médias en langue aroumaine y sont disponibles et des émissions régulières de télévision et de radio en langue aroumaine contribuent à assurer sa survie. Celle-ci est également enseignée à l’université en Macédoine du Nord.

Les Aroumains ou Valaques se désignent eux-mêmes comme Rrãmãn ou Armãn, selon le groupe dialectal auquel ils appartiennent, et s'identifient comme faisant partie du Populu Armãnescu (le peuple aroumain).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 22 mai 2021

 
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Grèce, Bulgarie, Fêtes traditionnelles, 21 mai Bruno Teissier Grèce, Bulgarie, Fêtes traditionnelles, 21 mai Bruno Teissier

21 mai : les Anas­tena­ria, un rituel de marche sur le feu dans les Balkans

Au nord de la Grèce et au sud de la Bulgarie, dans quelques villages, se pratique à l’occasion de la fête de la Saint-Constantin et de la Sainte-Hélène, des festivités dont l’aspect le plus marquant sont les marches pieds nus sur le feu.

 

C’est un rite particulier que l’on ne rencontre qu’au nord de la Grèce et au sud de la Bulgarie dans une poignée de villages et qui se pratique à l’occasion de la Saint-Constantin et de la Sainte-Hélène, deux saints que les orthodoxes fêtent le 21 mai.

Durant les trois jours des Anas­tena­ria (ou Anastenarides), les fidèles des deux saints vont se livrer à un rituel qui a commencé hier soir par la présentation des deux icônes qui ont quitté l’église pour le konaki, un sanctuaire tout spécialement aménagé pour l’occasion et couvert d’ex-voto. Aujourd’hui, dans la matinée, un taureau,  orné de fleurs, est sacrifié et la viande crue est distribuée aux familles de chaque village, vestige lointain d’un culte à Dionysos. Trois airs de musique, lancinants, au son de la lyre et du tambour, accompagnent chacune des cérémonies jusqu’au point fort de cette fête, au cours duquel les fidèles, en transe, marchent pieds nus sur des charbons ardents, qui se déroule après la tombée de la nuit.

Cette coutume, ancienne, était pratiquée autrefois en Thrace orientale et elle s’est transplantée en Macé­doine avec les réfugiés grecs de 1923. Cette année-là, la Grèce et la Turquie procédèrent à des échanges massifs de population. Près d’un million de Grecs durent quitter le territoire de ce qui allait devenir la Turquie. Certains furent implantés en Macédoine grecque dans des villages libérés des Turcs qui, eux, ont été par expulsés vers la Turquie. Si les Anastenaria témoignent d’une ferveur toute chrétienne (orthodoxe), il semble évident de retrouver dans ce rituel les vestiges d’un ancien culte païen, une cérémonie orgiaque christianisée.

Les Anastenaria (Αναστενάρια, Нестинарство  ou Nestinarstvo ) ont été inscrites en 2009 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Chaque année, ce rituel se déroule du 21 au 23 mai.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 20 mai 2020

 
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1943, Bulgarie, Nazisme, Seconde Guerre mondiale Bruno Teissier 1943, Bulgarie, Nazisme, Seconde Guerre mondiale Bruno Teissier

22 février : manifestation néo-nazie en Bulgarie

Ce soir, comme chaque année, une marche au flambeau rassemble dans les rues de Sofia, la fine fleur de mouvance néo-nazie européenne. La « Marche de Loukov » est organisée pour commémorer le décès d’un général nazi, le bulgare Christo Loukov, en 1943.

 

Ce soir, comme chaque année à la mi-février, une marche au flambeau rassemble dans les rues de Sofia, la fine fleur de la mouvance néo-nazie européenne. La « Marche de Loukov » (Луков марш) est organisée par l'Union nationale bulgare (BNS) pour commémorer le décès de Christo Loukov, un ministre de la Défense des années 1930, pro nazi, mort assassiné par un groupe communiste le 13 février 1943. Loukov dirigeait l'Union des légions nationales bulgares, une organisation fasciste et antisémite. Son successeur idéologique, le BNS, est accusé d’avoir adopté une idéologie similaire.

Cette marche a été organisée très officiellement de 2003 à 2014 (le samedi le plus proche du 13 février), puis a été interdite par la municipalité de Sofia à la demande de Moscou. Néanmoins les autorités n’ont pas pu empêcher le défilé de centaines d’irréductibles bravant l’interdiction. Le 25 juillet 2019, le tribunal administratif a finalement annulé l'interdiction prononcée par le maire de Sofia, affirmant que celle-ci violait les droits constitutionnels des organisateurs… Cette sinistre manifestation aura donc bien lieu en 2020.

La Marche de Loukov est devenue au fil des années l’un des rendez-vous européens de la droite extrême. On peut y croiser des Allemands des organisations Die Rechte et Junge Nationalisten, des membres du groupe français la Jeune Nation (qui rend aujourd’hui hommage à Loukov sur la page d’accueil de son site internet) ou des partisans suédois du Mouvement de résistance nordique…

En 2018, le Congrès juif mondial, avait déposé une requête, signée par plus de 175 000 personnes auprès du Premier ministre bulgare Bokyo Borissov, pour protester contre une parade organisée par les néo-nazis célébrant un dirigeant de la Seconde Guerre mondiale, proche du Troisième Reich. Très peu de juifs vivent aujourd’hui en Bulgarie où l’antisémitisme est toujours présent. Fin janvier 2019, une synagogue de Sofia a encore été saccagée.

Les autorités bulgares n’ont pas dit leurs derniers mots. Le procureur général de Bulgarie, Ivan Geshev, a ordonné une enquête sur la légalité ou non de l’association néonazie Union nationale bulgare - Edelweiss, organisatrice de la marche annuelle de Loukov (Lukov Marsh)… à suivre.

Mise à jour 2023 : La Cour administrative suprême confirmant l'interdiction du maire de Sofia, Yordanka Fandukova, avait entraîné l'annulation de la procession aux flambeaux du 22 février 2020, mais la manifestation néonazi s’est poursuivie d’une autre manière, les années suivantes dans une ambiance de grandes tensions entre manifestants anti-nazis, forces de polices déployées dans Sofia et militants bulgares pronazis. Voilà qu’en 2023, pour le 80e anniversaire de l’élimination du leader nazi bulgare et pour le 20e anniversaire de la première Lukov Marsh, on annonce une nouvelle édition de la funeste marche pour le 25 février 2023 à 17h30. L’interdiction de cette manifestation est à nouveau demandée par toutes les forces politiques démocrates… à suivre

Le site internet des oraganisateurs : lukovmarsh-info

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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