L’Almanach international

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1878, Bulgarie, 3 mars, Célébration patriotique Bruno Teissier 1878, Bulgarie, 3 mars, Célébration patriotique Bruno Teissier

3 mars : les ambiguïtés de la fête nationale bulgare

La fête nationale de la Bulgarie commémore la signature du traité de San Stefano le 3 mars 1878, faisant réapparaître une Bulgarie sur la carte de l’Europe, près de cinq siècles après sa disparition en 1396, absorbée par l’Empire ottoman. Une fête ambiguë néanmoins, qui met mal à l’aise les voisins de la Bulgarie.

 

La fête nationale de la Bulgarie commémore la signature du traité de San Stefano (Санстефански мирен договор) le 3 mars 1878, faisant réapparaître une Bulgarie sur la carte de l’Europe, près de cinq siècles après sa disparition en 1396, absorbée par l’Empire ottoman. On peut s’interroger sur le choix de la date, car ce n’est pas encore l’indépendance du pays, laquelle ne sera obtenue que 30 ans plus tard, en 1908. Concernant la Bulgarie, ce traité ne sera jamais appliqué. Il est très vite annulé et remplacé, quatre mois plus tard, par celui signé à Berlin en juillet 1878. Ce dernier n’alloue plus à la Bulgarie qu’un territoire réduit de moitié et morcelé en deux principautés qui demeurent toutes deux sous l’autorité d’Istanbul.

Si la date a été choisie comme fête nationale, en 1990, c’est qu’elle célèbre une Bulgarie rêvée, une grande Bulgarie qui englobait la Macédoine du Nord dans sa totalité et une moitié de celle du sud, si bien que la Bulgarie aurait disposé d’une côte sur la mer Égée. Si cette Grande Bulgarie n’a pas été créée c’est qu’on a craint que ce pays ne devienne un obligé de la Russie – il le deviendra effectivement plus tard – et lui offre une ouverture sur la Méditerranée. 

Les Bulgares sont très frustrés d’avoir entrevu les contours d’un tel pays et que cela leur ait été aussitôt retiré. Ils ont profité des guerres balkaniques (1912-1913) pour tenter de reprendre ces territoires, en vain.  Finalement, la Bulgarie put en partie mettre la main dessus entre 1941 et 1944 mais à la faveur d’une alliance avec l’Allemagne nazie. Ce pays du camp des vaincus se verra donc retirer tous ses gains territoriaux en 1944.

De fait, cette fête nationale bulgare est toujours empreinte d’un certain irrédentisme qui n’est pas sans rappeler le discours des nationalistes russes à l’égard de la Biélorussie et de l’Ukraine… Quoi d’étonnant que l’extrême droite bulgare en fasse une célébration largement orchestrée. Certes la Bulgarie n'a pas de velléités d'envahir la Macédoine du Nord, mais elle s'adonne tout de même à des tracasseries diplomatiques comme un veto à son entrée dans l'UE. Ce qui n'est pas rien. Cela dit, le nom officiel de cette fête rappelle juste la Libération de la Bulgarie du joug ottoman (Ден на Освобождението на България от османско иго).

À Sofia, après une messe à 10 heures en la cathédrale Alexandre Nevski, un service commémoratif et d'action de grâce est organisé en l'honneur de la fête nationale. À 11 heures, le président Roumen Radev et la vice-présidente Iliyana Yotova participent à une cérémonie dе levée du drapeau bulgare devant le tombeau du Soldat inconnu où sont commémorées les victimes de la lutte pour la liberté de Bulgarie. Un feu d’artifice et une revue de la garde d’honneur se déroulent à 18.30 sur l’esplanade devant l’Assemblée nationale quand le président reçoit le corps de parade de l’armée bulgare.

Des célébrations ont également lieu au col de Chipka (Шипченски проход) dans les Balkans, au centre de la Bulgarie, qui fut le théâtre d’une la bataille décisive, du 5 au 9 janvier 1878. Une monument commémoratif y a été construit.

Le 3 mars est devenu le Jour de la libération de la Bulgarie en 1888, mais il a fallu attendre 1978 pour qu'il devienne un jour férié en Bulgarie et 1990 pour qu’il soit officiellement déclaré fête nationale de la Bulgarie, en remplacement du 9 septembre, date anniversaire de l’entrée des troupes soviétiques sur le territoire bulgare en 1944, qui était la fête nationale de la Bulgarie communiste.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

La cérémonie du 3-Mars au col Chipka

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De San Stefano (mars 1878) à Berlin (Juillet 1878)

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1943, Bulgarie, Nazisme, Seconde Guerre mondiale Bruno Teissier 1943, Bulgarie, Nazisme, Seconde Guerre mondiale Bruno Teissier

22 février : manifestation néo-nazie en Bulgarie

Ce soir, comme chaque année, une marche au flambeau rassemble dans les rues de Sofia, la fine fleur de mouvance néo-nazie européenne. La « Marche de Loukov » est organisée pour commémorer le décès d’un général nazi, le bulgare Christo Loukov, en 1943.

 

Ce soir, comme chaque année à la mi-février, une marche au flambeau rassemble dans les rues de Sofia, la fine fleur de la mouvance néo-nazie européenne. La « Marche de Loukov » (Луков марш) est organisée par l'Union nationale bulgare (BNS) pour commémorer le décès de Christo Loukov, un ministre de la Défense des années 1930, pro nazi, mort assassiné par un groupe communiste le 13 février 1943. Loukov dirigeait l'Union des légions nationales bulgares, une organisation fasciste et antisémite. Son successeur idéologique, le BNS, est accusé d’avoir adopté une idéologie similaire.

Cette marche a été organisée très officiellement de 2003 à 2014 (le samedi le plus proche du 13 février), puis a été interdite par la municipalité de Sofia à la demande de Moscou. Néanmoins les autorités n’ont pas pu empêcher le défilé de centaines d’irréductibles bravant l’interdiction. Le 25 juillet 2019, le tribunal administratif a finalement annulé l'interdiction prononcée par le maire de Sofia, affirmant que celle-ci violait les droits constitutionnels des organisateurs… Cette sinistre manifestation aura donc bien lieu en 2020.

La Marche de Loukov est devenue au fil des années l’un des rendez-vous européens de la droite extrême. On peut y croiser des Allemands des organisations Die Rechte et Junge Nationalisten, des membres du groupe français la Jeune Nation (qui rend aujourd’hui hommage à Loukov sur la page d’accueil de son site internet) ou des partisans suédois du Mouvement de résistance nordique…

En 2018, le Congrès juif mondial, avait déposé une requête, signée par plus de 175 000 personnes auprès du Premier ministre bulgare Bokyo Borissov, pour protester contre une parade organisée par les néo-nazis célébrant un dirigeant de la Seconde Guerre mondiale, proche du Troisième Reich. Très peu de juifs vivent aujourd’hui en Bulgarie où l’antisémitisme est toujours présent. Fin janvier 2019, une synagogue de Sofia a encore été saccagée.

Les autorités bulgares n’ont pas dit leurs derniers mots. Le procureur général de Bulgarie, Ivan Geshev, a ordonné une enquête sur la légalité ou non de l’association néonazie Union nationale bulgare - Edelweiss, organisatrice de la marche annuelle de Loukov (Lukov Marsh)… à suivre.

Mise à jour 2023 : La Cour administrative suprême confirmant l'interdiction du maire de Sofia, Yordanka Fandukova, avait entraîné l'annulation de la procession aux flambeaux du 22 février 2020, mais la manifestation néonazi s’est poursuivie d’une autre manière, les années suivantes dans une ambiance de grandes tensions entre manifestants anti-nazis, forces de polices déployées dans Sofia et militants bulgares pronazis. Voilà qu’en 2023, pour le 80e anniversaire de l’élimination du leader nazi bulgare et pour le 20e anniversaire de la première Lukov Marsh, on annonce une nouvelle édition de la funeste marche pour le 25 février 2023 à 17h30. L’interdiction de cette manifestation est à nouveau demandée par toutes les forces politiques démocrates… à suivre

Le site internet des oraganisateurs : lukovmarsh-info

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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