L’Almanach international

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1804, 1805, 1851, 1852, France, bataille célèbre, 2 décembre Bruno Teissier 1804, 1805, 1851, 1852, France, bataille célèbre, 2 décembre Bruno Teissier

2 décembre : la gloire de Napoléon

Les élèves de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr célèbrent chaque 2 décembre la victoire militaire du fondateur de leur établissement : l’empereur Napoléon Ier. Ils sont bien les seuls, car les autorités françaises restent très réticentes à glorifier la geste napoléonienne. En revanche, en République tchèque, on organise chaque année, à Slavkov u Brna (Austerlitz), une reconstitution de la célèbre bataille en costume d’époque à laquelle participent un millier de figurants venus de toute l’Europe.

 

Les élèves de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr célèbrent chaque 2 décembre la victoire militaire du fondateur de leur établissement : l’empereur Napoléon Ier. La tradition remonte au Second Empire quand le 1er décembre au soir avait lieu une bataille de polochons dans les dortoirs de l’établissement et le lendemain une veillée aux flambeaux. À partir de 1920, la direction de l’école a autorisé une reconstitution de la bataille qui se déroule aujourd’hui à grande échelle sur les terrains de Coëtquidan chaque 2 décembre. La bataille ainsi mythifiée est bien sûr celle d’Austerlitz, en 1805, la plus brillante des victoires de l’Empereur face aux armées autrichienne et russe, que la Prusse s’apprêtait à rejoindre. Les lettres du nom de la bataille servent même de calendrier à l’école : A pour octobre, U pour novembre, S pour décembre… Ainsi les saint-cyriens fêtent aujourd’hui le « 2S ». L’an un de l’école étant 1805, ainsi dans le langage saint-cyrien, on ne parle pas du 2 décembre 2023 mais du « 2S 218 », soit l’année 218 à partir d’Austerlitz. Partout dans le monde où ils se trouvent, les officiers issus de Saint-Cyr célèbrent la glorieuse victoire. Le 1er décembre, selon le calendrier catholique, est la fête du Bienheureux Père Charles de Foucauld, confesseur de la Foi et également ancien élève de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr. Il est souvent associé aux célébrations de cette école où règne toujours une poignée d'étudiants ultra conservateurs, volontiers traditionalistes et fasciné également par l’épopée coloniale.

Au lendemain de la bataille, dans sa proclamation à ses soldats, Napoléon avait écrit : « Je vous ramènerai en France. Vous ne rentrerez dans vos foyers que sous des arcs de triomphe ». La promesse ne sera tenue qu’en 1806, et il faudra 36 ans pour que l’Arc de Triomphe de l’Étoile soit achevé. Napoléon n’en profitera que pour le retour de ses cendres. Aujourd’hui, le monument n’est plus perçu comme ayant été construit à sa gloire. La République en a fait un symbole patriotique. Ce soir, toutefois, c’est bien sûr une délégation de l’école de Saint-Cyr qui va ranimer la flamme. Une tradition qui n’a que cent ans d’âge et qui n’a rien à voir avec la geste napoléonienne.

La journée du 2 décembre est doublement  liée à l’Empereur, puisque c’est ce même jour qu’il s’était lui-même couronné empereur dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Pour son sacre, il avait fait venir de Rome le pape Pie VII. C’était en 1804, il y a 219 ans aujourd’hui.

Les passionnés des Bonaparte célèbrent aussi le neveu, Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la république le 2 décembre 1851 et couronné empereur, sous le nom de Napoléon III, l’année suivante, le 2 décembre bien sûr, la date n’avait pas été choisie au hasard.

Voilà une journée à la gloire des Bonaparte. Mais est-ce par malice que l’ONU a placé le 2 décembre une Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage ? Sachant que Napoléon, s’il a largement repris à son compte l’héritage de la Révolution de 1789 dont il a fait profiter une partie de l’Europe, il en a renié au moins un en rétablissant l’esclavage que la révolution avait aboli huit ans plus tôt, en 1794.

Napoléon, on le sait a aussi sa part d’ombre, on lui reproche toutes ses guerres qui ont fait tant de morts partout en Europe, notamment en Espagne, au point que les autorités françaises ont souvent renoncé à célébrer la gloire napoléonienne. En 2005, Jacques Chirac et Dominique de Villepin, alors au pouvoir, ont préféré boycotter  le 200e anniversaire d'Austerlitz, à la grande surprise de beaucoup de Français. La célébration française était pourtant tout à fait exceptionnelle. Les Anglais qui célèbrent chaque année la bataille de Trafalgar ont bien moins de scrupule.

En République tchèque, on organise chaque année, à Slavkov u Brna (Austerlitz), une reconstitution de la célèbre bataille en costumes d’époque. Un millier de passionnés, viennent tous les ans d’une quinzaine de pays, pour honorer la mémoire de ceux qui sont tombés à Austerlitz (18 000 morts tout de même !). La seule variante, depuis 2022, c’est que faute de visas, les ressortissants russes ne peuvent plus se joindre à la célébration.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er décembre 2023

 

La bataille d'Austerlitz (détail) par François Gérard, Musée de Trianon

Le monument aux morts du plateau de Pratzen (où s’est déroulé la bataille), en mémoire des soldats russes, autrichiens et français tombés le 2 décembre 1805. 

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1226, Inde, Fondation du pays, 2 décembre Bruno Teissier 1226, Inde, Fondation du pays, 2 décembre Bruno Teissier

2 décembre : Sukaphaa Divas, la fête de l’État indien de l’Assam

Cette fête de l’Assam a été créée en 1996, pour célébrer les six siècles d’indépendance du royaume d’Ahom, lequel avait existé et prospéré du XIIIe au XIXe siècle, avant de tomber sous la coupe des Anglais, en 1826.

 

C’est le Jour de l’Assam : Asom Divas (আসোম দিৱস) la fête nationale de ce petit État, par sa population (seulement 35 millions d’habitants), situé au nord-est de l’Inde. Cette fête a été créée en 1996 par les autorités locales, pour célébrer ses six siècles d’indépendance. En effet, avant de tomber sous la coupe des Anglais, en 1826, un royaume d’Ahom avait existé et prospéré du XIIIe au XIXe siècle.

Le royaume d’Ahom a été fondé par Chaolung Sukaphaa, un prince tai du royaume de Mong Mao, dans le Yunnan, en Chine. La légende raconte que ce prince héritier de 19 ans a dû quitter son pays, en 1215, suite à la naissance d’un cousin qui lui a bloqué l’accès au trône. Selon la tradition, sa grand-mère lui aurait dit qu’« il n’y a pas de place pour deux tigres dans la même jungle, et qu’il n’y a pas deux rois assis sur le même trône ». Il est donc parti vers le sud accompagné tout de même de quelque neufs mille personnes. Après 13 ans de voyage et de traversée des monts Patkai, le jeune prince et son groupe sont arrivés à Namrup, dans le sud-est de l’actuel Assam en 1228. Quelque année plus tard, Sukapha a fondera le royaume d'Ahom dont il établira la capitale à Charaideo en 1235. Pour se faire accepter comme roi, Sukapha a mis en place des mesures de conciliation pour unir tous les peuples autochtones, notamment les Sutias, les Kacharis et les Morans, les traitant tous égaux et il a encouragé les mariages mixtes entre les Ahoms et les autres tribus. C’est ainsi qu’il a fondé son royaume et sa dynastie. Celui-ci a résisté pendant des siècles à toutes les puissances, notamment les Moghols, mais le petit royaume a fini par tomber sous la domination britannique et en 1947 l’Assam est devenu un État de l’Union indienne.

Le roi Sukapha, divinisé (il serait un descendant du dieu Khunlung), est vénéré comme le fondateur du pays. La figure du roi d’ahim est sacrée. L’an dernier, Garga Chatterjee, une commentatrice politique l’avait qualifié d’« envahisseur chinois ». Ce commentaire a suscité un énorme scandale et lui a valu la visite de la police sur ordre du ministre en chef de l'Assam, Sarbananda Sonowal.

L’anniversaire de son arrivée, en 1228, a été fixé officiellement au 2 décembre, devenu jour férié localement. La fête est également connue sous le nom de Sukaphaa Divas (চাওলুং চুকাফা দিৱস) ou Chaolung Chukapha Day. Elle commence par des spectacles de danse et de musique, puis vient la cérémonie de remise des prix au cours de laquelle le ministre en chef de l'Assam décerne des prix et des récompenses aux lauréats pour leurs diverses réalisations de l'année. En fin de journée, une grande procession est organisée par les autorités. Les participants chantent des chansons locales afin de louer Chaolung Sukaphaa et de conclure la fête. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 2 décembre 2022

 

Le roi Sukapha (Chaolung Chukapha) ou Siu-Ka-Pha

Chaolung Chukapha Day célébré à Morigaon Nij Kapahera

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1956, Cuba, 2 décembre, révolution Bruno Teissier 1956, Cuba, 2 décembre, révolution Bruno Teissier

2 décembre : les débuts d’une très improbable révolution cubaine

Tout a commencé de manière assez brouillonne sur la côte du Mexique. Après un premier échec en 1953 , qui leur ont valu la prison, puis l’exil, Fidel Castro et son jeune frère Raul se lancent avec une poignée d’hommes dans une nouvelle tentative pour reverser le dictateur Battista… c’est le Día de las Fuerzas Armadas Revolucionarias

 

Tout a commencé de manière assez brouillonne sur la côte du Mexique. Après un premier échec en 1953, qui leur ont valu la prison, puis l’exil, un jeune avocat cubain du nom de Fidel Castro et son jeune frère Raul se lancent avec une poignée d’hommes dans une nouvelle tentative pour renverser le dictateur Battista. Pour cela il faut retourner discrètement à Cuba. Un vieux yacht, baptisé le Granma, est acheté et retapé à la hâte, on remplit la cale d’armes et on s’embarque en pleine nuit pour échapper aux garde-côtes mexicains, nous sommes le 25 novembre 1956. Il y a 2000 km à parcourir pour relier les côtes cubaines, le trajet sera plus long que prévu, l’eau et la nourriture manquent mais qu’importe, on part faire la révolution. Peu habitués à la mer, plusieurs hommes sont malades. Il y a bien un médecin à bord, un certain Ernesto Guevara, mais qui ne sera pas d’un grand secours. Une forte tempête survient, le bateau manque plusieurs fois de se reverser, 82 hommes s’y entassent alors qu’il est prévu pour 25 au maximum. Un homme tombe à la mer, on le repêche par miracle. Mais pour ne pas couler, la majeure partie du matériel est jetée à la mer, sauf les armes bien sûr. 

Le Granma arrive enfin au large des côtes cubaines le 2 décembre, mais ne trouve pas l’endroit prévu pour débarquer. Finalement, il s’échoue dans une mangrove. Un des plus beaux sites de Cuba, aujourd’hui classé au Patrimoine mondial par l’Unesco. Mais, les futurs barbudos qui débarquent, l’eau à hauteur de poitrine, mettront plusieurs heures pour se sortir de ces marais. Ils y perdront la moitié de leurs armes. La cinquantaine d’hommes qui les attendaient ailleurs, finit par les rejoindre avec des camions et des jeeps. En avant vers la montagne. Mais, l’armée cubaine est à leur trousse. Le 5 décembre, à l’Alegria de Pio, les révolutionnaires épuisés tombent sur les soldats de Battista. C’est leur baptême du feu, un véritable désastre. Ils ne seront que 22 survivants à parvenir à se réfugier dans la Sierra Maestra où ils mettront deux ans à préparer l’assaut final. Ainsi sont nées les Forces armées révolutionnaires que l'on célèbre à Cuba chaque 2 décembre, le Día de las Fuerzas Armadas Revolucionarias.

Comme chaque année, un groupe de plusieurs jeunes de la province de Granma pataugent dans la mangrove à l'aube de ce 2 décembre, pour rejouer le débarquement du yacht Granma au lieu-dit de Los Cayuelos (sur la commune de Niquero), le lieu même où Castro a débarqué à Cuba il y a 65 ans. 

Traditionnellement, un grand rassemblement est organisé au Monument de la Portada de la Libertad, pour une soirée culturelle à laquelle participeront de jeunes Cubains encadrés par les autorités. La nuit prochaine, des centaines de jeunes pionniers feront du camping en hommage à Fidel. Pour les soutiens du pouvoir cubain, le mythe demeure intact. 

 
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