L’Almanach international

Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde

1582, 29 février, calendrier Bruno Teissier 1582, 29 février, calendrier Bruno Teissier

29 février : une journée rare et particulière

Voilà une date rare puisqu’elle ne tombe que tous les quatre ans. Cela complique la célébration des anniversaires et plus encore la fixation de la date de la majorité…

 

Voilà une date rare puisqu’elle ne tombe que tous les quatre ans. Cela complique la célébration des anniversaires et plus encore la fixation de la date de la majorité des personnes nées un 29 février. Celles-ci deviennent majeures lors d'une année non bissextile, 18 n'étant pas multiple de 4. Quelle date retenir sur le plan légal ? En France, comme au Royaume-Uni, la personne ne devient légalement majeure que le 1er mars, alors qu'en Nouvelle-Zélande ou à Taïwan, par exemple, c'est le 28 février.

Ce jour intercalaire date de l’an 46 av. J.C. quand il fut introduit dans le calendrier dit julien. L’année durant 365 jours plus 0,25, soit un quart de journée, les Romains ont résolu le problème avec un jour supplémentaire tous les quatre ans. Le bis-sextilis, « second sixième jour » venait s’ajouter après le sixième jour précédent les « calendes de mars », soit le 24 février.

Le calage n’est pas parfait car en réalité, l’année astronomiques dure 365,242199 jours. Ce qui provoque encore un décalage de trois jours tous les 400 ans. Pour mieux coller à la réalité solaire, il faut donc supprimer trois années bissextiles tous les quatre siècles. C’est ce que fait le calendrier grégorien, adopté sous l’impulsion du pape Grégoire XIII en 1582. C’est lui qui fixe le 29 février comme jour intercalaire tous les quatre ans à l’exception des années séculaires non divisibles par 400 : 1800 et 1900 ne sont pas bissextiles. En revanche, 1600, 2000 et 2400 l’ont été ou le seront. 2100, 2200 et 2300 ne le seront pas. Malgré cette correction qui fait presque "coller" calendrier civil et calendrier astronomique, il demeure encore un léger décalage de trois jours tous les 10 000 ans rappelle l’Institut de Mécanique céleste et de calcul des éphémérides. Rien n’a encore été prévu pour y remédier !

Peu d’évènements sont commémorés un 29 février. On peut citer le dernier pogrom perpétré sur le territoire français, c’était le 29 février 1848 à Durmenach, dans le Haut-Rhin, au cours duquel 75 maisons habitées par des juifs furent pillées et incendiées. De ce fait, il existe dans cette ville une rue du 29-Février commémorant le triste épisode connu sous le nom de Juden Rumpel. Dans la localité, on rénove aujourd’hui les dernières maisons qui ont été habitées par des juifs. À l’époque la communauté juive représentait la moitié de la population du village.

Au chapitre de l’intolérance religieuse, on peut aussi mentionner, la mort par décapitation du missionnaire normand, Auguste Chapdelaine, à Dingan dans la province chinoise du Guangxi, le 29 février 1856. C’était la peine prévue par le code chinois contre les missionnaires clandestins. Il a été canonisé en 2000, mais sa fête a été placée, prudemment, le 28 février.

Selon des estimations, il y aurait 4 millions de personnes dans le monde qui sont nées un 29 février et qui fêtent donc leur anniversaire tous les 1460 jours. Aux États-Unis, une petite ville a choisi de leur offrir une fête : depuis 1988, Anthony, dans le comté d'El Paso, organise une grande parade chaque 29 février pour fêter les anniversaires de toutes les personnes nées ce jour-là. Des gens de tout le pays et du monde entier viennent y participer, des bébés aux vieillards (même des centenaires). Toute personne née un 29 février est admissible au Club Worldwide Leap Year, moyennant 20 $, à payer chaque année bissextile.

Tous les quatre ans, cela fait une drôle de cadence pour un périodique. C’est pourtant le choix de La Bougie du Sapeur, le seul périodique qui, depuis 1980, paraît en France chaque 29 février. Sa ligne éditoriale proche de l'Almanach Vermot est du "politiquement incorrect", si on se réfère au titre de l’éditorial de son rédacteur en chef, Jean D'Indy. Enfin, disons de l’humour un peu lourdingue, mais une fois tous les quatre ans… Le journal qui tire son nom du Sapeur Camember, né comme on le sait… un 29 février.

 
Le sapeur Camembert

Le sapeur Camembert

À Durmenach, le 29 février 1848, pillage des maisons des juifs, 75 de leurs maisons furent incendiées.

À Durmenach, le 29 février 1848, pillage des maisons des juifs, 75 de leurs maisons furent incendiées.

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1947, Israël, juifs, 30 novembre Bruno Teissier 1947, Israël, juifs, 30 novembre Bruno Teissier

30 novembre : la Journée commémorative du départ et de l'expulsion des Juifs des pays arabes et d'Iran

En 1947, l’annonce du plan de partage de la Palestine accélérait l’exode des juifs séfarades et mizrahi des pays à majorité musulmane où ils vivaient. Au total ce sont quelque 850 000 juifs, peut-être un million, qui feront le choix de quitter leur pays ou qui en seront expulsés. Israël commémore chaque 30 novembre cet exode. Mais, compte tenu à ce qui est arrivé à Israël le 7 octobre dernier, l’ambiance actuelle invite plus à réfléchir à l’avenir d’Israël qu’à se pencher sur son passé.

 

Hier, l’ONU a marqué officiellement sa solidarité avec les Palestiniens comme chaque 29 novembre. Aujourd’hui, c’est Israël qui marque la Journée commémorative du départ et de l'expulsion des Juifs des pays arabes et d'Iran (יום זיכרון ליציאתם וגירושים של יהודים ממדינות ערב ומאיראן), une journée commémorative établis par la Knesset, le parlement israélien, en 2014.

La date choisie, outre qu’elle offre un contrepoint à la commémoration du 29 novembre, commémore les émeutes antijuives qui ont éclaté à Aden au Yémen au lendemain même du vote de l’ONU sur la partition de la Palestine mandataire, soit le 30 novembre 1947. Ces pogroms avaient provoqué la mort de 82 personnes et l’incendie du quartier juif de la ville. Ils ont surtout entraîné le départ de la presque totalité des juifs du Yémen, c’est-à-dire d’un pays où ils vivaient depuis 3000 ans. Le pays avait même connu un royaume juif yéménite bien avant que l’islam ne surgisse dans la péninsule arabique.

Au total ce sont quelque 850 000 juifs séfarades et mizrahi qui ont quitté les pays à majorité musulmane où ils vivaient, le plus souvent en y laissant tous leurs biens. Selon les cas, ils ont choisi de partir ou en ont été expulsés. D’ailleurs, les tensions n’ont pas débuté en 1947. L’Irak par exemple avait connu des émeutes à Bagdad, les 1er et 2 juin 1941, qui ont entraîné en dix ans le départ du pays de presque tous les 135 000 juifs qui y vivaient jusque-là.

Pour ceux qui ont choisi Israël pour destination, leur installation ne fut pas des plus confortables car ils n’étaient pas attendus. Les autorités ne se sont intéressées que très tardivement à leur situation. Cette journée commémorative du 30 novembre ne date que d’une loi de 2014 et le monument qui cultive la mémoire de leur sort n’a été inauguré qu’en 2021. Il se trouve à Jérusalem sur la promenade Hass.

En Israël, la plupart des jours fériés et des jours commémoratifs sont célébrés selon le calendrier hébraïque, mais celui-ci est rythmé par le calendrier grégorien. Toutefois, si le 30 novembre tombe un vendredi ou un samedi, la journée commémorative est reportée au jeudi qui le précède. Mais, compte tenu à ce qui est arrivé à Israël le 7 octobre dernier, l’ambiance actuelle invite plus à réfléchir à l’avenir d’Israël qu’à se pencher sur son passé. Sa connaissance n’est pourtant pas inutile pour éviter de renouveler les erreurs tragiques.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29 novembre 2023

 

Juifs yéménites près d’Aden en route pour Israël, 1949 (photo Zoltan Kluger, National Photograph Collection, Government Press Office of Israel)

Le mémorial de Jérusalem situé près de la promenade Sherover. On le doit à une initiative de la Jewish American Society for Historic Preservation. Ce Mémorial créé par le sculpteur de Jérusalem Sam Philipe s’inspire de la photo de Zoltan Kluger.

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1921, États-Unis, Noirs, 31 mai, massacre Bruno Teissier 1921, États-Unis, Noirs, 31 mai, massacre Bruno Teissier

31 mai : il y a 100 ans, à Tulsa, le plus terrible lynchage de Noirs de l’histoire américaine

Localement le massacre de Tulsa est célébré chaque 31 mai, cette année pour le centenaire du drame, le président des États-Unis se déplacera, il assistera demain à des cérémonies qui durent plusieurs jours.

 

Localement le massacre est célébré chaque 31 mai (Tulsa race massacre Day), cette année pour le centenaire du drame, le président des États-Unis se déplacera, il assistera demain à des cérémonies qui durent plusieurs jours.

Cela se passe à Tulsa, dans l’Oklahoma : le 30 mai 1921, un jeune Noir maladroit bouscule une jeune fille blanche, lui a-t-elle marché sur le pied ? L’a-t-il heurté ? On ne sait pas. Toujours est-il qu’elle pousse un cri, aussitôt on accourt croyant une agression. Le jeune homme, qui sait ce qu’il risque, se réfugie à Greenwood, où habite sa mère. Il sera vite retrouvé et arrêté, mais la jeune fille refuse de porter plainte. L’affaire aurait dû en rester là, si un groupe d’hommes noirs patrouillant devant le commissariat pour protéger le jeune garçon, n’était pas tombé nez à nez avec un groupe d’hommes blancs hystériques réclamant le lynchage du coupable. Des coups de feu sont partis, on comptera plusieurs victimes surtout des Blancs. Aussitôt la ville s’enflamme contre le quartier noir de Greenwood, un quartier relativement prospère où vivait une classe moyenne supérieure noire qui suscitait bien des jalousies dans cette petite ville du vieux Sud. Le quartier était même connu sous le nom de Black Wall Street, en référence au quartier des affaires de New York. Les pillages et destructions durent deux jours à partir du 31 mai 1921. 1256 maisons sont détruites, plus de 10 000 personnes, quasiment toutes afro-américaines, se retrouvent à la rue. 300 morts sont comptabilisés mais le nombre des victimes serait bien plus important. Du quartier, il n’est rien resté : des avions d’agriculteurs de la région ont même été mobilisés pour déverser des produit inflammable sur les bâtiments : école, hôpital (le seul qui accueillait les Noirs), églises, entreprises… tout à disparu en quelques heures. Personne, bien sûr, n’a été poursuivi, la mémoire collective a très vite effacé le drame.

Il a fallu attendre 2001 , pour que  l’État fédéral d’Oklahoma a passé une loi intitulée « 1921 Tulsa Race Riot Reconciliation Act » pour accéder quelques réparations symboliques aux descendants des victimes comme la distribution de 300 bourses d’études supérieures à des familles brisées. En 2011, un mémorial est créé et baptisé John Hope Franklin, un historien afro-américain originaire de Tulsa. Finalement en 2021, le pogrom commence à mobiliser les autorités fédérales, puisque Joe Biden sera présent aux cérémonies.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1988, 1992, Azerbaïdjan, Arménie, massacre, 26 février, 27 février Bruno Teissier 1988, 1992, Azerbaïdjan, Arménie, massacre, 26 février, 27 février Bruno Teissier

26-27 février : guerre de mémoire entre Azéris et Arméniens

Chaque 26 février, l’Azerbaïdjan commémore le massacre de Khodjaly, un épisode sanglant de la première guerre du Haut-Karabagh, le 26 février 1992. Hasard du calendrier, le 27 février, les Arméniens commémorent le pogrom de Soumgaït : trois jours de violence, les 27-29 février 1988 contre la minorité arménienne d’Azerbaïdjan.

 

Chaque 26 février, l’Azerbaïdjan commémore le massacre de Khodjaly, un épisode sanglant de la première guerre du Haut-Karabagh, le 26 février 1992. Les autorités azéries dénoncent la mort de 613 personnes dont 106 femmes et 83 enfants, des villageois pris au piège d’un conflit qui les dépassaient. Bakou accuse du massacre les forces armées arméniennes, aidées par le régiment no 366 de l'armée russe. Les Arméniens se défendent en accusant l’Azerbaïdjan d’être directement responsable de ce massacre, les soldats azéris auraient reçu l’ordre de tirer sur les civils de Khodjaly. Bakou a tenté en vain, à plusieurs reprises de faire reconnaître un « génocide » opéré par les Arméniens, dénonçant la désinformation de la diaspora arménienne plus influente en Occident que celle des Azéris même si ces derniers disposent à présent de relais médiatiques importants et d’un pouvoir d’influence qui repose sur l’argent du pétrole.

Hasard du calendrier, demain, le 27 février, les Arméniens vont comme chaque année, commémorer le pogrom de Soumgaït  : trois jours de violence, les 27-29 février 1988 contre la minorité arménienne de cette banlieue industrielle de Bakou. Le nombre des victimes n’est pas connu : des dizaines de morts et des centaines de blessés. Il s'agit d'un événement historique et d'un tournant dans l'aggravation du conflit ethnique qui a provoqué les premiers flux de réfugiés arméniens de Soumgaït vers le Karabakh (Artsakh) et l'Arménie. Le caractère prémédité et organisé de ce pogrom n’a jamais été pleinement reconnu par Bakou. Une des conséquences de cette impunité fut que d’autres massacres d’Arméniens eurent lieu à Kirovabad (Gandja) en novembre 1988 et à Bakou en janvier 1990, provoquant l’exode de la minorité arménienne de l’Azerbaïdjan, comme d’ailleurs, l’exode de la minorité azérie d’Arménie.

Le pogrom était la réponse aux premiers troubles provoqués par les Arméniens du Haut-Karabagh. Il sera le déclencheur de la guerre de conquête du sud-ouest de l’Azerbaïdjan, dans les années 1992-1994, par les forces arméniennes mieux équipées et plus aguerries à l’époque. À l’automne 2020, la situation s’est retournée. Les Arméniens ont perdu quasiment toutes leurs conquêtes.

Pour en savoir plus, lire Géopolique de l’Arménie par Tigrane Yégavian

 
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