L’Almanach international

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1915, Arménie, Turquie, 24 avril, génocide Bruno Teissier 1915, Arménie, Turquie, 24 avril, génocide Bruno Teissier

24 avril : la date sacrée des Arméniens

C’est la 109e commémoration du génocide des Arméniens. Cette date fait référence à ce jour de 1915 où les autorités ottomanes ont arrêté 600 intellectuels et notables d’Istanbul, sélectionnés sur le seul critère de leur appartenance à la nation arménienne. Les cérémonies commencent dès ce soir, 23 avril, par la traditionnelle veillée au flambeau.

 

C’est la date sacrée des Arméniens du monde entier, la commémoration des victimes du génocide (Մեծ Եղեռն) (Medz Eghern). Cette date fait référence à ce jour de 1915 où les autorités ottomanes ont arrêté 600 intellectuels et notables d’Istanbul, sélectionnés sur le seul critère de leur appartenance à la nation arménienne. Ils ont été déportés et, dans leur grande majorité, assassinés. Ainsi débutait un génocide qui allait emporter 1,5 million d’Arméniens. Les autorités turques reconnaissent quelques centaines de milliers de morts, dus au chaos engendré par la guerre, mais elles nient l’extermination délibérée d’une des composantes de la nation ottomane. Quelques intellectuels turcs ont déjà admis la réalité historique, mais le sujet reste officiellement tabou en Turquie. Une manifestation rassemble à Istanbul quelques milliers de personnes devant le Musée d’arts turcs et islamiques, l’ancienne prison où les remiers rafflés ont été détenus avant d’être déportés. À Erevan, où le jour est férié depuis 1988, une cérémonie à lieu devant la flamme du souvenir du Mémorial du génocide. À Paris, on procède également au ravivage de la flamme du soldat inconu, place de l’Étoile. Des manifestations se déroulent à Mar­seille (qui annonce un jumelage avec Erevan), Valence (square Jean-Manoug- Stépanian), Vienne (autour du khatchkar du jardins de l’Évêché), Lyon (place Antonin-Poncet, 2e, à 17h30), Paris (à la mairie du 9e arrond., quartier baptisé « la petite Arménie »), Maison-Alfort... dans toutes les villes où les survivants du génocide, débarqués en France à partir de 1922, se sont installés. L’Église Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris accueille à 15h une cérémonie en rite arménien.

Le 5 février 2019, le président Macron a annoncé que le 24 avril deviendra désormais la journée nationale de commémoration du génocide arménien. En 2022, une trentaine de pays reconnaissent le génocide arménien, dont les États-Unis et la Lettonie depuis 2021. Certains pays manquent toujours à l’appel de la reconnaissance (Israël, Rwanda, Namibie…). D’autres nient explicitement tout génocide (Turquie, Azerbaidjan).

Le 23 avril, à Erevan, la foule se rend, depuis le centre-ville, au mémorial consacré aux victimes. Cette marche organisée tous les ans la veille du 24 avril, jour du début des massacres en 1915, est l’occasion de manifestations patriotiques dont le parti nationaliste (et d’opposition), la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA) prend la tête.

À Paris, le rendez vous du 23 Avril à lieu à 19h Place du Canada, devant la statue de Komitas, pour la traditionnelle veillée commémorative organisée par les associations de jeunesse. 109 ans après le Génocide et quelques mois après le drame du Haut-Karabagh, les jeunes Arméniens de la diaspora sont nombreux à vouloir pour rendre hommage à leurs ancêtres.

Au-delà, de la commémoration du génocide, c’est l’effacement d’une culture millénaire qui est dénoncé chaque 24 avril et particulièrement cette année. En effet, les tentatives de récupération ou de destruction du patrimoine arménien du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan se sont multipliées depuis l’exode forcé de sa population en septembre 2023. Derrière eux, les Arméniens ont laissé un héritage culturel aujourd’hui très menacé.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

Voir les commémorations de 2020.

Pour en savoir plus, lire Géopolique de l’Arménie par Tigrane Yégavian

 

La flamme éternelle au Mémorial du génocide

Le Mémorial a été construit entre 1965 et 1967. Il a d’abord été constitué d’un mur commémoratif. Puis a été érigé le sanctuaire où brûle la flamme éternelle avec la colonne de la Renaissance de l’Arménie, véritable flèche de cathédrale pointée vers le ciel, ouverte en son milieu sur toute sa hauteur.

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1994, Rwanda, génocide, 7 avril Bruno Teissier 1994, Rwanda, génocide, 7 avril Bruno Teissier

7 avril : la mémoire du génocide tutsi au Rwanda

Il y a 30 ans, commençait un génocide qui allait faire disparaître, en trois mois, un million de personnes dans un pays de moins de 7 millions d’habitants, le Rwanda. En dépit des commémorations annuelles, un lourd silence pèse sur le génocide des Tutsis. Le pays a mis beaucoup de temps à le faire entrer dans les manuels d’Histoire. C’est fait à présent, mais le Rwanda est un pays très jeune : 70% de la population a moins de 30 ans et n’a pas vécu le génocide.

 

Il y a 30 ans, jour pour jour, commençait un génocide qui allait faire disparaître, en trois mois, un million de personnes dans un pays de moins de 7 millions d’habitants, le Rwanda.

Tutsi et de Hutu sont des appartenances fixées par les colonisateurs allemands et belges. À l’époque coloniale, les Européens ont voulu catégoriser les populations soumises en ethnies bien identifiables. Dans le cas du Rwanda, cette construction était très largement artificielle, car Tutsis et Hutus habitent le même territoire, partagent la même langue et ont adopté la même religion, le catholicisme. L’ethnie figurait sur les cartes d’identité, c’est ce qui facilita les massacres, car comment identifier à coup sûr les individus à éliminer ?

En 1962, le colonisateur belge après avoir favorisé les Tutsis pendant des décennies, avait laissé le pouvoir à un mouvement radical Hutu (Parmehutu), aussitôt des massacres de Tutsis se sont produits. En 1973, quand Juvénal Habyarimana prend le pouvoir à la suite d’un coup d’État, les Tutsis ne seront plus désormais que des citoyens de seconde zone ce qui engendrera la création du FPR (Front patriotique rwandais) pour combattre le dictateur. Ce mouvement rebelle, implanté dans les pays voisins, est composé de Tutsis et de Hutus modérés qui ont fui leur pays. Le dictateur Juvénal Habyarimana fini par accepter un partage du pouvoir (accord d’Arusha, en août 1993) mais en même temps le pouvoir de Kigali laissait se développer une propagande anti-tutsi aux accents meurtriers. La radio Mille collines qui appelle quotidiennement à éliminer tous les Tutsis du pays est fondée en juillet 1993. Par ses discours de haine, elle joua un grand rôle pendant le génocide. Le 6 avril 1994, l’avion présidentiel est abattu par un missile, on n’a jamais su qui avait tué Juvénal Habyarimana, mais la propagande hutue désigne aussitôt les Tutsis. Le 7 avril 1994, commence des massacres qui ne s’achèveront que le 17 juillet par la prise de contrôle du pays par le FPR et la fuite des extrémistes Hutus au Zaïre (aujourd’hui RDC).

Le FPR a pris le pouvoir en juillet 1994. Depuis, son leader Paul Kagamé est l’homme fort du pays. Il appartient à une famille de Tutsis qui s’était réfugiée en Ouganda, bien avant le génocide. Son régime est autoritaire, mais le pays a retrouvé la paix et a prospéré sous son règne.

Le Rwanda organise tous les ans, le 7 avril, une commémoration du génocide mais sans pour autant avoir cherché à identifier les coupables et les victimes. La mention de l’ethnie sur les cartes d’identité a été enlevée dès août 1994, officiellement, il n’y a plus de Hutus ni de Tutsis, rien que des Rwandais. Néanmoins, la cohabitation entre victimes et bourreaux pose de grandes difficultés à la reconstruction du pays. Dans un souci de réconciliation nationale, les victimes ont été enjointes de pardonner à des bourreaux qui ont rapidement débité un texte de contrition. Un lourd silence s’est imposé. Le pays a mis beaucoup de temps à faire entrer le génocide dans les manuels d’Histoire. C’est fait à présent, mais pour une très large partie de la population, ce n’est plus qu’un fait historique. Le Rwanda est un pays très jeune : 70% de la population a moins de 30 ans et n’a pas vécu le génocide.

De commémorations en commémorations, les choses évoluent à l’international. En 2021, le président Macron, mettait un terme au déni de la France et admettait des responsabilités dans le déroulement du génocide du fait d’un soutien coupable à la dicature extrémiste hutue (la fourniture d’armes aux autorités rwandaises pendant les massacres). En 2024, en vue de ce 30e anniversaire, le président français a affirmé que la France, « avec ses alliés occidentaux et africains » aurait ou arrêter le génocide mais n’en a pas eu, à l’époque, la volonté. Il a rappellé que, « quand la phase d'extermination totale contre les Tutsis a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d'agir, par sa connaissance des génocides que nous avaient révélée les survivants des Arméniens et de la Shoah ». Le Vatican, en revanche n’a jamais fait le moindre commentaire sur l’aveuglement de l’Église face à ce génocide.

En l’an 2000, le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, avait été beaucoup plus clair : « J’assume ici devant vous la responsabilité de mon pays, des autorités politiques et militaires belges, et au nom de mon pays, je vous demande pardon pour cela. » La même année, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, avait juste exprimé des remords : « Au nom de l’ONU, je reconnais cet échec et j’exprime mon profond remords. » Remords d’avoir, pendant le génocide, retiré 90% des casques bleus présents au Rwanda… En 2003, l’ONU institue le 7 avril comme la Journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda qui deviendra, en 2018, la Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Chaque année, à cette date ou aux alentours de cette date, l’Organisation des Nations Unies organise des manifestations commémoratives à son siège, à New York, et dans ses bureaux dans le monde entier.

Le Rwanda a deux jours fériés pour commémorer le génocide. La période de deuil national débute avec Kwibuka (“se souvenir”, en kinyarwandais), la commémoration nationale du 7 avril et se termine avec le Jour de la libération (Kwibohora), le 4 juillet.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 avril 2024

Le mur où sont inscrits les noms des victimes, au Mémorial de Kigali

 
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1932, 1933, Ukraine, URSS, novembre, génocide Bruno Teissier 1932, 1933, Ukraine, URSS, novembre, génocide Bruno Teissier

26 novembre : Holodomor, le génocide des Ukrainiens voulu par Moscou

Entre 19h32 et 19h33, ce 26 novembre, les Ukrainiens observent une minute de silence en mémoire de la plus grave tragédie de leur histoire : la mort de 7 à 10 millions de leurs compatriotes lors de la grande famine de 1932-1933.

 

Entre 19h32 et 19h33, les Ukrainiens observent une minute de silence en mémoire de la plus grave tragédie de leur histoire : la mort de 7 à 10 millions de ses habitants lors de la grande famine de 1932-1933, soit quelque 25 % à 30 % de sa population de l'époque.

À Kiev, un cortège se rend au mémorial de l'Holodomor (голодомо́р « mort de faim » en ukrainien, holod, la faim ; mor, l’extermination), par la rue Ivan Mazepa. Des milliers d'Ukrainiens en famille viennent y déposer une bougie.

Une cérémonie a également lieu à Bykivnia, localité de la banlieue de Kyiv où de très nombreux morts ont été inhumés. En 2006, Kyiv reconnaissait le caractère génocidaire de l’Holodomor, pas Moscou où les autorités arguent que la collectivisation forcée, visant à éliminer les koulaks, a provoqué des famines partout en URSS, et que l’Ukraine n’était pas spécialement visée. Kyiv y voit, au contraire, la volonté de Staline de casser la fierté ukrainienne et de détruire à jamais toute tentation d’émancipation, car ailleurs en URSS, la famille n’a pas entrainé la mort d’une telle proportion de la population. La seule exception est le Kazakhstan où l’hécatombe fut pire encore. Le génocide y est connu sous le nom d’Acharchylyk.

Le Canada où vivent un million de descendants d'Ukrainiens, organise ce même jour, quatrième samedi de novembre, des cérémonies dans plusieurs villes. À New York, également, on commémore le crime de masse.

À Paris, Le Comité représentatif de la communauté ukrainienne en France organise une cérémonie du dépôt de gerbes sur la tombe du Soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. Un rassemblement a lieu dans le Square Taras Chevchenko (angle rue des Saints-Pères et Bd St Germain Paris 6e). Une trentaine de pays reconnaissent l’Holodomor comme un génocide : États-Unis, Canada, Brésil, Portugal, Vatican… dernièrement, la Roumanie, la Moldavie et l’Irlande, l’Allemagne, le Parlement européen et finalemen la Belgique et la France, en mars 2023 seulement, quelques mois avant le 90e anniversaire.

En novembre 2022, une messe a été dite en l’église Saint-Sulpice, à l’initiative de l’éparchie gréco-catholique de Paris. Le pape François a invité à prier pour les victimes de « l’extermination par la faim en 1932-1933 provoquée artificiellement par Staline en Ukraine ».

#Holodomor #Ukraine #URSS #1923 #1933

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 novembre 2023

 
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1923, génocide, 19 juin Bruno Teissier 1923, génocide, 19 juin Bruno Teissier

19 mai : la mémoire du « génocide »  grec

Les Grecs commémorent une décennie, de 1913 à 1923, rythmée par une série de massacres et d’expulsions massives des Grecs du territoire actuel de la Turquie. Cette année marquée par le centenaire du traité de Lausanne est également célébrée en Turquie, comme l’aboutissement d’un processus national. La date du 19 mai, est celle à laquelle Mustafa Kemal a débarqué à Samsun en 1919. Jour de deuil en Grèce, jour de fête en Turquie.

 

Ce génocide n’a pas eu l’ampleur de celui des Arméniens, s’il a abouti au même résultat : la disparition quasi totale des Grecs du territoire de l’actuelle Turquie, c’est aussi en raison de leur expulsion massive d’Asie mineure consécutive à l’échec  de la Grèce de prendre contrôle de la côte égéenne orientale, entériné par le traité de Lausanne dont on fête cette année le centenaire. Cette défaite et ses conséquences  sont désignées comme la Grande Catastrophe ( η Μεγάλη Καταστροφή ) de l’histoire grecque. Celle-ci ne se résume pas à un échange de population, plus d’un million de personnes entre Grèce et Turquie.

Ce que les Grecs désignent comme le génocide grec (Γενοκτονία των Ελλήνων) est aussi une décennie, de 1913 à 1923, rythmée par une série de massacres. À partir du printemps 1913, les Ottomans ont mis en œuvre un programme d'expulsions et de migrations forcées, axé sur les Grecs de la région égéenne et de la Thrace orientale, dont la présence dans ces zones était considérée comme une menace pour la sécurité nationale. L’un des pires massacres que commémore cette journée du 19 mai est celui de Phocée (une ville d’Asie mineure dont la population avait, jadis, dans l’Antiquité, fondé Marseille). En juin 1914, alors que l’Europe n’est pas encore en guerre, des milices turques ont attaqué la population, assassiné une centaine d’habitants et provoqué la fuite des survivants vers la Grèce. Toujours dans la même région, le fait le plus marquant fut le grand incendie de Smyrne (aujourd’hui Izmir), provoquant la mort de 10 à 15 000 personnes et l’expulsion de quelque 200 000 autres.

La date du 19 mai, choisie par les Grecs pour commémorer cette mémoire, est celle à laquelle Mustafa Kemal (futur Atatürk) a débarqué à Samsun en 1919. Ce jour a marqué le début de la guerre d'indépendance turque et le début de la deuxième vague du massacre de la population grecque en Turquie. La Turquie en a fait la Journée de commémoration d’Atatürk, de la Jeunesse et des Sports, un jour férié, jour de fête en Turquie, jour de deuil en Grèce.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

En jaune, les Grecs ; en vert, les Turcs, sur une carte ethnique du début du XXe siècle.

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31 mai : la Journée du souvenir des victimes de la répression politique au Kazakhstan

Comme l’Ukraine, le Kazakhstan commémore la grande famine des années 1932-33 (Acharchylyk ) et la répression de masse de l’époque soviétique. La décolonisation de l’empire russe est en marche, déjà dans les têtes. La libération de la mémoire est une première étape.

 

Les exactions commises dans l’empire colonial russe, en particulier à l’époque soviétique, resurgissent des mémoires. Au Kazakhstan, les premières lois mémorielles ont été adoptées peu après l’indépendance. En 1993, les victimes des répressions du stalinisme étaient réhabilitées. En 1997, Noursoultan Nazarbaïev instituait le 31 mai comme la Journée en souvenir des victimes de la répression politique (Қазақстандағы саяси қуғын-сүргін құрбандарын еске алу күні). En 2020,  le nouveau président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a mis en place une Commission d’État pour la réhabilitation des victimes de la répression politique qui fait re-émerger plusieurs décennies de crimes et de souffrance. Depuis quelques années, un nouveau terme est popularisé dans le discours mémoriel : Acharchylyk (Ашаршылық). C’est l’équivalent kazakh de l’Holodomor des Ukrainiens. La terrible famine a coûté la vie à un million et demi de Kazakhs entre 1932 et 1934 (2 millions de morts si ont y ajoute les autres nationalités vivant au Kazakhstan), soit 40% de la population du pays.

Nomades, les Kazakhs ont été privés de leur bétail, confisqué par les gouverneurs soviétiques. Afin de remplir les quotas pour le blé, les Kazakhs furent forcés de troquer leurs bêtes contre des quantités dérisoires de céréales, ce qui les condamnait à mort car il ne leur restait plus rien. Partout, le bétail mourait à cause des conditions inadaptées, notamment le manque de fourrage dû à la grande sécheresse de 1932-33 associée aux grands froids : en deux ans, la République a perdu plus de 90 % de son cheptel (sur 45 millions de têtes de bétail en 1929, il n’en restait que 3,5 millions en 1935). Beaucoup de Kazakhs n’ont eu la vie sauve qu’en se réfugiant dans les pays voisins. Certains se sont établis au Xinjiang, une région contrôlée par la Chine. Leurs descendants croupissent aujourd’hui dans des camps de concentration aux côtés des Ouïghours.

La date du 31 août fait aussi référence à la répression politique de masse qui a atteint son paroxysme en 1937.  Au cours du XXe siècle Moscou a fait de ses colonies d’Asie centrale des lieux de relégation pour y déporter les peuples qui entravaient l’expansion russe, c’est le cas des Tatars de Crimée. Le territoire du Kazakhstan s'est ainsi transformé en une grande prison avec l'ouverture des plus grands camps de travail correctif, tels que Alzhir (camp d'Akmola pour les femmes des traîtres à la patrie), Steplag et Karlag. Plus de 5 millions de personnes ont été envoyées dans ces camps au cours des années de répression. Selon certains rapports, le nombre total de prisonniers dépasse de loin ces données. Ils étaient d’origines très diverses : Kazakhs, Polonais, Russes, Allemands, Coréens, Ouïghours, Ouzbeks… 25 000 ont été condamnées à la peine capitale, mais la plupart des victimes sont mortes des mauvaises conditions de vie.

Le Kazakhstan s’émancipe peu à peu en dépit d’une présence russe toujours pesante. On notera que le président Tokaïev, un dictateur sauvé l’an dernier d’une insurrection par une intervention militaire russe, ne s’est pas laissé entraîner par Poutine dans la désastreuse guerre d’Ukraine. La décolonisation, très tardive, de l’empire russe est en marche dans toute l’Asie centrale. La libération de la mémoire est une première étape.

 
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1932, 1933, URSS, Ukraine, génocide Bruno Teissier 1932, 1933, URSS, Ukraine, génocide Bruno Teissier

28 novembre : l'Ukraine se recueille en souvenir des millions de morts

L'Ukraine se recueille dans le souvenir de la plus grave tragédie de son histoire : la mort de 7 à 10 millions de ses habitants lors de la grande famine de 1932-1933, soit quelque 25 à 30% de sa population de l'époque. Une minute de silence est marquée à 19h32.

 

L'Ukraine se recueille dans le souvenir de la plus grave tragédie de son histoire : la mort de 7 à 10 millions de ses habitants lors de la grande famine de 1932-1933, soit quelque 25 à 30% de sa population de l'époque. Une minute de silence est marquée à 19h32 précise.

À Kiev, un cortège se rend au mémorial de l’Holodomor (голодомо́р : « mort par la faim », en ukrainien), par la rue Ivan Mazepa. Des milliers d'Ukrainiens viennent en famille y déposer une bougie. Une cérémonie a également lieu à Bykivnia, localité de la banlieue de Kiev où de très nombreux morts ont été inhumés. La Journée de l’Holodomor est moins marquée dans les régions de Kharkiv et de Dniepropetrovsk où pourtant les victimes ont été les plus nombreuses. L’Est de l'Ukraine est aujourd’hui majoritairement peuplé de Russes arrivés après la tragédie. En 2006, Kiev reconnaissait le caractère génocidaire de l’Holodomor, pas Moscou où les autorités arguent que la collectivisation forcée, visant à éliminer les koulaks, a provoqué des famines partout en URSS, l’Ukraine n’était pas spécialement visée. Kiev y voit, au contraire, la volonté de Staline de casser la fierté ukrainienne et de détruire à jamais toute tentation d’émancipation. 

 
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1915, Arménie, France, Turquie, génocide Bruno Teissier 1915, Arménie, France, Turquie, génocide Bruno Teissier

24 avril : la date sacrée des Arméniens

C’est la date sacrée des Arméniens du monde entier, la commémoration des victimes du génocide (Medz Yeghern). Cette date fait référence à ce jour de 1915 où les autorités ottomanes ont arrêté 600 intellectuels et notables d’Istanbul, sélectionnés sur le seul critère de leur appartenance à la nation arménienne.

 

C’est la date sacrée des Arméniens du monde entier, la commémoration des victimes du génocide (Medz Yeghern). Cette date fait référence à ce jour de 1915 où les autorités ottomanes ont arrêté 600 intellectuels et notables d’Istanbul, sélectionnés sur le seul critère de leur appartenance à la nation arménienne. Sur ordre de Talaat Pacha, ils ont été déportés et, dans leur grande majorité, assassinés.  Ainsi débutait un génocide qui  allait emporter 1,5 million d’Arméniens. Les autorités turques reconnaissent quelques centaines de milliers de morts, dus au chaos engendré par la guerre, mais nient l’extermination délibérée d’une des composantes de la nation ottomane. Quelques intellectuels turcs ont déjà admis la réalité historique, mais le sujet reste officiellement tabou en Turquie. Aujourd’hui encore, plus d’un siècle après les faits, le grand architecte du génocide, Talaat Pacha est toujours célébré en héros national gratifié d’un mausolée en son honneur sur la colline de la liberté à Istanbul. 

Le génocide arménien a été officiellement reconnu par les députés français, en 2001, et par les Allemands, en 2016, le Congrès américain a reconnu le génocide des Arméniens en 2019, quelques mois après que le président Macron a inscrit par décret, le 24 avril, au calendrier des cérémonies républicaines. 

Traditionnellement, une manifestation rassemble à Istanbul quelques milliers de personnes devant le Musée d’arts turcs et islamiques, l’ancienne prison où les premiers raflés ont été détenus avant d’être déportés. À Erevan, où le jour est férié depuis 1988, d’ordinaire, une cérémonie à lieu devant la flamme du souvenir du Mémorial du génocide. À Paris, on a aussi coutume de procéder au ravivage de la flamme du soldat inconnu, place de l’Étoile. Un rassemblement se tient aussi place du Canada, devant la statue de Komitas. Des manifestations se déroulent à Mar­seille, Valence, Vienne, Lyon, Maison-Alfort... les villes où les survivants du génocide, débarqués en France à partir de 1922, se sont installés.  Cette année, toutes ces cérémonies sont évidement, annulées en raison de l’épidémie.

À Erevan, d’habitude, une marche est organisée depuis le centre-ville jusqu’au Mémorial du génocide, mais pour des raisons évidentes face aux dangers de l’épidémie et alors que tout le pays reste sous état d’urgence et confinement, aucun rassemblement public n’aura lieu. le 23 avril, à 21 heures, les cloches des églises se mettent à sonner et les lumières de l’éclairage public de la ville comme dans les provinces sont toutes éteintes pour une durée de trois minutes. Chacun est encouragé à faire de même dans son foyer, et à allumer près des fenêtres les lampes de téléphones portables pour s’associer à ces minutes du souvenir. La célèbre chanson Ari im sokhak retentira alors et tous sont invités, l’événement étant retransmis en direct, à se tourner en direction du sommet du Mémorial.

Le 24 avril, à partir de 8 heures du matin, chacun peut envoyer un SMS en composant, depuis l’Arménie, le chiffre symbolique de 1915, et depuis l’étranger, le 0037433191500. Les noms de ceux qui envoient ces SMS seront projetés sur les colonnes du Mémorial afin de montrer la participation à l’hommage rendu aux victimes du génocide. À 10 heures, le Président arménien, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale et le Catholicos se rendront au Mémorial et la cérémonie d’hommage aux victimes se déroulera au son de la musique jouée en direct par le pianiste Hayk Melikyan. L’ensemble des commémorations seront retransmises en direct sur les chaînes de télévision et par Internet. 

 
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