28 mai : la Namibie commémore le premier génocide du XXe siècle

 

En 2024, le gouvernement namibien a décidé de commémorer chaque 28 mai, la campagne d'extermination ethnique menée par le gouvernement colonial allemand contre les populations Héréros (ou Ovahereros) et Namas. Ce qui est considéré comme le premier génocide du XXe siècle, s'est déroulé entre 1904 et 1908. Ce 28 mai 2025, est la première commémoration officielle de l’extermination de près de 80 % du peuple Nama et de 50% des Ovahereros, soit quelque 100000 morts. Le drame de la Namibie, ce ne sont pas seulement les massacres, mais aussi la répartition des terres faite à cette époque qui a engendré une pauvreté nationale dont le pays a souffert tout au long du XXe siècle.

Après un débat de plusieurs années, l’Allemagne a fini, en 2021 par reconnaître sa « responsabilité morale » dans les massacres, mais elle a évité de présenter des excuses officielles pour éviter se devoir réclamer des indemnisations. Elle s'est toutefois engagée à verser plus d'un milliard d'euros d'aide au développement sur 30 ans, promesse rejetée par la Namibie. Les négociations se poursuivent…

En 1884, l'Empire allemand a colonisé le territoire de l'actuelle Namibie en la baptisant Deutsch-Südwestafrika (Afrique du Sud-Ouest allemande). Le projet était d’en faire un territoire à prédominance blanche, où les colons posséderaient la majeure partie des terres, tandis que les autochtones vivraient dans des réserves.

Les colons furent encouragés à confisquer terres et bétail aux peuples autochtones, Nama et Héréro principalement, et à les réduire en esclavage. Ceux-ci résistèrent pendant des années à l'occupation européenne. Un jour de janvier 1904, les Héréros lancent une attaque surprise, tuant quelque 150 colons allemands, principalement des fermiers. Des troupes allemandes (Schutztruppen) arrivent en force pour rétablir l'ordre dans la colonie rebelle, une véritable guerre est déclarée. Le 11 août 1904, les Héréros sont finalement écrasés à la bataille décisive de Waterberg. Entre 3 000 et 5 000 combattants héréros périssent au combat, mais l’objectif est de les éliminer pour récupérer la totalité de leurs terres. En octobre 1904, le général Lothar von Trotha, chargé de réprimer la rébellion des Héréros, ordonne leur élimination totale, y compris les femmes et les enfants. À la même époque, les Namas se révoltent eux aussi contre les Allemands et subissent un sort similaire.

Les autorités coloniales établissent cinq camps de concentration : Shark Island, Windhoek, Swakopmund, Karibib et Okahandja. Les prisonniers y sont soumis au travail forcé ; nombre d'entre eux meurent de malnutrition, de faim, d'épuisement, de blessures graves et de maladie. Ils sont également utilisés pour des expériences médicales… Cette politique d’extermination systématique (le terme de génocide n’existait pas encore) des Héréros a créé un précédent qui a inspiré Hitler dans sa politique contre les juifs et autre non-aryens.

La date choisie pour commémorer ce génocide namibien reste contestée par les descendants des rescapés. C’était le jour de 1907 où les autorités allemandes ont ordonné la fermeture des camps de concentration à la suite de critiques internationales concernant les conditions brutales et les taux de mortalité élevés. Car la fermeture des camps de concentration ne mit pas fin aux souffrances des Hereros survivants ; ils furent contraints de travailler comme ouvriers agricoles pour les colons allemands et n'avaient pas le droit de posséder des terres ou du bétail.

Les populations concernées auraient préféré commémorer la date du 12 avril, anniversaire d’un premier massacre commis en 1893 contre des Namas du village de Witbooi, faisant 88 morts (10 hommes et 78 femmes et enfants). En 1904, les Namas comprirent la véritable intention des Schutztruppen allemands, ils s’allièrent aux Ovahereros contre le régime colonial. L'ordre d'extermination contre les Namas sera émis le 22 avril 1905.

Cette toute première cérémonie de la commémoration du génocide (Genocide Remembrance Day) se déroule dans les jardins du parlement de Windhoek, la capitale de la Namibie, avec une minute de silence et une veillée aux chandelles.

Le 28 mai a été déclarée jour férié national en Namibie et des membres de la communauté diplomatique sont attendus à l'événement, où la présidente Netumbo Nandi-Ndaitwah prononcera un discours liminaire. Les commémorations auront ensuite lieu chaque année pour marquer « le début d'un cheminement national vers la guérison », a déclaré le gouvernement. Elles « constituent un moment de réflexion et de deuil national », a-t-elle ajouté.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 28 mai 2025

PS : On peut noter qu’au début de la présence allemande, la colonie était dirigée par un certain Heinrich Göring (le père du futur bras droit de Hitler). Il a quitté son poste avant que ne s’enclenche le génocide, mais il est le premier à avoir réclamé des troupes pour mater des autochtones jugés trop peu dociles.

Mémorial du génocide à Windhoek (2016)

Prisonniers des tribus Héréro et Nama pendant la guerre de 1904

 
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