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26 mai : le National Sorry Day en Australie

Le peuple aborigène d’Australie a attendu ce jour pendant des décennies. Cette Journée nationale du pardon (Sorry Day) dont c’est seulement la 15e édition, est un peu sa revanche sur l’histoire. Jusqu’en 1967, les Aborigènes n’avaient aucune existence légale, les recensements ne les prenaient pas en compte, ils n’avaient aucun droit. Leurs enfants leur étaient retirés afin d’éradiquer leur culture… Des excuses gouvernementales ont finalement été prononcées en 2008.

 

En Australie, c'est la Journée nationale du pardon (National Sorry Day). Chaque année, depuis 2008, le 26 mai, le National Sorry Day reconnaît les mauvais traitements infligés par le gouvernement aux aborigènes et aux insulaires du détroit de Torres, séparés de force de leurs familles et de leurs communautés.

Demain commence la Semaine de réconciliation nationale (National Reconciliation Week) (27 mai – 3 juin) dont le thème de cette année est « Soyez une voix pour les générations ».  Le 27 mai est l’anniversaire du référendum de 1967 qui permit aux Aborigène d’être reconnus comme des citoyens australiens à part entière. Jusqu’en 1967, ils n’avaient aucune existence juridique. Les recensements de la population ne les prenaient même pas en compte, comme s’ils n’existaient pas. L’article de la Constitution qui stipulait que le gouvernement fédéral pouvait faire des lois pour tout le monde sauf les Aborigènes a été modifié en 1967. Il faudra toutefois attendre le 3 juin 1992 pour que l’arrêt Mabo marque le début de l'élaboration du statut des Natifs et de leurs droits. 

Le peuple aborigène a attendu ce jour pendant des décennies. Ce Sorry Day est un peu sa revanche sur l’histoire. Derrière l’image idyllique d’un pays réconcilié, il y a une tragédie, dénoncée officiellement, le 13 février 2008 devant le Parlement par Kevin Rudd, premier ministre qui présenta ses excuses aux Aborigènes pour les injustices et les mauvais traitements subis depuis deux siècles et, plus précisément, pour la « génération volée », ces enfants  enlevés de force à leurs parents et confiés à des institutions ou des familles blanches (environ 100 000 enfants jusque dans les années 1970). Si ces excuses n’ont pas été accompagnées d’indemnisation, le gouvernement a toutefois promis d’aider les Aborigènes, très affectés par le chômage, l’alcoolisme et dont l’espérance de vie reste inférieure de 17 ans à celle d’un Australien non-autochtone. Beaucoup d’Australiens ont découvert cette histoire qui n’était pas enseignée, certains la refusent encore.

Les choses bougent, en mai 2019, a été prononcé un verdict historique. La Haute Cour de Justice d’Australie a pour la première fois statué sur l’indemnisation des Aborigènes spoliés, mettant un terme à une procédure ouverte en 1999. Dans sa décision délivrée le 13 mars 2019, elle assure que les Aborigènes spoliés de leurs terres seront désormais indemnisés pour « perte et souffrance culturelles ». Dans le cas présent, le Territoire du Nord se voit obligé de payer 2,5 millions de dollars australiens (1,6 million d’euros) aux communautés plaignantes.

Chaque année depuis 1997, le 26 mai (veille de l’anniversaire du référendum de 1967), l'ENIAR (European Net for Indigenous Australians Rights) consacre une journée à l'événement : conférences, films, etc. Cette initiative mémorielle a été reprise au niveau national en 2008, l’année des excuses publiques du gouvernement.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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Une des trois affiches produites par le Batchelor Institute pour commémorer le jour où le Premier ministre australien Kevin Rudd a présenté ses excuses à la génération volée (Stolen generation)

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26 janvier : Australia Day ou Invasion Day ? La fête nationale controversée des Australiens

Ce 26 janvier est la fête nationale de l’Australie, la journée est toujours très festive en plein cœur de l’été austral. Mais pour les Aborigènes cet anniversaire de la fondation du pays par les Européens est avant tout un jour de deuil et de colère. Faut-il alors en changer la date ?

 

L’Australie célèbre aujourd’hui sa fête nationale, ce 26 janvier, dans des conditions presque normales. Comme chaque année, sont prévues des barbecues communautaires sur fond de musique live, des expositions de voitures anciennes, des étals de marché, des grésillements de saucisses, des courses de kayak... C’est l’été austral.

Ce soir, à la nuit tombée, l’Australie va retentir de feux  d’artifices, cette journée d’été, où il peut faire très chaud, est à  la fois festive et patriotique. On commémore l’installation le 26 janvier 1788 des premiers Européens sur les côtes de l’Austra­lie : la fondation  d’un bagne dans la baie de Sydney. Ce jour-là, le capitaine Arthur Phillip proclamait la souveraineté britannique sur cette nouvelle terre aussitôt déclarée Terra Nullis (terre inhabitée).

Australia day est aussi l’occasion de remettre des prix et des décorations en tous  genres, aux citoyens qui se sont distingués. La journée est fériée depuis 1994, mais tout le monde n’est pas à la fête. Pour certains, c’est même un jour de deuil : la date a été baptisée « Invasion Day » en 1972, par les Aborigènes.  Depuis la fête nationale de cette année-là, ils occupent chaque année la pelouse de l’ancien parlement par un village de tentes.  Cette « ambassade aborigène » est là pour revendiquer leurs droits. Les Aborigènes étaient un million à l’arrivée des Européens. Plus de deux siècles plus tard, ils sont moins d’un demi-million, dans un pays qui compte 25 millions d’habitants. 80% sont illettrés, la plupart vivent d’un revenu minimum social…  En 2008, le Premier ministre a formulé des excuses mais  n’a pas changé la date de la fête nationale.

#changethedate («Abolissez la date !») est le mot-dièse de cette revendication qui chaque année se fait de plus en plus pressante. Comment peut-on faire débuter l’histoire de l’Australie il y a 236 ans, alors que des hommes et des femmes y vivent depuis 65 000 ans ? Politiquement, ces Aborigènes n’existaient pas. Jusqu’en 1967, ils n’étaient même pas comptabilisés lors des recensements. Et bien sûr, n’avaient pas le droit de vote. Une partie des Australiens admet aujourd’hui la pertinence de leurs revendications. Mais en même temps, se disent attachés à la date du 26 janvier et ne veulent pas en changer. L’Australie commence à peine à prendre la mesure des horreurs commises durant la colonisation envers les populations aborigènes. Certains voient aussi dans cette date l’occasion, au moins une fois dans l’année, de se rappeler quel a été le prix de la colonisation. Une journée pour que s'exprime ce qui reste de la culture aborigène : le 26 janvier, ce n’est pas très cher payé. Loin de ce genre de débat, en réalité, une majorité d’Australiens profite avant tout de cette journée de congés pour aller à la plage ou partir en week-end prolongé.

Les Aborigènes du continent australien et les insulaires de l’archipel du détroit de Torres demandent à être spécifiquement mentionnés dans la constitution australienne. Ils demandent aussi à avoir une voix (The Voice) garantie au Parlement australien. Le Premier ministre s’est engagé à organiser un référendum sur le sujet d’ici la fin de l’année 2023. Le résultat n’est pas acquis.

Le site officiel de l'Australia Day

Le Facebook du WAR Warriors of the Aboriginal Resistance, un mouvement d’activistes qui manifeste chaque 26 janvier pour commémorer la mémoire des résistants aborigènes  

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 janvier 2021

 
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1992, Australie, 3 juin, 10 mars, aborigène, Premières nations Bruno Teissier 1992, Australie, 3 juin, 10 mars, aborigène, Premières nations Bruno Teissier

3 juin : Mabo Day, le jour où le droit australien a fini par abolir la notion de Terra Nullius

L’Australie n’était pas inhabitée avant l’arrivée des Européens. Cette évidence historique n’a été reconnue qu’en... 1992, un 3 juin, par la Cour suprême de Canberra

 

L’Australie n’était pas inhabitée avant l’arrivée des Européens. Cette évidence historique n’a été reconnue qu’en... 1992, un 3 juin, par la Cour suprême. Jusque-là, prévalait la notion de « terra nullius », d’une terre qui n’appartenait à personne. Cette révolution juridique est le fruit de 10 ans de combats d’un Aborigène de l’île de Murray, dans le détroit de Torres, un certain Eddie Mabo.

Ce concept juridique, connu sous le nom de « terra nullius », a privé les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres de leurs droits traditionnels sur leurs terres et a tenté de rompre les liens avec des cultures remontant à 65 000 ans.

Eddie Mabo est décédé en 1992, environ six mois avant qu'on ne puisse voir les résultats de sa campagne. Son épouse, Bonita Mabo, a suggéré qu’un fête nationale, un Mabo Day, soit célébré le 3 juin 2002, à l'occasion du 10e anniversaire de la décision de la Haute Cour. En 2003, les commissions des aborigènes et des insulaires de Torres ont lancé une pétition pour faire du Mabo Day un jour férié en Australie. Et en 2010, une campagne a été lancée pour faire du 3 juin une fête nationale. Il commémore le jour où les non-autochtones ont eu la possibilité de réparer les dommages causés par la colonisation, ce jour devrait être plus important pour les Australiens que l'anniversaire de la reine.

Cette « Journée de Mabo » est fériée dans la région du détroit de Torres, pas encore dans toute l’Australie où l'on a encore du mal admettre cette réalité historique. 

La décision Mabo a reconnu les droits traditionnels des peuples autochtones sur leurs terres et leurs eaux et a ouvert la voie au titre autochtone en Australie. Il a également reconnu que les peuples autochtones ont occupé l'Australie pendant des dizaines de milliers d'années avant l'arrivée des Britanniques en 1788. Le gouvernement australien a adopté le Native Title Act en 1993 après 52 heures de débat au Sénat, le débat le plus long de l'époque. La loi a établi le cadre permettant aux peuples autochtones de revendiquer un titre autochtone sur les terres de la Couronne. Cependant le Native Title Act comportait plusieurs conditions qui restreignaient la capacité des peuples autochtones à revendiquer des terres occupé en vertu d’un bail pastoral ou d'autres intérêts (minier notamment) qui sont réputés par la loi prévaloir sur le titre autochtone.

La décision Mabo a été, tout de même, saluée comme une victoire capitale pour les droits autochtones. Le Queensland avait tenté de s’en prémunir en adoptant, en 1985, la Queensland Coast Islands Declaratory Act. Cette loi abolissait rétroactivement toute revendication des insulaires sur l’espace maritime. Les gouvernements de plusieurs États ont demandé l'annulation du Native Title Act après qu'une série de revendications territoriales ont été déposées dans tout le pays, dont plusieurs ciblant les capitales.

 
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6 février : la fête nationale des Lapons (ou Samis)

Les Samis, dernier peuple autochtone d’Europe, fête aujourd’hui sa culture et son unité par delà les frontières.

 

Chaque année le 6 février est un grand jour en Laponie, c’est l’occasion de sortir la gákti, le costume folklorique et de chanter le Sámi soga lávlla l’hymne du peuple sami, écrit par Isak Saba, le premier député norvégien d’origine samie, en 1906. L’an dernier, le 6 février, la reine Silvia et le roi Carl XVI Gustaf de Suède leur avaient, en personne, rendu visite par -15°. Mais, cette année, en raison de l’épidémie, la cérémonie est organisée à Stockholm et diffusée sur YouTube.

Les Lapons, appelés Samis localement, sont la dernière minorité autochtone d’Europe. Comme les Inuits du Canada ou les Aborigènes d’Australie, leur reconnaissance  culturelle est récente. Ils ont été maltraités jusqu’au milieu du XXe siècle, leur langue interdite, les femmes stérilisées, les chamans persécutés et leurs territoires pillés par les compagnies minières et forestières. C’était un peuple d'éleveurs de rennes et de chasseurs. Autrefois, le renne leur offrait tout ce dont ils avaient besoin pour leur survie : viande et graisse pour la nourriture, peaux et cuir pour l'habillement. Leur vie était rythmée en huit saisons selon le cycle de vie de l'animal. Mais, aujourd'hui, ils ne sont plus que 10% à vivre de l'élevage.

Un début d’organisation politique s’est opéré au début du XXe siècle, le 6 février 1917, alors que l’Europe était à feu et à sang et que la révolution couvait à Pétrograd, 150 Sames de différents groupes de Suède et de Norvège, se réunissaient dans une église méthodiste de Trondheim en Norvège pour évoquer les problématiques en lien avec leur peuple. C’est l’anniversaire de cette première rencontre internationale qui est célébré aujourd’hui, depuis l’instauration de cette fête nationale samie (Sámi álbmotbeaivi) en 1992. Il leur a fallu attendre jusqu’aux années 1980 pour l’obtention de droits politiques, l’élection de parlements locaux en Laponie norvégienne, suédoise et finlandaise reconnus par les autorités. Celui des Sames de la péninsule de Kola, en Russie, n’est pas encore officiel.

Cette nation qui a, aujourd’hui, en partie perdu sa langue (seuls 40% des Lapons parlent le same), ne représente plus que 80 à 100 000 personnes, les autres se sont fondus dans la population des pays nordiques. Ce n’est pas facile de peser politiquement quand on est si peu nombreux et répartis sur quatre États. En particulier quand il s’agit de lutter contre l’industrie minière, très lucrative mais qui a aussi créé d'énormes dégâts. La région arctique renferme d’importantes réserves d’uranium, d’or, de diamant, de zinc, de platine et de nickel, ainsi que du gaz et du pétrole. Tout comme en Australie, la logique économique et la préservation de l'espace vital d’un peuple s’affrontent. Les Lapons ont le sentiment qu’aujourd’hui, on les entend, on valorise enfin leur culture, mais qu’on ne les écoute pas vraiment.

On peut toutefois noter quelques avancées récentes, en Norvège, le Finnmark, la région septentrionale est depuis 2005 cogérée par les Samis. En 2016, après une âpre lutte judiciaire, un village sami de Suède a récupéré les droits exclusifs pour le contrôle de la chasse et de la pêche dans sa région. La Finlande a révisé sa législation sur la gestion des forêts l’année dernière, mais une clause qui prévoyait de ne pas affaiblir la culture same n’a, finalement, pas été intégrée dans la version finale de la législation. En Russie, on n’a jamais tenu compte de leurs revendications autres que linguistiques. Le peuple lapon est toujours en lutte, le 6 février est l’occasion pour lui de se montrer uni à travers les frontières étatiques.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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