6 février : la fête nationale des Lapons (ou Samis)

 

Chaque année le 6 février est un grand jour en Laponie, c’est l’occasion de sortir la gákti, le costume folklorique et de chanter le Sámi soga lávlla l’hymne du peuple sami, écrit par Isak Saba, le premier député norvégien d’origine samie, en 1906. L’an dernier, le 6 février, la reine Silvia et le roi Carl XVI Gustaf de Suède leur avaient, en personne, rendu visite par -15°. Mais, cette année, en raison de l’épidémie, la cérémonie est organisée à Stockholm et diffusée sur YouTube.

Les Lapons, appelés Samis localement, sont la dernière minorité autochtone d’Europe. Comme les Inuits du Canada ou les Aborigènes d’Australie, leur reconnaissance  culturelle est récente. Ils ont été maltraités jusqu’au milieu du XXe siècle, leur langue interdite, les femmes stérilisées, les chamans persécutés et leurs territoires pillés par les compagnies minières et forestières. C’était un peuple d'éleveurs de rennes et de chasseurs. Autrefois, le renne leur offrait tout ce dont ils avaient besoin pour leur survie : viande et graisse pour la nourriture, peaux et cuir pour l'habillement. Leur vie était rythmée en huit saisons selon le cycle de vie de l'animal. Mais, aujourd'hui, ils ne sont plus que 10% à vivre de l'élevage.

Un début d’organisation politique s’est opéré au début du XXe siècle, le 6 février 1917, alors que l’Europe était à feu et à sang et que la révolution couvait à Pétrograd, 150 Sames de différents groupes de Suède et de Norvège, se réunissaient dans une église méthodiste de Trondheim en Norvège pour évoquer les problématiques en lien avec leur peuple. C’est l’anniversaire de cette première rencontre internationale qui est célébré aujourd’hui, depuis l’instauration de cette fête nationale samie (Sámi álbmotbeaivi) en 1992. Il leur a fallu attendre jusqu’aux années 1980 pour l’obtention de droits politiques, l’élection de parlements locaux en Laponie norvégienne, suédoise et finlandaise reconnus par les autorités. Celui des Sames de la péninsule de Kola, en Russie, n’est pas encore officiel.

Cette nation qui a, aujourd’hui, en partie perdu sa langue (seuls 40% des Lapons parlent le same), ne représente plus que 80 à 100 000 personnes, les autres se sont fondus dans la population des pays nordiques. Ce n’est pas facile de peser politiquement quand on est si peu nombreux et répartis sur quatre États. En particulier quand il s’agit de lutter contre l’industrie minière, très lucrative mais qui a aussi créé d'énormes dégâts. La région arctique renferme d’importantes réserves d’uranium, d’or, de diamant, de zinc, de platine et de nickel, ainsi que du gaz et du pétrole. Tout comme en Australie, la logique économique et la préservation de l'espace vital d’un peuple s’affrontent. Les Lapons ont le sentiment qu’aujourd’hui, on les entend, on valorise enfin leur culture, mais qu’on ne les écoute pas vraiment.

On peut toutefois noter quelques avancées récentes, en Norvège, le Finnmark, la région septentrionale est depuis 2005 cogérée par les Samis. En 2016, après une âpre lutte judiciaire, un village sami de Suède a récupéré les droits exclusifs pour le contrôle de la chasse et de la pêche dans sa région. La Finlande a révisé sa législation sur la gestion des forêts l’année dernière, mais une clause qui prévoyait de ne pas affaiblir la culture same n’a, finalement, pas été intégrée dans la version finale de la législation. En Russie, on n’a jamais tenu compte de leurs revendications autres que linguistiques. Le peuple lapon est toujours en lutte, le 6 février est l’occasion pour lui de se montrer uni à travers les frontières étatiques.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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