L’Almanach international

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1947, Hongrie, Communisme, 25 février Bruno Teissier 1947, Hongrie, Communisme, 25 février Bruno Teissier

25 février : la Hongrie se souvient des victimes du communisme

La Hongrie commémore la mise en place de la dictature communiste mais sans pour autant réfléchir à l’évolution actuelle du régime hongrois, dominé par le Fisdez, la formation hégémonique et autoritaire de Viktor Orban, au détriment de la démocratie.

 

Il ne s’agit pas d’un jour férié, mais d’une simple journée commémorative faisant l’objet d’une cérémonie au Parlement, de publications dans la presse et d’interventions dans les lycées.

C’est en 2000, sous le premier gouvernement de Viktor Orban que ce Jour du souvenir des victimes des dictatures communistes (A kommunista diktatúrák áldozatainak emléknapja) a été institué en souvenir de l’arrestation d’un dirigeant politique d’opposition par les autorités communistes hongroises, premier pas vers l'instauration d'une dictature totale à parti unique en Hongrie. Ce fut une étape de la « tactique du salami » inventée par l'homme politique hongrois Mátyás Rákosi, chef du Parti communiste, pour décrire l'élimination progressive des pouvoirs extérieurs au communisme (Église, autres partis, etc.), « tranche après tranche, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien ».

Le 25 février 1947, Béla Kovács, secrétaire général du Parti indépendant des petits propriétaires, fut arrêté par les autorités soviétiques pour son opposition aux communistes et emmené en Union soviétique, où il passa huit ans en captivité, d'abord au Goulag, puis, à partir du 25 septembre 1951, à la prison centrale du ministère de la Sûreté de l'État à Moscou.  L'arrestation et la détention de l'homme politique ont été la première étape sur la voie par laquelle le Parti communiste a éliminé les dissidents et a progressé vers l'instauration d'une dictature totale à parti unique. L'affaire est ainsi devenue un symbole du mépris de la démocratie et des libertés qui a caractérisé le 50e anniversaire du règne du communisme. Béla Kovács est devenu un exemple typique des victimes du régime parti-État. En 1947, le Parti communiste n’atteignait que 22% des voix. En 1949, la liste unique conduite par le PC obtenait plus de 95% des suffrages. Entre-temps, la démocratie avait disparu.

Il est regrettable que cette commémoration de la mise en place d’une dictature n’entraîne pas de réflexion sur la confiscation de la démocratie opérée par le Fisdez, la formation hégémonique et autoritaire de Viktor Orban.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 février 2024

 
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1946, Hongrie, république Bruno Teissier 1946, Hongrie, république Bruno Teissier

1er février : en Hongrie, c’est le Jour du souvenir de la République

C’est anniversaire de la loi de 1946 qui abolissait la monarchie pour la remplacer par une république. La journée du 1er février 1946 symbolisait une véritable aspiration démocratique qui sera très vite déçue comme ont été déçues les espoirs de 1848, de 1918, de 1989… à chaque fois un régime autocratique reprend le dessus. Le dernier en date a été insaturé par Viktor Orban.

 

La Hongrie dont le dirigeant, Viktor Orban, a constitué un empire médiatique hégémonique totalement à ses ordres, est-elle encore une république ? Dans un pays où l’opposition n’a aucun moyen d’atteindre l’ensemble de la population, aucune fenêtre pour s’exprimer, les élections sont totalement inéquitables. C’est dans ce pays autocratique que l’on célèbre chaque 1er février, le Jour du souvenir de la République (A köztársaság emléknapja). Cette journée commémorative (non fériée) a été instaurée en 2006, lors du 60e anniversaire de l’article I de la loi de 1946 sur la forme de l’État hongrois. Cet article abolissait la monarchie, qui jusque-là n’avait fonctionné que sous forme de régence, pour la remplacer par une république.

La journée du 1er février 1946 symbolisait une véritable aspiration démocratique qui sera très vite déçue car la Hongrie est devenue en 1949 une République populaire dominée par un Pari communiste qui a vite supprimé toute démocratie. L’esprit républicain et démocratique a resurgi en 1989 avec la chute du Rideau de fer et la fin de l’emprise de Moscou sur le pays. Mais cette fois encore, cette démocratie va glisser vers un autoritarisme conservateur dont Viktor Orban est l’instaurateur, lequel a réinstauré un tropisme russe. La république en Hongrie est-elle vouée à déboucher sur l’autoritarisme ? Celle de 1946 n’était que la deuxième. Une première république avait été instaurée en 1918, sous forme de soviets. Mais elle fut renversée dans la violence avant qu’on ait pu la voir fonctionner, pour être remplacée par le régime autoritaire d’extrême droite du maréchal Horthy, lequel s’était imposé comme le régent d’une monarchie sans monarque. Triste destinée pour un pays dont l’esprit républicain remonte au moins à la révolution du 15 mars 1848. Une révolution avortée.

Le choix des armoiries de la Hongrie est très symbolique : Kossuth, le révolutionnaire de 1848 avait remplacé la couronne par une couronne de laurier. Les « armoiries de Kossuth » ont été utilisées par l’éphémère république de 1918-1919, puis par ceux qui ont tenté, en vain, de renverser le régime communiste en 1956. En 1990, le parti libéral proposa de reprendre ce symbole mais la majorité du Parlement opta pour un blason à nouveau surmonté de la fameuse couronne de Saint-Étienne. Peut-on être une authentique république quand on est à ce point attaché à la symbolique royale ? Doit-on s’étonner que la Hongrie soit à nouveau une autocratie ?

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 31 janvier 2024

Timbre de 1946 célébrant l’instauration de la république

Une pièce de 1947, avec le blason de la IIe République (celui de Kossuth) et une pièce de 1995 avec le blason surmonté de la couronne de saint Étienne.

 
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1920, Hongrie Bruno Teissier 1920, Hongrie Bruno Teissier

4 juin : Trianon, dangereuses nostalgies hongroises

Il y a 103 ans la Hongrie perdait 70 % de son territoire et plus de la moitié de ses habitants. Voila ce qui est ressassé depuis un siècle chaque 4 juin. Rien n’est plus faux que cette affirmation… Victor Orban en joue et en abuse pour bâillonner l’opposition et se maintenir au pouvoir selon les mêmes recettes que celles de son homologue turc dont il se sent proche. On ne s’étonnera pas qu’il soit aussi un soutien de Poutine avec qui il partage les litanies nationalistes et victimaires.

 

Il y a 103 ans la Hongrie perdait 70 % de son territoire et plus de la moitié de ses habitants. Voilà ce qui est ressassé depuis un siècle chaque 4 juin. Rien n’est plus faux que cette affirmation ! Cette litanie nationaliste et victimaire élude le fait que la Grande Hongrie perdue n’était pas un État-nation mais un empire, ou plutôt un demi-empire puisque l’Autriche et la Hongrie étaient associées sous une même couronne dans l’Empire austro-hongrois. C’est un peu comme si aujourd’hui les Autrichiens pleuraient leur royaume perdu sans se soucier des aspirations des Tchèques ou des Slovènes qui ne disposent de leur propre État que parce que l’Empire a éclaté. Il en est de même des Croates ou des Slovaques qui aspiraient, eux aussi, à leur liberté. Sans l’éclatement de la Grande Hongrie, leurs pays n’existeraient pas.

Ce jour sinistre que les Hongrois, travaillés par les mouvements nationalistes au pouvoir, commémorent aujourd’hui, c’est la signature du Traité du Trianon, le 4 juin 1918 à 16h34. Les cloches de toutes les églises de Hongrie vont sonner à cette heure-là, ce 4 juin 2020. Victor Orban a fait de cet anniversaire la Journée de l’Unité nationale (Nemzeti összetartozás napja), créée en 2010 (pour le 90e anniversaire) et célébré par de nombreuses manifestations culturelles à vocation nostalgique.

Certes, il en aurait pu en être autrement. L’État nation n’est pas forcément un idéal, une fédération de peuples aurait pu se concevoir dans le cadre d’un empire austro-hongrois rénové et surtout démocratique. Il aurait pu tenir tête à l’Allemagne de Hitler… Or la classe politique hongroise, avant 1918, avait toujours refusé le suffrage universel. Une situation intenable au début du XXe siècle. Les Hongrois ont payé à Trianon leur obscurantisme et leur posture de supériorité face aux autres peuples. Le discours nationaliste nous raconte aujourd’hui qu’en 1918 sur les 23,4 millions d’habitants que comptait la Grande Hongrie, il n’en restait plus que 7,6 millions en Hongrie (dans son contour de 1920, celui de 2020) et que 3 millions de Hongrois étaient demeurés à l’extérieur du pays. Les chiffres sont justes et on comprend le choc de ces Hongrois devenus des minorités dans tous les pays entourant la nouvelle Hongrie. Mais quid des 10 millions restant ? Des Croates, des Roumains, des Slovaques… En définitive, numériquement, le Traité de Trianon a fait bien plus d’heureux que de déçus ! Les nationalistes hongrois pleurent aujourd’hui encore la perte de leur débouché sur la mer Adriatique, mais le port de Rijeka (Fiume) était peuplé d’Italiens et ses faubourgs de Croates, pas l’ombre d’un Hongrois excepté des fonctionnaires envoyés de Budapest.  Certes, à quelques dizaines de kilomètre près, on aurait pu tailler la Hongrie un tout petit peu plus large pour y inclure les populations hongroises vivant aux abords de la frontière actuelle, mais rien à voir avec les contours revendiqués chaque 4 juin par Budapest. Voilà, la Hongrie était dans le camp des perdants, en 1918 puis à nouveau en 1945. Quel autre pays d’Europe, hormis l’Allemagne, était dans ce cas ? L’histoire a ses règles, implacables.

Il serait bien que la Hongrie profite de ce centenaire (et un peu plus) pour faire un deuil définitif d’un irrédentisme totalement anachronique, mais ce discours est tellement utile au maître des lieux pour imposer son pouvoir qu’il ne semble pas devoir s’éteindre. L’exacerbation du nationalisme a permis à Victor Orban de bâillonner les libertés en Hongrie. Il n’est pas prêt à renoncer à un discours qui semble inusable depuis plus d’un siècle, les dernières élections l’ont reconduit au pouvoir, notamment avec le vote des Hongrois de l’extérieur à qui il a distribué des passeports hongrois et des cartes d’électeurs.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 juin 2023

 
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1848, Hongrie, 15 mars, révolution Bruno Teissier 1848, Hongrie, 15 mars, révolution Bruno Teissier

15 mars : la fête nationale hongroise sur fond de guerre aux frontières

La fête nationale hongroise qui commémore le réveil démocratique du pays en 1848, est traditionnellement un rendez-vous politique important, d’autant plus cette année pour le 175e anniversaire de la révolution.

 

Budapest est pavoisée aux couleurs nationales, beaucoup de citoyens pour l’occasion portent la cocarde tricolore. La fête nationale hongroise (Nemzeti ünnep) débute à 9 heures par la levée du drapeau sur Kossuth Lajos tér. De là, un défilé militaire se rend au Musée national où la révolution a débuté il y a 175 ans. Profitant du réveil des peuples en cette année 1848, des démocrates hongrois s’étaient rendus au château de Buda porteur de 12 revendications à présenter au pouvoir des Habsbourg. Notamment l’exigence de la liberté de presse et l’abolition de la censure. Une commémoration bien paradoxale dans la Hongrie de Viktor Orbán qui depuis 2010 multiplie les mesures liberticides, notamment contre la presse d’opposition.  Le 15-Mars est également connu sous le nom de Fête de la Révolution de 1848 (1848-as forradalom ünnepe).

Ainsi, ce jour de fête populaire est aussi traditionnellement l’occasion d’une grande manifestation de l’opposition pour dénoncer un régime inspiré par l’extrême droite. Des manifestants de gauche viennent de toute l’Europe pour dénoncer les dérives du régime hongrois.

Tandis que l’ultra droite, le Mouvement Notre Patrie, se rassemble à côté du Musée national hongrois. Il est chaque année épaulé par des militants de l’extrême droite venus de toute l’Europe, en particulier des Polonais et des Italiens... Le 15-Mars à Budapest est devenu, comme le 23-Octobre, l’un des grands rendez-vous politiques européens. Cette année, avec la proximité des élections législatives, dont la guerre en Ukraine est venue modifier la donne, la journée prend une dimension particulière.

Quant au parti au pouvoir, le Fidesz (extrême droite populiste), il profite des cérémonies officielles sur la place Kossuth Lajos devant le Parlement à 15 heures, où le Premier ministre Viktor Orbán prononce un discours. La Marche pour la Paix (organisée par le parti au pouvoir) se joint à la cérémonie. Le mardi 15 mars, conformément à la tradition, on peut venir voir gratuitement la couronne de Saint Étienne au Parlement. Le jour est férié et chômé, beaucoup de musées et de bâtiment officiel ouvrent leurs portes au public ce jour-là. C'est à l'occasion de cette fête que sont distribués les Prix Kossuth (culture et des arts) et Széchenyi (culture hongroise).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 mars 2023

Mise à jour 2025 : dopé par l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, annonce ce samedi 15 mars son projet d’éliminer rivaux politiques, juges, médias et ONG, des « punaises » abreuvées selon lui de fonds étrangers « corrompus ». « Après notre grand rassemblement, viendra le grand nettoyage de Pâques car les punaises ont survécu à l’hiver », a-t-il lancé devant une foule de plusieurs milliers de partisans réunis devant le musée national à Budapest à l’occasion de la fête nationale.

Plus de 50 000 personnes ont bravé le froid et la pluie samedi à Budapest contre la politique répressive de Viktor Orban à l'encontre de la presse et des ONG, tandis que Peter Magyar, le chef du parti d'opposition Tisza, en plein essor, leur a promis de mettre fin aux 15 ans de règne du chef du gouvernement.

 
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