L’Almanach international

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1944, URSS, Ukraine, 18 mai, déportations Bruno Teissier 1944, URSS, Ukraine, 18 mai, déportations Bruno Teissier

18 mai : un peuple oublié, les Tatars de Crimée

Le 18 mai 1944, sur ordre de Staline, quelque 238 000 Tatars étaient déportés de la péninsule de Crimée, leur terre ancestrale… Certains sont revenus mais, ils n’ont plus leur place dans la Crimée occupée par les Russes.

 

Le 18 mai 1944, sur ordre de Staline, quelque 238 000 Tatars étaient déportés de la péninsule de Crimée, leur terre ancestrale. Avant l’arrivée des Russes, à partir du XVIIIe siècle, la Crimée était leur pays.  Environ 100 000 sont morts pendant leur  déportation. En 1944, ils avaient été accusés d’avoir collaboré avec les Allemands pendant la brève occupation de la péninsule par les troupes nazies. Cette accusation a été retirée qu’en 1967 par les autorités soviétiques, mais ils n’ont été autorisés à revenir en Crimée qu’à la fin des années 1980, sous Gorbatchev. Très peu ont pu, en réalité, se réinstaller dans la péninsule où ils ne représentent plus que 12% de la population et sont totalement marginalisés et persécutés. En 2014, la Crimée a été envahie par les troupes russes et cette région de l’Ukraine a été, illégalement, annexée à la Russie.

Même si Poutine a signé un décret en 2014 confirmant leur réhabilitation, la Cour internationale de justice a condamné la Russie en 2017, pour le traitement qui leur est infligé : enlèvements, assassinats… et, globalement, l’obligation de devenir russe ou de s’exiler comme l’a fait Refat Choubarov, le président du Majlis, l’assemblée des Tatars de Crimée dissoute par les autorités russes,  qui continue de s’opposer à l’annexion de la péninsule ukrainienne à la Russie. Quant à leur leader historique, le député ukrainien Moustafa Djemilev, il est toujours interdit d’entrée dans son pays et vit, lui aussi,  à Kiev.

Aujourd'hui, le 18 mai, c’est la Journée de commémoration des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée (День пам'яті жертв геноциду кримськотатарського народу) une commémoration créée en 2015 par la Verkhovna Rada (le parlement) de l’Ukraine, ainsi que la Journée de lutte pour les droits des Tatars de Crimée (День боротьби за права кримськотатарського народу), instituée en 2014, à la veille du 70e anniversaire de la déportation de 1944.

Le 14 mai 2025, la Verkhovna Rada a adopté une résolution exhortant la communauté internationale à honorer la mémoire des victimes du génocide du peuple tatar de Crimée et à consolider les efforts pour mettre fin à la violation des droits et des libertés du peuple tatar de Crimée par la Fédération de Russie. Les députés ont souligné l'importance de mettre fin à la répression en Crimée, de participer à la Plateforme de Crimée, de lever l'interdiction illégale du Majlis, de développer la langue et la culture tatares de Crimée, de libérer les prisonniers politiques, de surmonter les conséquences de l'occupation, de préserver l'environnement, de soutenir les études tatares de Crimée à l'étranger, l'intégration européenne de l'Ukraine et de renforcer la sécurité dans la région de la mer Noire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 16 mai 2025

 
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1991, Ukraine, Crimée, drapeau, 26 juin Bruno Teissier 1991, Ukraine, Crimée, drapeau, 26 juin Bruno Teissier

26 juin : le jour du drapeau tatar de Crimée

Le drapeau des Tatars de Crimée a été adopté par l'Assemblée nationale des Tatars de Crimée en 1917, puis rétabli le 26 juin 1991, peu avant la chute de l’URSS. À nouveau sous occupation russe, la Crimée n’est actuellement pas en mesure de célébrer son drapeau national, celui du peuple qui y vivait avant l’arrivée des Russes.

 

Le drapeau des Tatars de Crimée a été adopté par l'Assemblée nationale des Tatars de Crimée (kurultai ou qurultay) en 1917, peu après la Révolution de février dans l'Empire russe. Leur pays était occupé depuis un peu plus d’un siècle par les Russes. La Révolution russe de février 1917 leur donna pour la première fois l’occasion d’exprimer leur identité nationale et leur aspiration à s’autogouverner.

Toute expression nationale des Tatars sera ensuite interdite pendant l’époque soviétique, il faudra attendre le 26 juin 1991, pour qu’un deuxième kurultai se réunisse. Deux ans auparavant, les Tatars de Crimée avaient commencé à revenir en Crimée après leur expulsion de 1944. Ce 26 juin 1991, le kurultai a officiellement rétabli le drapeau tatar de Crimée comme comme leur drapeau national. C’est cet anniversaire qui est célébrée chaque 26 juin, Jour du drapeau tatar de Crimée (Sinda qirimtatar bayraginiñ künü). La célébration, toutefois, se limite à la diaspora (en Turquie, au Canada…) car l’expression de l’identité tatare est aujourd’hui à nouveau brimée dans la Crimée occupée par l’armée russe.

Le drapeau tatar de Crimée est une bannière bleu clair avec un emblème jaune (doré) dans le coin supérieur gauche. La couleur bleue est traditionnellement associée aux peuples turcs, alors que l'emblème est un tamga, un sceau abstrait utilisé par les peuples nomades eurasiens. Ce tamga particulier était autrefois le symbole officiel de la maison de Giray, la dynastie qui a régné sur le khanat de Crimée du début du XVe siècle jusqu'à son annexion par l'Empire russe en 1783. Au XXe siècle, les Tatars de Crimée ont adopté le tamga de Giray comme symbole national.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 juin 2023

 

À gauche, l’emblème des Tatars et leur drapeau ; à droite, ceux de l’Ukraine. Image publiée par Refat Chubarov, président du Mejli.

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1944, Russie, Ukraine, URSS, 18 mai Bruno Teissier 1944, Russie, Ukraine, URSS, 18 mai Bruno Teissier

18 mai : la déportation des Tatars de Crimée

Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944 sur ordre de Staline. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, connu sous le nom de Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide.

 

Cette journée commémore la déportation des Tatars de Crimée, le 18 mai 1944, sur ordre de Staline. Le transfert de population et leur accueil furent tellement mal organisés que la moitié des déportés sont morts pendant le trajet ou au cours des mois qui suivirent. Aujourd’hui, des Tatars de Crimée militent pour que ce drame, dénommé Sürgünlik, soit reconnu comme un génocide. Aujourd’hui, toute commémoration est interdite. Leur menace sur l’avenir de la Crimée demeure pourtant très limitée. En fait, très peu ont eu la possibilité de revenir dans cette péninsule aujourd'hui totalement dominée par les Russes. Les Tatars ne représentent plus aujourd'hui que 12% de la population de la Crimée. 

Occupant la région pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont tenté d’embrigader les Tatars contre les troupes soviétiques. Une petite minorité s’est laissé convaincre. Au début du mois d’avril 1944, l’entrée en Crimée de l’Armée rouge est aussitôt suivie une chasse aux « traîtres à la patrie ». C’est ainsi que les Tatars ont été frappés par une punition collective qui a consisté en une déportation massive vers l’Asie Centrale (principalement l’Ouzbékistan) ou la Sibérie. En deux jours du 18 au 20 mai 1944 environ 180 000 Tatars ont été déportés. La république soviétique de Crimée, créée en 1921, a été supprimée en 1945. Neuf ans plus tard, la péninsule est rattachée à l’Ukraine. Khrouchtchev, un Ukrainien, est alors à la tête de l’URSS. Les traces de l'ancienne présence tatare ont alors quasiment disparu. En 1967, un décret annule les accusations de collaboration avec les nazis, portées contre les Tatars de Crimée, mais seule une toute petite minorité d’en eux sera autorisée à revenir. La majorité devra attendre la perestroïka et surtout le démantèlement de l'Union soviétique en 1991. Quelque 250 000 Tatars sont retournés en Crimée, luttant pour rétablir leurs vies et leurs droits culturels dans une Ukraine qui elle-même devient indépendante et se soucie peu de leur sort. En 2014, la Russie confisque la région à l’Ukraine en s’appuyant sur un référendum truqué dans la plus pure tradition soviétique. Vladimir Poutine tente d’amadouer les Tatars avec des mesures valorisant leurs langues et leurs coutumes. Ceux-ci demeurent des citoyens de seconde zone dans un territoire sous contrôle russe où la démocratie est absente. En 2017, la Cour internationale de justice condamne la Russie pour avoir violé les droits politiques et culturels de Tatars.

En 1944, les déportations soviétiques ont aussi touché les Allemands, les Karatchaïs, les Kalmouks, les Tchétchènes et les Ingouches, les Balkars et d’autres minorités criméennes (Bulgares, Grecs et Arméniens) ou caucasiennes (Meskhètes, Kurde et Khemchine), tous déplacés de force en Sibérie ou en Asie centrale. Les Tatars de Crimée ont aussi été victimes des visées géopolitiques russes sur la péninsule de Crimée. Celles-ci aboutiront à l’annexion de la Crimée par Poutine en 2014 presque 70 ans jour pour jour après le nettoyage ethnique opéré par Staline.

À l'occasion du 79e anniversaire de l'exil et du génocide des Tatars de Crimée, le siège de l'Association de Crimée en Turquie a organisé un programme de commémoration et une cérémonie de prière à la mosquée Hacı Bayram-ı Veli, à Ankara, après la prière du soir du 17 mai 2023. Le programme de prière a été diffusé en direct sur la page Facebook de Crimea News Agency. Le 18 mai, les cérémonies commencent à 15h.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 17 mai 2023

 
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Le drapeau bleu des Tatars de Crimée

Le drapeau bleu des Tatars de Crimée

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26 février : Jour de la résistance des Tatars de Crimée à l'occupation russe

Instaurée en 2020 par le président ukrainien Zelenskiy, cette journée commémore le rassemblement des Tatars de Crimée à Simferopol, devant le parlement de la République autonome de Crimée, le 26 février 2014.

 

Cette journée de commémoration a été instaurée en 2020 par le président ukrainien Zelenskiy, sous le nom de Jour de la résistance à l'occupation de la Crimée et de la ville de Sébastopol (День опору окупації Криму та міста Севастополя) mais on parle aussi du Jour de la résistance des Tatars de Crimée à l'occupation russe.

La date du 26 février fait référence au rassemblement des Tatars de Crimée à Simferopol, devant le parlement (Verkhovna Rada) de la République autonome de Crimée, le 26 février 2014. Ce rassemblement pro-ukrainien d’environ 10 000 personnes avait été organisé par le Majlis du peuple tatar de Crimée, le mouvement Euromaidan Crimea (pro-européen) et d'autres organisations pro-ukrainiennes. Au même moment une manifestation pro-russe était organisée à l’appel du parti L’Unité russe (extrême droite nationaliste). En raison de mesures de sécurité insatisfaisantes de la part des forces de l'ordre, des affrontements ont éclaté entre manifestants pro-ukrainiens et pro-russes, causant la mort de deux personnes. Le rassemblement pro-russe a été repoussé dans la cour de la Verkhovna Rada de Crimée, et la session parlementaire a été annulée.

Cette journée est considérée comme l'apogée de la résistance à l'occupation de la Crimée, car dès le lendemain Poutine intervenait en Crimée (voir 27 février) et les manifestations devenaient beaucoup plus risquées. La Crimée vivant aujourd’hui sous dictature russe, toute expression politique y est interdite, comme dans l’ensemble de la Russie). Les Tatars voulaient montrer que avant d’être occupée par les Russes, administrée par les Ukrainiens, puis à nouveau par les Russes, la Crimée était une terre tarare.

Un khanat de Crimée avait été fondé par les Tatars en 1441. Il contrôlait tout le littoral l’actuelle Ukraine. Le peuple tatar, apparenté aux Turcs, a eu un temps une puissance considérable dans la région, au point de prendre Moscou en 1571. Ils n’ont jamais réussi à envahir toute la Russie, mais les Russes devront verser un tribut annuel aux Tatars jusqu’en 1680. Ainsi s’installe une rivalité qui va tourner en suite en faveur des Russes, lesquels prendront la Crimée aux Ottomans en 1783. 

Petit à petit, notamment à la faveur de la guerre de Crimée au milieu du XIXe siècle, les Russes s’installent et les Tatars sont, en proportion, de moins en moins nombreux dans la péninsule. En 1927, les Tatars sont victimes d’une purge de Staline et, le 18 mai 1944, accusés d’avoir collaboré avec les nazis, ils sont déportés en totalité en Ouzbékistan et en Sibérie. Près de la moitié d’entre eux seraient morts de faim ou de maladie au cours de l’opération. Ils seront finalement innocentés en 1967 par le pouvoir soviétique, mais sans pour autant être autorisés à revenir en Crimée. Ce n’est qu’à partir de 1989 qu’ils pourront le faire mais sans retrouver leurs maisons ni leurs terres. Depuis ils vivent dans une grande marginalité. En 2014, ils ne sont plus que 250 000, soit 12% de la population de Crimée contre 58 % de Russes et 24% d’Ukrainiens. 

Localement, les Tatars forment une minorité qui a pris fait et cause pour Kiev. Leur leader historique est Moustafa Djemiliev. Banni de Crimée en 2014, il est aujourd’hui député ukrainien. C’est l’une des principales personnalités à l’exprimer le 26 février, également qualifié de Jour de la résistance des Tatars de Crimée à l'occupation russe (День опору кримських татар російській окупації).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 féfrier 2022

 

Le 26 février 2014, à Simferopol, devant le parlement. Le drapeau bleu clair est celui des Tatars de Crimée, le jaune et bleu, celui de l’Ukraine

Moustafa Djemiliev, né en Crimée en 1943, déporté avec sa famille en 1944

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