L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
3 juin : une journée antitabac à Taïwan en souvenir de la guerre de l’opium
Derrière une banale journée antitabac se cache une profonde blessure nationale qui marque toujours l’identité chinoise, y compris à Taïwan où le comportement de voyou des Européens à l’égard de la Chine est dans tous les livres d’Histoire.
Le 3 juin est aujourd’hui connu à Taïwan comme la journée antitabac, mais la date fait référence à un événement qui a profondément marqué la chine. Longtemps, le 3 juin a été désigné comme la Journée du mouvement pour la répression de l'opium (禁菸節).
L’opium, découvert et utilisé d’abord comme un médicament par les Chinois a fini par devenir un fléau au point que l’empereur Yougzheng, en 1729, a publié un édit pour interdire sa consommation. Cet édit a aussitôt engendré des réseaux de contrebande, notamment avec l’Inde où les Anglais se sont arrogés le monopole de la production de l’opium du Bengale. Grâce à leur marine performante, ils se sont vite imposés dans le commerce de cette drogue dont les bénéfices leur permettaient d’acheter des produits chinois. Devant l’importance de ce trafic, favorisé par des fonctionnaires chinois corrompus, les autorités chinoises ont décidé de frapper un grand coup : 20 000 coffres d'opium (soit 1 210 tonnes) furent saisis. La confiscation aux commerçants anglais s’est faite sans compensation et cet énorme stock d’opium fut détruit dans un grand bûché le 3 juin 1839. C’est l’anniversaire de cet acte de souveraineté et d’autorité contre les trafics de drogues qui est célébré aujourd’hui.
Les Anglais ont aussitôt déclaré la guerre à la Chine pour entrave au commerce ! La Guerre de l’opium (鴉片戰爭) débuta en 1840 par la prise de l’île stratégique de Zhoushan par les Anglais, puis la chute de Canton, le grand port dans lequel s’organisait le trafic de l’opium. Elle se termine en 1842 par la défaite de la Chine qui, toutefois, maintient son hostilité au fait que les Européens leur imposent la vente libre de la drogue sur son territoire. Cette résistance chinoise engendrera une seconde guerre de l’opium, impliquera, outre les Anglais, les Français, les Russes et les Américains. Elle se terminera à nouveau par une défaite et une capitulation, et même le pillage de Pékin par les Anglais et les Français en 1860. C’est ainsi que les autorités chinoises ont été acculées à signer la convention de Pékin de 1860 qui autorise le libre commerce de l’opium dans tout le pays. Les conséquences de ces deux guerres sont catastrophiques pour la chine, qui mettra un siècle à s’en remettre. Le souvenir de l’humiliation provoquée ce « traité inégal » a grandement participé à l’émergence du nationalisme chinois et à sa profonde méfiance à l’égard de l’Occident.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 3 juin 2024
12 mars : la journée de l’arbre en Chine et à Taïwan
L’anniversaire de la mort de Sun Yat-sen, le fondateur la république de Chine, sert aujourd’hui de date de référence pour encourager à la reforestation dans un pays où l’industrialisation à outrance a mis les forêts à mal.
La date choisie pour cette Journée de l'arbre (植樹節) est celle de l’anniversaire de la mort de Sun Yat-sen, le fondateur la république de Chine. Ce médecin, devenu président, avait dès 1914, suggéré de copier la fête américaine de plantation des arbres. Très tôt, il avait pris au sérieux la question du reboisement. Ce n’est qu’après sa mort, le 12 mars 1925, que gouvernement chinois a commencé à prêter attention aux projets de reboisement. C’est en 1929 que la Journée de l'arbre fut créée pour célébrer l'anniversaire de la mort du Docteur Sun Yat-sen. Après la prise du pouvoir des communistes en 1949, c’est à Taïwan où le gouvernement chinois s’était réfugié, que cette journée de l’arbre a continué à être observée. Mais, Pékin ne voulant pas abandonner à Taïwan, la mémoire du révolutionnaire Sun Yat-sen, une Journée de l’arbre a finalement été instaurée, en 1980, en Chine populaire. Le gouvernement recommande que chacun replante un arbre ce jour-là, ce que font beaucoup d’écoliers mobilisés pour cela. Aujourd’hui, de nombreux couples choisissent de se marier la veille du 12 mars et plantent un arbre pour marquer le début de leur vie commune et la nouvelle vie de l'arbre.
Cette impulsion est devenu indispensable dans un pays menacé, plus que d’autres, par la pollution et le réchauffement climatique. Lors du « Grand bon en avant », impulsé par Mao, à partir de 1958, des forêts entières ont été détruites pour alimenter les fours artisanaux pour fondre l’acier. Ensuite, au moment de la Révolution culturelle, des millions hectares de forêts ont été transformées en culture de maïs et de blé. Après la mort de Mao, en 1976, sous Deng Xiaoping, les paysans se sont vus attribuer plus de terres, à titre individuel, qu’ils ont déboisées massivement… Après des décennies de croissance effrénée responsable de la destruction d'écosystèmes majeurs, la République populaire promet aujourd’hui de créer des “barrières de sécurité écologiques” (une grande muraille verte, 三北防护林;) et de préserver de l'empreinte humaine jusqu'à un quart de la superficie totale de son territoire. Mais si la Chine protège aujourd’hui ses forêts, elle est devenue le premier importateur mondial de bois, principalement en provenance de pays d’Afrique ou d’Asie du Sud-Est où les forêts sont exploitées illégalement.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 mars 2024
23 janvier : la Journée « mondiale » de la liberté
Une date qui n’a rien de mondiale, quant à la défense des libertés et de la démocratie, on est loin du compte. La date, toutefois, est célébrée à Taïwan chaque année.
En 1953, la guerre de Corée s’achevait par un simple armistice. Quelques mois plus tard, on libérait les prisonniers de guerre retenus par chaque camp. La Chine communiste avait appuyé la Corée du Nord contre le Sud, au côté duquel tout le camp occidental, États-Unis en tête, s’était engagé. Les prisonniers devaient retrouver leur pays d’origine or quelques milliers de Chinois choisirent de s’embarquer pour l’île de Formose (ancien nom de Taïwan) et non pour la Chine continentale aux mains des communistes depuis 1949. Le 23 janvier 1954, ils étaient plus de 14000 à débarquer dans le port de Keelung, au sud de l’île rebelle, qualifié à l’époque de « Chine libre ». Ils ont aussitôt été désignés comme des « martyrs du communisme ». C’est cet événement symbolique de la guerre froide qui est commémoré aujourd’hui sous le nom de « Journée 123 de la liberté » (1 pour janvier, 23 pour le jour).
La même année, des représentants de Taïwan, des Philippines et de la Corée du Sud fondaient l'Asian People's Anticommunist League (APACL). Ensuite, l'organisation a été rebaptisée Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie (WLFD). La WLFD est une ONG internationale dédiée, en principe, à la promotion des valeurs de démocratie et de liberté. En réalité, cette organisation va, dans le contexte de la guerre froide, s’appliquer à appuyer tous les régimes dictatoriaux d’extrême droite, en particulier en Amérique latine ou en Asie, perçus comme les champions de l’anticommunisme. C’est la section taïwanaise de l'APACL, en 1993, qui a rebaptisé le 23 janvier en Journée mondiale de la liberté (世界自由日). Taïwan, longtemps dominé par l’extrême droite nationaliste chinoise, est devenu une authentique démocratie. C’est d’ailleurs, aujourd’hui, le principal grief que lui fait Pékin, à cause du mauvais exemple donné à l’ensemble du monde chinois.
Le problème, c’est que le 23 janvier, au plus fort de la guerre froide a été le rendez-vous des extrêmes droites du monde entier et qu’il est largement resté. L’événement est supervisé par la Ligue mondiale pour la liberté et la démocratie (WLFD), fondée en 1966 par Tchang Kaï-chek, le chef du parti nationaliste chinois (Kuomintang) et président (autoritaire) de Taïwan, jusqu’à sa mort en 1975. La WLFD est dans les années 1990 et 2000 la seule ONG liée à Taïwan qui soit accréditée auprès de l'ONU. Même si Taïwan est aujourd’hui une démocratie et si le Pari démocrate au pouvoir n’a rien à avoir avec cette mouvance, la WLFD est toujours subventionnée par Taipeh et le président de la République de Chine (nom officiel de Taïwan) se fend d’un message de félicitation adressé à l’organisation chaque 23 Janvier, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 22 janvier 2022
12 novembre : Taïwan honore le père de la Chine moderne
La journée est fériée à Taïwan, jour anniversaire de Sun Yat Sen (1866-1925), le « père de la Chine moderne ». Une cérémonie lui est dédiée au fastueux mémorial qui lui a été construit dans le centre de Taïpeh. Mais, la commémoration n’est pas du goût de tout le monde…
La journée est fériée à Taïwan, jour anniversaire de Sun Yat Sen (1866-1925), le « père de la Chine moderne ». Une cérémonie lui est dédiée au fastueux mémorial qui lui a été construit dans le centre de Taïpeh. Mais, la commémoration n’est pas du goût de tout le monde. En quoi le fondateur, en 1912, d’une république chinoise centrée sur la ville Nankin, à une époque où l’île de Formose (devenue Taïwan) était une possession japonaise, peut-il concerner les autochtones de l’île ? Et même la grande majorité des chinois Hans installés à Taïwan depuis les XVIIe et XVIIIe siècle ? Depuis que les indépendantistes sont au pouvoir à Taipeh, cette commémoration est un peu mise en sourdine, mais reste chômée. Certains proposent même de supprimer tous les portraits géants dans le pays.