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1989, Chine, massacre, 4 juin Bruno Teissier 1989, Chine, massacre, 4 juin Bruno Teissier

4 juin : la dissidence chinoise en exil célèbre le 35 mai en mémoire de Tiananmen

Le 35 mai correspond au 4 juin 1989, date de l'intervention de l'armée lors des manifestations de la place Tiananmen. La féroce répression avait fait quelque 10 000 victimes. Depuis une chape de plomb est tombée sur le pays. Aucune commémoration n’est possible.

 

Le 35 mai correspond au 4 juin 1989, date de l'intervention de l'armée lors des manifestations de la place Tiananmen. Il s'agit d'un mot-clé permettant de contourner la censure des autorités chinoises via des logiciels de surveillance. Évidemment toute commémoration est interdite en Chine. Jusqu’en 2019, il n’y avait que dans la ville de Hong-Kong que chaque 4 juin, plusieurs dizaines de milliers de manifestants se rassemblaient pour une veillée d’hommage aux victimes. Cette année, comme en 2020, la manifestation a été à nouveau interdite à Hong Kong et à Macao, pour raison sanitaire selon les autorités.

Sur le continent, la moindre allusion à cette «  rébellion contre-révolutionnaire » est interdite. Les autorités opèrent des arrestations préventives quelques jours avant la date, tout rassemblement est impossible. La censure est implacable « 4 juin » (六四 ) de même de même que les chiffres 6 et 4 doivent être bannis des messages, les internautes avaient pris l’habitude de parler du « 35 mai » («May 35» ou «535»). Ce qui permettait en même temps de s’affranchir du chiffre 4 qui en Chine porte malheur. Mais, l’expression du 35 mai a été à son tour rattrapée par la censure, tout comme le code 9875321, où le 4 et le 6 était sciemment retirés…

Au printemps 1989, des milliers d’étudiants et d'intellectuels, mais aussi des ouvriers étaient rassemblés depuis le 4 mai sur la place Tiananmen (la principale place de pékin) pour dénoncer la corruption et l’incapacité du régime en demandant des réformes politiques et démocratiques. Le gouvernement chinois, d’abord indécis, a fini par envoyer l’Armée pour mater cette révolte. La répression du « printemps de Pékin » a débuté le 4 juin 1989 (c’est la date qu’on commémore aujourd’hui), elle a duré plusieurs jours, faisant quelque 10 000 morts et de disparus.

Tout le monde se souvient de l’image d’un homme seul et anonyme, tentant de stopper une colonne de chars. Il a été vu comme le symbole du combat inégal entre les étudiants et le totalitarisme chinois. Pour contourner la censure qui frappe aussi les photos de char, chaque année, à l’approche du 4 juin, quelqu’un a eu l’idée de les remplacer par des canards jaunes. Lesquels sont tombés à leur tour sous le coup de la censure.

Pendant trois décennies, c’est à Hong Kong, qu’étaient organisées des veillées annuelles à la mémoire des victimes de la répression. En 2020, le rassemblement a été interdit pour des raisons de lutte contre l’épidémie, interdiction renouvelée en 2021 pour la même raison. Depuis, une chape de plomb est tombée sur l’ancienne colonie britannique devenue chinoise, plus aucune référence à Tiananmen n’y est plus possible.

Depuis une vingtaine d’années, le pays a dressé ce que l'on surnomme trivialement la « Grande muraille numérique » chinoise autour de « son » internet. Si bien que celui-ci ressemble aujourd'hui davantage à un réseau domestique qu'à un espace ouvert sur le monde. #TiananmenSquareMassacre #MilkTeaAlliance

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 juin 2024

 
Manif de protestation au Canada

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Tiananmen, au printemps 1988

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1919, Chine, Taïwan, manifestation politique Bruno Teissier 1919, Chine, Taïwan, manifestation politique Bruno Teissier

4 mai : place Tien an Men, la jeunesse manifeste contre les pouvoirs

Le 4 mai 1919, 3 000 étudiants manifestent à devant la porte Tien an Men à Pékin. Ils protestent conte les conditions imposées à la Chine par le traité de Versailles… une date mythique en Chine. Les étudiants qui se sont fait massacrer le 4 juin 1989, étaient inspiré par l’esprit du 4 mai.

 

Bien sûr, il ne s’agit pas de la manifestation à laquelle on pense qui est commémorée aujourd’hui, mais celle du 4 mai 1919. Ce jour-là, quelque 3 000 étudiants manifestaient à Pékin, devant la porte Tien an Men. Ils protestaient contre les conditions imposées à la Chine par le traité de Versailles qui avantageaient le Japon. Ce mouvement traduit l'émergence en Chine d'une conscience patriotique opposée aux Occidentaux comme aux Japonais. C’est pour cela que cette manifestation a toujours été commémorée par le pouvoir chinois. Mais, c’est aussi le premier mouvement de la jeunesse chinoise moderne. Ils protestaient aussi, et surtout, contre le pouvoir des mandarins et l’oppression des femmes. Ils considéraient que le commandement de l'armée qui dirigeait la Chine comme des dictateurs corrompus, n'avaient pas réussi à protéger la patrie chinoise.  Les manifestations qui s’étaient prolongées par des grèves massives, en juin 1919, avaient fini par faire céder le pouvoir. Le gouvernement Beiyang avait ordonné à ses représentants en France de refuser de signer le traité de Versailles, de licencier les fonctionnaires que les manifestants jugeaient particulièrement corrompus et de libérer tous les étudiants emprisonnés. Le mouvement du 4-Mai (五四运动) est resté ancré dans la mémoire chinoise.

Il est commémoré chaque année en république populaire de Chine, où depuis 1949, le 4 mai est la Fête de la Jeunesse (青年节). À cette occasion, les jeunes de 14 à 28 ans ont une demi-journée de congé. Évidemment, c’est une jeunesse docile qui est célébrée, pas celle qui se soulève. Pour le 70e anniversaire, en 1989, se souvenant du Mouvement du 4-Mai, des milliers d’étudiants ont manifesté sur la même place Tien an Men qu’ils ont occupé pendant un mois dans le but de faire bouger les choses en direction de la démocratie. En réponse, le gouvernement chinois instaura la loi martiale et fit intervenir l'armée. La révolte finira en bain de sang, un 4 juin (une date qu’il est, bien sûr, absolument interdit de commémorer).

Le 4 mai est aussi célébré à Taïwan, où c'est la Fête de la Littérature (文藝節).

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 mai 2023

 

Œuvre de Liang Yulong (1976) pour célébrer le mouvement du 4 mai

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4 mai 1989, un mois avant le massacre du 4 juin

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