L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
25 avril : les Australiens et Néo-Zélandais se souviennent de la Grande Guerre
L’ANZAC Day est une journée très importante pour les Australiens et Néo-Zélandais, une date constitutive de leurs identités nationales, d’où la persistance et même l’amplification, depuis plus d’un siècle, des célébrations de la Grande Guerre.
À Villers-Bretonneux, petite localité de Picardie, les autorités australiennes proposent chaque année une grande cérémonie nocturne, retransmise en direct par la télévision, d’où des horaires insolites. En effet, le site du mémorial ouvre à 2h30 du matin. Un pré-programme débute à 4h, avant la fameuse cérémonie, dite du "dawn service", qui se déroule entre 5h30 et 6h30 du matin. Localement la cérémonie a accueilli jusqu’à 6000 personnes certaines années, mais ils sont 100 fois plus nombreux à la suivre sur un écran de la chaîne publique australienne (ABC) ainsi que sur France 3 Picardie.
On célèbre une victoire australienne sur les Allemands : la prise de Villers-Bretonneux, dans la nuit du 24 au 25 avril 1918. À partir de ce moment-là les troupes allemandes commencèrent à reculer, Amiens sera épargnée et on s’orienta vers la fin de la Grande Guerre.
Cette commémoration qui a pris depuis les années 2000 une grande importance, en complète une autre : la mémoire de la bataille de Gallipoli, contre l’armée ottomane, qui a débuté le 25 avril 1915 et qui fut une véritable boucherie. On estime le nombre de morts à 8 700 parmi les Australiens tués et 2 700 chez les Néo-Zélandais. Les deux formaient l’ANZAC : Australian and New Zealand Army Corps (Corps d'armée australien et néo-zélandais).
Cet épisode de la campagne des Dardanelles contre les Turcs a fait des milliers de victimes sans résultat probant. Le choc a été tel que la Journée de l’ANZAC (ANZAC Day) a été célébrée dès 1916. L'esprit de l'ANZAC est devenu un élément important de l'identité nationale australienne et néo-zélandaise. Le 25 avril est un jour férié dans les deux pays. Depuis 2013, si le 25 avril tombe un week-end, le lundi est aussi férié en Australie. C’est dire l’importance de l’événement pour la nation australienne que certains disent être née ce jour-là, en 1915.
Dans les villes et villages d'Australie, des marches d'anciens combattants sont organisées pour commémorer la Journée de l'Anzac. Elles sont suivies de rassemblements entre vétérans (de la Seconde Guerre). La principale cérémonie nationale a lieu au Mémorial australien de la guerre à Canberra.
Une cérémonie se déroule également en Turquie, sur le site de la défaite de Gallipoli (Gelibolu Yarımadası), organisée par la Turquie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. C’est le 75e anniversaire qui avait relancé les célébrations. Pour le centenaire, en 2015, le président Erdogan et le prince Charles avaient fait le déplacement.
L’Anzac Day est aussi célébré à Ypres (Belgique), à la porte de Menin. À Bullencourt (Pas-de-Calais), où on a créé un musée. À Longueval (Somme) au mémorial national néo-zélandais. Au Quenoy (Nord) également en hommage aux Néo-Zélandais. À Londres, au cénotaphe de Whitehall pour un défilé à 11h. À Auckland, devant me musée-mémorial. Ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti, aux îles Tonga… mais en référence à la Seconde Guerre mondiale. Ce samedi, 26 avril 2025, un concert est donné dans la cathédrale d’Amiens à l’occasion de l’ANZAC Day…
Il est de tradition que les membres de la famille d'un soldat tué ou disparu, visitant les lieux de mémoire, fixent un coquelicot de papier ou de tissu sur la tombe ou à défaut à côté du nom gravé sur un monument.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 avril 2025
Lieu de mémoire à Sydney
Le 25 avril 1916, à Londres, le premier Anzac Day
5 novembre : la mémoire de la lutte non violente des Maoris de Nouvelle-Zélande
En Nouvelle-Zélande, la tradition de la Guy Fawkes Night est en concurrence avec la mémoire maorie qui, le 5 novembre, commémore la destruction de la localité de Parihaka en 1881 par les troupes coloniales. Les Maoris militent aujourd’hui pour l’instauration, à cette date d'un jour férié, un Parihaka Day qui serait aussi une célébration de la non-violence.
En Nouvelle-Zélande, la tradition de la Guy Fawkes Night est en concurrence avec la mémoire maorie qui, le 5 novembre, commémore la destruction de la localité de Parihaka en 1881 par les troupes coloniales. Les Maoris militent aujourd’hui pour l’instauration, à cette date d'un jour férié, un Parihaka Day qui serait aussi une célébration de la non-violence.
En Nouvelle Zélande la communauté autochtone n’a pas été anéantie dans les mêmes proportions qu’en Australie. Les Maoris représentent aujourd’hui 15% de la population du pays et se penchent aujourd’hui sur leur histoire. Les exactions ont été nombreuses lors de la conquête du pays par les Européens, on ne peut pas les commémorer toutes, mais ce fait-là est très emblématique.
Au cours des années 1860, des milliers de Maoris se sont retrouvés sans terre du fait des confiscations par les autorités coloniales. En 1866, menés par Te Witi, un chef maori qui avait déjà fait parler de lui, quelques centaines d’entre eux s’installent sur des terres qui étaient promises à la colonisation. Le village de Parihaka est fondé. Il est situé dans la région de Taranaki. La communauté s’organise et, en dépit des interdictions, laboure systématiquement les terres en vue de les cultiver. Lassés des guerres qui ont fait beaucoup de victimes au cours des années précédentes, les habitants de Parihaka opposent une résistance résolument non violente. C’est ainsi que l’a voulu leur guide, Te Wiki qui dans ses enseignements, mêle la spiritualité maorie à la rhétorique du christianisme apprise auprès des missionnaires. Par de simple sit-in, les habitants de Parihaka obtiennent certains succès, jusqu’à empêcher la construction de routes. Ce lieu de résistance passive attire l’admiration et le soutien de Maoris de tout le pays, notamment sous forme de livraison de nourriture.
Finalement, les autorités anglaises exaspérées font envoyer la troupe. 1600 cavaliers débarquent le matin du 5 novembre 1881 dans ce village de 2000 habitants. Ils sont accueillis par des villageois assis sur le sol, et une chorale d’enfants menée par un vieil homme. Les chefs du village, ainsi qu’une partie des hommes, seront arrêtés et emprisonnés, sans jugement. Le village est pillé et presque entièrement détruit, des femmes sont violées. La population est éparpillée sans nourriture dans la région. Aucun journaliste n’a été autorisé à assister au méfait. Te Whiti est déporté pour sédition dans l’île du sud jusqu’en 1883. Mais son enseignement demeure. Ici et là, des labours vont continuer, la résistance non violente va s’imposer au fils des années comme mode de protestation des Maoris, un demi-siècle avant que les Indiens ne fassent de même pour chasser les Anglais de l’Inde.
L’événement, oublié aujourd’hui (sauf par les Maoris) avait fait du bruit dans la presse anglaise de l’époque, qui pendant des années a relaté le mode de résistance des Maoris de Nouvelle-Zélande. Le Mahatma Gandhi s’en serait inspiré pour forger sa politique de désobéissance civile contre les Anglais. Martin Luther King et Rosa Parks sont également les héritiers de Te Witi o Rongomai.
Depuis quelques années, à l’approche du 5 novembre, des associations maories organisent des manifestations, font circuler des pétitions pour que soit abandonnée la tradition de la Guy Fawkes Night, la célébration anachronique et surtout infondée dans le Pacifique Sud, d’un événement survenu au XVIIe siècle, à l’autre bout du monde. D’autant plus que morceaux de mémoire britannique à laquelle reste attachés beaucoup de Néo-Zélandais, occulte une autre date célébrée discrètement par les Maoris et qu’ils aimeraient voir partager par la nation tout entière : l’anniversaire de la destruction de Parihaka, le 5 novembre 1881. Cette date est connue sous le nom de « Te Rā o te Pāhua » ou « Jour du pillage ».
Ce qui reste de Parihaka, aujourd’hui : trois maraes (espace communautaire maori) et les tombes de Te Witi et Tohu Kākahi , les guides spirituels de la communauté. Chaque 5 et 6 novembre, un hommage leur est rendu. Ainsi que le 18 et 19 de chaque mois (Te Witi est mort le 18 novembre 1907). Chaque année un festival international de la paix s’y déroule. Le 24 octobre 2019, les excuses officielles ont été prononcées et un projet de loi de réconciliation (Te Pire Haeata ki Parihaka) ont finalement été adoptées. Chris Finlayson, ministre des négociations du Traité de Waitangi et procureur général de Nouvelle-Zélande, a reconnu, au nom de la Couronne, que les événement qui se sont déroulés à Parihaka, il a 138 ans, étaient « parmi les plus honteux de l’histoire de notre pays ».
#Parihakaday est le hashtag qui sert à exprimer son soutien à l’instauration d’un jour férié le 5 novembre, ou au moins d’une commémoration officielle ce jour-là.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 4 novembre 2024