L’Almanach international

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Birmanie, Fête des lumières Bruno Teissier Birmanie, Fête des lumières Bruno Teissier

27 novembre : Tazaungdaing, la fête birmane des lumières

Ce soir, des montgolfières éclairées par des bougies, vont s’élancer un peu partout dans le ciel de la Birmanie. Des feux d’artifice, tirés pour l’occasion, vont contribuer, dit-on, à chasser les mauvais esprits en cette nuit de pleine lune. La fête de Tazaungdaing, véritable festival des lumières, serait antérieure à la propagation du bouddhisme en Birmanie.

 

Ce soir, des montgolfières éclairées par des bougies, vont s’élancer un peu partout dans le ciel de la Birmanie. Des feux d’artifice, tirés pour l’occasion, vont contribuer à chasser les mauvais esprits en cette nuit de pleine lune. C’est du moins ce que dit la tradition. Les premières montgolfières ont été lancées en 1894 à Taunggyi, peu après leur occupation du pays. C’est d’ailleurs, à Taunggyi, ville du pays Shan que les festivités sont les plus spectaculaires et les plus dangereuses, quand les ballons explosent dans la foule, il y a des blessés parfois des morts.

Mais la fête de Tazaungdaing (တန်ဆောင်တိုင်ပွဲတော်) est bien plus ancienne. Elle serait même antérieure à la propagation du bouddhisme en Birmanie. Ce festival des lumières aurait pour origine la fête indienne de Kattika qui avait lieu à la pleine lune de Tazaungmon (တန်ဆောင်မုန်း ), le huitième mois du calendrier traditionnel birman. Elle marque la fin de la saison des pluies.

La Birmanie étant très majoritairement bouddhiste, la fête des lumières, appelée aussi Tazaungdine, a été intégrée au culte. Ce jour-là, les moines se voient offrir une nouvelle robe. La tradition s’appuie sur un épisode de la vie du Bouddha. Voyant que le Bouddha allait bientôt renoncer, Maya, sa mère, passa toute la nuit à lui tisser des robes de moine jaunes. Sa sœur, Gotami (la tante de Bouddha) a continué cette tradition et lui a offert, chaque année, de nouvelles robes. En écho à cette légende, on organise des concours de tissage de robe de moine jaunes spéciales appelées matho thingan ( မသိုးသင်္ကန်း ) dans tout le pays, en particulier dans dans les fameuses pagodes Shwedagon de Yangon (Rangoun) et Kaung Hmu Daw de Sagaing. Ils se déroulent sur deux nuits consécutives (la nuit précédente et la nuit de pleine lune), les concurrents travaillent sans arrêt de la nuit jusqu'à l'aube pour tisser ces vêtements.

Dans le cadre des célébrations, les gens offrent des aumônes, des bougies, des bâtons d'encens, des fleurs et des fruits en hommage aux pagodes. Les rues sont également remplies d'offrandes d'aumônes pour les moines et de repas Satuditha servis aux gens méritants. Cette fête très populaire permet d’oublier, pour un temps, les exactions de la dictature militaire et la guerre qui sévit dans une bonne partie du pays.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 26 novembre 2023

 

Concours de ballons incendiaires lors du festival Tazaungdaing à Taunggyi, octobre 2017

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1948, Birmanie, indépendance, 3 janvier Bruno Teissier 1948, Birmanie, indépendance, 3 janvier Bruno Teissier

4 janvier : la Birmanie célèbre le 75e anniversaire de son indépendance

Le Jour de l’indépendance (obtenue le 4 janvier 1948) est célébré cette année dans une ambiance hautement sécuritaire. La Birmanie est dirigée depuis près de deux ans par une junte qui a étouffé toute tentative de démocratisation. Aung San Suu Kyi, la propre fille du père l’indépendance, égérie des démocrates, a été condamnée à 33 ans de prison. Triste anniversaire de l’Union birmane, rebaptisée Myanmar par les militaires.

 

Le Jour de l’indépendance (လွတ်လပ်ရေးနေ့) est célébré chaque année par un jour férié depuis que le 4 janvier 1948, l’Union de Birmanie devenait un État indépendant après six décennies d’occupation du pays par les Britanniques, excepté de 1942 à 1945, époque où ils ont été remplacés par les Japonais. C’est, d’ailleurs, cette époque d’occupation japonaise qui a permis aux indépendantistes birmans de s’affirmer et de s’organiser. Leur leader, Aung San nationaliste, révolutionnaire et fondateur de l'Armée de l'Indépendance de la Birmanie, a entamé des négociations avec les Britanniques. En 1947, il est devenu vice-président du Conseil exécutif de Birmanie mais il ne verra pas l’indépendance du pays car il a été assassiné le 19 juillet 1947. Aung San reste dans les mémoires comme le père de l’indépendance, mais les autorités actuelles se gardent bien de le mettre en avant. Au contraire, le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing rend hommage, ce 4 janvier, au premier dictateur post-indépendance, le général Ne Win et à ses successeurs, le général Sein Lwin et le général en chef Saw Maung. Cette année, il remet à Daw Khin Sandar Win, la fille de Ne Win, les décorations de son père. Ne Win avait pris le pouvoir lors du coup d'État du 2 mars 1962 et provoqué la descente du pays dans la liste des pays les moins avancés du monde, rebaptisé Myanmar par la junte.

Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la Birmanie est dirigée par une junte qui s’est acharnée contre celle qui lui apparaissait comme la principale opposante à la dictature militaire :  Aung San Suu Kyi, la propre fille de de Aung San. Celle-ci, âgée de 77 ans, croupit actuellement dans une prison de Naypyidaw, le plus souvent à l'isolement. Accusée de multiples crimes imaginaires, elle cumulait plus de 26 ans de condamnation. La semaine dernière, 7 années supplémentaires viennent de lui être rajoutées dans le cadre d’un procès à hui clos totalement inique.

La commémoration du 4 janvier se déroule cette année dans une ambiance hautement sécuritaire, la junte militaire craignant des manifestations de militants pro démocratie. En 2022, des installations militaires de Rangoon, la principale métropole et Naypyidaw, la capitale, avaient été visées par les opposants. Les cérémonies se tiennent cette année pour l’essentiel dans le Palais présidentiel, il s’agit notamment de remises de médaille aux collaborateurs les plus fidèle du régime. En 2022, Min Aung Hlaing avait remis 1 290 titres et médailles le jour de l'indépendance.

Traditionnellement, les grandes villes sont pavoisées aux couleurs nationales (au moins dans la partie birmane du pays), la journée est marquée par des festivités, des foires et des événements sportifs , notamment des jeux et compétitions dans toutes les écoles du pays.

Le 4 janvier 1948, c’est un pays totalement ravagé par la Seconde Guerre mondiale qui devenait indépendant, sans toutefois devenir membre du Commonwealth. Les Anglais qui n’imaginaient pas devoir quitter le pays, n’avaient préparé aucune transition. La Chine était en pleine guerre civile, à la fin de 1949, les communistes allaient s'emparer de Pékin et déclarer la République populaire. Les restes des nationalistes chinois vaincus se sont repliés dans les États Shan (au nord de la Birmanie), déclenchant une nouvelle série de conflits violents. Soutenus pendant des années par les Américains, ils espéraient attaquer le Yunnan communiste depuis la Birmanie. Plusieurs minorités ethniques, hostiles à la domination des Birmans (ou Barmen), ont profité du chaos pour entrer en rébellion le sont restées. Les hautes terres de Birmanie n'ont pas connu de véritable paix depuis. De violents affrontements ont encore eu lieu samedi dernier, en lisière de l’État Karen, dans le canton de Kyainseiggyi. L’armée birmane a perdu deux de ses bases, prises par l’Armée de libération nationale karen (KNLA). Mais quelque 3 000 habitants des villages de la région qui ont fui les combats vers la forêt, souffrent aujourd’hui de pénuries alimentaires. Plus d’un million de personnes ont ainsi été déplacées depuis le dernier coup d’État militaire… Ainsi vit la Birmanie indépendante depuis trois quarts de siècle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Le visage officiel de la Birmanie : sur 75 ans d’indépendance, la Birmanie a vécu 57 ans sous dictature militaire.

Le Jour de l’Indépendance est l’occasion de jeux et de compétitions dans toutes les écoles du pays.

Le gouverneur britannique Hubert Rance et Sao Shwe Thaik, le premier président de l’union, lors de la cérémonie de lever du drapeau le 4 janvier 1948 à Stone Pillar. Celle-ci a été organisée à 4h20, heure considéré de bonne augure par les astrologues.

La banque centrale du Myanmar a émis des pièces d'or commémoratives pour marquer le 75e anniversaire du jour de l'indépendance

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1928, Birmanie, 20 février, affirmation nationale Bruno Teissier 1928, Birmanie, 20 février, affirmation nationale Bruno Teissier

20 février : les Chins, peuple des montagnes de Birmanie, célèbre sa fête nationale

Chaque 20 février, depuis 1951, le peuple Chin fête son État. Un pays, un peu plus grand que la Belgique, situé dans le nord de la Birmanie, à la frontière de l’Inde.

 

Chaque 20 février, depuis 1951, le peuple Chin fête son État. Un pays, un peu plus grand que la Belgique, situé dans le nord de la Birmanie, à la frontière de l’Inde. Les Chins vivent dans une région montagneuse du nord-ouest de la Birmanie. L’État chin est l’un des sept qui composent théoriquement l’Union birmane (ou Union du Myanmar, selon le nom adopté par la junte militaire), avec la région centrale qui, elle, est peuplée de Bamars (ou Birmans). Beaucoup de Chins ont fui la dictature pour se réfugier en Inde (notamment à New Delhi), voire au Canada ou en Europe. Leur fête nationale est souvent célébrée avec plus de faste dans la diaspora que localement. Tout dépend des circonstances dans le pays. Et cette année, l’ambiance est à l’incertitude politique.

La date du 20 février, fête nationale des Chins, fait référence à la création de la première association politique des populations chins en 1928. En 1938, toujours un 20 février, elle présentait aux occupants anglais une série de revendications. Le 20 février 1948, l’Assem­blée générale du peuple chin abolissait le régime féodal et adoptait un mode démocratique de désignation de ses dirigeants.  Cette portion des Indes anglaises avait été gérée distinctement par les Anglais  («Loi de régulation de 1896 des Chin Hills») du reste de l’Union birmane  qui venait d’obtenir son indépendance, le 4 janvier 1948. Des représentants des Chins avaient assisté à la Conférence de Panglong, le 12 février 1947, qui prévoyait un État fédéral où chaque peuple aurait son autonomie. On sait qu’il n’en a rien été, la junte birmane arrivée au pouvoir en 1961 et qui n’a jamais vraiment quitté le pouvoir depuis, n’a jamais reconnu l’autonomie qui avait été accor­dée aux peuples périphériques. Au lieu de cela, elle ne reconnaît pas moins de 135 peuples !  (Sauf les Royhinga, bien sûr). Et comme on ne peut pas créer 135 États autonomes à l’intérieur du pays, autant dire qu’elle n’en reconnaît aucun. Les représentants du peuple majoritaire, les Bamars, sont tous sur la même ligne, Aug San Suu Kyi, en fait partie. Même si l’an dernier, elle a assisté à la fête nationale des Chins, la Dame de Rangoon est, tout autant que les militaires, partisane d’un pouvoir centralisé. Pas question de parler d’un Chin State Day et de pouvoir locaux.

Depuis, l’accord de cessez-le-feu signé en 2012, avec l’armée birmane, l’État Chin peut célébrer ouvertement sa fête nationale. Cela n’a pas toujours été le cas. La fête avait été interdite par la junte et les Chins avaient repris les armes en 1988.

La junte militaire qui a récemment confisqué la totalité du pouvoir  en Birmanie a invité le président de la Ligue nationale Chin pour la démocratie (CNLD) à rejoindre le Conseil d’État. Celui-ci a, bien sûr, décliné l’invitation.  Les Chins se méfient de l’armée Birmane. Suite au coup d’État du 1er février 2021, quelques milliers de Chins ont déjà trouvé refuge dans l’État indien voisin, le Mizoram.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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28 février 1961, le président birman U Nu, assiste à la fête nationale Chin. C’était avant le premier coup d’État militaire

28 février 1961, le président birman U Nu, assiste à la fête nationale Chin. C’était avant le premier coup d’État militaire

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1885, 1920, Birmanie, 27 novembre, étudiants Bruno Teissier 1885, 1920, Birmanie, 27 novembre, étudiants Bruno Teissier

27 novembre : drôle de fête en Birmanie

À l'époque où la junte militaire était au pouvoir, chaque 27 novembre, des manifestations étudiantes réclamait la libération d'Aug San Suu Kyi. Cette date fait aujourd’hui figure de fête nationale en Birmanie, elle rappelle une époque plus lointaine encore : la première grève des étudiants birmans face aux autorités coloniales britanniques…

 

À l'époque où la junte militaire était au pouvoir, chaque 27 novembre, des manifestations étudiantes réclamaient la libération d'Aug San Suu Kyi. Cette date fait aujourd’hui figure de fête nationale en Birmanie. Elle rappelle une époque plus lointaine encore : la première grève des étudiants birmans, en 1920, face aux autorités coloniales britanniques qui venaient d’adopter une législation discriminatoire. La grève débuta le jour de la fête nationale qui cette année tombe le le 27 novembre.

La Journée nationale est aussi marquée par le souvenir de Thibaw Min, le dernier roi. On se souvient qu’il demanda aux émissaires Britanniques de se déchausser avant d’entrer dans son palais. Ceux-ci refusèrent et le traitèrent de tyran. Ce fut le prétexte invoqué pour une conquête du pays par les Anglais. En deux semaines, le royaume birman était envahi, le palais royal pris d’assaut, le 28 novembre 1885. Le lendemain, le roi était expédié en exil en Inde. Le 1er janvier suivant, la Birmanie était intégrée à l’Empire britannique.

Aujourd'hui, ce sont les Birmans qui écrasent de leur mépris les Rohingyas sans défense et les massacrent dans le but de les éliminer du pays. Ne pourrait-on pas arrêter ce génocide, avant qu'il faille trouver une date pour le commémorer ? Alors le pays est le théâtre d'un vrai nettoyage ethnique visant la minorité Rohingyas victime de viols, tortures, massacres et meurtres... la Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, qui marraine le président actuel, reste étonnamment silencieuse face à ce génocide en cours même si elle a fini par concéder que la situation aurait pu être mieux gérée.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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