L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
9 novembre : le jour du destin des Allemands
Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait, amorçant la fin de la Guerre froide. Une date idéale pour célébrer un pays réconcilié, mais impossible d’en faire la fête nationale de l’Allemagne réunifiée… car le 9 novembre évoque d’autres journées, plus sombres pour certaines. Cette date demeure aujourd’hui encore très chargée de sens et de visions antagonistes aussi bien de l’Histoire allemande que de l’actualité internationale.
Il y a 36 ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonisme entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. L’évènement s’est produit vers 19 heures, à quelques heures près, l’Allemagne aurait pu célébrer chaque 10 novembre son unité retrouvée, mais l’histoire en a voulu autrement. La voilà assignée au 9 novembre, date qui n’est pas devenue la fête nationale que certains auraient souhaitée car elle est bien trop chargée d’histoire.
En 1938, le 9 novembre, c’était la « Nuit de cristal », le pogrom contre les juifs organisé par Goebbels. Le prétexte était l’agression d’un fonctionnaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris par un jeune juif allemand. Mais la date de cette nuit d’enfer qui marque le début de la Shoah, n’avait pas été choisie au hasard. C’était le jour anniversaire de la tentative de putsch par Adolf Hitler, en 1923, à Munich. Et, si ce dernier avait tenté un coup de force précisément un 9 novembre, c’était parce que la république dite de Weimar, fondée le 9 novembre 1918 et honnie par l’extrême droite, fêtait ce jour-là ses 5 ans.
Le même 9 novembre 1918, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg proclamaient en parallèle une République socialiste allemande qui ne dura que quelques mois… Une date symbolique donc, tout au long du XXe siècle.
Si on remonte un peu le temps, le 9 novembre est aussi la date de l’exécution du parlementaire allemand libéral, Robert Blum, par les contre-révolutionnaires, après l’insurrection viennoise d’octobre 1848… C’est un peu comme si une seule date racontait l’histoire récente de l’Allemagne. Cette date a été baptisée Schicksalstag, le jour du Destin ! Le gouvernement lui préféra donc le 3 octobre, date officielle de la réunification en 1990.
Finalement, la fête nationale de l’Allemagne a été fixée le 3 octobre, en référence une journée de 1990 qui n’évoque rien de fort, si ce n’est l’officialisation d’une réunification déjà en cours et réalisée à marche forcée, qui laisse un goût amer. Aujourd’hui, une partie de l’opinion est persuadée qu’une troisième voie était possible, que la RDA , dégagée de la tutelle de Moscou, si on lui en avait laissé le temps aurait pu concilier démocratie et socialisme.
Le 9 novembre n’est pas totalement occulté. La date a été choisie par le Conseil de l’Europe pour célébrer l'anniversaire du début des pogroms de masse en Europe, connus sous le nom de Kristallnacht (Nuit de cristal) ou de Novemberpogrome. C’est aujourd’hui la Journée internationale contre le fascisme et l'antisémitisme. À ne pas confondre avec la Journée internationale contre le racisme et le fascisme, marquée chaque 23 mars.
Aux États-Unis, dans les milieux conservateurs, on célèbre l’anniversaire de la chute du mur de Berlin comme une victoire sur le communisme. Dans, ce but, une Journée mondiale de la liberté (World Freedom Day) a été instaurée en 2001, mais son écho demeure limité car elle fait référence à une histoire déjà ancienne. Les mêmes se réjouissent aujourd’hui du retour de Trump au pouvoir.
À Berlin, a date du 9 novembre demeure très chargée de sens et de visions antagonistes aussi bien de l’Histoire allemande que de l’actualité internationale.
L’extrême droite tente toujours de s’approprier le 9 novembre. Le groupe d'extrême droite « Wir für Deutschland » (Nous pour l'Allemagne) qui voulait organiser une « marche du deuil pour les victimes de la politique », que les autorités berlinoises ont interdit à plusieurs reprises.
À l’autre extrémité de l’échiquier politique, on commémore à 18h , Ernst-Zinna-Weg 1, la révolution de 1918. Une veillée contre le fascisme a également lieu place de la Révolution de mars.
À 14h30, Tempelhofer Damm 227, une manifestation a pour thème : « Souvenons-nous des victimes de la Nuit de Cristal - plus jamais la guerre, plus jamais le fascisme ! » De 20h15 à 21h30, une marche commémore la même terrible nuit : Grosse Hamburger Str. 31 (AK, porte Sophienkirche) - Große Hamburger Str. - Auguststr. - Tucholskystr. - Oranienburger Str. - Krauskickstr. - Grande Hamburger Str. 27 (EK, ancien cimetière juif).
L’actualité n’est pas oubliée : à 16h, Wegelystrasse. 1 « Ne détournez pas le regard » est un événement visant à sensibiliser le public aux souffrances causées au Moyen-Orient par la guerre de Gaza. L'accent est mis sur la réconciliation entre les deux parties et sur un appel au respect des droits humains et du droit international. Les noms d'enfants israéliens et palestiniens tués pendant le conflit sont lus à haute voix.
En écho au 9 novembre 1989, des pacifistes se regroupent place de la République avec pour mots d’ordre : « Pour la liberté et la démocratie populaire – pour la paix intérieure et internationale – pour un avenir digne d'être vécu pour tous, par la mise en œuvre concrète des accords de Potsdam, parties II et III, conformément à l'article 139 de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne (RFA), en procédant à la dénazification et à la démilitarisation de l'État-nation allemand au regard du droit international, ce qui n'a pas encore eu lieu, afin de conclure les traités de paix manquants avec plus de 54 nations belligérantes – dont 192 membres de l'ONU – pour la fin définitive de la Seconde Guerre mondiale, qui se poursuit encore aujourd'hui par le recours à des stratagèmes perfides et malveillants (article 24 de la Convention de La Haye) ! Par ailleurs, le débat public sur le statut juridique de l'État-nation allemand, de la RFA et de la RDA au regard du droit international se poursuit depuis 1990. » Un discours pacifiste ambigu qui ne manquera de satisfaire Moscou.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2025
9 novembre : l'incontournable pèlerinage à Colombey-les-Deux-Églises
Le jour anniversaire de la mort du général De Gaulle est chaque année une journée importante de la scène politique nationale
La France est une république laïque mais cela n’interdit pas les pèlerinages et le culte des saints. Parmi les cérémoniaux les plus incontournables, en particulier en période préélectorale, celui de se rendre à Colombey-les-Deux-Églises en Haute-Marne où est enterré Charles De Gaulle. Ce petit village de la Haute-Marne est si médiatisé qu’il reçoit chaque année quelque 150 000 touristes. Le jour anniversaire de la mort du général De Gaulle, le 9 novembre 1970, est une de ces journées importantes de la scène politique nationale et de l’année gaullienne. L’an dernier, le président Macron y avait marqué la fin des célébrations de l’année De Gaulle, organisée pour le 130e anniversaire de sa naissance, les 80 ans de l’appel du 18 juin et le cinquantenaire de sa mort.
Cette année pas d’anniversaire particulier, mais une présidentielle en vue. Ce qui rend obligatoire la visite à la figure tutélaire, célébrée de l’extrême droite à la gauche, chacun revendiquant une partie de son héritage. Sont notamment attendus le Premier ministre, Jean Castex, Anne Hidalgo, Arnaud Montebourg et les cinq candidats au congrès des Républicains, ainsi que Christian Jacob, le président de LR. Depuis 2012, le RN envoie un représentant. Nicolas Dupont-Aignan sera présent aussi, ainsi que Florian Philippot, sauf si son refus de montrer un pass sanitaire lui fait renoncer. Le pétainiste Éric Zemmour aura, lui, la décence de s’abstenir de venir. On notera que le 9 novembre (anniversaire de la Nuit de cristal) est aussi à l’échelle mondiale, la Journée internationale contre le fascisme et l'antisémitisme.
Depuis la mort du général-président, Colombey-les-Deux-Églises, le village de 700 habitants où De Gaulle a terminé sa vie, est devenu un lieu de commémoration, avec l’édification en 1972 d’une croix de Lorraine, haute de 43,50 mètres, et l’inauguration, en 2008 par Jacques Chirac, d’un mémorial de 1 600 mètres carrés. La maison du grand homme, La Boisserie, achetée en 1934 comme résidence secondaire, est aujourd’hui un autre lieu de mémoire.
À 9 h 30, débute le traditionnel accueil républicain au sein de la Mairie de Colombey-les-Deux-Églises. À 11 h 10, un accueil républicain est prévu à la Croix de Lorraine, à la suite de cela une cérémonie se déroulera aux abords du monument.
Certains politiques, comme Anne Hidalgo, profiteront du voyage pour faire une visite au Mémorial de Verdun, à deux jours des célébrations du 11 novembre, à ainsi qu’à la nécropole nationale de Douaumont.
En ce 9 novembre, Marine Le Pen candidate à la Présidentielle 2022 a choisi de faire une visite à Bayeux (Calvados), ville d’un discours fameux du général De Gaulle en 1944. Elle déposera ensuite une gerbe de fleurs devant la Croix de Lorraine à Courseulles-sur-Mer.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 novembre 2021
Mise à jour 9 novembre 2024 : Cette année, pas d’élections en vue. La seule personnalité à avoir fait le voyage pour son adoubement dans ce lieu symbolique est, bien sûr, Michel Barnier, le nouveau premier ministre.
Dans l’opposition, le mythe est aujourd’hui cultivé par Jordan Bardella, qui a choisi précisément ce 9 novembre pour faire paraître son livre promotionnel, Ce que je cherche (Fayard). On n’a pas dû lui dire que les origines du parti qu’il préside sont justement l’antigaullisme.