L’Almanach international
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13 octobre : la journée de Colomb ou celle des peuples autochtones ?
Aux États-Unis, cette journée de célébration de Christophe Colomb, qui fâche les Amérindiens, était à l’origine destinée à valoriser l’héritage italo-américain et non à célébrer la colonisation d’un continent. Aujourd’hui, Donald Trump occultant les autochtones, se contente de fêter un « géant de la civilisation occidentale ».
Dans la seconde moitié du XXe siècle, les Amérindiens vivant aux États-Unis se sont insurgés contre le Jour de Colomb (Columbus Day), déclarant que la « découverte de l’Amérique » par un Européen, était pour eux un jour de deuil. Pourtant, à l’origine, ce jour férié n’était pas destiné à célébrer la colonisation d’un continent mais à valoriser l’héritage italo-américain, ainsi que la présence catholique dans un pays dominé par les protestants. Sans être une fête reconnue, le Columbus Day était fêté dès le XIXe par les migrants italiens confrontés à la discrimination et des vagues de violences anti-italiennes. Pour atténuer les tensions, le gouvernement américain a institué en 1892 " le jour de la découverte " à l'occasion du 400e anniversaire de l'arrivée des navires espagnols dans les Caraïbes. Mais c’est le président Franklin D. Roosevelt, en 1934, qui en fait officiellement un jour férié national placé le 12 octobre (comme en Espagne). Cette décision est due notamment au lobbying des Italiens mais aussi des Chevaliers de Colomb (Knights of Columbus), un mouvement catholique de bienfaisance. En Italie une Giornata nazionale di Cristoforo Colombo est célébrée chaque 12 octobre depuis 2004. Au États-Unis, en 1971, on est passé du 12 octobre au deuxième lundi d’octobre, qui cette année tombe le 13, sous forme d’un un jour férié fédéral.
Le Jour de Colomb est un jour férié fédéral, ce qui signifie que les fonctionnaires fédéraux bénéficient normalement d'un jour de congé payé. Cette année, de nombreux bureaux fédéraux sont déjà fermés en raison de la paralysie continue du gouvernement à cause de l’incurie de la gestion du président Trump.
Ce jour férié tombe le deuxième lundi d'octobre dans tous ces États, à l'exception de l'État de Washington (où il est resté le 12 octobre) et de Porto Rico (le 19 novembre). Mais seuls 20 États et deux territoires font de la fête de Christophe Colomb un jour férié payé pour les fonctionnaires. Dans les autres, ils ne sont pas payés.
En raison de la controverse liée à la célébration de la « découverte » de l’Amérique, plusieurs États célèbrent le même jour une Journée des peuples autochtones (Indigenous Peoples' Day ou Native American Day) C’est le cas de l’Alabama (l’American Indian Heritage Day, co-célébré avec Columbus Day et un Fraternal Day) ; Hawaï (dès 1988) ; le Maine ; le Minnesota ; le Nebraska (co-célébré avec le Columbus Day) ; le Nouveau Mexique, Porto Rico (avec le Jour de la découverte de l'Amérique) ; le Rhode Island (co-célébré avec le Columbus Day) ; le Dakota du Sud (appelé Journée des Amérindiens et fêté le 19 novembre) ; le Vermont et Washington DC. En Californie, les deux journées (Columbus et Native) sont célébrées mais cela dépend chaque année de la décision du gouverneur… Au total, 17 États et le District de Columbia célèbrent des jours fériés en hommage aux Amérindiens le deuxième lundi d'octobre. Dans six États seulement, la journée est payée. Enfin certains États célèbrent les Amérindiens à une autre date, généralement en septembre. C’est le cas de l’Oklahoma célèbre également une Journée des Indiens, célébrée le premier samedi suivant la pleine lune de septembre.
En 2021, le président Joe Biden avait décidé de célébrer simultanément les deux journées, une première dans l'histoire des États-Unis. On pouvait s’en douter, Donald Trump n’a pas repris cet usage. Il se contente aujourd’hui de célébrer Christophe Colomb, un « géant de la civilisation occidentale » selon sa déclaration du 10 octobre 2025.
Le Delaware et le Vermont ont complètement abandonné le Columbus Day et accordent aux fonctionnaires un jour férié flottant (ils peuvent donc prendre congé le jour de leur choix). Dans le Tennessee le Columbus Day est le plus souvent déplacé au vendredi suivant Thanksgiving, ce qui permet un week-end de quatre jours. Enfin, certains États, comme le Mississippi ou la Caroline du Sud, ne fête plus rien le deuxième lundi d’octobre.
Cette fête est l’occasion de parades dans les rues de plusieurs américaines. À New York, la Columbus Day Parade a lieu depuis 1915 le long de la célèbre 5e avenue à la hauteur de la 44e rue, jusqu’au niveau de la 86e rue, de 11h30 à 15h. Environ 35 000 personnes participent à la parade : il y a des groupes, des chars, des navires et des marines. Chaque année, la parade attire environ un million de personnes. À Washington, une cérémonie officielle est organisée au mémorial de Christophe Colomb, devant la gare de l’Union.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 octobre 2025
Défilé du Columbus Day à New York en 2009 (photo Jazz Guy)
Célébration du Native American Day à Berkeley, Californie
12 octobre : la fête de l'Espagne et du monde hispanique
Christophe Colomb ayant « découvert », sans le savoir, l’Amérique un 12 octobre, cette date a été choisie pour célébrer l’Hispanité. C’est un jour férié en Espagne, mais c’est aussi une célébration contestée par les descendants des populations autochtones qui, eux, célèbrent cette année 530 ans de résistance.
« L’orgueil d’être Espagnol » affirme un slogan, « Il n’y a rien à célébrer » répond un autre, les deux affiches, l’une espagnole, l’autre latino-américaine, font figurer la silhouette d’une caravelle, celle de Christophe Colomb « découvrant », sans le savoir, l’Amérique le 12 octobre 1492. Cette date a été choisie pour célébrer l’Hispanité, dès 1914 en Espagne (Día de la Fiesta Nacional de España y Día de la Hispanidad), en 1917 en Argentine, puis dans tous les pays de langue espagnole. En 1958, le régime de Franco en fait une célébration officielle : le Dia de la Raza (race). En 1987, le 12 octobre devient la fête nationale de l’Espagne, pays dont l’identité est indissociable de son rapport au monde hispanophone. Parlée dans de très nombreux États, la langue espagnole est la deuxième langue la plus influente au monde. Ainsi, cette fête est à la fois celle de l’Espagne et celle de sa culture exportée par-delà les mers. Au cours du XXe siècle, 12 octobre est même devenu un jour férié dans toute l’Amérique de langue espagnole. Un renversement de perspective a commencé à s’opérer en 1992, l’année du 5e centenaire de la découverte. La découverte de quoi ? et pour qui ? s’est interrogée une partie de la population du sous-continent qui commence, cinq siècles après le traumatisme de la conquête, à réémerger. Au Mexique, la date est marquée par des manifestations contradictoires qui se sont souvent terminées par des violences. En Argentine, le Dia de la Raza est devenu, prudemment, celui de « la diversité culturelle ». Au Venézuela, comme au Guatemala, c’est depuis 2002, celui de la « résistance indigène »…
Ce Jour de l’hispanité (Dia de la hispanidad) est donc férié en Espagne mais, du fait de l’ambiguïté de la date choisie, la gauche espagnole aurait préféré comme fête nationale de l’Espagne le 6 décembre, en référence à ce jour de 1978 où fut adoptée la constitution qui a mis définitivement fin à la dictature du général Franco.
En dépit des critiques, la date du 12 octobre est, depuis 1987, la fête nationale de l’Espagne sous l’appellation de Fiesta de España y la Hispanidad. Chaque année une région est invitée à Madrid (cette année, les villes autonomes de Ceuta et Melilla) ainsi qu’un pays marqué par la culture hispanique est invité, en 2022, c’est le Mexique. Bien que cela ait peu à voir avec la célébration, un défilé militaire est organisé ce jour-là, auquel participent le roi, les pouvoirs de l'État et de nombreux chefs régionaux, bien qu'il y ait aussi des absences notables parmi ces derniers.
Depuis 1980, le Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan) célèbre chaque année une Journée de solidarité avec des représentants autochtones des trois Amériques. Un hommage sera fait aux victimes de 530 ans de résistance dans les Amériques. À Paris, cette année 2022, elle sera célébrée le 16 octobre à 15h, salle Jean Dame, 17 Rue Léopold Bellan, Paris 2e. Elle se déroulera dans le cadre des célébrations des 15 ans de l’adoption de la Déclaration des droits des peuples autochtones par les Nations Unies et de la Première année de la Décennie internationale des langues autochtones de l’UNESCO (2022 - 2032).
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 octobre 2022