20 décembre : le régime russe célèbre sa police politique

 

Imaginerait-on en Allemagne célébrer l’anniversaire de la Gestapo ? En Russie, on continue à fêter chaque 20 décembre celle de la Tchéka, la police politique, ancêtre du FSB (service secret russe), l’organisme qui a tenté récemment d’empoisonner Alexeï Navalny. Poutine ne manque jamais cette célébration annuelle à laquelle il participe pleinement, lui ancien membre du KGB.

La célébration du 20 décembre est sans doute la plus ancienne des fêtes officielles russes puisqu’elle remonte aux années 1920. Elle symbolise la parfaite continuité politique de la Russie soviétique à celle de Poutine. La Tchéka a été fondée le 20 décembre 1917 par Félix Dzerjinski pour combattre les opposants à la révolution. Très vite, ses effectifs deviennent considérables : de 600 en mars 1918, les tchékistes passent à 2 000 en juillet, puis à 40 000 à la fin de l'année. En 1920, un décret autorise la Tchéka à interner en camp de travail, « pour un délai n'excédant pas cinq ans », des individus apparaissant comme « innocents aux termes de l'instruction », mais qui sont perçus comme ennemis. Autrement dit, sa mission est de neutraliser les opposant au régime. C’est exactement ce que vient de faire le FSB en tentant d’empoisonner Alexeï Navalny, le principal opposant à Vladimir Poutine sur la scène politique russe. Celui-ci a été sauvé par la médecine allemande qui a détecté un poison dont seuls les services russes font usage.

La Tchéka a été rebaptisée en Guépéou, puis en NKVD puis en KGB, là où justement Poutine a fait toute sa carrière avant de prendre le pouvoir. Au moment de la chute du communisme, les foules en colère ont procédé au déboulonnent la statue de Dzerjinski, d’abord à Varsovie en 1989, puis à Moscou en 1991 : celle qui trônait devant la Loubianka, le siège de la police politique de 1920 à nos jours. Le KGB a été partiellement démantelé mais c’est sans doute l'institution la mieux préservée depuis la chute de l'URSS. Son successeur, le FSB, a le vent en poupe dans la nouvelle Russie. Ses membres revendiquent toujours l’appellation de tchékiste. Chaque 20 décembre en Russie, on célèbre une institution qui a assassiné plusieurs millions de personnes, y compris ses propres cadres , qui a inventé le Goulag, réduit en esclavage et déporté des millions de citoyens soviétiques parfaitement innocents mais qui étaient d'origine ou d'origine ethnique suspecte.

La Russie a largement bouleversé le calendrier de ses célébrations officielles, la Révolution d’octobre n’est plus commémorée mais la fête soviétique de la Tckéka, rebaptisée Journée des membres des services de sécurité, est toujours marquée avec ferveur et ses propres membres restent attachés à l’appellation d’origine. En référence à cet anniversaire, les tchékistes étaient autrefois payés le vingt de chaque mois (date choisie pour commémorer la naissance de la Tcheka dans le calendrier grégorien). On estime nombre de citoyens soviétiques tués par la Tcheka à environ 20 millions. Chaque année, on évoque la remise en place de la statue de Dzerjinski, auquel les services vouent un culte, sur la place de la Loubianka. Pour l’occasion le site de la Loubianka vend des objets souvenir : www.lubanka.ru 

Pratiquement chaque famille peut nommer au moins un membre victime de Felix Dzerjinski ou de l'un de ses successeurs. On s’en doute la célébration n’est pas populaire, mais le FSB n’a de compte à rendre ni au Parlement ni à l'opinion publique, il n’est responsable que devant le Kremlin. Alexeï Navalny sait que s’il revient en Russie, il risque à nouveau sa vie. Ainsi fonctionne la vie politique russe. Il y a cinq siècles, Ivan le terrible gouvernait déjà ainsi.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
Poutine et des agents du FSB

Poutine et des agents du FSB

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