2 avril : le Jour des Malouines ou comment commémorer une guerre provoquée puis perdue

 

L’Argentine célèbre aujourd’hui le Jour des Malouines (Día de las Malvinas). Il y a 40 ans, jour pour jour, le gouvernement argentin lançait une offensive militaire en vue de prendre possession d’un archipel que l’Argentine considère comme lui appartement. C’était le 2 avril 1982, jour du débarquement sur le territoire britannique des Falklands (Malvinas pour les Argentins). On le sait, cette guerre s’est terminée par un désastre pour l’armée argentine, 649 morts, 1 068 blessés et 11 313 prisonniers. Officiellement, c’est à eux que la journée est dédiée mais, dans un coin de leur tête, les Argentins continuent de penser que ces îles devraient être argentines.

En vérité, ces îles connues dès le début du XVIe siècle n’ont été que très tardivement habitées. Au début du XVIIIe siècle, elles étaient fréquentées par des navigateurs de Saint-Malo, d’où leur nom de Malouines, mais ils ne s’y sont pas établis. La France a revendiqué l’archipel, mais faute de présence française a fini par le céder à l’Espagne pour éviter qu’il ne tombe dans les mains des Anglais. L’Argentine indépendante ne s’y est pas précipitée. Elle a fini par y envoyer un bateau vers 1820, des habitants s’y installent en 1822 ou 1823. Cette année, 2022, l’Argentine célèbre officiellement les 200 ans de sa colonisation de l’archipel ! Mais, en 1833, les Anglais arrivent en force, expulsent les Argentins. Ils occupent l’archipel depuis lors. 

En 1982, l’Argentine était dirigée par une junte militaire qui espérait par une victoire éclair sur un territoire qui constitue une revendication argentine depuis toujours, détourner l'attention de l'opinion publique de la crise économique et des infractions constantes aux droits de l’homme. Le gouvernement argentin d’extrême droite est alors aux abois, son image internationale est désastreuse, seule une victoire militaire, pense-t-il, sur une nation européenne, lui redonnerait une légitimité, au moins nationale. L’idée est que le Royaume-Uni, se désintéresserait de ces terres lointaines, d’un intérêt limité depuis que l’Angleterre n’est plus maître sur les mers. Et que la communauté internationale ne réagirait que mollement et en ordre dispersé.

L’erreur d’appréciation des dirigeants argentins leur fut fatale. Margaret Thatcher étaient en campagne électorale, sa popularité avait baissé, elle ne pouvait pas se permettre d’apparaître faible face à une agression. Une victoire militaire facile la remettra en selle pour un moment. Cette guerre est d’abord apparue comme celle d’une dictature contre un pays démocratique. Les démocraties se sont toutes rangées derrière les Anglais. La France a apporté son aide militaire, les États-Unis leur soutien diplomatique, même la dictature chilienne a soutenu Londres. L’Espagne s’est abstenue de condamner l’Argentine, comme l’URSS et la Chine, mais sans lui apporter la moindre aide. Seuls quelques pays latino-américains, notamment Cuba et le Nicaragua (les mêmes qui aujourd’hui soutiennent Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine !), se rangent franchement du côté de Buenos Aires.

La posture de Margaret Thatcher est de refuser toute négociation, les Britanniques écrasent les Argentins. La déroute militaire va entraîner la chute de la junte, mais en décembre 1983 seulement. La célébration du 2 avril a été instaurée en mars 1983 par dernier dictateur argentin, le sinistre Reynaldo Bignone, sous le nom de Journée des îles Malouines, de la Géorgie du Sud et des îles Sandwich du Sud (Día de las Islas Malvinas, Georgias del Sur y Sandwich del Sur ). Cette date sera ensuite déplacée au 10 juin : Jour de l'Affirmation des Droits des Argentins sur les îles Malvinas et l’Antarctique. Finalement, en 2000, la date du 2 avril a à nouveau été réintroduite dans le calendrier officiel comme la Journée des vétérans et des combattants tombés pendant la guerre des Malouines (Día del Veterano y de los Caídos en la Guerra de Malvinas). Ce n’est plus qu’une commémoration des victimes d’un conflit engagé par la dictature, mais sans pour autant avoir éteint le sentiment irrédentiste des Argentins. 

L’’argument argentin s’appuie principalement sur la géographie. C’est sa faiblesse selon le droit international actuel. Car les Anglais peuvent attester d’un siècle et demi de présence dans l’archipel, les Argentins seulement une dizaine d’années. Le fait qu’il ait été pris par la force, il y a presque deux siècles ne constitue pas un argument, sauf à mettre à feu et à sang la planète entière si tous les territoires acquis au XIXe siècle dans les mêmes conditions devraient être contestés. En 1965, l’Argentine était toutefois parvenue à faire inscrite les Malouines comme territoire à décoloniser. Le Royaume-Uni a organisé un référendum en 2013 dont le résultat fut sans appel : 99,8% des Malouins ont demandé à rester britanniques.

Bien sûr, ce Jour des Malouines n’est pas observé dans l’archipel, localement on fête Libération Day le 14 juin, le jour qui marque la fin de la guerre en juin 1982. Les Britanniques ont aussi introduit un Falklands Day, le 14 août qui célèbre la première observation enregistrée (par un Anglais) des îles Falkland par John Davis en 1592. #guerredesmalouines

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er avril 2022

 

Le mémorial dédié aux soldats sacrifiés pour une cause perdue d’avance.

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