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2004, Roumanie, OTAN Bruno Teissier 2004, Roumanie, OTAN Bruno Teissier

3 avril : la Journée de l'OTAN en Roumanie, une célébration qui a pris un tour particulier

Chaque premier dimanche d’avril, la Roumanie célèbre son adhésion à l’Alliance atlantique et à l’OTAN. Suite au coup de tête d’un dictateur russe, l’organisation dénoncée comme moribonde a retrouvé sa jeunesse et renforcé sa présence au bord de la mer Noire.

 

Comme chaque premier dimanche d’avril, la Roumanie célèbre son adhésion à l’Alliance atlantique et à l’OTAN. Cette année, on s’en doute, la guerre de la Russie cotre l’Ukraine  donne à cette célébration une dimension particulière. Pour l’édition 2022 de cette fête, l’accent est mis sur les forces navales. La Journée de l'OTAN en Roumanie (Ziua NATO în România) est célébrée ce dimanche 3 avril par la marine roumaine à bord de navires militaires dans les ports militaires de Constanța, Mangalia, Brăila et Tulcea, ainsi que dans toutes les unités des forces navales roumaines. Ce choix symbolise le renforcement actuel de l’alliance occidentale sur le théâtre de la mer Noire, notamment avec l’appui de la France qui a renforcé, depuis l’agression russe, sa présence en Roumanie.

À 09h00, ce matin, le drapeau national de la Roumanie et celui de l'Alliance de l'Atlantique Nord sont hissés, tandis que l'hymne national de la Roumanie et celui de l'OTAN sont chantés. Les cérémonies militaires marquent le 18e anniversaire de l'adhésion de la Roumanie à l'OTAN et le 73e anniversaire de la fondation de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

C’est le 29 mars 2004, que la Roumanie a officiellement adhéré à l’OTAN par le dépôt des instruments de ratification au Département d’État des États-Unis, pays dépositaire du Traité de l’Atlantique du Nord. Cette procédure a été suivie, la 2 avril 2004, par la cérémonie de lever le drapeau roumain au siège de l’OTAN à Bruxelles. C’est ce lever de drapeau dont on fête l’anniversaire, à un jour près, aujourd’hui. C’est en 2005, que la Journée de l’OTAN en Roumanie a été fixée le premier dimanche du mois d’avril. 

Ce 3 avril est aussi l’anniversaire du plus grand sommet de l’OTAN jamais organisé. C’était en 2008, du 2 au 4 avril. C’était aussi le plus grand événement de politique étrangère organisée par la Roumanie : 26 pays membres, 23 pays partenaires, des dirigeants d’organisations internationales, 23 présidents, 22 premier ministres, 7 ministres des affaires étrangères… en tout plus de 6500 délégués ! La Roumanie est très fière de ce rôle de pays hôte qui lui avait été confié à l’époque. C’est lors de ce sommet de Bucarest que l’Ukraine et la Géorgie avaient, librement, formulé leur demande d’adhésion à l’OTAN. La France et l’Allemagne, soucieuses de ménager Moscou, s’y étaient opposées. La Géorgie allait le payer quelques mois plus tard par une agression militaire russe, à laquelle l’Europe n’a pas prêté attention. L’Ukraine ne perdait rien pour attendre. Les géopolitologues prisonniers du cadre mental de la guerre froide et imprégnés de propagande russe nous expliquent aujourd’hui que tout ce déploiement est responsable de la destruction de l’Ukraine et qu’il conviendrait, comme le dictateur Poutine l’a réclamé en janvier dernier, de procéder à un retrait de l’Alliance Nord-Atlantique de Roumanie et de Bulgarie. Or pour ces deux pays, qui ont choisi cette alliance en toute liberté, il est inconcevable de devenir à la situation d’avant 1997 (début de l’élargissement de l’OTAN), au risque de se retrouver très vite dans celle de 1947.

Si cette année, ce 3 avril a pris des accents militaires, la Journée officielle est d’abord une fête dédiée à la démocratie, à l'esprit européen et euro-atlantique. En matière de démocratie, la Roumanie a encore des efforts à faire, mais elle progresse. Pour ce qui est de son intégration à l’Europe, la Roumanie a toujours été animée d’un tropisme occidental, elle est mieux intégrée que la Hongrie ou la Pologne, toujours rétives à l’esprit communautaire. Quant à l’axe euro-atlantique, il y va de son indépendance. La petite Moldavie voisine, enlevée à la Roumanie en 1944, et toujours partiellement occupée par l’armée russe, n’a pas encore pu échapper à l’ombre de Moscou. Une situation qui ne quitte jamais l’esprit des Roumains, surtout un jour comme aujourd’hui.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 2 avril 2022

 

Le président roumain, Klaus Iohannis et le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg

Les forces navales roumaines mise à l’honneur de cette journée de célébration

Cérémonial pour la Journée de l'OTAN en Roumanie

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1999, Serbie, Kosovo, 24 mars Bruno Teissier 1999, Serbie, Kosovo, 24 mars Bruno Teissier

24 mars : la Serbie se souvient des bombardements de l'OTAN

L’OTAN avait bombardé la Serbie pendant plusieurs semaines en 1999 pour prévenir un nouveau génocide de la part des Serbes. Après les horreurs de Srebrenica, le même processus avait commencé au Kosovo. L’intervention, illégale au regard du droit, avait permis de stopper les massacres, mais au prix de centaines de victimes des bombardements.

 

La Serbie célèbre chaque 24 mars Journée à la mémoire des bombardements de l’OTAN (Дана сећања на жртве НАТО бомбардовања). Ce soir les sirènes d'alerte de défense antiaérienne vont retentir à 19H45 (18H45 GMT), l'heure des premières frappes du 24 mars 1999. Cette journée de commémoration officielle n’est pas fériée.

La campagne avait impliqué l’ensemble des membres de l’OTAN à l’exception de la Grèce. Elle a duré 11  semaines. L'Otan a visé des dizaines de cibles militaires, puis des infrastructures (ponts, intersections ferroviaires, réseau électrique). Mais les bombardements ont parfois manqué leur cible, en faisant des victimes civiles, dont le bilan ne fait pas consensus. Les chiffres vont de 500 morts, selon l'ONG Human Rights Watch (dont les deux tiers sont des Albanais réfugiés en Serbie), à 2 500 selon le chiffre officiel des autorités serbes.

Cette intervention de l’OTAN contre la Serbie est citée régulièrement en exemple par les extrêmes droites et extrêmes gauches européennes qui soutiennent l’insoutenable : la destruction de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Pourtant les contextes sont très différents. Les forces serbes étaient en guerre contre les mouvements indépendantistes kosovars. La province autonome du Kosovo (peuplée à plus de 80% d’Albanais), à laquelle Belgrade a  supprimé toute autonomie, était en lutte contre la tutelle serbe. Ce conflit avait déjà fait 13 000 morts pour l’essentiel des Albanais tués par les forces serbes. Le massacre qui a déclenché l’intervention de l’OTAN est le massacre de Račak, un massacre délibéré de 45 civils par la police serbe, le 15 janvier 1999.

Les opinions publiques occidentales avaient découvert l’ampleur des massacres opérés par l’armée serbe en Bosnie. Le plus terrible fut le massacre de Srebrenica ou plus de 8 000 hommes et adolescents bosniaques ont été méthodiquement sélectionnés et exécuté un à un par les Serbes quasiment sous les yeux des casques bleus de l’ONU. Ces derniers incapables d’intervenir, ont refusé l’intervention de l’OTAN qui déjà à l’époque s’était proposée. Ce massacre, et ce ne fut pas le seul en Bosnie, a été qualifié de génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et la Cour internationale de justice à plusieurs reprises. C’est pour ne pas être les témoins impuissants de tels massacres que les opinions publiques européennes et américaines ont soutenu massivement cette intervention de l’OTAN pourtant illégale au regard du droit international puisque le Kosovo n’est pas membre de l’OTAN et ne pouvait donc pas bénéficier de l’article 5, ni non plus la Bosnie-Herzégovine.

Les bombardements sur la Serbie avaient finalement contraint Slobodan Milosevic, le leader serbe, à retirer ses troupes du Kosovo. Cette province (anciennement autonome) majoritairement peuplée d'Albanais, avait été mise sous l'administration de l'ONU, puis a proclamé en 2008 son indépendance que la Serbie refuse toujours de reconnaître.

Aucune comparaison peut être faite entre l’entreprise génocidaire serbe en Bosnie et au Kosovo et les affrontements armés entre forces ukrainiennes et forces russes au Donbass qui en huit ans de guerre ont causé la mort de quelque 3500 civils.

En Serbie, le 24 mars est marqué par des cérémonies du souvenir organisées dans les villes et villages de toute la Serbie. Une cérémonie de dépôt de la colère à laquelle assistent de hauts responsables du gouvernement a lieu à la Flamme éternelle à Belgrade qui a été érigée en souvenir des victimes militaires et civiles du bombardement.

Au Kosovo, on se félicite de ce sauvetage inespéré qui a permis au pays d’exister et à un peuple de ne pas être dispersé ou massacré.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Le mémorial du parc Tašmajdan à Belgrade

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