L’Almanach international

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1857, Grèce, Langues, 9 février Bruno Teissier 1857, Grèce, Langues, 9 février Bruno Teissier

9 février : la Journée mondiale de la langue grecque

Depuis 2017, la Grèce nous invite à célébrer sa langue. La date de cette Journée de la langue grecque a été choisie en mémoire du poète national Dionysios Solomos décédé le 9 février 1857, auteur de l’hymne national de la Grèce et grand défenseur de la langue grecque.

 

Depuis 2017, la Grèce nous invite à célébrer sa langue, imitant en cela de nombreux pays. La date du 9 février pour cette Journée mondiale de la langue grecque (Παγκόσμια Ημέρα Ελληνικής Γλώσσας) a été choisie en mémoire du poète national Dionysios Solomos décédé le 9 février 1857.

L’objectif de cette journée de l’hellénophonie est de souligner la contribution de la langue grecque au développement de la culture européenne et mondiale. La valeur de la langue grecque est inestimable. C'est une langue parlée sans interruption depuis 40 siècles et écrite avec le même alphabet depuis 28 siècles ! C'est la langue dans laquelle de grands philosophes, poètes et écrivains nous ont laissé leur œuvre. Homère, Platon, Thucydide, Eschyle, Aristophane, Hippocrate, Évangélistes, Pères de l'Église et tant d'autres. La langue grecque a façonné l'histoire de la civilisation humaine. C'est la langue riche de la littérature et la langue précise de la science.

Dionýsios Solomós est né en 1798 dans une famille crétoise réfugiée à Zante pour échapper à l’occupation ottomane. Zante est l’une des îles Ioniennes possession vénitienne. Imprégné de culture italienne, il avait commencé à écrire en italien, avant de se mettre au grec dont Solomós sera un ardant défenseur, en particulier dans sa version démotique. En 1823, c’est en grec qu’il écrit son Hymne à la Liberté, inspiré par les débuts de la guerre d’indépendance de la Grèce contre les Ottomans. 

L’Hymne à la Liberté (Ύμνος εις την Ελευθερίαν) est un poème de 158 strophes écrit il y a exactement deux siècles, la musique fut composée par Nikólaos Mántzaros en 1828. Les vingt-quatre premières strophes forment depuis 1865, l’hymne national de la Grèce (toutefois, seules les deux premières sont jouées et chantées lors de l'élévation du drapeau).

La promotion et le renforcement de la langue grecque, tant dans les écoles grecques que dans la communauté grecque au sens large, sont aujourd'hui plus que jamais un objectif de la plus haute priorité pour le gouvernement grec. On le sait, le grec est la langue officielle de la Grèce et de Chypre, ainsi que l'une des 23 langues officielles de l'Union européenne. Mais, c'est aussi une langue minoritaire officiellement reconnue en Albanie, Arménie, Italie, Hongrie, Roumanie, Turquie et Ukraine. Dans ce dernier pays, par exemple, Marioupol et sa région étaient habités par de très nombreux Hellénophones, aujourd’hui dispersés ou massacrés par les Russes.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 février 2023

 

Dionýsios Solomós : « Μήγαρις πὼς ἔχω ἄλλο τὶ στὸ νοῦ μου πάρεξ ελευθερία καὶ γλώσσα » (Mais puisque j'ai autre chose en tête, donnez-moi la liberté et le langage ?)

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1937, URSS, Ukraine, Russie, massacre, 15 décembre, Grèce, déportations Bruno Teissier 1937, URSS, Ukraine, Russie, massacre, 15 décembre, Grèce, déportations Bruno Teissier

15 décembre : la diaspora grecque commémore la purge dont elle a été victime en URSS

Le 11 décembre 1937, le gouvernement soviétique ordonnait une vaste purge parmi la communauté grecque. Ce fut l’une des plus sanglante de l’époque de la Grande Terreur en URSS : plus de 90% des personnes arrêtées ont été exécutées. D’autres ensuite ont été déportés en masse.

 

Le 15 décembre 1937, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures de l’URSS, Nikolai Yezhov a signé le décret n ° 50215 déclenchant une vague d’arrestation visant la communauté grecque. À l’époque plus de 300 000 Grecs vivaient en URSS. C’est la mémoire de cette purge sanglante qui est commémorée dans la diaspora grecque plus qu’en Grèce elle-même : Ελληνική Επιχείρηση του NKVD 15 Δεκεμβρίου.

Le 20 juillet 1937, une première purge opérée par le NKVD avait visé les Allemands vivant en URSS, puis ce fut les Polonais, le 9 août, puis les Japonais, les Coréens, les Estoniens et Finlandais, les Iraniens et bien d’autres… Mais la plus sanglante de toutes fut sans doute l’ « Opération hellénique », selon le jargon stalinien de la période de la Grande Terreur : plus de 90% des quelque 22 000 Grecs emprisonnés du 15 décembre 1937 à mars 1938 ont été exécutés. Les élites ont été particulièrement visées, on a décapité les théâtres, les écoles de langues grecques… même des communistes grecs réfugiés en URSS pour fuir la dictature de Metaxas. Parmi les victimes de cette première série d’exécutions, figure Konstantin Chelpan, l’ingénieur qui a conçu le moteur du char soviétique T-34 et qui a reçu pour cela le prix Lénine. Ce char d’assaut a été un élément décisif de la victoire soviétique sur les Allemands lors de l’opération Barbarossa. Mais Chelpan n’a pas vécu cette victoire de l’URSS puisqu’il a été exécuté le 4 février 1938, après avoir dû avouer sous la torture qu’il dirigeait une organisation contre-révolutionnaire nationaliste grecque, complotant pour saboter une usine de Karkhiv.

Les persécutions de la communauté grecques ont particulièrement touché Azov, Odessa, la Crimée, Kharkiv, Kyiv, Donetsk et Krasnodar où vivait une grande partie de la communauté grecque soviétique, mais aussi Donetsk et Marioupol, des villes en grande partie grecques. Les campagnes ont été également très touchées par la “dékoulatisation” visant les Grecs, dans le village ukrainien de Stila, par exemple, au printemps 1938, pas un seul homme âgé de 18 à 60 ans n'avait été laissé en vie. Les purges ont duré 13 ans et contrairement à ce qu’ont vécu d’autres peuples comme les Tatars de Crimée, il n’y a eu aucune réhabilitation ultérieure prononcée par les autorités soviétiques. Les vagues d’arrestations suivantes ont surtout conduit à des déportations massives au goulag, principalement dans la Kolyma, dans l’extrême orient sibérien ou dans les steppes du Kazakhstan. Un grand nombre de ces détenus sont morts de maladie, d’autres se sont suicidés. Les morts massives ont commencé à l’automne 1938 avec les grands froids. Une libération à grande échelle eut lieu pendant l’hiver 1947-1948, mais, seule une petite moitié des prisonniers sont rentrés des camps. De 1937 à 1949, Staline a exterminé 38 000 Grecs.

Récemment, en Ukraine on a construit des monuments à leur mémoire et on discutait de faire du 15 décembre un jour de mémoire. Ce jour-là, des Grecs du monde entier ont une pensée pour les victimes, bien oubliée, de l'opération grecque du NKVD. La date est importante pour de nombreux Grecs, en particulier ceux dont les proches ont été tués pendant la purge. Ce n’est pas un jour commémoratif officiel en Grèce où cet épisode de l’histoire a été longtemps occulté. La Grèce aurait pu sauver beaucoup d’entre eux. Une fois passée la purge sanglante du 15 décembre, Staline proposait de laisser partir la communauté grecque d’URSS, mais Metaxas, le dictateur grec d’extrême droite, ne souhaitait pas le rapatriement de communistes grecs. Après des négociations acharnées, 10 000 visas furent tout de même délivrés par Athènes sur 40 000 demandes déposées, principalement accordés à des femmes et à des enfants de Grecs arrêtés. Une partie des malchanceux sont morts en Sibérie.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 14 décembre 2022

 

Des familles réunies pour inaugurer un premier mémorial en Sibérie peu après la chute de l’URSS

Un mémorial à Krasnodar avec la liste des victimes

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