L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
7 octobre : une double défaite de la civilisation
Dans un monde civilisé, les auteurs du massacre du 7-Octobre auraient dû être poursuivis, traduit devant des tribunaux et punis. Hélas, on a laissé la victime se venger de son agresseur, comme au temps anciens précédant la mise en place d’institutions judiciaires. Ainsi, la vendetta a remplacé la justice et le massacre se double aujourd’hui d’un génocide.
Date douloureuse pour Israël. Ce jour-là, plusieurs commandos du Hamas palestinien franchissaient le mur séparant le pays de la bande de Gaza pour attaquer une base militaire, mais aussi plusieurs kibboutz et même un festival de musique en train de se dérouler. Cet acte de guerre se transforme en massacre, les deux tiers des quelque 1200 morts sont des civils de tous âges, y compris des enfants (vingt victimes ont moins de 15 ans), 251 civils et soldats pris en otages (deux ans après une quarantaine d’entre eux, morts ou vivants, sont toujours aux mains du Hamas). Ce raid terroriste a engendré une série de crimes de guerre.
Dans un monde civilisé, les auteurs auraient dû être poursuivis, traduits devant des tribunaux et punis. L’ONU aurait dû envoyer des casques bleus pour séparer les belligérants qui n’en sont pas à leur premier affrontement, comme on l’a fait entre Grecs et Turcs à Chypre, par exemple. Un tribunal international, comme pour le conflit yougoslave, aurait pu être institué pour juger les crimes contre l’humanité… De cela, il n’en a rien été, ni même envisagé. Les États-Unis, la grande puissance protectrice d’Israël, bloquant depuis des décennies toute procédure visant à faire respecter le droit international, l’antique loi du talion s’impose, hélas, sur cette partie de la planète.
On a laissé la victime se venger de son agresseur, comme au temps anciens précédant la mise en place d’institutions judiciaires. Ainsi, la vendetta a remplacé la justice. Le « droit d’Israël de se défendre », répété ad nauseam, s’est transformé en un « droit d’Israël de se venger ». La puissance de feu d’Israël étant infiniment plus importante, le nombre de victimes civiles à déplorer se compte au centuple. Lors de la dernière guerre de Gaza (2008), on avait décompté 13 morts côté israélien (10 soldats et 3 civils) contre 1330 (dont 895 civils tués) Palestiniens, soit un rapport de un à cent. Cette fois, pour venger les 1200 victimes israéliennes, en faudra-t-il 120 000 morts côté palestinien ? À ce jour, pour le deuxième anniversaire du déclenchement des hostilités, on en est déjà à 65 000 (dont plus de 80% de civils, un ratio que l’on ne retrouve dans aucun autre conflit, même en Ukraine où les civils sont aujourd’hui la cible principale de Poutine). Quand Netanyahou annonce qu’il va « finir le travail » traité de paix ou pas, à quoi pense-t-il ? La famine volontairement organisée et la destruction systématique de tous les hôpitaux sont autant de bombes à retardement qui vont malheureusement grandement alourdir le nombre des victimes de ce génocide.
Dans un monde civilisé, quand on juge un criminel, même l’auteur d’un crime particulièrement horrible, comme ce fut le cas le 7 octobre 2023, on s’interroge sur la raison du crime, on explore le vécu du criminel. Non pour excuser son crime, mais pour comprendre. S’agissant des crimes du 7-Octobre, rien de tout cela a été envisagé. Comment en arrive-t-on à tuer des enfants ? La question n’a pas été posé en Israël. « Le Hamas est un monstre, il faut l’éliminer ! » Comme les Palestiniens, même les enfants, sont tous complices, ils ont tous vocation à subir le même sort, ainsi s’exprime la propagande du gouvernement israélien et de la presse qui lui est assujettie. Celle-ci a largement infusé dans la population.
Qui a armé le Hamas ? Qui a organisé son financement pendant des années, afin de mettre en difficulté le Fatah ? Comment se fait-il que le gouvernement qui était pourtant averti n’a pas réagi pour prévenir le raid du 7-Octobre ? Et surtout, comment se fait-il que la moitié de la population vivant sur le territoire de la Palestine histoire n’ait quasiment aucun droit alors que l’autre moitié affirme vivre en démocratie (ce qui aujourd’hui reste à discuter) ? Il faudra répondre à toutes ces questions, les réponses risquent d’être douloureuses.
Un peu partout dans le monde des cérémonies dédiées aux victimes de l’attaque du 7 octobre sont organisées. À Paris, ce mardi matin on rendra hommage aux 51 victimes françaises du raid terroriste, au Quai d’Orsay. Les enfants franco-palestiniens morts sous les bombes à Gaza seront-ils associés à cet hommage ?
Jean-Noël Barrot, s’il est encore ministre, accueillera jeudi à Paris des homologues de pays européens et arabes pour une réunion destinée à « concrétiser » le plan de paix pour Gaza. S’il y a un espoir de paix et de justice, il ne faut pas le laisser passer.
Bruno Teissier
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 octobre 2025
7 octobre : Notre-Dame du Rosaire contre les Turcs
L’Église catholique célèbre aujourd’hui la fête de Notre-Dame du Rosaire, instituée par le pape Pie V suite à la victoire de Lépante contre les Turcs, le 7 octobre 1571. Cette année, premier anniversaire du 7-Octobre en Israël, une pensée pour les victimes du Hamas s'impose. Mais face à l'amoncellement des victimes de toutes parts, le Pape a fait de ce jour une journée de la paix.
L’Église catholique célèbre aujourd’hui la fête de Notre-Dame du Rosaire. Elle le fait de façon plus solennelle encore à Lourdes où les dominicains organisent chaque année, le grand pèlerinage du Rosaire dans la basilique du même nom qui débute dès le 6 octobre au soir et dure trois jours.
Cette fête fut instituée par le pape Pie V suite à la victoire de Lépante, dans le golfe de Patras (Grèce), le 7 octobre 1571. La Sainte-Ligue coalisée par le Pape écrasait la flotte du sultan d’Istanbul et mettait fin aux ambitions ottomanes en Méditerranée occidentale. Cette victoire fut considérée comme un miracle obtenu par la prière du Rosaire à laquelle toute la chrétienté avait participé à la demande du pape dominicain (la dévotion au rosaire ayant été initiée par l’ordre de Saint-Dominique). Depuis lors, l’Église continue d’honorer, chaque 7 octobre, la vierge du Rosaire qu’elle invoque aujourd’hui sous les vocables de « Notre-Dame de la Victoire » (de Lépante) ou de « Secours des chrétiens ». Il s’agit de remercier Dieu, par l’intercession de la Vierge, d’avoir sauvé l’Europe de l’invasion turque.
Longtemps, cette fête était fixée au premier dimanche d’octobre. C’est le pape Pie X, en 1913, qui l’a finalement placée le 7 octobre. Plusieurs basiliques portent le nom de Notre-Dame du Rosaire, notamment à Lourdes, Fatima… mais aussi de nombreuses églises de par le monde. La dernière construite est celle de Doha, au Qatar, inaugurée en 2008 et pouvant accueillir 1200 fidèles. À Bruxelles, Montréal, Tunis, Détroit… Dans, celle de Paris, dans le 14e arrond., une messe a été dite, avec un jour d’avance, ce dimanche 6 octobre, suivie d’une veillée pour l’occasion.
Il est à noter que la Sainte-Ligue anti-ottomane qui a écrasé la flotte d’Ali Pacha, comprenait l’Espagne des Habsbourg, République de Venise et bien sûr, les États du Pape. Le royaume de France, en revanche, était depuis 1536, l’allié des Turcs. La géopolitique et la realpolitik s’imposaient déjà face aux solidarités religieuses. Toutefois, une seconde victoire contre les Ottomans, en 1716 à Petrovaradin (Serbie) verra la fête étendue à l’ensemble de l’Église catholique de rite latin, y compris en France.
En 2024, la coïncidence des dates amène évidemment l’Église catholique à avoir une pensée pour les victimes juives des massacres du 7 octobre dernier perpétrés par le Hamas. Ce n’est pas un hasard si le Pape François a choisi la date du 7 octobre 2024 pour instituer une journée de jeûne et de prière pour la paix mondiale car dans les mois qui ont suivi, des dizaines de milliers de Palestiniens et, depuis peu des Libanais, ont été à leur tour massacrés. Sans oublier les autres guerres, au Soudan, en Ukraine, en Birmanie…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 octobre 2024