L’Almanach international

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1948, Birmanie, indépendance, 3 janvier Bruno Teissier 1948, Birmanie, indépendance, 3 janvier Bruno Teissier

4 janvier : la Birmanie célèbre le 75e anniversaire de son indépendance

Le Jour de l’indépendance (obtenue le 4 janvier 1948) est célébré cette année dans une ambiance hautement sécuritaire. La Birmanie est dirigée depuis près de deux ans par une junte qui a étouffé toute tentative de démocratisation. Aung San Suu Kyi, la propre fille du père l’indépendance, égérie des démocrates, a été condamnée à 33 ans de prison. Triste anniversaire de l’Union birmane, rebaptisée Myanmar par les militaires.

 

Le Jour de l’indépendance (လွတ်လပ်ရေးနေ့) est célébré chaque année par un jour férié depuis que le 4 janvier 1948, l’Union de Birmanie devenait un État indépendant après six décennies d’occupation du pays par les Britanniques, excepté de 1942 à 1945, époque où ils ont été remplacés par les Japonais. C’est, d’ailleurs, cette époque d’occupation japonaise qui a permis aux indépendantistes birmans de s’affirmer et de s’organiser. Leur leader, Aung San nationaliste, révolutionnaire et fondateur de l'Armée de l'Indépendance de la Birmanie, a entamé des négociations avec les Britanniques. En 1947, il est devenu vice-président du Conseil exécutif de Birmanie mais il ne verra pas l’indépendance du pays car il a été assassiné le 19 juillet 1947. Aung San reste dans les mémoires comme le père de l’indépendance, mais les autorités actuelles se gardent bien de le mettre en avant. Au contraire, le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing rend hommage, ce 4 janvier, au premier dictateur post-indépendance, le général Ne Win et à ses successeurs, le général Sein Lwin et le général en chef Saw Maung. Cette année, il remet à Daw Khin Sandar Win, la fille de Ne Win, les décorations de son père. Ne Win avait pris le pouvoir lors du coup d'État du 2 mars 1962 et provoqué la descente du pays dans la liste des pays les moins avancés du monde, rebaptisé Myanmar par la junte.

Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la Birmanie est dirigée par une junte qui s’est acharnée contre celle qui lui apparaissait comme la principale opposante à la dictature militaire :  Aung San Suu Kyi, la propre fille de de Aung San. Celle-ci, âgée de 77 ans, croupit actuellement dans une prison de Naypyidaw, le plus souvent à l'isolement. Accusée de multiples crimes imaginaires, elle cumulait plus de 26 ans de condamnation. La semaine dernière, 7 années supplémentaires viennent de lui être rajoutées dans le cadre d’un procès à hui clos totalement inique.

La commémoration du 4 janvier se déroule cette année dans une ambiance hautement sécuritaire, la junte militaire craignant des manifestations de militants pro démocratie. En 2022, des installations militaires de Rangoon, la principale métropole et Naypyidaw, la capitale, avaient été visées par les opposants. Les cérémonies se tiennent cette année pour l’essentiel dans le Palais présidentiel, il s’agit notamment de remises de médaille aux collaborateurs les plus fidèle du régime. En 2022, Min Aung Hlaing avait remis 1 290 titres et médailles le jour de l'indépendance.

Traditionnellement, les grandes villes sont pavoisées aux couleurs nationales (au moins dans la partie birmane du pays), la journée est marquée par des festivités, des foires et des événements sportifs , notamment des jeux et compétitions dans toutes les écoles du pays.

Le 4 janvier 1948, c’est un pays totalement ravagé par la Seconde Guerre mondiale qui devenait indépendant, sans toutefois devenir membre du Commonwealth. Les Anglais qui n’imaginaient pas devoir quitter le pays, n’avaient préparé aucune transition. La Chine était en pleine guerre civile, à la fin de 1949, les communistes allaient s'emparer de Pékin et déclarer la République populaire. Les restes des nationalistes chinois vaincus se sont repliés dans les États Shan (au nord de la Birmanie), déclenchant une nouvelle série de conflits violents. Soutenus pendant des années par les Américains, ils espéraient attaquer le Yunnan communiste depuis la Birmanie. Plusieurs minorités ethniques, hostiles à la domination des Birmans (ou Barmen), ont profité du chaos pour entrer en rébellion le sont restées. Les hautes terres de Birmanie n'ont pas connu de véritable paix depuis. De violents affrontements ont encore eu lieu samedi dernier, en lisière de l’État Karen, dans le canton de Kyainseiggyi. L’armée birmane a perdu deux de ses bases, prises par l’Armée de libération nationale karen (KNLA). Mais quelque 3 000 habitants des villages de la région qui ont fui les combats vers la forêt, souffrent aujourd’hui de pénuries alimentaires. Plus d’un million de personnes ont ainsi été déplacées depuis le dernier coup d’État militaire… Ainsi vit la Birmanie indépendante depuis trois quarts de siècle.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Le visage officiel de la Birmanie : sur 75 ans d’indépendance, la Birmanie a vécu 57 ans sous dictature militaire.

Le Jour de l’Indépendance est l’occasion de jeux et de compétitions dans toutes les écoles du pays.

Le gouverneur britannique Hubert Rance et Sao Shwe Thaik, le premier président de l’union, lors de la cérémonie de lever du drapeau le 4 janvier 1948 à Stone Pillar. Celle-ci a été organisée à 4h20, heure considéré de bonne augure par les astrologues.

La banque centrale du Myanmar a émis des pièces d'or commémoratives pour marquer le 75e anniversaire du jour de l'indépendance

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1947, Birmanie, 12 février Bruno Teissier 1947, Birmanie, 12 février Bruno Teissier

12 février : l'Union birmane, une fiction célébrée par le régime birman

C’est le Jour de l’Union, un jour férié en Birmanie censé célébrer un État fédéral où chaque ethnie disposerait d’une autonomie reconnue par le régime. Ce projet n’a jamais vu le jour.

 

Ce jour férié en Birmanie est censé célébrer un État fédéral où chaque ethnie disposerait d’une autonomie reconnue par le régime. Ce projet n’a jamais vu le jour. Bien au contraire, l’armée qui dirige le pays quasiment depuis l’indépendance n’a eu de cesse de chercher à imposer le pouvoir du centre (le pays bumar ou birman) sur la périphérie où vivent une multitude de peuples, notamment les Shans, les plus nombreux (5 millions), les Karens (4 millions) Kachins, les Môns… tous en rébellion depuis l’indépendance du pays. Si bien que l’Union birmane (rebaptisée l’Union du Myanmar par la junte) vit depuis plus de 70 ans dans un état de guerre perpétuelle. Un bon argument des militaires pour se maintenir au pouvoir indéfiniment. Ces dernières années, les Shans, en 2011, les Karens en 2012, puis huit autres peuples en 2015, ont signé des cessez-le-feu, tout en conservant leurs armes et leurs positions. En 2017, il a bien fallu désigner un nouvel ennemi pour justifier le rôle de l’armée comme sauveur de la nation : ce furent les Ronhingya, massacrés sans scrupule… L’Union des peuples de Birmanie est une totale fiction.

La date du 12 février fait référence à la conférence de Panglong, réunie en 1947 par Aung San, le héros de l’indépendance (et père de l’actuelle égérie de l’opposition aux militaires, Aung San Suu Kyi). Il était parvenu à réunir et à faire signer un accord aux représentants des principaux peuples afin de mettre en place cette Union birmane. Mais, Aung San sera assassiné quelques mois plus tard, il ne connaîtra même pas l’indépendance du pays, le 4 janvier 1948. Ce jour férié lui rend aussi hommage, lui, le père de la principale opposante au régime militaire, emprisonnée à nouveau depuis le 1er février dernier. Le régime birman a eu des périodes plus ou moins répressives mais, le Jour de l’Union (Pyi Daung Su Naih) n’a jamais cessé d’être célébré. En 2017, Suu Kyi était à Panglong pour les commémorations du 70e anniversaire de l’accord de Pnaglong. Dans un discours prononcé sur le site du mémorial, Suu Kyi a invoqué l'héritage de son père pour appeler les 133 groupes ethniques officiellement reconnus à s'engager pour la paix. On notera que les Ronhinya, à qui on a retiré la nationalité birmane en 1982, n’en font pas partie. Le nationalisme ethnique de la Dame de Rangoon se rapproche de celui de Modi.

Au cours des deux semaines précédentes, un drapeau birman est allé symboliquement de ville en ville pour terminer son périple, le 12 février, à Naypyidaw, la nouvelle capitale où les militaires au pouvoir se sont retranchés. Cette année, après la covid et les violences politiques liées au coup de force des militaires, la célébration sera minimaliste.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
Cette cérémonie est censée célébrer l’union de tous les peuples de Birmanie. En réalité la majeure partie des minorités ethniques ont pris les armes contre le pouvoir central. L’Union birmane est une fiction.

Cette cérémonie est censée célébrer l’union de tous les peuples de Birmanie. En réalité la majeure partie des minorités ethniques ont pris les armes contre le pouvoir central. L’Union birmane est une fiction.

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