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13 mai : Madagascar célèbre le cinquantenaire sa seconde indépendance

Le 13 mai 1972, la Première République malgache était renversée par une révolte populaire réprimée dans le sang. Une date qui a marqué la culture politique de la Grande île, qui commençait à prendre ses distances avec la France, et imposé l’armée au pouvoir.

 

Le « Mai malgache » ou plus précisément la « Révolution du 13-Mai » ne fait pas l’objet d’un jour férié même si cette date a façonné la mémoire collective de la Grande île. Pour ce 50e anniversaire des évènements du 13 mai 1972, la commémoration ne se limite pas à celle qu’organisent chaque année les « soixante-douzards » (de l’association « Hetsika 13 mai 72 » ), les manifestants qui ont renversé le régime de Philibert Tsiranana. Cette année, l’Université d’Antananarivo, la Fondation Friedrich-Ebert et la Commune Urbaine d’Antananarivo organisent plusieurs journées de commémoration tout au long de ce mois de mai 2022, cependant l’épicentre sera la journée du 13 mai à l’esplanade d’Ankatso le matin et sur le parvis de l’hôtel de ville d’Antananarivo l’après-midi.

Tout avait commencé fin 1971 par des mouvement lycéens, puis début 1972 par une grève des étudiants de l’école de médecine de Befelatanana dont les sortants étaient appelés, à l’époque des « médecins de l’indigénat » et étaient toujours affectés en banlieue, d’où leur frustration. Les manifestations ont pris de l’ampleur et l’allure d’une contestation du régime (la Première République malgache créée sous l’égide de la France). Acculé par la violence , notamment celle de sa propre police, le président Tsiranana avait d’abord envisagé de laisser le pouvoir aux étudiants qui l’ont refusé, puis à l’Église, nouveau refus. Finalement, c’est l’armée qui en a hérité (et, un demi siècle plus tard, ne l’a toujours pas lâché !). Le général Gabriel Ramanantsoa, étant le plus haut gradé de l’époque, est devenu le chef d’État, lors de la « Transition militaire ». Il était notamment reproché à Tsiranana d’être trop influencé par la France si bien que sa chute a été vue par beaucoup comme la deuxième indépendance de Madagascar (après celle officielle du 26 juin 1960). Cette révolution est, en effet, le début d’un processus de « malgachisation »  à marche forcée menée par un nouveau président plutôt conservateur. Il ne faut pas confondre avec la révolution qualifiée de socialiste, qui placera la Grande île dans la mouvance soviétique en 1975. Cependant, le renversement, en mai 1972, de la Première République suscite également la résurrection symbolique des victimes de l’insurrection déclen­chée le 29 mars 1947, dirigée contre l’occupation française. Dès son accession au sommet du pouvoir, Didier Ratsiraka, en 1975, leur fera ériger un mausolée.

À Antananarivo, les principales cérémonies ont lieu la Place du 13 mai « Kianjan’ny 13 mai », situé devant l’Hôtel de Ville, connu depuis 1972 pour être l’espace urbain de contestation. C’est là que, le 13 mai 1972, des milliers de manifestants se rendirent pour réclamer la libération d’étudiants arrêtés et envoyés au bagne. Les forces de l’ordre ont tiré sur la foule, faisant près de 40 morts et de nombreux blessés. C’est ce que l’on commémore aujourd’hui par des dépôts de gerbes et des programmes culturels qui ont démarré, il y a quelques jours à l’occasion de ce cinquantenaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 mai 2022

 

La place du 13-Mai, à l’époque

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1947, Madagascar, 29 mars, massacre Bruno Teissier 1947, Madagascar, 29 mars, massacre Bruno Teissier

29 mars : il y a 75 ans, les massacres oubliés de Madagascar

Cette journée dédiée aux victimes est fériée à Madagascar où l'on commémore les massacres opérés en 1947 par l'armée française envoyée mater toute tentation indépendantiste de la Grande île…

 

Cette journée dédiée aux victimes est fériée à Madagascar où l'on commémore les massacres opérés en 1947 par l'armée française envoyée mater toute tentation indépendantiste de la Grande île : plusieurs dizaines de milliers de morts (ou centaines de milliers) dans la plus grande indifférence à l'époque (et encore aujourd'hui).

Pendant la nuit du 29 mars 1947, à Madagascar, quasi simultanément, à Moramanga, dans le centre-est et à Manakara, sur la côte sud-est, des groupes d’insurgés qui ne croient plus en l’indépendance de leur pays par la voie pacifique, prennent les armes et commettent de premières attaques. C'était le début d'un an et demi d’insurrection contre l’administration coloniale française, en place depuis un demi siècle, notamment au prix de massacre, comme en 1897.

​​Lors du sommet de la Francophonie de 2016, François Hollande a rendu visite à la stèle des anciens combattants de la Grande guerre, à Anosy, en « hommage », aux victimes des événements de 1947 qu’il avait qualifiés de « répression brutale ». Mais, lors des journées de Commémoration de la Rébellion de 1947 (Martiora Ny tolona tamin'ny), aucun membre du gouvernement français n'est jamais venu en visite à Madagascar. Les massacres de l’année 1947 dans la Grande Ile font partie des trous noirs de l’histoire de France : 90 000 morts selon le commandant des troupes françaises de l'époque ; entre 200 000 et 700 000 morts selon d’autres sources.

Ce mardi 29 mars, une cérémonie de dépôt de gerbes sous la houlette du Président de la République, Andry Rajoelina, se déroule dans plusieurs endroits emblématiques : au Mausolée sis à Avaratr’Ankatso, Antananarivo, où reposent les dépouilles des combattants nationalistes ainsi qu’à Moramanga et Manakara, lieux de l’insurrection. La chanson Madagasikara Tanindrazanay qui a marqué la lutte nationale à cette époque est chantée ce jour-là. Cette commémoration qui a commencé vendredi 25 mars au camp militaire du Ier RM1 à Analakely, à Antananarivo, semble toutefois rencontrer une certaine indifférence de la part des citoyens. Il faut dire qu’en moins de deux mois, la Grande île a été frappée par quatre cyclones : Ana, Batsirai, Dumako et Emnati, qui ont fait des dizaines de milliers de sinistrés.

Ce jour férié et cette commémoration officielle ont été décidés en 1967, à l’occasion du 20e anniversaire du massacre. La célébration de 1947 a été discrète sous la Première république (1960-1975), puis beaucoup plus marqué sous la Deuxième république (1975-92) le régime « révolutionnariste », autoritaire et corrompu, l’avait instrumentalisé pour se construire une légitimité… la commémoration varie selon les périodes, mais le traumatisme demeure ancré dans la mémoire collective, même si seuls les plus anciens s’en souviennent vraiment.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 28 mars 2022

 
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