L’Almanach international
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11 septembre : le 11-Septembre, un épisode du choc des civilisations ?
Certains historiens américains adeptes de la théorie du choc des civilisations ne se sont pas privé de fouiller l’histoire pour tenter de décrypter le choix par Al-Qaïda de la date du 11 septembre pour frapper l’Amérique…
Certains historiens américains adeptes de la théorie du choc des civilisations ne se sont pas privés de fouiller l’histoire pour tenter de décrypter le choix par Al-Qaïda de la date du 11 septembre pour frapper l’Amérique, symbole de l’Occident, en plein cœur. Pour cela, ils ont sorti quelques événements symboliques qui ont vu s’affronter Orient et Occident.
Le 11 septembre 1565, les Turcs levaient le siège de Malte après 112 jours de présence hostile autour de l’archipel. Le lendemain, ils prenaient le large, renonçant à prendre pied sur cet archipel stratégique. La bataille fut terrible, à la fois militaire et psychologique. Terroriser l’adversaire était déjà une tactique de guerre. Les défenseurs chrétiens de Malte n’avaient pas hésité à bombarder leurs adversaires musulmans des têtes coupées de leurs prisonniers ! Cette défaite majeure des Turcs marquait le premier coup d’arrêt à l’expansion de l’Empire ottoman à qui, jusque-là, rien ne résistait.
Le 11 septembre 1609, les crieurs de rue de Valence annonçaient l’arrêté d’expulsion des morisques, les musulmans d’Espagne, suite à la décision prise par le roi très catholique Philippe III. Le premier convoi quittera le royaume le 2 octobre. Au total plus de 300 000 personnes seront déportées hors du pays, soit 5% de la population espagnole de l’époque. Après l’expulsion des juifs un siècle plus tôt, les Espagnols achevaient l’épuration ethnique de leur pays. Comme autrefois Al-Qaïda, Daesh réclame aujourd’hui de reprendre pied sur le territoire espagnol, mais ses dirigeants connaissent-ils cette date et le détail de cette histoire ?
Des historiens ont évoqué l’idée d’une vengeance des islamistes le 11 septembre 2001. Ce courant de pensée s’inspire d’un pamphlet américain titré The Clash of Civilizations et publié par Samuel Hungtington en 1996. Lui-même affirmait après le 11 septembre 2001 « les événements donnent une certaine validité à mes théories. », même s’il le déplorait.
Le 11 septembre 1683, les Turcs subissent l’attaque surprise du roi de Pologne, Jan Sobieski, venu au secours de la capitale autrichienne qu’ils assiègent et affament depuis plusieurs semaines. Le lendemain, ils doivent lever le siège de Vienne et battent en retraite dans la plus grande confusion. Cette déroute ottomane marque le coup d’arrêt de l’avancée des Turcs, lesquels ne feront dès lors plus que reculer jusqu’à la défaite finale de 1918 qui entraînera la disparition de l’Empire ottoman en 1922 et celle du Califat en 1924. Ce Califat que Daesh prétend aujourd’hui restaurer.
Les batailles opposant des armées chrétiennes et musulmanes sont très nombreuses et les dates multiples. Si les estocades finales ont bien été données un 11 septembre, les sièges de Malte et de Vienne ont, en fait, été levés un 12 septembre. Quant à l’expulsion des morisques, plusieurs dates mémorielles sont possibles : la décision, sa publication ou le début de son exécution, à des dates différentes en Castille et en Aragon... Il est peu probable que les terroristes du 11-Septembre connaissaient le détail de ces faits, auxquels, d’ailleurs, ils n’ont jamais fait référence. Il s’agit là de spéculations d’historiens soucieux de démontrer la permanence de ce qu’ils désignent sous le concept de « choc des civilisations ». Pour cela, il leur faut monter en épingle les ruptures, jamais les points de convergence.
Les détracteurs de ces théories dénoncent une lecture avant toute religieuse des conflits et le cloisonnement a priori des civilisations décrites par Hungtington. Lequel a toujours écarté l’idée la possibilité d’un métissage entre les cultures qui aurait contredit ses thèses. Ce concept du choc des civilisations est grandement critiquable au regard de l’évolution du monde, de moins en moins cloisonné culturellement en dépit des affrontements politiques que cultivent certains leaders.
Ce texte est extrait du livre Les 11-Septembre, celui des Américains, des Chiliens, des Catalans et tous les autres par Kader Abderrahim, Eduardo Olivares Palma, Maria Poblete, Cyril Trépier…
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 septembre, 2025
L’assaut final, la cavalerie polonaise, conduite par le Roi Jean Sobieski, lors du siège de Vienne de 1683, œuvre de Piotr Arendzikowski
25 juillet : la Tunisie célèbre son régime républicain et enterre sa démocratie
En Tunisie, c’est le Jour de la République. Le pays qui commémore l’abolition de la monarchie en 1957, mais aussi la l’anniversaire prise totale du pouvoir par le président Kaïs Saïed, lequel avait profité du 25 juillet, en 2021, pour suspendre la démocratie. Sans les libertés publiques, peut-on encore parler de république ?
Le 25 juillet est férié en Tunisie pour commémorer l’instauration de la république et l’abdication du roi de Tunisie en 1957. C’est le Jour de la République (يد الجمهورية). Cette date est aussi l’anniversaire du coup de force du président Kaïs Saïed en 2021 dont la prise totale du pouvoir est symboliquement confirmée par référendum du 25 juillet 2022.
Un royaume de Tunisie avait existé du 20 mars 1956 au 25 juillet 1957. Lamine Bey, le dernier monarque était l’ultime héritier d’une longue lignée de bey de la dynastie des Husseinites fondée en 1705. Ainsi s’interrompait une monarchie vieille de plus de deux siècles et demi. Suite à sa destitution, les biens du roi ont été confisqués et ont servi à régler la dette de l'État tunisien. Ce dernier bey avait pris le titre de roi, comme au Maroc où le dernier sultan était, à la même époque, devenu le premier roi du Maroc. En Tunisie, le souverain s’était montré trop conciliant avec le colonisateur français, ce qui l’avait rendu très impopulaire, à l’inverse de Mohamed V du Maroc qui avait tenu tête à Paris et avait été perçu comme le héros de l’indépendance. En Tunisie, ce rôle a été joué par Habib Bourguiba qui a pesé en faveur de la république. Le 25 juillet est aussi l’anniversaire du début de son premier mandat, en 1957.
La monarchie a été abolie, c’est le régime républicain qui s’est imposé mais celui-ci n’a guère fonctionné de manière démocratique. Habib Bourguiba s’est incrusté pendant 30 ans au pouvoir. Réélu à chaque fois par des scrutins non démocratiques, il a été finalement nommé « président à vie », en 1975. Son successeur, Zine el-Abidine Ben Ali a régné d’une main de fer pendant 23 ans. Ce dernier a été renversé en 2011 pour laisser place à une transition démocratique qui a vu se succéder plusieurs présidents : Fouad Mbazâa, Moncef Marzouki, Béji Caïd Essebsi et Kaïs Saïed.
Le 25 juillet est aussi l’anniversaire de l’assassinat de Mohamed Brahmi, député de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et fondateur du Mouvement populaire. Celui-ci a été tué le 25 juillet 2013 devant son domicile.
C’est le 25 juillet 2021 que le président Kaïs Saïed a décidé de geler les travaux du Parlement et de s'octroyer le pouvoir exécutif dans sa totalité, confisquant en même temps le pouvoir du gouvernement.
Le 25 juillet 2022, le président Kaïs Saïed fait approuver par référendum un nouveau régime destiné à instaurer son pouvoir personnel. La Tunisie va-t-elle retourner un régime du type de celui de Ben Ali, la coloration islamique en plus ? Une majorité écrasante (92%) a voté en faveur du projet du président Kaïs Saïed, mais avec seulement… 27,5% de participation. Ce qui représente à peine un quart du corps électoral. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’adhésion du peuple tunisien n’est pas au rendez-vous. Le Jour de la République 2021 est désormais celui de la mort de la démocratie en Tunisie. Celle-ci était en gestation depuis 2014. Elle semble bien s’avérer mort-née.
La nouvelle constitution prévoit que « le chef de l’État, qui n’est responsable devant personne, nomme et révoque le chef de gouvernement et les ministres. Il peut soumettre au référendum tout texte législatif ou constitutionnel – sans l’intermédiaire du Parlement – et imposer une deuxième lecture à un projet de loi. Il peut également dissoudre l’Assemblée qui, par ailleurs, voit ses prérogatives réduites. Non seulement, elle n’investit plus le gouvernement mais elle ne peut le censurer que dans des conditions très restrictives. En plus d’une hyperprésidentialisation du régime, où les possibilités de destituer le président sont verrouillées, ce qui fait inévitablement penser aux régimes dictatoriaux qu’a connus la Tunisie avant sa révolution, la nouvelle Constitution élimine les articles mentionnant la neutralité et l’impartialité des forces de sécurité intérieure et de l’armée. (…) L’article 5 du texte efface ainsi la mention du caractère "civil” de l’État – que le camp moderniste avait imposée de haute lutte à la Constitution de 2014 – tout en précisant que la Tunisie fait partie de la "oumma [communauté des croyants] islamique” et que “seul l’État devra veiller à garantir les objectifs de l’islam”.» (Frédéric Bobin et Lilia Blaise, Le Monde, 23 juillet 2022.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 juillet 2023
9 septembre : hommage au commandant Massoud, figure de la résistance afghane
Le 20e anniversaire anniversaire de l’assassinat du Lion du Panshir, alors que les talibans ont pris Kaboul et commence à investir le Panshir
Ce 9 septembre est en principe férié en Afghanistan. Mais que signifie un jour férié dans le chaos actuel ? Cette journée à la mémoire d’Ahmed Shah Massoud avait été décidée par l’ancien régime. Dans le nord du pays ses portraits ont été détruits.
Ce chef militaire, surnommé le Lion du Panshir ( شیر پنجشی ), avait tenu tête aux Soviétiques sans quitter son fief. Il a été assassiné il y a exactement 20 ans, le 9 septembre 2001, par un attentat suicide opéré par des kamikazes d’Al-Qaida, arrivés de Belgique, déjà ! C’était une autre époque. En avril 2001, lors d’un passage en Europe, Massoud avait bien essayé d'attirer l'attention de la communauté internationale sur le danger représentait par l’organisation terroriste dirigée par Oussama Ben Laden, mais en vain. Lui-même n’aura pas l’écho des attentats du 11 septembre, seront perpétrés deux jours après son assassinat. Les deux crimes étaient incontestablement liés.
En Juin 2002, la Loya Jirga, la Grande assemblée traditionnelle, a créé un jour férié en son honneur qui sera ensuite baptisé Jour des Martyrs pour honorer toutes les personnes mortes en combattant pour l'Afghanistan, en particulier contre les Soviétiques. Ahmad Shah, dont le nom de guerre était Massoud (le chanceux), avait pris les armes après le coup d’État communiste de 1978 et s’était replié dans sa vallée natale du Panshir, à une centaine de kilomètres au nord-est de Kaboul. En dépit de neuf tentatives, l’Armée rouge n’était jamais parvenue à le déloger et à le soumettre.
Qualifié de « héros national afghan », il est surtout un héros tadjik, son ethnie d’origine. Son image est plus brouillée chez les Pachtounes, très influencés par les talibans et franchement négatives chez les Hazaras, même si sont fils espère aujourd’hui leur ralliement contre les talibans. Après le départ des Soviétiques, Massoud a fait partie de plusieurs gouvernements de coalition qui ont dirigé l’Afghanistan de 1992 à 1996. Il a notamment été ministre de la Défense. Pendant cette période, ses hommes se sont rendus coupables de pillages à Kaboul et d’exactions notamment contre la minorité chiite hazara. Ce qui a contribué au fait qu’une partie des habitants de Kaboul ont accueilli favorablement la prise du pouvoir des talibans en 1996. Les mêmes qui, aujourd’hui se félicitent de la chute d’un gouvernement corrompu et arbitraire. À l’époque Massoud s’était alors replié dans le Panshir, véritable forteresse montagneuse, où les talibans n’ont jamais pu l’atteindre. Seul le terrorisme extrême d’Al-Qaida a pu l’anéantir. C’était, il y a 20 ans jour pour jour.
Aujourd’hui, son fils unique (au côté de cinq filles), Ahmad Massoud, né en 1989, a repris le combat sans avoir l’aura de son père. Comme lui, il a créé un Front de résistance nationale et s’est retranché dans le Panshir dans des conditions moins favorables. Avant-hier les talibans ont annoncé avoir pris la célèbre vallée. Il s’agit surtout d’un effet d’annonce pour marquer les esprits. En fait, ils n’ont investi que la capitale régionale, Bazarek (la ville natale de Massoud et celle qui abrite son mausolée), ainsi que quelques villages alentour. On ne sait pas encore ce qu’il en sera du reste de la célèbre vallée ni si le jeune commandant s’y trouve encore. La saga des Massoud n’est peut-être pas achevée.
Il y a quelques mois, la ville de Paris rendait hommage au lion du Panshir qui avait été étudiant dans cette ville et qui était un grand lecteur de Victor Hugo. Le 27 mars 2021, une allée du Commandant-Massoud a été inaugurée dans un coin des Champs-Élysées, en présence de son fils Ahmad Massoud.
Le 9 septembre 2021, le tombeau du commandant Massoud a été profané par les talibans voir le tweet ci-dessous.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 8 septembre 2021
photo : A. A. Wiseman.
À propos du 11-Septembre.
9 septembre : l'Afghanistan célèbre ses martyrs
L’Afghanistan se souvient du commandant Massoud, le Lion du Panshir, assassiné le 9 septembre 2001, soit deux jours avant le 11-Septembre…
L’Afghanistan se souvient du commandant Massoud, le Lion du Panshir, assassiné le 9 septembre 2001, soit deux jours avant le 11-Septembre. L’anniversaire de sa mort est férié en Afghanistan, c’est le Jour des martyrs. Les célébrations durent une semaine (Haftai Shahid). On y associe les centaines de milliers de victimes de cette sale guerre qui génère en moyenne un attentat par semaine, visant le plus souvent des civils.
À propos des différents 11-Septembre.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 9 septembre 2019