25 décembre : la crèche de Noël du XXIe siècle, un objet politique plus que religieux ?

 

En France, une tradition est en train de naître, celle des crèches de Noël installées dans les mairies et hôtels de département ou de région. Ceci est le fait de toute une extrême droite qui a fait du non-respect de la loi de la République un élément le son combat politique. L’interdiction d’apposer des signes religieux dans les lieux publics est en effet stipulé dans l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905. L’argument de cette droite identitaire, de Wauquier à Alliot, qui transgresse loi chaque année depuis les années 2010, est la défense de traditions séculaires. Non seulement, elle sont totalement inventées, il n’y a jamais eu de crèche en France dans les mairies même avant la loi les interdisant. Mais le paradoxe c’est que cet activisme politique s’est développé dans des régions très largement touchées de manière précoce par la déchristianisation. Beaucoup de ces municipalités d’Occitanie comme Béziers ou Beaucaire, qui se placent chaque année hors la loi, ont eu pendant des décennies des maires communistes qui, on se doute bien, n’ont pas joué avec ce genre de symbole.

Au Moyen Âge, les crèches étaient vivantes et se tenaient dans les églises, mais ces saynètes jouées par des bénévoles donnaient parfois lieu à des débordements qui ont amené le Vatican à encourager leur remplacement par des santons. C’est au XVIe siècle, dans le cadre de la Contreréforme, que cette pratique a été encouragée par l’Église qui voulait recentrer l’événement sur la naissance du Christ et l’éloigner de certains rites païens qui subsistait. Les crèches vivantes deviennent progressivement des crèches avec personnages colorés en miniature, faits de carton bouilli ou de terre cuite. Encouragée par Ignace de Loyola (fondateur de la Compagnie de Jésus) comme un élément de propagande, sublimée par les artistes baroques napolitains aux XVIIe et XVIIe siècles, la crèche de Noël a été popularisée en France par l’invention marseillaise des santons, dans la première moitié du XIXe siècle. Elle est à l’honneur dans beaucoup d’églises, particulièrement durant la messe de minuit, point d’orgue de cette fête de la Nativité. La petite taille des santons de Provence a permis aux particuliers d’installer des crèches chez eux. Les marchés aux santons d’Aubagne, Marseille et Aix-en-Provence attirent plusieurs dizaines de milliers de personnes même si aujourd’hui, cette représentation un peu naïve de la Nativité disparaît progressivement du décor familial de la fête de Noël, sauf en Provence où la tradition reste très vivante. Ce matin de Noël, les chrétiens se seront appliqués à placer Jésus dans la crèche familiale, il leur faudra attendre encore quelques jours avant d’y mettre les Rois mages.

L’État a longtemps préféré ignorer ces manifestations de municipalités d’extrême droite, jusqu’à ce que le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, saisie par des associations laïques, tranche en faveur d’une interdiction des crèches de Noël dans les bâtiments publics, « sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ». Certains élus, comme Laurent Wauquier profiteront de la brèche ainsi créée en organisant des expositions de santons même dans des régions, comme Auvergne-Rhône-Alpes où les santons ne sont absolument pas une tradition locale. À Béziers, Robert Ménard dont la municipalité est frappée chaque année d’une interdiction, a placé des roulettes sous sa crèche afin de la faire sortir du bâtiment de la mairie dès que la sanction tombe. À Perpignan, la ville dirigée par Louis Alliot, on préfère faire payer des pénalités plutôt que de céder à l’injonction administrative « venue de Paris ».

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 décembre 2022

 

Crèche provençale dont les santons en terre cuite peinte ont été inventés autour de 1800

Précédent
Précédent

26 décembre : la Saint-Étienne, la fête qui prolonge Noël

Suivant
Suivant

24 décembre : les Libyens célèbrent une indépendance très virtuelle