12 mai : jour de deuil pour les harkis
Il y a soixante-trois ans, quelques semaines après les accords d’Évian qui mettaient fin à la guerre d’Algérie (18 mars 1962), le gouvernement français décidait d’abandonner les soldats arabo-berbères qui avaient rejoint les rangs de l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
Ces supplétifs, appelés harkis, ont été engagés pour diverses raisons, certains de forces, d’autres volontairement, aux côtés des soldats de l'armée française dans la lutte contre les mouvements indépendantistes algériens, essentiellement le FLN dont l'armée l'ALN combattait dans les maquis. Harki est un mot qui vient de l'arabe harka désignant un groupe « en mouvement ».
« Le 12 mai 1962, par un simple télégramme, le gouvernement français scelle le sort de ces hommes et de leurs familles. Ce jour-là, Pierre Messmer, ministre des armées, interdit toute initiative individuelle pour le rapatriement des harkis et menace de sanctionner les militaires qui désobéiraient.
Le 16 mai, Louis Joxe, ministre d’Etat en charge des affaires algériennes, annonce à son tour le renvoi en Algérie des « supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement » (à partir du 20 mai). Il demande « d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure ».
Malgré ces intimidations et cet ultimatum, environ 43 000 personnes arrivent en France grâce au dévouement de militaires français, qui mettent en place des filières semi-clandestines, voire clandestines. Jour après jour, ils accueillent dans les casernes françaises ces hommes dont les autorités civiles ne voulaient plus. Souvent accompagnés de leurs familles, qu’il fallait également protéger des persécutions qu’elles subissaient. » (extrait d’une tribune de descendants de harkis, Le Monde, 12 mai 2021)
Les autorités françaises sont très opposées à l’idée que ces soldats qui ont combattu aux côtés de l’armée française soient exfiltrés vers la France pour échapper au massacre par des membres du FLN. Le 12 mai 1962, en effet, ordre a été donné aux autorités militaires françaises à Alger d'abandonner les harkis et leurs familles à leur propre sort sur le sol algérien. La nationalité française leur est retirée dès le 12 juillet. Et quand finalement, sous la pression de certains militaires, le ministre Pierre Mesmer demande leur rapatriement, c’est le président De Gaulle qui s’y oppose. Des dizaines de milliers d’entre eux seront massacrées au cours des premiers mois d’indépendance de l’Algérie. L’appel du FLN à la vengeance est tel que les massacres incluent parfois des femmes et des enfants. Les historiens estiment à quelque 80 000 à 150 000 le nombre de morts.
Si un certain nombre de harkis ont pu tout de même rejoindre la France avec leur famille, c’est grâce à la désobéissance de militaires qui ont refusé d’abandonner leurs hommes. Ceux arrivés en France sont relégués dans des camps et surveillés. 42 500 harkis, avec leur famille, peuvent s'établir en France métropolitaine sur un nombre total de supplétifs évalué entre 200 000 et 250 000. Quelque 40000 autres parviennent à rejoindre la France par des filières semi-clandestines ou clandestines. Au total, entre 80 000 et 90 000 personnes arrivent en France selon certaines estimations, pour la majorité entre 1962 et 1965.
Les présidents Sarkozy et Hollande ont reconnu la responsabilité du gouvernement français dans « l'abandon » des harkis. Le 20 septembre 2021, le président Macron demande « pardon » aux harkis en reconnaissant leur « singularité dans l'histoire de France ». Chaque 25 septembre des cérémonies ont eu lieu partout en France en hommage aux harkis.
À partir de 2012, à l’initiative d’association locale, des commémorations de l'abandon des harkis sont organisées, un peu partout en France, chaque le 12 mai. Cette Journée de l’abandon n’est pas encore une journée nationale comme le réclament les associations de descendants de harkis.
Avec leurs enfants et petits-enfants, les harkis représentent quelque 600 000 Français.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 20 mai 2025
Unité de harkis - photo : ministère des Armées