12 décembre : souvenir des homosexuels victimes du régime soviétique
Il existe en Europe une ligne de front qui n’est pas militaire, c’est celle qui sépare l’Occident de cette autre Europe, comme l’on disait autrefois, cette Europe où le droit et les libertés sont conditionnés par une morale religieuse rétrograde au service de régimes autoritaires. Cette ligne de front traverse la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et l’Ukraine. C’est dans cette dernière que l’on célèbre chaque 12 décembre la Journée du souvenir des homosexuels victimes du régime soviétique totalitaire (День пам'яті гомосексуалів, які стали жертвами тоталітарного радянського режиму). Une célébration adoptée en 2006 par des organisations LGBTIQ+ ukrainiennes.
Ce 12 décembre 2025 marque le 34e anniversaire de l’adoption de la loi ukrainienne dépénalisant les relations homosexuelles consenties entre hommes adultes. Cette mesure a constitué un tournant dans l’histoire des droits de l’homme en Ukraine. La loi, qui a supprimé une partie de l'article 122 du Code pénal de la RSS d’Ukraine, a été adoptée par la Verkhovna Rada (assemblée) d’Ukraine le 12 décembre 1991, parmi les premières lois votées après la confirmation de l’indépendance de l’Ukraine par référendum le 1er décembre de la même année. Elle a été signée par le président ukrainien Leonid Kravtchouk et est entrée en vigueur le 20 janvier 1992.
Bien que les relations sexuelles entre femmes lesbiennes n’aient jamais été légalement criminalisées, le système soviétique persécutait aussi les lesbiennes par le biais de traitements forcés dans des institutions psychiatriques utilisant des méthodes cruelles telles que l’électrochoc ou les interventions hormonales.
Cette célébration du 12 décembre n’a rien d’officielle. La communauté LGBT doit toujours batailler pour exister. Elle parvient tout de même à organiser des événements comme la « Marche pour l’égalité » qui a eu lieu chaque année à Kyiv. La KyivPride est aujourd’hui reconnue comme une manifestation pacifique pour les droits humains, incarnant le droit de la communauté LGBT+ à la liberté de réunion pacifique, d’expression et de parole. Elle se tient chaque année à la mi juin.
L’Ukraine fut la première république de l’ex-URSS à abolir toute sanction pénale pour l’homosexualité. La Russie et la Biélorussie, l’ont fait en 1993 et 1994. Mais récemment, elles ont renforcé leur répression administrative et judiciaire contre les personnes LGBT+. Les Gay Pride y sont interdites depuis 2018. En 2023, la Cour suprême russe a même classé le « mouvement international LGBT » comme organisation extrémiste, ce qui permet de criminaliser toute activité de défense des droits LGBT+ et d’engager des poursuites pénales contre les militants ou les organisateurs d’événements LGBT. Les autorités multiplient les arrestations, les perquisitions et les poursuites pour « extrémisme » ou « atteinte aux valeurs traditionnelles », notamment contre les artistes, les activistes et les propriétaires de lieux accueillant des événements LGBT+. L’Azerbaïdjan est sur la même pente. Quant à l’Ouzbékistan, au Turkménistan et au Tadjikistan, ils n’ont jamais cessé la répression qui prévalait à l’époque soviétique en la matière.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 11 décembre 2025
La KyivPride dans une rue de la capitale ukrainienne (photo Oskar Iansons)