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1808, Espagne, révolte populaire, 2 mai Bruno Teissier 1808, Espagne, révolte populaire, 2 mai Bruno Teissier

2 mai : Madrid en fête pour le Dos de Mayo, le souvenir d'une révolte antifrançaise

Ce jour férié rappelle le soulèvement des Espagnols contre les Français mais c’est aussi moment de réjouissance dont le cœur est le quartier madrilène de Malasana, autour de la plaza del Dos de Mayo, place baptisée en souvenir du 2 mai 1808, les habitants de Madrid se révoltaient contre l’occupant français.

 

Le Dos de Mayo (2 mai) est jour de fête à Madrid, il rappelle le 2 mai 1808, quand les habitants de Madrid se révoltaient contre l’occupant français, en l’occurrence Joseph Bonaparte, frère de Napoléon, pressenti pour occuper le trône d’Espagne. Murat lançait l’offensive et fit des milliers de morts parmi la foule après avoir fait abattre les leaders de la rébellion, scène qui sera immortalisée par Goya. S’ensuivent six années d’une guerre d’indépendance qui s’achèvera par la victoire du peuple espagnol et le retour sur le trône de Ferdinand VII.

C’est le jour férié officiel de la Communauté de Madrid (Fiesta de la Comunidad de Madrid), un jour férié symbolique s’il en est, le Dos de mayo est aussi un moment de réjouissance dont le cœur est le quartier madrilène de Malasaña, autour de la plaza del Dos de Mayo. Autrefois lieu de combat, il est, par la suite, devenu le centre de la movida madrilène dans les années 1980 puis, à partir de mai 2011, le lieu de ralliement des « Indignés » (extrême gauche). Mais, en ce 2 mai, les rues de Madrid sont plutôt occupées par des orchestres improvisés, du théâtre de rue et une grande kermesse qui draine une foule venue souvent de loin. Quant à la police, on dit qu’elle fermerait les yeux sur la consommation d’alcool qui atteindrait des sommets en quelques heures !

Dans toute la région de Madrid, des reconstitutions historiques, des bals, des foires taurines et autres événements sportifs sont également organisés pour célébrer ce qui fut une victoire et reste une cause de fierté pour tout un pays. Le Dos de mayo est un mythe qui a été utilisé pour création du sentiment d'appartenance à la nation espagnole.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
Le Tres de mayo, par Francisco Goya, 1814, représentant la fusillade du 3 mai 1808Pour nous aider à faire vivre l’Almanach BiblioMonde, pensez à un petit don de temps en temps, vous pouvez le faire sur Tipeee

Le Tres de mayo, par Francisco Goya, 1814, représentant la fusillade du 3 mai 1808

Aujourd’hui encore, sur la place du Dos de mayo de Madrid se dressent les statues de Daoiz et Velarde, deux héros du 2 mai 1808 qui sont morts durant l'attaque française du Cuartel de Monleon dont il ne reste que le porche. Photo : Nicolas Vigier

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1931, Espagne, Démocratie, 14 avril, Catalogne, république Bruno Teissier 1931, Espagne, Démocratie, 14 avril, Catalogne, république Bruno Teissier

14 avril : la célébration d'une république espagnole ou catalane, désormais

Une nouveauté, le gouvernement de Barcelone a instauré une Journée de la République catalane, le 14 avril, date à laquelle la gauche espagnole célèbre chaque année, l’anniversaire de l’instauration de la République espagnole le 14 avril 1931. Une occasion de sortir le drapeau républicain : rouge, jaune et mauve !

 

En Espagne, les partisans de la république ne manquent pas une occasion de réclamer l’abolition de la monarchie et l’instauration d’une IIIe république. Chaque 14 avril, Jour de la République espagnole (Dia de la Republica española), l’acte militant consiste à porter une violette à la boutonnière, couleur de la révolution démocratique. Mieux, on sortira le drapeau républicain rouge, jaune et mauve. Cette année, on célèbre les 91 ans de l’instauration de la Seconde république espagnole, le 14 avril 1931. Depuis la fin de la dictature (1977), des festivités et manifestations ont lieu chaque 14 avril dans de nombreuses villes espagnoles.

La nouveauté, l’an dernier, c’est que le gouvernement de Catalogne a décidé désormais de commémorer le Jour de la République catalane (Dia de la República catalana), également le 14 avril. L’argument est que la première déclaration républicaine a été prononcée sur le sol catalan quelques heures avant la proclamation de la république espagnole. La proclamation a été faite à la mairie de Barcelone, par Lluís Companys, après une victoire électorale écrasante de l'ERC (gauche républicaine). Et elle sera confirmée le même jour par Francesc Macià, celui qui deviendra, quelques jours plus tard, le 17 avril 1931, le premier président de la Generalitat de Catalogne.

En 2022, la première célébration catalane du 14 avril, a eu lieu au Palau de la Generalitat, à Barcelone, en présence du président de la Catalogne, Pere Aragonès (ERC), et de la ministre de la Justice, Lourdes Ciuró. Ce geste avait pour but de rapeller la proclamation de la « République catalane comme État intégré de la Fédération ibérique », faite par Francesc Macià à cette date en 1931. La Gauche républicaine de Catalogne (Esquerra Republicana de Catalunya, ou ERC) est redevenue en 2019, la première force politique de Catalogne. Il n’est pas étonnant qu’elle relance le projet républicain, une autre manière d’affirmer le particularisme catalan qui s’exprime aussi chaque 11 septembre.

On le sait, beaucoup de républicains espagnols ont fui vers la France, en 1939, ayant perdu la partie face à la conquête du pouvoir par un général d’extrême droite, Francisco Franco. En France, la date du 14 avril a toujours un certain retentissement, des célébrations ont, d’ordinaire, lieu à Toulouse, Bordeaux ou Paris. Cette année, c’est à Montauban, le 15 mars 2023, profitant d’un sommet franco-espagnol qu’Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol, se sont recueillis en se rendant ensemble sur la tombe de Manuel Azaña, dernier président de la IIe République espagnole qui avait trouvé refuge en France. Le président Macron a terminé son discours par ces mots : « Nous n’oublierons jamais les nombreux républicains espagnols qui se sont joints à la Résistance française et nous ont permis de rester libres". Car exilés en France, après avoir connu les camps de concentration et le travail forcé beaucoup de républicains espagnols s’engagèrent dans la Résistance et participèrent à la libération du pays (notamment celle de Paris) avec l’espoir d’abattre ensuite la dictature franquiste en Espagne. Mais cette espérance fut trompée.

Un gouvernement républicain espagnol en exil a survécu jusqu’en 1977. Il s’est dissous avec le retour de la démocratie en Espagne la même année, soit quelques mois après la mort du dictateur Franco. Le compromis historique avec la droite espagnole qui soutenait le régime franquiste a été le retour du roi, non celui d’Alphonse XIII qui avait fui en 1931 sans avoir abdiqué, mais l’intronisation de son petit-fils Juan Carlos, éduqué par le général Franco. La gauche espagnole qui a accepté en 1977 cet état de fait en garde une certaine amertume. La fin peu glorieuse du règne de Juan Carlos, accusé de corruption et de blanchiment d’argent n’a fait qu’alimenter ce sentiment. La justice espagnole soupçonne notamment Juan Carlos d’avoir reçu de l’Arabie saoudite 65 millions d’euros, après l’adjudication d’un contrat sur la construction d’un TGV à un consortium d’entreprises espagnoles. Juan Carlos aurait fait don de ces 65 millions à son ancienne maîtresse et l’argent aurait fini aux Bahamas.

Les scandales multiples qui ont éclaboussé la famille royale (en particulier la fille de l’ex-roi et son gendre), ont ravivé la revendication d’un retour à la république. Le régime légal instauré le 14 avril 1931, n’a été aboli que par un putsch. C’est ce que vient rappeler cette commémoration annuelle du 14 avril. Lors de l’abdication de Juan Carlos, au profit de son fils, une grande manifestation avait rassemblé plusieurs dizaines de milliers de républicains place de la Puerta del Sol, à Madrid, comme le monde la photo illustrant cet article. C’était le 2 juin 2014. Ils n’ont pas dit leur dernier mot.

Selon un sondage, réalisé en 2021 auprès de 3 000 personnes dans l’ensemble du pays par l’institut d’études d’opinion 40dB, si un référendum avait lieu, 40,9 % des Espagnols voteraient en faveur d’une république, contre 34,9 % qui préféreraient le statu quo actuel de la monarchie parlementaire. Toute la différence se jouerait donc sur les 24,2 % qui annonçaient voter blanc ou qui se déclaraient sans opinion.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 avril 2023

 
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