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28 mai : Azerbaïdjan et Arménie célèbrent leur première indépendance

Le 28 mai 1918, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont proclamé leur indépendance le même jour et dans la même ville de Tiflis. Mais, les projets territoriaux de chacun État en formation, se chevauchaient largement. La naissance de ces nations se fera dans la violence et la frustration, par des processus de nettoyage ethnique qui, un siècle après, ne sont malheureusement pas terminés.

 

Le 28 mai 1918, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont proclamé leur indépendance le même jour, dans la même ville de Tiflis (la future Tbilissi, capitale actuelle de la Géorgie). Rien détonant, car à l’époque, les Tatars y étaient nombreux et c’était aussi la plus grande ville arménienne (après Bakou qui deviendra la capitale de l’Azerbaïdjan). Erevan était une ville secondaire, peuplée elle aussi de nombreux Tatars, que l’on appelle aujourd’hui les Azéris. C’est dire la complexité géographique et politique qui prévalait dans la région à la chute de l’Empire des tsars.

L’enjeux était de taille, car il n’y avait jamais eu d’État azéri dans l’Histoire et le dernier État arménien remontait au XIVe siècle (et n’était même pas situé dans le Caucase). Les deux États proclamé n’avait aucune référence territoriale évidente à faire valoir. La région était peuplée en taches de léopard de Géorgiens, Tatars et Arméniens, auxquels il fallait ajourer de nombreux Kurdes, des Russes, des Grecs… Le tout était compliqué par un afflux de réfugiés de l’Empire ottoman, rescapés du Génocide. Une offensive turque qui s’est soldé par la victoire arménienne de Saratrapat. Une présence militaire anglaise tentant de remplacer les Russes… La Fédération de Transcaucasie, État multiethnique, fondée en février 1918 sur les décombres de l’Empire russe,  aurait pu regrouper tous ces peuple et les faire vivre ensemble..

Mais les logiques nationalistes ont pris le dessus et n’ont laissé aucune chance au jeune État dont la mort a été prononcée le 26 mai 1918. Le même jour la Géorgie proclamait son indépendance. Évidemment, les projets territoriaux de chacun des trois pays se chevauchaient largement et la naissance de ces trois États se fera dans la violence et la frustration. Les processus de nettoyage ethnique, un siècle après, ne sont toujours pas terminés. Les craintes aujourd’hui, concernent le Haut-Karabagh, assiégé et asphyxié par les Azéris depuis l’automne 2022.

La région va, en 1920, tomber sous le contrôle de Moscou (dans le cadre de l’URSS) qui a joué les peuples les uns contre les autres afin de conserver sa tutelle coloniale héritée des tsars. L’idée était de brider le peuple ayant l’identité la plus forte et la plus ancienne, en l’occurrence, les Arméniens. Ceux-ci ont tous été chassés du Nakhitchevan, exclave que Staline a attribué à l’Azerbaïdjan. De leur côté les Tatars (Azéris) sont chassés du Zanguézour, la région qui sépare le Nakhitchevan de l’Azerbaïdjan. D’où les visées actuelles de Bakou sur cette région. Le Haut-Karabagh, très majoritairement peuplé d’Arméniens, aurait pu être une exclave de l’Arménie, Staline l’a placé sous la tutelle de Bakou avec un vague statut d’autonomie.

Ce statut d’autonomie sera aboli par Bakou à la chute de l’URSS, en 1991. En réaction, les Arméniens de la république autonome du Haut-Karbagh ont pris les armes et le contrôle d’un territoire deux fois plus vaste que leur enclave et en ont chassé les Azéris. Ce statu quo a tenu qu’en 2020, année où l’Azerbaïdjan a reconquis tout son territoire, à l’exception d’une partie de l’enclave du Haut-Karabagh aujourd’hui tenue par l’Armée russe.

En 2020, Moscou a laissé les Arméniens être écrasés par les Azerbaïdjanais, mais ne souhaitait pas une victoire totale de Bakou. Le souci des Russes était conserver une présence militaire  dans le Caucase, mais jusqu’à quand ? L’agression de l’Ukraine ayant largement tournée au fiasco, la puissance russe ne joue plus son rôle de médiateur. L’inquiétude est grand au Haut-Karabagh. Le souvenir des pogroms de Bakou, en 1988, visant les Arméniens est encore vif dans les mémoires…

La date du 28 mai, célébrée chaque année à Erevan et à Bakou est très lourde de mémoire et de contentieux. Ces jours fériés arménien, le Jour de la Première République (Առաջին Հանրապետության օր), et azerbaïdjanais (İlk Respublika Günü) n'étaient pas célébrés à l'époque soviétique, ils n’ont été institués qu’après la dissolution de l'URSS. Après que deux républiques aient obtenu leur deuxième indépendance en 1991.

Des pourparlers de paix ont débuté très récemment, l’Arménie propose de reconnaître les frontières de son voisin. L’Azerbaïdjan garantira-t-elle celles de l’Arménie ? Quel est l’avenir des Arméniens du Haut-Karabagh ?

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

Pour en savoir plus, lire Géopolique de l’Arménie par Tigrane Yégavian

 

Le mémorial arménien de Saratrapat où se fête le 28 mai

Le discours du 28 mai du président azerbaïdjanais

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1226, Géorgie, 13 novembre, chrétiens Bruno Teissier 1226, Géorgie, 13 novembre, chrétiens Bruno Teissier

13 novembre : la mémoire de cent mille martyrs géorgiens

Cérémonie religieuse et nationale en souvenir d’un massacre de chrétiens perpétré au XIIIe siècle

 

Chaque 13 novembre, à Tbilissi, la foule, guidée par les plus hautes autorités religieuses, se rend sur le pont qui enjambe le fleuve Mtkvari pour commémorer la mort des 100 000 martyrs chrétiens de Tbilissi décapités par les musulmans en 1226 pour avoir refusé de renier leur religion. Cette célébration est à la fois religieuse et nationale. La Géorgie, petit État en mal de reconnaissance, se souvient de sa grandeur passée, notamment de la brillante Géorgie médiévale qui dominait la région jusqu’aux invasions turques perses et mongoles du XIIIe siècle y mette un terme. 

À l’automne 1225, la Géorgie est attaquée par Jalal ad-Din, roi du Khwarezm (un État turco-perse), qui fuit devant l’avance des armées mongoles. Les armées géorgiennes subissent une lourde défaite à la bataille de Garni en août 1225 et, pendant que la reine Rousoudan et la cour s’enfuient à Koutaïssi en Iméréthie, la capitale Tiflis (ancien nom de Tbilissi) est prise le 9 mars 1226 grâce à la trahison d’une partie de la population musulmane. La population chrétienne qui refuse de se convertir à l’islam est massacrée et les églises détruites. Rapidement, les Géorgiens pourront reprendre le contrôle de leur capitale. Le royaume de Géorgie va encore exister pendant deux siècles et demi mais son apogée appartient au passé.

Selon une chronique anonyme, Jalal a fait détruire la cathédrale de Sioni. Les icônes de la Vierge Marie et du Christ ont été placées sur le pont au-dessus de la rivière, on força les chrétiens à les piétiner. Ceux qui refusaient de profaner les icônes, ont été immédiatement décapités. On ne connaît pas de nombre exact de morts, le nombre indiqué dans la chronique médiévale géorgienne peut être traduit par « dix mille ». L’Église orthodoxe géorgienne invite néanmoins à célébrer la Journée du souvenir de 100 000 martyrs ( ასი ათასი მოწამე), fête religieuse importante en Géorgie qui a été placée le 31 octobre du calendrier julien, c’est-à-dire le 13 novembre du calendrier géorgien. 

Pour suivre les fêtes religieuses, partout dans le monde, consulter l’Almanach des fêtes religieuses !

 
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