L’Almanach international
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29 avril : l’anniversaire de Bichkek, capitale du Kirghizistan
Depuis son indépendance le Kirghizistan a mis en place plusieurs célébrations en rapport à son histoire nationale antérieure à l’URSS. Mais, cette Journée de Bichkek, chaque 29 avril, renvoie tout de même à la colonisation russe.
Depuis son indépendance le Kirghizistan a mis en place plusieurs célébrations en rapport à son histoire nationale antérieure à la création de l’URSS. Mais, la Journée de Bichkek (Бишкектин туулган күнү), l’anniversaire de la capitale du pays, chaque 29 avril, renvoie tout de même à la colonisation russe.
La capitale kirghize a pour origine la forteresse de Pishpek, construite par le Khanat de Kokand, y a deux cent ans exactement, en 1825, dans le but de contrôler les routes caravanières locales et collecter le tribut des tribus kirghizes. On comprend que ces dernières aient encouragé les Russes à en prendre possession. Une fois la forteresse conquise (en 1860), ces derniers fondent la ville de Pishpek en 1878, le 29 avril. C’est cet anniversaire que l’on fête aujourd’hui. Cette ville deviendra, en 1926, la capitale de la république soviétique du Kirghizistan, et sera baptisée Frouzé, du nom d’un compagnon de Lénine. En 1991, la ville sera renommée Bichkek, un terme kirghiz proche du nom de la forteresse initiale et qui désigne un fouet servant à remuer le koumis, la boisson de lait fermenté nationale. C’était quelques semaines avant que le Kirghizistan accède à l'indépendance et que l’URSS disparaisse.
La cérémonie du 29 avril se déroule devant le monument dédié à Baityk Kanayev (1820-1886), l'un des chefs de file de la lutte contre l'oppression du khanat de Kokand. Ce héros national se rangera ensuite sous la protection des Russes. Il sera même invité à Saint-Pétersbourg en 1867 pour la cérémonie du couronnement de tsar Alexandre II.
En ce 29 avril, des événements festifs ont lieu tout au long de la journée dans tous les coins de la capitale, avec pour point culminant, un concert sur la place. T. Usubalieva, qui débute à 18h00.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 29 avril 2025
Le monument dédié à Baitik Kanayev
7 avril : une révolution d’avril que le pouvoir kirghiz aimerait faire oublier
De la difficulté pour un dictateur kirghiz de commémorer une révolution qui a fait chuter, il y a 15 ans, un régime semblable en tout point au sien.
C’est aujourd’hui, le Jour de la Révolution populaire d'avril, une fête nationale qui commémore la révolution du 7 avril 2010, laquelle a renversé la dictature de Kurmanbek Bakiev. Celui-ci était arrivé au pouvoir en 2005 à la faveur d’une autre révolution, celle dite des Tulipes, que personne ne commémore car elle avait très vite débouché sur une dictature familiale. Le clan Bakiev, en effet, avait mis la main sur toutes les entreprises rentables du pays et avait verrouillé le système électoral pour s’incruster au pouvoir au point que seule une révolution pouvait le renverser. C’est ce qui est arrivé. La corruption, le népotisme et la répression politique ont fini par mobilier l’opposition. En avril 2010, les manifestations se sont intensifiées dans le centre de Bichkek. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants, causant la mort de 87 personnes. Mais les manifestants ont fini par prendre d'assaut le bâtiment du Parlement et, le 7 avril, ont renversé Bakiev, qui s'est enfui en Biélorussie.
Le Kirghizistan a connu ensuite quelques années d’un renouveau démocratique qui l’a singularité au sein de l’Asie centrale. Dès 2011, le nouveau régime (parlementaire), avait instauré un jour férié pour célébrer cette révolution. Chaque année, une cérémonie se déroulait sur la place Ala-Too, au centre de Bishkek. En 2016, le 7 avril a été déclaré journée chômé afin de donner plus de solennité à la célébration de la Révolution d’avril (Апрель революциясы) qui se déroule également sur un site commémoratif près de Bichkek.
Cette époque appartient au passé, la fenêtre libérale de l’Histoire kirghize est bien refermée à présent. Le 7 avril est toujours dans la liste des jours fériés, mais le nouveau code du travail, promulgué en 2004, en a fait une journée ordinaire. Le pouvoir essaye d’effacer le souvenir du 7-Avril. Depuis l’arrivée au pouvoir de Sadyr Japarov, en 2021, la vie politique a perdu toute sa substance, la presse d’opposition est à nouveau persécutée. L’exception démocratique du Kirghizistan (2010-2021) appartient aujourd’hui au passé. La république parlementaire a été transformée en une république présidentielle autoritaire. Le pouvoir favorise un cercle étroit autour du président. Lequel se félicite que le Kirghizistan compte « cinq ou six milliardaires en dollars et environ 200 millionnaires ». Le régime de Japarov ressemble totalement à celui de Bakiev, renversé le 7 avril 2010. Comme ce dernier, le président actuel a placé tous les membres de sa famille à des postes clés du pouvoir et de l’économie. Le Kirghizistan est devenu la république d’Asie centrale la plus proche du régime de Poutine, érigé en modèle par Japarov.
On comprend qu’il soit aujourd’hui malvenu de commémorer de manière trop appuyée une révolution que le pouvoir souhaite faire oublier, de crainte d’en susciter une autre. Mais la société kirghize a-t-elle les ressorts suffisants pour à nouveau renverser une dictature ?
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 avril 2025
Le 7 avril 2010, les manifestants prennent le Parlement