L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
6 avril : le Burundi se souvient du président Ntaryamira
Le président Cyprien Ntaryamira est mort le 6 avril 1994, victime d’un attentat dont il n’était qu’une victime collatérale mais dont les conséquences furent terribles. La Journée lui rend hommage ainsi à tous les martyrs des guerres civiles.
Le président Cyprien Ntaryamira est mort le 6 avril 1994, victime d’un attentat dont il n’était qu’une victime collatérale. L’année précédente son prédécesseur, Melchior Ndadaye, avait été renversé et assassiné, ce qui avait provoqué une guerre civile dans le pays entre Tutsis et Hutus. Ce même 6 avril 1994, Cyprien Ntaryamira participait aux accords de paix d'Arusha, en Tanzanie, en vue de mettre à ce conflit. Les chefs d’États de la région participaient à cette réunion. Le jet présidentiel burundais était en panne. Le président rwandais, Juvénal Habyarimana, propose à son homologue burundais de le ramener chez via Kigali. Alors qu’il amorce son atterrissage à l’aéroport international de Kanombe, l’appareil est pulvérisé par un missile sol-air au-dessus de Kigali. Les deux présidents périssent donc dans un attentat contre l’avion à bord duquel se trouvent également deux ministres burundais Cyriaque Simbizi et Bernard Ciza. Trente et un ans après les faits, les circonstances de l’attentat ne sont pas encore toutes élucidées. Une chose est sûre, ce n’est pas Cyprien Ntaryamira qui était visé.
Cet attentat du 6 avril a traumatisé le Burundi qui a fait de cet anniversaire un jour férié dédié à son éphémère président, mais il a aussi profondément marqué le Rwanda où il a été l’élément déclencheur d’un génocide qui a fait disparaître en quatre mois, à partir du 7 avril, près d’un million de Rwandais. Au Burundi, la guerre civile également entre Hutus et Tutsis s’est prolongée jusqu’en 2005 faisant, depuis 1993, quelque 300 000 morts.
Chaque 6 avril, la cérémonie se déroule au monument des Martyrs de la démocratie où le président Évariste Ndayishimiye ainsi que son épouse Angeline, se recueillent au nom de tous les Burundais et dépose une gerbe de fleurs sur la tombe du disparu. Ils sont suivis par les représentants du corps diplomatique et consulaire accrédité au Burundi, la famille de feu le président Ntaryamira, des membres des partis politiques et bien d’autres encore. En 2024, pour le 30e anniversaire, la cérémonie fut une occasion de réécouter un extrait de son discours prononcé lors de son investiture tenue le 5 février 1994 dans lequel il appelait les Burundais à être unis pour la restauration de la paix et la sécurité, le respect des droits humains et à être caractérisés par la discipline dans tous les secteurs de la vie du pays.
La commémoration du 6 avril débute par une messe, célébrée à la cathédrale Regina Mundi, en mémoire des martyrs de la guerre civile. Un hommage est également rendu aux ministres Cyriaque Simbizi et Bernard Ciza, qui périrent dans le même attentat.
À Bruxelles, l’ambassadeur du Burundi en Belgique, Ntahiraja Thérence, invite la communauté burundaise d’Europe et les amis du pays à une cérémonie commémorative en hommage au président Cyprien Ntaryamira, ce 6 avril à 15h.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 5 avril 2025
Le président Évariste Ndayishimiye et son épouse Angeline (photo : Présidence du Burundi)
7 avril : la mémoire du génocide tutsi au Rwanda
Il y a 30 ans, commençait un génocide qui allait faire disparaître, en trois mois, un million de personnes dans un pays de moins de 7 millions d’habitants, le Rwanda. En dépit des commémorations annuelles, un lourd silence pèse sur le génocide des Tutsis. Le pays a mis beaucoup de temps à le faire entrer dans les manuels d’Histoire. C’est fait à présent, mais le Rwanda est un pays très jeune : 70% de la population a moins de 30 ans et n’a pas vécu le génocide.
Il y a 30 ans, jour pour jour, commençait un génocide qui allait faire disparaître, en trois mois, un million de personnes dans un pays de moins de 7 millions d’habitants, le Rwanda.
Tutsi et de Hutu sont des appartenances fixées par les colonisateurs allemands et belges. À l’époque coloniale, les Européens ont voulu catégoriser les populations soumises en ethnies bien identifiables. Dans le cas du Rwanda, cette construction était très largement artificielle, car Tutsis et Hutus habitent le même territoire, partagent la même langue et ont adopté la même religion, le catholicisme. L’ethnie figurait sur les cartes d’identité, c’est ce qui facilita les massacres, car comment identifier à coup sûr les individus à éliminer ?
En 1962, le colonisateur belge après avoir favorisé les Tutsis pendant des décennies, avait laissé le pouvoir à un mouvement radical Hutu (Parmehutu), aussitôt des massacres de Tutsis se sont produits. En 1973, quand Juvénal Habyarimana prend le pouvoir à la suite d’un coup d’État, les Tutsis ne seront plus désormais que des citoyens de seconde zone ce qui engendrera la création du FPR (Front patriotique rwandais) pour combattre le dictateur. Ce mouvement rebelle, implanté dans les pays voisins, est composé de Tutsis et de Hutus modérés qui ont fui leur pays. Le dictateur Juvénal Habyarimana fini par accepter un partage du pouvoir (accord d’Arusha, en août 1993) mais en même temps le pouvoir de Kigali laissait se développer une propagande anti-tutsi aux accents meurtriers. La radio Mille collines qui appelle quotidiennement à éliminer tous les Tutsis du pays est fondée en juillet 1993. Par ses discours de haine, elle joua un grand rôle pendant le génocide. Le 6 avril 1994, l’avion présidentiel est abattu par un missile, on n’a jamais su qui avait tué Juvénal Habyarimana, mais la propagande hutue désigne aussitôt les Tutsis. Le 7 avril 1994, commence des massacres qui ne s’achèveront que le 17 juillet par la prise de contrôle du pays par le FPR et la fuite des extrémistes Hutus au Zaïre (aujourd’hui RDC).
Le FPR a pris le pouvoir en juillet 1994. Depuis, son leader Paul Kagamé est l’homme fort du pays. Il appartient à une famille de Tutsis qui s’était réfugiée en Ouganda, bien avant le génocide. Son régime est autoritaire, mais le pays a retrouvé la paix et a prospéré sous son règne.
Le Rwanda organise tous les ans, le 7 avril, une commémoration du génocide mais sans pour autant avoir cherché à identifier les coupables et les victimes. La mention de l’ethnie sur les cartes d’identité a été enlevée dès août 1994, officiellement, il n’y a plus de Hutus ni de Tutsis, rien que des Rwandais. Néanmoins, la cohabitation entre victimes et bourreaux pose de grandes difficultés à la reconstruction du pays. Dans un souci de réconciliation nationale, les victimes ont été enjointes de pardonner à des bourreaux qui ont rapidement débité un texte de contrition. Un lourd silence s’est imposé. Le pays a mis beaucoup de temps à faire entrer le génocide dans les manuels d’Histoire. C’est fait à présent, mais pour une très large partie de la population, ce n’est plus qu’un fait historique. Le Rwanda est un pays très jeune : 70% de la population a moins de 30 ans et n’a pas vécu le génocide.
De commémorations en commémorations, les choses évoluent à l’international. En 2021, le président Macron, mettait un terme au déni de la France et admettait des responsabilités dans le déroulement du génocide du fait d’un soutien coupable à la dicature extrémiste hutue (la fourniture d’armes aux autorités rwandaises pendant les massacres). En 2024, en vue de ce 30e anniversaire, le président français a affirmé que la France, « avec ses alliés occidentaux et africains » aurait ou arrêter le génocide mais n’en a pas eu, à l’époque, la volonté. Il a rappellé que, « quand la phase d'extermination totale contre les Tutsis a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d'agir, par sa connaissance des génocides que nous avaient révélée les survivants des Arméniens et de la Shoah ». Le Vatican, en revanche n’a jamais fait le moindre commentaire sur l’aveuglement de l’Église face à ce génocide.
En l’an 2000, le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, avait été beaucoup plus clair : « J’assume ici devant vous la responsabilité de mon pays, des autorités politiques et militaires belges, et au nom de mon pays, je vous demande pardon pour cela. » La même année, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, avait juste exprimé des remords : « Au nom de l’ONU, je reconnais cet échec et j’exprime mon profond remords. » Remords d’avoir, pendant le génocide, retiré 90% des casques bleus présents au Rwanda… En 2003, l’ONU institue le 7 avril comme la Journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda qui deviendra, en 2018, la Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Chaque année, à cette date ou aux alentours de cette date, l’Organisation des Nations Unies organise des manifestations commémoratives à son siège, à New York, et dans ses bureaux dans le monde entier.
Le Rwanda a deux jours fériés pour commémorer le génocide. La période de deuil national débute avec Kwibuka (“se souvenir”, en kinyarwandais), la commémoration nationale du 7 avril et se termine avec le Jour de la libération (Kwibohora), le 4 juillet.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 6 avril 2024
Le mur où sont inscrits les noms des victimes, au Mémorial de Kigali