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1964, Brésil, Coup d'état militaire, 31 mars Bruno Teissier 1964, Brésil, Coup d'état militaire, 31 mars Bruno Teissier

31 mars : des marches du silence en souvenir des victimes de la dictature brésilienne de 1964

Il y a 60 ans l’armée prenait le pouvoir au Brésil pour instaurer une dictature qui dura deux décennies et fit sa cohorte de victimes auxquelles de nombreux Brésiliens entendent rendre hommage, en dépit du renoncement du président Lula à toute commémoration, de crainte d’une réaction des nostalgiques de la dictature.

 

« Sans mémoire, il n’y a pas d’avenir  », c’était le mot d’ordre de la campagne de sensibilisation, dans le cadre du 60e anniversaire du putsch qui a instauré une terrible dictature au Brésil. À la demande du président Lula, tout a été annulé. Mais, la société civile a pris le relais de l’hommage aux victimes du pouvoir militaire.

Ce week-end, le Brésil marque le 60e anniversaire du coup d'État militaire du 31 mars/ 1er avril 1964 qui a renversé le président  João Goulart, élu démocratiquement en 1961. La dictature militaire d’extrême droite durera 21 ans. Ce régime autoritaire est à l’origine de la mort de plusieurs centaines d’opposants politiques et de milliers d’Amérindiens, déplacés de force. Des dizaines de milliers de personnes ont été détenues, une grande partie d'entre elles a été torturée. Quelque 10 000 Brésiliens ont été forcés de s'exiler…

Les militaires ont lâché le pouvoir en 1985, sans aucune épuration dans leurs rangs. La loi d’amnistie de 1978 qui les protège de toute poursuite n’a jamais été abolie. Une partie d’entre eux, en particulier les haut gradés qui ont commencé leur carrière sous la dictature, restent nostalgiques de cette époque où ils avaient tout pouvoir. Dans les milieux proches de l’ancien président Bolsonaro (lui-même ancien officier), le putsch du 31 mars est désigné comme la « révolution de 1964 ». Comme en Argentine ou au Chili, dans les milieux conservateurs, prévaut l’idée que le pays aurait été sauvé du péril communiste.

Est-ce la peur d’un nouveau coup d’État militaire qui a incité le président Lula à interdire à son gouvernement toute commémoration ? Il a aussi renoncé au projet de musée de la mémoire et des droits de l’homme, centré sur la dictature, il n’a pas rétabli la Commission spéciale pour les morts et disparus politique que Jair Bolsonaro avait, bien sûr, supprimée. Lula a-t-il été traumatisé par la tentative de coup d’État de janvier 2023, quand des milliers de militants d’extrême droite, acquis à la cause de Bolsonao, sont venus s’agacer les institutions de Brasilia ?

Pas de commémoration gouvernementale, mais des marches dans tout le pays à la mémoire des victimes.

Ce 31 mars, à São Paulo, se déroule  la quatrième édition de la Marche du Silence (Caminhada do Silêncio). Elle commence à 16 heures, devant l'ancien siège du DOI-Codi (un centre de torture dépendant de l’armée), transformé en commissariat de police, au sud de São Paulo. Les manifestants se rendent ensuite au Monument en hommage aux morts et disparus politiques, dans le parc d'Ibirapuera. Le lieu où les membres des familles des victimes de la dictature allument des bougies, déposent des fleurs et récitent des prières à ceux qui ont été assassinés par les forces publiques. Le thème de cette année est « Pour que tu n'oublies pas / Pour que ça ne continue plus » (“Para que você não esqueça / Para que não continue mais”).

Ce même jour, une marche quitte Rio de Janeiro en direction de Juiz de Fora, vers Minas Gerais. C’est la Marche pour la démocratie (marcha pela democracia) ou la « marche inversée » ou , car, il entreprend le parcours en sens inverse des troupes dirigées par le général Olympio Mourão Filho, commandant de la 4e région militaire, qui avaient quitté le Minas Gerais pour se diriger vers Rio, pour renverser le régime constitutionnel. Ce 31 mars 2024, les caravanes quittent Cinelândia, au centre de Rio, pour aller à la rencontre de la famille de l'ancien président, João Goulart, mort en 1976, en exil, sans avoir revu le Brésil. Cette marche fera un arrêt symbolique à Petrópolis, où se trouvait la « Casa da Morte » (un centre clandestin de torture et d'assassinat). Un autre centre de torture existait à Parelheiros, dans le sud de São Paulo, il est appelé aujourd’hui, la ferme du 31 mars (Fazenda 31 de Março).

À Salvador de Bahia, la marche du silence aura lieu dimanche 1er avril, elle partira à 17 heures, de Piedade à Campo da Pólvora, où se trouve le Monument aux Bahiens morts et disparus sous la dictature.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 mars 2024

 
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31 mars : le Brésil de Jair Bolsonaro nostalgique de la dictature militaire

Séance solennelle ce jeudi à l'Assemblée législative de Brasilia en l'honneur du 58e anniversaire du coup d'État militaire de 1964 dont Jair Bolsonaro est un grand admirateur.

 

À la demande du député d'État Capitão Assumção (PL), une séance solennelle a lieu ce jeudi à l'Assemblée législative de Brasilia en l'honneur du 58e anniversaire du coup d'État militaire de 1964. Rien d’étonnant quand on sait que Jair Bolsonaro, ex-capitaine chez les parachutistes et dont le gouvernement comprend plusieurs militaires parmi les ministres, est un admirateur avoué de la période de la dictature.

Le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, élu en 2018 et  a pris ses fonctions le 1er janvier 2019, avait ordonné  la commémoration du 31 mars 1964, date du coup d’État militaire qui a confisqué la démocratie pendant 21 ans. Cinq généraux se sont succédés à la tête de la junte qui a dirigé pays pendant cette période de répression, de tortures des opposants ou d’assassinats (plusieurs centaines d’entre eux ont perdu la vie). Le régime s'est durci en 1968 avec l'interdiction des manifestations, la censure et le jugement des prisonniers politiques par des tribunaux militaires. Beaucoup d’artistes et d’opposants politiques se sont exilés, comme les musiciens Gilberto Gil et Caetano Veloso, pour sauver leur vie.

En juin 2016, Jair Bolsonaro affirmait à la radio Jovem Pan"L'erreur de la dictature a été de torturer sans tuer". Lors de la séance de la Chambre des députés où a été votée en avril 2016 la destitution de la présidente Dilma Rousseff (qui fut torturée par les militaires), Bolsonaro avait dédié son vote au colonel qui était le chef du renseignement sous la dictature, accusé d'au moins six assassinats sous la torture. "À la mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, la terreur de Rousseff (...), je vote oui !".

Contrairement à d'autres pays comme le Chili et l'Argentine, au Brésil, les militaires ont maintenu le contrôle total de la transition de la dictature à la redémocratisation. « À tel point que jusqu'à aujourd'hui, tout ce qui touche à la justice transitionnelle passe par les militaires, comme la Commission des morts et des disparus en 1995 et la Commission d'amnistie. Tout a dû être négocié avec les militaires.  

Depuis 1986, la Constitution interdit à l'armée de s'ingérer dans les affaires publiques. En 2019, Bolsonaro avait demandé au ministère de la Défense d’organiser des fêtes de commémoration dans les casernes.   Cela ne se produira pas cette année. L’an dernier dans une crise d'autoritarisme le président paranoïaque a renvoyé son ministre de la Défense, ce qui a entraîné la démission des trois principaux chefs militaires du Brésil, trois généraux à la tête de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine, le 29 mars 2021, ce qui ne s’était jamais vu… En campagne pour les élections d’octobre 2022, Jair Bolsonaro qui les années précédentes avait évoqué l’idée d’un nouveau coup d’État militaire, va plutôt faire profil bas. Les sondages ne lui sont pas très favorables face à Lula, son adversaire de gauche. Il a toutefois choisi un militaire comme candidat à la vice-présidence, son nouveau ministre de la Défense, Walter Souza Braga Netto, un nostalgique lui aussi du golpe de 1964.

Ce 31 mars 2022, l’heure est au recueillement, les opposants à Bolsonaro organisent des marches du silence (Caminhada do Silêncio), dans plusieurs villes du Brésil. 

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 mars 2022

 

Le 31 mars 1964, l’armée brésilienne renversait João Goulart, le président élu en 1961

Les cinq généraux qui se sont succédés à la tête de la junte

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