L’Almanach international
Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde
13 novembre : la commémoration du terrorisme
Lors d’une grande cérémonie où la musique a toute sa place, l’hommage aux victimes du 13-Novembre se déroule dans le nouveau jardin du souvenir aménagé derrière l’Hôtel de Ville de Paris. La mémoire du terrorisme s’institutionnalise.
Lors d’une grande cérémonie où la musique a toute sa place, l’hommage aux victimes du 13-Novembre se déroule dans le nouveau jardin du souvenir aménagé derrière l’Hôtel de Ville de Paris, en présence d’Anne Hidalgo et d’Emmanuel Macron. Six stèles de granit y symbolisent chacun des lieux des attentats du 13 novembre 2015 (le Stade de France à Saint-Denis, La Belle Équipe, Le Petit Cambodge et Le Carillon, La Bonne bière et Casa Nostra, Le Comptoir Voltaire et Le Bataclan à Paris). C’est sur ces stèles qu’ont été gravés les noms des 132 victimes. Un espace de mémoire et de recueillement a également été aménagé place de la République, pour une semaine, afin que chacun puisse déposer un message, une fleur ou toute autre participation au deuil collectif.
Notre Histoire est parsemée d’attentats qui visaient principalement les dirigeants, l’idée de cibler volontairement la foule anonyme remonte à un demi-siècle. L’attaque contre le Drugstore Publicis Saint-Germain-des-Prés, en plein cœur du 6e arrondissement, le 15 septembre 1974, avait marqué les esprits : une grenade lancée dans la foule (2 morts, 34 blessés).
Notre mémoire, heureusement ne les retient pas toutes : il a eu 80 attaques meurtrières dans Paris au cours du demi-siècle. Qui se souvient de l’attentat du boulevard Sébastopol, en juin 1976, qui fit quatre morts ? Il était le fait d’une « brigade révolutionnaire » qui a visé une agence d’intérim pour dénoncer la précarisation de l’emploi. Aucune plaque ne rend hommage aux victimes, on a même oublié l’adresse exacte de l’attentat.
Les premières plaques commémoratives apparaissent avec les attentats antisémites de la rue Copernic (16e) et le 9 août 1982 contre le restaurant Jo Goldenberg, rue des Rosiers (4e), elles sont le fait d’organisations juives. Le restaurant avait pendant des décennies, conservé la trace des impacts de balles sur sa vitrine, le magasin de vêtements qui lui a succédé en 2010 a tout effacé.
Le Grand Véfour (1er arrond.), autre restaurant parisien ciblé par un attentat, en 1983, n’a cultivé aucune mémoire visible sur place. Françoise Rudetski, l’une des victimes d’Action directe, est à l’origine de l’association SOS Attentats, qui a permis de faire advenir la prise en charge des victimes du terrorisme par les pouvoirs publics. C’est cette association qui fera placer en 1989, une plaque à la mémoire des victimes de l’attentat islamiste de la rue de Rennes (6e), qui a eu lieu trois ans plus tôt.
Finalement, sur décision du président Macron, un Musée-mémorial du terrorisme, devrait voir le jour en 2027 dans le 13e arrondissement. Le musée sera consacré à l'ensemble des victimes et des actes de terroristes depuis 1974, date de l’attentat du drugstore Publicis.
Dans d’autres pays, on célèbre aujourd’hui la Journée mondiale de la gentillesse. Elle aurait pu servit d’antidote au 13-Novembre français. Mémoire de l’horreur et éloge de la gentillesse n’étaient si antagonistes. Les Français ont relégué cette dernière à une autre date (3 novembre) où elle ne ne bénéficie pas de l’élan mondial. Dommage.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 novembre 2025
Logotype dont le slogan et le graphisme est dérivé de celui, créé par Joachim Roncin pour la mobilisation « Je suis Charlie »
18 octobre : jour de prière en Zambie
Chaque année, le 18 octobre, la Zambie s'arrête pour prier, jeûner et réfléchir. Les drapeaux sont en berne, le pays est censé faire une pause politique… les détracteurs de cet exercice crient à l’hypocrisie du pouvoir.
Chaque année, le 18 octobre, la Zambie s'arrête pour prier, jeûner et réfléchir. Les drapeaux sont en berne, des hymnes résonnent dans les églises… les bars et restaurants sont fermés, comme la plupart des lieux publics, c’est la Journée nationale de prière, de jeûne et de réconciliation (National Day of Prayer, Fasting and Reconciliation) elle a été conçue comme une pause dans la vie politique et pour ramener le pays sur le chemin de l'unité et de l'ordre constitutionnel.
Elle a été instaurée en 2015 par Edgar Chagwa Lungu, le président de l’époque. Cette année-là, le kwacha zambien a chuté de 45 % par rapport au dollar américain en raison d'une chute brutale du prix du cuivre, principal produit d'exportation de la Zambie. Le 18 octobre 2015, un grand rassemblement de prière a eu lieu au stade des Héros de Lusaka, la capitale zambienne. Cette journée a été instaurée chaque année, le 18 octobre.
Les opposants au régime autoritaire Edgar Lungu (2015-2021), l’accusaient chaque année de chercher à détourner l’attention de la population des difficultés économiques du pays. C’était le cas de son rival Hakainde Hichilema, le président actuel, qui lui a succédé en 2021 et qui a repris à son compte la journée créée par son rival politique. Si, en 2025, le cuivre se porte mieux, la Zambie a été frappée l’an dernier par une terrible sécheresse dont elle peine à se remettre. Pas sûr que des prières suffiront à relever le pays.
La population réclame avant tout que le président cesse de peser sur le pouvoir judiciaire, la police et la commission électorale, pour que ces institutions puissent agir en toute indépendance ce qui restaurerait la confiance plus efficacement que des journées de prière. On attend surtout du président qu’il mette fin à la corruption, au népotisme, au tribalisme et au gaspillage d’argent public au profit de quelques-uns, plutôt que de se faire photographier chaque 18 octobre en train de prier pour l’avenir du pays et de remplir stade de la capitale pour des heures de discours lénifiants.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 17 octobre 2025
31 octobre : la Journée des martyrs au Burkina Faso
Hommage aux centaines de victimes des l'insurrections populaires qui ont provoqué la chute de Blaise Compaoré en 2014 et fait échec au coup d’État de 2015. Cette journée, toutefois, ne concerne pas les 3700 morts des violences djihadistes ou intercommunautaires de ces dernières années.
Cette journée fériée et chômée a été instaurée en 2015, en hommage aux victimes de l'insurrection populaire, suite au coup d’État (manqué) du 16 septembre de la même année, mais la date qui a été choisie est celle de la chute de Blaise Compaoré, le 31 octobre 2014. Celui-ci a laissé le pouvoir après une présidence longue de 27 ans, appuyée sur un régime autoritaire, instauré après l’assassinat de Thomas Sankara. La démission de Compaoré avait été obtenue par deux jours de soulèvement populaire, les 30 et 31 octobre.
En 2014, Blaise Compaoré envisageait de modifier l’article 37 de la Constitution, lui interdisant de se représenter pour un cinquième mandat, les partis politiques d’opposition et les organisations de la société civile coordonnèrent des manifestations pour tenter de contrer ce projet qui devait être voté par des députés aux ordres, le 30 octobre. Les manifestations atteignirent leur apogée le 30 octobre 2014, causant une trentaine de morts et plus de six cents blessés.
À la mi-novembre 2014, un gouvernement de transition fut donc instauré, avec à sa tête le diplomate Michel Kafando comme président de la transition. Mais, le 16 septembre 2015, le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier de Compaoré durant vingt-sept ans, tente de prendre le pouvoir avec quelques fidèles. Les affrontements entre les putschistes et les manifestants, sortis massivement dans les rues pour demander la libération et la réinstallation du gouvernement de transition, causèrent quatorze morts et plus de deux cent cinquante blessés.
Ce sont toutes ces victimes des deux soulèvements qui sont honorées lors de la Journée des martyrs. Le cérémonial débute avec le retentissement de la sirène à 10 heures, symbolisant l'heure à laquelle est tombée la première victime lors de l'insurrection populaire de 2014, l'observation d'une minute de silence et le dépôt de gerbe de fleurs par le Président du Faso ce 31 octobre 2021 au Monuments des héros nationaux à Ouaga 2000, en mémoire de ces martyrs.
À 11h une messe est dite en l’église la Rotonde, pour les catholiques. À 9 h a eu lieu un office en l’église baptiste du Bon-Berger, à l’est de l’Université Joseph Ki-Zerbo, pour la communauté évangélique. Quant aux musulmans, leur cérémonie religieuse de commémoration a eu lieu vendredi 29 octobre à 12 h à la Mosquée du Cheik Doukouré à Hamdalaye. Ce 31 octobre tombant un dimanche, suivi du jour de la Toussaint, c’est le mardi 2 novembre qui sera accordé un jour chômé aux travailleurs. Ce qui fait, cette année, un long week-end.
La stèle, conçue par l’architecte Sibiri Simon Kafando, a été inaugurée à Ouagadougou en 2015, elle est formée de deux poings qui s’élancent vers le ciel, symbolisant « l’union, la force et la révolte » ; une étoile au milieu des deux bras fait référence au drapeau national.
Les cérémonies s'achèvent ce dimanche par un concert géant avec des artistes locaux sur la place de la Révolution, lieu emblématique des manifestations anti-Compaoré durant l'année 2014.
Ces cérémonies font suite au mois de la justice à l’égard de Thomas Sankara et de ses compagnons qui s’est déroulé du 2 au 23 octobre.
Cette Journée des martyrs ne fait pas allusion aux victimes des violences djihadistes. Par de-là les soubresauts politiques à Ouagadougou, c’est cette réalité qui est la plus préoccupante au Burkina Faso aujourd’hui. Les attaques djihadistes, les représailles intercommunautaires et les exactions imputées aux forces de sécurité ont fait plus de 3 700 morts depuis 2015. Aucun mémorial ne leur est consacré. Chaque nouvelle attaque sur le territoire burkinabé est censée entraîner l’ouverture d’une information judiciaire, mais les tribunaux sont totalement débordés.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 30 octobre 2021
La stèle ajoutée au Monument des héros nationaux