4 mars : en Iran, on martyrise la jeunesse pendant qu'on vénère un martyr du VIIe siècle

 

Aujourd’hui, en Iran, c’est la Journée de la jeunesse (روز جوان). Comme chaque 11 Sha’ban du calendrier iranien, on célèbre l’anniversaire du jeune Ali al-Akbar, le fils aîné d’Hussein, lui-même fils d’Ali et de Fatima, la fille du Prophète. Ali est l’un des petit-fils de Mahomet (ou Muhammad). S’il est vénéré par les chiites, c’est qu’il passe pour avoir été la toute première victime du massacre de Kerbala, cette fameuse bataille qui a eu lieu en 680 et que les chiites commémorent chaque année, le jour de l’Achoura. Ce massacre des descendants du gendre et de la fille du Prophète, ainsi que de leurs partisans, est à l’origine de la rupture entre chiites et sunnites.

Le jeune Ali al-Akbar, première victime supposée du massacre, avait 28 ans. Les chiites qui, comme les catholiques attachent une grande importance aux martyrs, lui vouent un culte. Aujourd’hui ceux qui le peuvent vont se rendre en pèlerinage sur sa tombe situé dans la mosquée dédiée à son père Hussein. Cette mosquée est située à Kerbala, dans le nord de l’Irak, la ville sainte du chiisme.

De cette célébration religieuse chiite, la république islamique d’Iran a fait, en 1979, une journée officielle dédiée à la jeunesse. Cette année la célébration a lieu dans un contexte de révolte de la jeunesse, révolte très durement réprimée au point que le régime est en train de créer une multitude de martyrs. Le premier est une jeune Kurde Mahsa Amini, 22 ans, qui a péri entre les mains de la police des mœurs de Téhéran, le 16 septembre 2022, après son arrestation pour « port de vêtements inappropriés », déclenchant un mouvement d’opposition sans précédent qui appelle à la chute du régime théocratique de Téhéran.

Ces manifestations ont engendré des arrestations en masse qui débouchent sur des séries d’exécutions destinées à semer la terreur. Le but des dirigeant iraniens est de faire taire le soulèvement de cette jeunesse, avant qu’elle ne parviennent à entrainer l’ensemble de la population à rejeter le régime. Mohsen Shekari, 23 ans, exécuté le 8 décembre, est le premier manifestant assassiné, une cinquantaine d’autres ont suivi. À ce jour, plusieurs dizaines d’opposants, raflés parmi la jeunesse manifestante, sont menacés de la peine capitale par pendaison publique.

À ces menaces d’exécution, s’ajoutent les tentatives d’empoisonnement visant les filles, les étudiantes. Le premier empoisonnement a eu lieu le 30 novembre 2022, il visait 18 élèves de l'école technique Nour, dans la ville de Qom, la capitale religieuse du pays. Selon des rapports publiés la semaine dernière, au moins 194 filles ont été empoisonnées dans quatre écoles différentes de la ville de Borujerd, dans la province occidentale de Lorestan… Les cas d’intoxication de jeunes filles se sont multipliés ces derniers temps. Depuis novembre, le nombre de cas s’élèverait à plus de 650 depuis novembre. C’est ainsi que l’Iran traite sa jeunesse.

Le problème de la jeunesse iranienne est son poids démographique. Alors que celle qui avait pris le pouvoir en 1978, dans le sillage de Khomeiny, était issue de familles de 6 enfants en moyenne, la jeunesse d’aujourd’hui est bien moins nombreuse. En 1998, le taux de fécondité était tombé à 2,2 enfants par femme et aujourd’hui, il est inférieur à 1,8. Les 20-25 ans en Iran appartiennent à une classe creuse, d’où leur difficulté à émerger face à une masse de quadragénaire bien plus importante. En Iran, les quinquagénaires sont aussi nombreux que les vingtenaires et les sexagénaires (et plus) qui ont pris le pouvoir en 1978 n’ont toujours pas décroché. Outre les conservatismes, la jeunesse iranienne doit aussi se battre contre la pyramide des âges !

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Image de propagande du régime concernant la Journée de la jeunesse

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