L’Almanach international

Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde

1910, Mexique, révolution, 20 novembre Bruno Teissier 1910, Mexique, révolution, 20 novembre Bruno Teissier

20 novembre : le Mexique célèbre sa révolution

Le Jour de la Révolution est l’un des jours fériés les plus importants au Mexique, il commémore le déclenchement de la révolution de 1910 au Mexique, un événement majeur qui a marqué le XXe siècle dans ce pays. On lui voue toujours un culte même si toutes ses ambitions sont très loin d’avoir été toutes atteintes. Le Mexique, toutefois, a sa propre référence révolutionnaire, c’est un des très rares pays du monde dans ce cas.

 

Le Jour de la Révolution (Día de revolución)  est l’un des deux jours fériés les plus importants au Mexique, avec le 16 septembre. Depuis 2006, c’est un jour férié mobile, placé le troisième lundi de novembre afin qu’il soit toujours un jour chômé. C’est donc un hasard, cette année pour le 113e anniversaire de la révolution de 1910, s’il tombe sur sa date traditionnelle du 20 novembre.

La révolution de 1910 a fait tomber une dictature installée depuis 36 ans, celle de Porfirio Díaz, un président systématiquement réélu lors de scrutins peu démocratiques. À partir de 1908, Francisco I. Madero, un homme d’affaires, a lancé une grande campagne contre le dictateur et annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 1910. La réaction du gouvernement fut immédiate : Madero fut fait prisonnier à San Luis Potosí après la victoire électorale de Díaz en juin 1910. Peu de temps après, il parvient à s'échapper pour se réfugier à San Antonio, au Texas, d'où il lance un appel à la rébellion (dit Plan de San Luis Potosí) pour le 20 novembre. Cette première journée sera pitoyable, seule une poignée de fidèle s’est mobilisée sans aucun résultat. Madero dégoûté envisage de s’exiler en Europe. Il y renonce quand il apprend, quelques semaines plus tard, qu’un maquis à tout de même émergé dans le Chihuahua, où Pancho Vila, un bandit notoire, a pris fait et cause pour la révolution annoncée. Tandis qu’au Morelos, c’est Emiliano Zapata qui prend les armes contre les grands propriétaires terriens. La révolution fini par prendre racine au printemps suivant. Finalement, le gouvernement de Porfirio Díaz tombe le 27 mai 1911 et le dictateur quitte le Mexique pour terminer sa vie à Paris. Madéro remporte les élections convoquées en octobre 1911 et devient président.

La Révolution n’était pas finie pour autant, une guerre civile opposant conservateurs et progressistes va durer une décennie provoquant un million de morts. Les coups d’État vont se succéder. Madero sera reversé et assassiné en février 1913. Il n’est pas oublié pour autant, son portrait figure aujourd’hui sur le nouveau billet de 1000 pesos.

Les historiens ne s’accordent pas sur la date de fin de la révolution que l’on célèbre au Mexique chaque 20 novembre. Certains avancent la proclamation de la constitution de 1917 (qui est toujours celle du Mexique), d’autres optent pour 1919 et la mort de Zapata, ou 1920 avec la présidence d'Adolfo de la Huerta, ou encore 1924 avec celle de Plutarco Elías Calles. D'autres préfèrent la fixer à la fin de la présidence de Lázaro Cárdenas, en 1940, qui par sa politique sociale a repris à son compte les idéaux de la révolution de 1910. Sa nationalisation du pétrole n’a-t-elle pas été perçue comme un geste révolutionnaire ? Après lui, la révolution, dont on n’a jamais annoncé la fin, s’est fossilisée. En témoigne le nom du parti politique qui s’en réclame, le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) et qui a dirigé le pays pendant trois quarts de siècle.

Depuis 1936, on célèbre l’acte déclencheur de la révolution mexicaine avec une parade militaire est organisée. Laquelle est suivie d’un défilé d’écoliers, d’étudiants, de sportifs et, cette année, de quelque 1300 figurants en costume évoquant l’époque de la révolution. Le défilé commémoratif du 20-Novembre débute au Zócalo, la principale place de la capitale mexicaine où siège la présidence de la république, et se termine au campo de Marte.

Ce défilé de la Révolution mexicaine 2023, rend notamment  hommage à des femmes remarquables dans cette lutte, comme Amelia Robles Ávila, qui a atteint le grade de colonel dans l'armée et qui est considérée comme la première personne transgenre au Mexique. Son identité a même été reconnue par les institutions, ce qui était difficile à l'époque. Il y aura aussi un spectacle en l'honneur d'Adela Velarde Pérez , connue sous le nom de la Adelita, une femme qui a inspiré des dizaines d'histoires et de chansons révolutionnaires, et de Valentina Ramírez Avitia, dite La Valentina, une femme qui se faisait appeler « Juan Ramírez » et qui a reçu le grade de lieutenant pour ses nombreux faits d’armes.

Plus attendu, le défilé 2023 rend également hommage à des personnages tels que Frida Kahlo et Diego Rivera, éminents peintres et combattants sociaux mexicains. Les athlètes militaires médaillés aux Jeux panaméricains de 2023 défileront eux aussi accompagnés par des groupes de charros de 8 États du Mexique.

La fête du 20-Novemvre est marquée par des cérémonies de lever du drapeau un peu partout dans le pays, des discours, des défilés, des festivals, des concerts en plein air, des fêtes en plein air et d'autres événements festifs.

La révolution est partout au Mexique, dans le paysage urbain, le nom des rues, la statuaire, l’imaginaire collectif… On notera que cette révolution est antérieure à celle de 1917 en Russie, à laquelle les forces politiques, en particulier la gauche, ne se sont jamais référées. Le Mexique a sa propre référence révolutionnaire, c’est un des très rares pays du monde dans ce cas.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 19 novembre 2023

 

Des écoliers chantant La Cucaracha, un chant révolutionnaire que chacun adapte à son goût, photo Ute Hagen

Pancho Villa et ses hommes, 1911

Le président Madero, au premier plan

Le monument dédié à la Révolution de 1910 à Mexico

Lire la suite
1521, Mexique, 13 août Bruno Teissier 1521, Mexique, 13 août Bruno Teissier

13 août : les 500 ans d'une invasion espagnole du Mexique quelque peu mythique

Ce 13 août, le Mexique commémore les 500 ans de la chute de Tenochtitlan, la capitale de l’empire Aztèque, prise par le conquistador espagnol Hernan Cortez et ses troupes le 13 août 1521.

 

Ce 13 août, le Mexique commémore les 500 ans de la chute de Tenochtitlan, la capitale de l’empire Aztèque qui a été prise par le conquistador espagnol Hernan Cortez et ses troupes le 13 août 1521. Le président Lopez Obrador en a profité pour réitérer ses demandes d’excuses à Madrid et au Pape. Celles-ci reposent toutefois sur une vision manichéenne et totalement biaisée de l’histoire.

Cortez est arrivé deux ans auparavant sur les côtes mexicaines avec 300 hommes seulement. Pour venir à bout de Tenochtitlan, une métropole de 150 000  habitants (à une époque où Madrid était une bourgade de 3000 âmes), il lui a fallu s’allier à de nombreux peuples, notamment les Tlaxcaltèques, ennemis jurés des Aztèques. Ces derniers, puissance centrale du Mexique, avaient asservi de nombreuses populations qui leur versaient un lourd tribut. Cortez et sa petite troupe n’ont été, en réalité, que l’élément déclencheur d’une révolte généralisée et non d’une véritable conquête selon le récit de l’histoire officielle. Même si la culture espagnole s’est par la suite imposée, matinée de cultures locales ; même si le Mexique a plus tard été dirigé depuis Madrid, la réalité d’une invasion espagnole en 1521 n’est pas fondée. D’ailleurs, ni Madrid ni le Vatican n’ont jugé bon de répondre aux demandes d’excuses d’ALMO (les initiales du président mexicain) déjà formulées, il y a deux ans lors du bicentenaire de l’indépendance.

La position officielle de Mexico est tout à fait paradoxale quand on sait le peu de cas que fait le pouvoir central des revendications des différents groupes autochtones encore très vivants, en particulier dans le sud du pays. L’exclusion et le racisme envers eux sont encore très marqués dans la société mexicaine. Ce serait plutôt au président du pays de formuler des excuses à leur égard au nom des autorités de Mexico, comme, d’ailleurs, de celles de Tenochtitlan.

Cette période est peu étudiée à l’école et elle est abordée de manière très manichéenne, cultivant l’image d’un Mexique éternelle victime des étrangers. Hier, jeudi 12 août 2021, Des indigènes de différentes régions du Mexique se sont rassemblés jeudi 12 août 2021 sur le Zócalo, la principale place de Mexico, pour commémorer les 500 ans de la résistance de l'Empire aztèque (los 500 años de resistencia México-Tenochtitlan). L’idée était de célébrer leur « dernier jour de liberté » avant la chute de la ville, le lendemain et la « résistance » des peuples du Mexique face aux Espagnols. On a vu qu’en réalité, la plupart de ces peuples avaient participé à l’assaut de la capitale. Mais cela le roman national mexicain ne le dit pas. 

Ce 13 août 2021, pour marquer ce cinquième centenaire, les autorités mexicaines  inaugurent une maquette monumentale, de 16 mètres de hauteur, du Templo Mayor qui fut le plus grand temple de l'empire, et sur laquelle seront projetées des évocations de l'histoire de cette civilisation. Les opposants au président Lopez Obrador dénoncent un grand spectacle de propagande pour conforter ses positions politiques après des législatives remportées de justesse au mois de juin. N’empêche qu’AMLO, gauche populiste, reste très populaire dans l’opinion mexicaine, en particulier parmi les déshérités.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 13 août 2021

 
Mexico pavisée aux couleurs de l’empire aztèque

Mexico pavisée aux couleurs de l’empire aztèque

La maquette du Templo Mayor sur le Zócalo, Mexico

La maquette du Templo Mayor sur le Zócalo, Mexico

Lire la suite