L’Almanach international

Parce que chaque jour est important quelque part dans le monde

1980, Espagne, Andalousie, autonomie régionale, 28 février Bruno Teissier 1980, Espagne, Andalousie, autonomie régionale, 28 février Bruno Teissier

28 février : la Journée de l’Andalousie

La Journée de l’Andalousie commémore le référendum de 1980 qui a rendu région pleinement autonome. Pour cette région du sud de l’Espagne, c’est une véritable fête nationale.

 

La Journée de l'Andalousie (Día de Andalucia), célébrée chaque 28 février par un jour férié, commémore le référendum de 1980 qui a rendu région pleinement autonome. Ce jour-là, les rues des villes et des villages sont pavoisées de vert et de blanc, les couleurs de la région (comunidad) d’Andalousie.

La fin de la dictature du général Franco qui permis une transition vers la démocratie et l’annonce de l’autonomie de certaines régions (Catalogne, Navarre, Pays basque et Galice). L'article 2 de la Constitution espagnole reconnaît et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des régions espagnoles. Les Andalous voulurent eux aussi bénéficier de ce nouveau régime. Ainsi, le 4 décembre 1977, autre grande date du peuple andalou, près d'un million et demi d'Andalous dans les huit départements (provincia) andalous descendirent dans la rue pour exiger l'autonomie de l'Andalousie.

Cette manifestation massive avait été convoquée par l'Assemblée des parlementaires. À Malaga, cette journée s'est terminée par une tragédie : la mort de Manuel José García Caparrós, un jeune syndicaliste de CCOO, ouvrier de l'usine Cervezas Victoria, décédé après avoir été abattu par la police pendant la manifestation. Le jeune Caparrós est considéré comme l'un des symboles de la lutte du peuple andalou et de son autonomie. 

La manifestation du 4 décembre a abouti à la convocation du référendum du 28 février 1980, qui a permis la constitution d’un gouvernement local, la Junta de Andalucía en juin 1979. Ce processus a été le premier et le seul référendum en Espagne proposé de cette manière. Toutes les provincia ont voté oui, à l’exception de celle d’Alméria, où l’autonomie a été instituée d’une autre manière.

Le soulèvement révolutionnaire de Topete à Cadix, au XIXe siècle, considéré comme le germe historique de l'autonomie, et la signature du Manifeste andalou de Cordoue (1919), qui décrivait l’Andalousie comme une réalité nationale, auraient pu aussi servir de date au Día de Andalucia. Les autorités ont préféré célébrer un événement contemporain.

Le Statut d’autonomie a été approuvé en 1981 comme la norme la plus importante pour les Andalous après la Constitution espagnole et qui accorde à l'Andalousie le statut de nationalité historique. En avril 1983, le Parlement d'Andalousie a reconnu Blas Infante comme Père de la Patrie andalouse. Vingt-six ans plus tard, en 2007, les Andalous ont ratifié par référendum un nouveau Statut d'autonomie , dont le préambule reconnaît la réalité nationale andalouse telle que décrite dans le Manifeste andalou de Cordoue de 1919. Le texte final compte au total 250 articles, 11 titres, cinq dispositions complémentaires, deux dispositions transitoires, une disposition abrogatoire et trois dispositions finales.

Depuis 1981, les écoles sont fermées à l'occasion du 28F et de la Semaine Blanche dans certaines régions d'Andalousie. Le vendredi précédant la Semaine Blanche est souvent une fête culturelle dans les écoles. Le traditionnel petit-déjeuner composé de pain à l'huile d'olive est servi et une grande variété d'activités culturelles est proposée.

On chante également l' hymne , une composition de José del Castillo Díaz avec des paroles de Blas Infante inspirées du Saint Dieu, un chant religieux populaire que les paysans et les journaliers de certaines régions andalouses chantaient pendant les récoltes.

Depuis 1983, c’est le jour de la remise des médailles d'Andalousie. Lors d’une cérémonie dans le théâtre de la Maestranza de Séville, le gouvernement local nomme les « fils (ou filles) andalous (es) préférés (es) » d’Andalousie. Les noms des personnes récompensées par le titre sont inscrits dans un registre appelé « Livre d'Or de l'Andalousie ». Le prix consiste en une médaille avec l'inscription Fils préféré d'Andalousie et une plaque d'argent gravée expliquant en détail le motif du prix. Dix médailles au maximum sont attribuées annuellement. Les lauréats porteront le titre de Son Excellence Monsieur (ou Madame). Pour 2024, sont notamment distingués : José Mercé, chanteur de flamenco, et Jerez de la Frontera Santiago Muñoz Machado, le directeur de l'Académie royale espagnole.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 27 février 2024

Le parlement andalou

Remise des médailles d'Andalousie par Susana Díaz (au centre, en rouge) un 28 février, jour de l'Andalousie

 
Lire la suite
1492, Espagne, Extrême droite, 2 janvier, Andalousie Bruno Teissier 1492, Espagne, Extrême droite, 2 janvier, Andalousie Bruno Teissier

2 janvier : la Toma de Granada, la fête locale qui divise l’Espagne

Ce 2 janvier, pour la 530e fois, la municipalité de Grenade (Espagne) commémore la conquête de la cité andalouse par les souverains d’Aragon et de Castille. Chaque année, la gauche locale dénonce cette cérémonie aux relents racistes et appelle à manifester contre ce qui est devenu une célébration rassemblant toute l’extrême droite espagnole.

 

Ce jour est férié à Grenade, en Espagne, pour la 530e Fête de la prise de la ville (Festividad de la Toma de Granada). Chaque année, la municipalité de Grenade commémore la conquête de la cité andalouse par les souverains d’Aragon et de Castille. La reddition de la ville a abouti à l’expulsion d’une partie de ses habitants et à l’éradication de leur culture. Comme tous les ans, la gauche locale a appelé à manifester Plaza del Carmen où se déroule la cérémonie.

Cette cérémonie controversée commence, chaque année, par un dépôt de gerbes sur les tombes de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille qui reposent dans la Chapelle royale. La ville de Grenade, assiégée depuis le 9 juin 1491, n’a pas été prise par les armes, mais livrée aux Espagnols par le dernier émir de Grenade, Boabdil. Celui-ci, après négociations, a quitté la ville le 2 janvier 1492 contre l’engagement des futurs Rois catholiques de respecter les différents cultes. Cette promesse ne fut jamais tenue, puisque dans les semaines qui ont suivi les musulmans et les juifs n’ont eu d’autres choix que la conversion ou l’exil. S’en était fini de l’Espagne des trois religions évoquée jusque-là par Ferdinand II lui-même, l’Inquisition allait désormais avoir le champ libre. Le souvenir de cette trahison plane sur cette fête traditionnelle que l’extrême droite est en train de transformer en célébration identitaire. Vox, le parti néo-franquiste, a fait son entrée au parlement andalou en 2019, une première depuis le retour à la démocratie en 1976. Il milite aujourd’hui pour que le 2 janvier devienne la fête nationale de l’Andalousie en remplacement du 28 février, peu évocateur ; voire de la fête nationale de l’Espagne tout entière. Déjà, la date du 2 janvier se substitue progressivement au 18 juillet, la journée où les nostalgiques du dictateur Franco célèbrent sa conquête du pouvoir, par les armes, en 1936. Les slogans n’évoquent plus Franco, mais une « nueva reconquista».

La cérémonie commence Plaza del Carmen, vers 10h30. Les autorités municipale se rendent ensuite à La Chapelle royale à 11h30, puis assiste à une messe dans la cathédrale à 12h. Après la messe est prévu un défilé militaire de la Légion espagnole. La ville est quadrillée par 500 policiers anti-émeutes pour séparer les militants de l’extrême droite espagnole qui ont fait de cette date l’un de leurs rendez-vous annuels, du reste de la foule qui écoute le plus jeune conseiller municipal crier trois fois « Grenade ! », au son de l’hymne national, après avoir rendu hommage aux Rois très catholiques.  En 2009, la municipalité (socialiste) avait invité des musulmans, habillés en costume d’époque, à se joindre au cortège, mais ce symbole n’a pas convaincu les associations espagnoles qui militent pour le rapprochement des trois cultures. Le nouveau maire centriste droit (cuidadanos), élu avec les voix des conservateurs (PP) et de l’extrême droite (Vox) se montre beaucoup moins audacieux. De fait, une manifestation alternative est organisée par la gauche (un défilé de Maures et de chrétiens en costume d’époque) à l’initiative des municipalités voisines de Zujan, Cullar et Benamaurel. La procession abouti à l’ermitage Saint-Sébastien, lieu de la dernière rencontre entre Baobdil et les Rois très catholiques.

Les détracteurs de cette fête régionale sont chaque année plus nombreux. Ils parlent d’un hommage rendu aux bourreaux et de l’oubli des victimes. Cette « Journée de la ville de Grenade » se termine néanmoins par un Festival des cultures où l’accent est mis sur la tolérance. À la suite du rétablissement de la liberté de culte, en… 1978, Grenade avait été, cette année-là, la première ville d’Espagne à inaugurer officiellement une mosquée.

S’il s’agit de trouver une autre date pour la Journée de l’Andalousie, la gauche et les libéraux proposent le 26 mai, en hommage à Mariana Pineda, native de Grenade, exécutée le 26 mai 1831 pour son militantisme en faveur des libertés. Cette célébration du 26 mai a été toutefois ravivée en 2022 après 86 ans d’interruption.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 1er janvier 2023

mise à jour 2024 : le PSOE (gauche) qui dirige la mairie a voté contre la célébration en tant que telle, mais est il est tout de même présent à la cérémonie prise en charge par le PP (droite) et Vox (extrême droite) qui dirigent le gouvernement andalou.

Pour faire contre-point à la commémoration de la conquête de Grenade, la plateforme Granada Abierta réunit des intellectuels et des artistes à la Fondation euro-arabe, à partir de 11 heures du matin, sous la devise « Pour la coexistence, pas pour la prise de pouvoir » afin de souligner une fois de plus leur rejet de cet événement. Cette réunion rend aussi un hommage au peintre Juan Antonio Díaz, promoteur de l’association Artistes pour la tolérance.

 
Vox  2.png

Le drapeau du royaume d’Espagne (rouge et jaune) associé à celui de Vox (vert) et à celui de la Phalange espagnole (en noir) brandi par les nostalgiques du franquisme.

En haut le drapeau du royaume d’Espagne (rouge et jaune) associé à celui de vox (vert) et à celui de la phalange espagnole (en noir) ; en bas le drapeau de l’Andalousie (vert et blanc) et celui de la république d’Espagne (rouge-jaune-mauve), symbole…

Le drapeau de l’Andalousie (vert et blanc) et celui de la république d’Espagne (rouge-jaune-mauve), symbole de la gauche

Lire la suite