5 novembre : le jour où le Panama a vraiment quitté la Colombie

 

Colon célèbre son indépendance deux jours après la capitale, Panama, une cérémonie teintée d’amertume dans une ville laissée complètement à l’abandon par le système économique.

Le 5 novembre (Día de la ciudad de Colón) commémore l’épisode final de la rupture avec la Colombie. Jusqu’en 1903, le Panama n’était qu’une lointaine province de ce pays. Pour tenter de récupérer ce territoire qui venait de proclamer sa sécession, le 3 novembre, Bogota envoie trois navires chargés de 500 hommes armés. À l’aube du 5 novembre 1903, ils entrent dans le port de Colon. Le canal n’existe pas encore, l’objectif est de les faire transporter par le train jusqu’à la capitale afin de mater la rébellion. Les autorités locales tergiversent et négocient durant plusieurs heures. Finalement, en fin de journée, 8000 dollars versés au colonel qui les encadre, les persuaderont de plier bagage. À 19h30, les autorités locales sont en mesure d’envoyer un télégramme annonçant que l’indépendance du pays n’est plus menacée. C’est cela que l’on commémore chaque 5 novembre.

La cérémonie, perturbée cette année par les mesures sanitaires, est l’occasion pour différentes associations de présenter une liste de revendications au président de la République rarement présent dans cette ville affligée par la misère et la violence. Lui-même aura pris les devants dans son discours prononcé ce matin, il n’aura pas manqué de présenter un projet de rénovation urbaine et de formuler la promesse de réformer la zone franche. Cette ville de 200 000 habitants est située au débouché du canal de Panama du côté de l’Atlantique. La ville, elle-même, est née du projet de canal. C’est la plus récente des villes du pays, elle n’a été fondée qu’en 1852, comme base du chemin fer interocéanique. Pour les besoins du chantier du port, du rail, puis du canal, les États-uniens ont fait venir de la main-d’œuvre en provenance des Caraïbes, de la Jamaïque en particulier, si bien que cette ville est à dominante noire, anglophone, en partie protestante, et aujourd’hui nettement plus pauvre que le reste du pays. Le contraste est net avec la capitale, située 80 km plus au sud, où les buildings poussent comme des champignons, faisant contrepoint aux bidonvilles que l’on s’efforce peu à peu de masquer. La récupération de la zone du canal en 1999 que les États-Unis occupaient depuis 1903, a dopé l’économie panaméenne, la capitale a pris des allures de Miami ou de Dubaï. Mais le départ des Américains et la privatisation des ports ont entraîné une chute des revenus d’une partie de la population, en particulier celle de la ville de Colon. La vaste zone franche (la plus grande du continent) créée à Colon n’a pas profité aux habitants, bien au contraire. En proie à la guerre des gangs, Colon est aujourd’hui l’une des villes les plus violentes d’Amérique ; la grande oubliée, ou le revers de la médaille, du « miracle » économique panaméen.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 5 novembre 2020

 
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