11 septembre : 50 ans après, les Chiliens ne sont toujours pas guéris du régime de Pinochet

 

Un demi-siècle est passé et le Chili ne parvient toujours pas à tourner la page du coup d’État qui a mis brutalement un terme à son régime démocratique. Le 11 septembre 1973,  les commandants en chef des armées et celui de la police lançaient une insurrection, sous la direction du général Augusto Pinochet et avec l’appui de Washington. Le ­palais présidentiel de la Moneda était encerclé et bombardé. Vers 13 h 30, le président Salvador Allende se ­suicidait. Candidat de l’Unité ­populaire – coalition de gauche regroupant, en particulier, le Parti socialiste, dont il est membre, et le Parti communiste –, Allende était arrivé en tête de l’élection ­présidentielle chilienne, qui ne comprennait qu’un seul tour, avec 36,6 % des voix. Trois ans plus tard, lors des élections législatives de mars 1973, son soutien populaire s’était renforcé puisqu’il obtenait ‘4% des voix. Sa figure de leader s’était également consolidée à l’international, surtout après son discours aux Nations unies en 1972, ce qui lui valait l’animosité du président Nixon et de son secrétaire d’État, Henry Kissinger, qui ont tous deux œuvré au renversement de la démocratie chilienne.

Le général Pinochet sa junte resteront au pouvoir jusqu’en 1990. Durant ces seize années de dictature, les forces armées et la police politique ont torturé des dizaines de milliers de personnes, en assassinent plus de 3 200 (soit autant que les victimes d’un autre 11-Septembre, celui qui a frappé les États-Unis en 2001). Des centaines de ­milliers de personnes seront contraintes à l’exil. 

Le Chili a hérité de cette terrible époque une constitution qu’il n’est pas encore parvenu à remplacer en dépit des efforts du président actuel, le socialiste Gabriel Boric. Celui-ci a été élu en mars 2022 avec 56% des suffrages face au candidat d’extrême droite Antonio Kast. Ce dernier, un nostalgique de la dictature de Pinochet, développe un discours totalement négationniste en ce qui concerne les crimes du régime issu du putsch de 1973. Il a tout de même obtenu 44% des voix, c’est dire combien est divisée la population chilienne face à la mémoire du coup d’État du 11 septembre 1973, que l’on commémore aujourd’hui, et de la dictature qui s’est ensuivie. Non seulement l’extrême droite pinochétiste, mais également des députés de droite ont refusé de participer aux commémorations du 11-Septembre organisées par le gouvernement du président Boric.

Le pays n’a pas su solder les crimes du régime de Pinochet tourner la page. Mais peu à peu la justice fait son chemin. Elle vient de condamner ­définitivement sept anciens militaires pour l’enlèvement et l’assassinat, au lendemain du coup d’État, de Viktor Jara (1932-1973), célèbre chanteur chilien proche de Salvador ­Allende. Même un demi-siècle après, il n’est jamais trop tard.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 10 septembre 2023

Lire : 11-Septembre, notamment les témoignages de Eduardo Olivares Palma et de Maria Claudia Poblete

 

Fresque en mémoire de Viktor Jara, chanteur chilien assassiné trois ou quatre jours après le putsch du 11 septembre 1973 et dont les assassins n’ont finalement été condamnés qu’en 2023.

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