La tour Eiffel porte un nom allemand !

 

La tour qui fait figure de symbole de la capitale française porte le nom d’une région allemande. Eiffel est en effet une région de collines située à l’est de la Belgique et du Luxembourg, dans le Lander de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Aujourd’hui, le nom de la région est orthographié Eifel. C’est de là que vient la famille Bönickhausen (avec un tréma à l’époque), celle de l'ingénieur qui a construit la tour.

La tour Eiffel aurait-elle pu s’appeler Bonickhaussen ? Probablement pas. À cette période l’hostilité des Français envers leurs voisins qui occupaient l’Alsace et la Moselle, était telle que les Parisiens auraient donné un autre nom à ce monument qui deviendra un symbole national. Bonickhaussen était pourtant le patronyme de naissance de l’ingénieur qui l’a construite. Eiffel était un nom d’usage, adopté par sa famille et qui permit à Gustave dit Eiffel de nommer sa société d’ingénierie : Eiffel & Cie, fondée en 1866. Il demanda ensuite à en faire son nom de famille, ce qui lui fut accordé en 1879, soit tout juste dix ans avant l’inauguration de la tour métallique. Le problème ne s’est donc pas posé.

Léo Heinrich Bönickhausen, le plus lointain ancêtre connu de Gustave Eiffel était en même temps maître d’école et sacristain. Il vivait dans la localité de Marmagen. C’est son fils aîné, Wilhelm Heinrich qui débarqué à Paris à une époque où l’immigration allemande vers la France était importante. Son fils s’établira comme tapissier rue Vieille-du-Temple et s’intégrera parmi les bourgeois de la capitale française. Mais, Bönickhausen est vraiment un nom vraiment difficile à prononcer pour la clientèle. La famille prendra l’habitude de se faire appeler du nom de sa région d’origine : Eiffel. Mais, sans toutefois avoir fait modifier son état civil.

Ainsi, quand Gustave naît en 1832, il est inscrit à l’état civil sous le nom de Bonickhausen, comme son aïeul, arrivé en France au siècle précédent. Et, à l’instar de ses ancêtres, il utilisera Eiffel comme nom d’usage. L’Allemagne, qui n’existe toujours pas en tant qu’État, n’était pas encore l’ennemi récurrent de la France. Elle le devient en 1870, avec la défaite de Sedan et la perte de l’Alsace-Lorraine. À partir de cette époque, un nom à consonance germanique est susceptible d’éveiller tous les soupçons. Vous vous fâchez avec quelqu’un et vous voilà qualifié de « boche ». En 1876, un employé licencié de la société Eiffel & Cie veut se venger de son patron. Il le dénonce comme un espion à la solde de Bismark qui se dissimulerait sous un faux nom. Un procès est engagé, il lave bien sûr Gustave Eiffel de tout soupçon, mais le persuade d’engager une procédure de changement de son patronyme. La « consonance allemande inspire des doutes sur ma nationalité française, et ce simple doute est de nature à me causer soit individuellement, soit commercialement, le plus grand préjudice », écrit-il pour justifier sa demande, laquelle aboutira en 1879 (décret du 1er avril 1879).

Cela dit, si on avait vraiment baptisé la tour du nom de son inventeur, il aurait fallu l’appeler tour Koechlin ! Un autre nom germanique, mais celui d’une famille suisse, originaire du canton de Schaffhouse et établie ensuite en Alsace. C’est en effet l’ingénieur Maurice Koechlin qui a inventé la structure de la fameuse tour. Gustave Eiffel lui a, par la suite, racheté le brevet.

Extrait de Ces Allemands qui font la France, par Bruno Teissier et Christine Ramel

 
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