Le Chili va-t-il enfin tourner la page de son 11-Septembre ? On peut y croire.

 

Ce dimanche 18 décembre, au Chili, on vote pour élire un nouveau président. C’est le second tour : les électeurs ont le choix entre un candidat d'extrême droite José Antonio Kast et un ancien leader étudiant de gauche Gabriel Boric. 

Cette présidentielle, la plus polarisée depuis la fin de la dictature du général Pinochet en 1990, son régime avait débuté par le putsch du 11 septembre 1973. Pinochet a laissé en héritage, outre quelque 3200 morts et disparus (autant que le 11-Septembre américain !), une constitution que les Chiliens viennent juste d’être autorisés à remplacer. Il a fallu, en effet, un référendum obtenu de haute lutte, en novembre 2019, et remporté par les partisans de remplacer la constitution ; puis l’élection d’une assemblée constituante favorable à la réforme, en juin 2021, pour que l’on puisse espérer tourner la page du pinochétisme avant de commémorer le 50e anniversaire du coup d’État, en septembre 2023.

Tout ce processus aurait pu être remis en question ce dimanche si les électeurs avaient porté leur choix sur José Antonio Kast, un nostalgique due régime de Pinochet dont il a d’ailleurs choisi la petite-nièce comme directrice de campagne. Ce multimionnaire, père de neuf enfants, entend maintenir le modèle ultralibéral (en économie) mais se ultraconservateur (sur les questions de société) hérité de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). On ne juge pas un homme sur sa famille, mais le fait que Kast soit le fils d’un officier nazi, membre de la SS, qui s’était réfugié au Chili en 1945, ne rassure pas ceux que hante encore le souvenir du 11-Septembre.

Face à lui, le jeune Gabriel Boric, âgé de 35 ans, soutenu par toute la gauche et qui fait des références à Salvador Allende, le président socialiste renversé par le général Pinochet, a finalement fait le poids. Parmi ses projets, il propose de créer un système de retraite public et un organisme d’assurance maladie que Pinochet avait confié au secteur privé. Il propose aussi d’introduire la semaine de travail à 40 heures, un impôt progressif, la gratuité de l’enseignement… ainsi que des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique. Tout cela, qui paraît très naturel en Europe, constituerait une véritable révolution au Chili. Son projet est celui d’un d’État providence, un changement d’ampleur dans le pays considéré comme le laboratoire du libéralisme.

À deux jour du scrutin, l’annonce du décès à 98 ans, d’Hiriart Rodriguez, la veuve de Pinochet, considérée comme l’inspiratrice du coup d’État et la femme forte du régime militaire, a été vu comme un signe ! Sa mort a été saluée par des mouvements de joie dans les rue de Santiago. Augusto Pinochet, lui, est mort en 2006 d’une crise cardiaque, à l’âge de 91 ans. Il aura réussi à échapper à la justice, qui le poursuivait pour des violations des droits de l’homme sous son régime et pour détournement de fonds publics.  

Finalement, c’est le candidat de la gauche, Gabriel Boric, remporte l’élection présidentielle avec 56% des voix. Un concert de klaxons a résonné dans les rues de la capitale Santiago aussitôt après que M. Kast a reconnu sa défaite. Gabriel Boric prendra ses fonctions le 11 mars 2022.

Pour en savoir plus sur l’évolution du 11-Septembre chilien selon les époques, lire les analyses d’Eduardo Olivares Palma et le témoignage de Maria Claudia Poblete dans Les 11-Septembre, celui des Américains, des Chiliens, des Catalans et tous les autres 

 
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