L’Almanach international

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1990, Albanie, jeunesse, Chute du communisme, 8 décembre Bruno Teissier 1990, Albanie, jeunesse, Chute du communisme, 8 décembre Bruno Teissier

8 décembre : la journée de la jeunesse albanaise prétexte à des affrontements politiques

L’Albanie rend hommage à sa jeunesse, en particulier aux étudiants qui le 8 décembre 1990, ont pour la première fois défié le pouvoir communiste dans les rues et très rapidement obtenu sa chute. Mais la préoccupation de la jeunesse d’aujourd’hui n’est plus celle de l’époque du Mouvement de décembre et la Journée de la jeunesse prend une tournure politique particulière où droite et gauche rivalisent pour tenter de la la séduire.

 

L’Albanie rend hommage à sa jeunesse, en particulier aux étudiants qui le 8 décembre 1990, ont pour la première fois défié le pouvoir communiste dans les rues et très rapidement obtenu sa chute. Mais la préoccupation de la jeunesse d’aujourd’hui n’est plus celle de l’époque du Mouvement de décembre et la Journée de la jeunesse (Dite e Rinise) prend une tournure politique particulière où droite et gauche rivalisent pour tenter de la la séduire.

« Nous voulons vivre comme dans le reste de l’Europe », tel a été le slogan de la manifestation étudiante du 8 décembre 1990 dans les rues de Tirana, alors que partout, ou presque, sur le continent les régimes communistes sont récemment tombés. L’Albanie, isolée depuis les années 1960, semblait avoir oublié le cours de l’histoire. Forts de cette première audace, ils sont plus de 3 000 manifestants deux jours plus tard. Ramiz Alia, le communiste réformateur au pouvoir depuis 1985 reçoit une délégation d’étudiants et se voit contraint de leur céder l’autorisation de créer des formations politiques indépendantes du Parti communiste et la promesse d’élections libres. De 1945 à 1989, seules les listes du PC étaient autorisées à se présenter à des scrutins sans choix. Dès le lendemain, le Parti démocratique était fondé. Les élections auront lieu en mars 1991. Les communistes restent au pouvoir, mais devront le partager avec l’opposition dès le mois de juillet alors que le pays sombre dans le chaos. Tout est allé très vite. La statue de Staline, une des dernières d’Europe, fut déboulonnée le 20 décembre 1990, deux mois avant celle d’Enver Hodja, l’ancien dictateur, mort en 1985.

Un quart de siècle plus tard, les étudiants de 1990 ont pris de l’âge. Certains sont arrivés au pouvoir sous la conduite de Sali Berisha (Parti démocratique), et ont géré le pays pendant des années. C’est d’ailleurs Sali Berisha, premier ministre qui a fait de la Journée de la jeunesse (Dite e Rinise) un jour férié, en 2010, pour le vingtième anniversaire de la chute du régime communiste.

Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas dans la vénération de leurs aînés qui leur ont laissé un pays où les inégalités ont explosé après 25 ans de politique néolibérale. La journée du 8 décembre souligne les fractures et contradictions du paysage politique. Le Parti démocratique, devenu un parti conservateur classique, a fait du 8 décembre une occasion de surfer sur les frustrations de la population en organisant de grandes manifestations politiques : en 2015, plusieurs milliers de militants de droite se répandaient dans les rues de Tirana pour protester contre la gauche au pouvoir, pensant rejouer la scène de 1990, mais en y ajoutant des violences contre les bâtiments publics. Sauf que le Parti socialiste est arrivé au pouvoir en 2013 à l’issue d’élections libres, élu par des citoyens déçus par la gestion du Parti démocratique.

Le soir du 8 décembre, un grand concert est organisé place de la Démocratie par le ministère de la Culture. Comme chaque année, de nombreux jeunes du Kosovo sont invités pour l’occasion. Le reste de la journée, des rassemblements politiques sont proposés aux jeunes, comme aux plus vieux, par le Parti socialiste. Mais, après dix ans de pouvoir d’Edi Rama, le pouvoir socialiste s’est quelque peu sclérosé et la jeunesse ne s’y reconnaît plus vraiment.

Ce même jour, le leader historique du PD, Sali Berisha, visite le mémorial d'Azem Hajdari, figure clé du Mouvement de décembre et député du PD, mystérieusement assassiné à Tirana en 1998. Mais, Berisha a perdu la main. Le principal parti d’opposition est aujourd’hui dirigé par son rival, Lulzim Basha, ancien ministre et ancien maire de Tirana. C’est lui qui tente aujourd’hui de rassembler la jeunesse pour proposer une alternance au gouvernement actuel. Le 8 décembre est aujourd’hui, bien plus une journée d’affrontement politique que la commémoration du Mouvement de décembre 1990. La jeunesse albanaise trouvera-t-elle sa voie entre un parti conservateur plein de promesses mais dont la gestion du pays a été, en son temps, catastrophique et un parti socialisme qui avait redressé la situation mais qui, à son troisième mandat, a dérivé vers l’autocratisme ?

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 7 décembre 2023

 

Le 8 décembre 1990

Lulzim Basha, le 8 décembre 2022

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1991, Lituanie, URSS, Communisme, Chute du communisme Bruno Teissier 1991, Lituanie, URSS, Communisme, Chute du communisme Bruno Teissier

13 janvier : Il y a 30 ans, le bloody Sunday des Lituaniens

Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1991, des chars soviétiques pénétraient  dans Vilnius, à l’assaut du bâtiment de la télévision et du Parlement. La population lituanienne a réagit massivement. Plus de 50 000 personnes descendent alors dans la rue réclamer le maintien de l’indépendance et se massent pour empêcher l’occupation

 

Dans la nuit du 12 au 13 janvier 1991, des chars soviétiques pénétraient  dans Vilnius, à l’assaut du bâtiment de la télévision et du Parlement. Le but de Moscou était de mettre au pas cette république qui avait déclaré unilatéralement son indépendance le 11 mars 1990 (elle avait été la première république soviétique à le faire).

La population lituanienne a réagit massivement. Plus de 50 000 personnes descendent alors dans la rue réclamer le maintien de l’indépendance et se massent pour empêcher l’occupation des principaux édifices stratégiques de la capitale et du Parlement. De brefs combats devant la tour de la télévision, le 13 janvier, ont fait 14 morts et quelques milliers de blessés. C’est à eux que ce jour de commémoration rend hommage, notamment lors d’une cérémonie au cimetière d’Antakalnis. La détermination pacifique des habitants de Vinius a payé  : les troupes sont rappelées en Russie ; elles ne reviendront plus. L’URSS allait disparaitre avant la fin de l’année.

Hier soir une cérémonie nocturne a eu lieu. Les passionnés de course à pied ont honoré la mémoire de ceux qui sont morts pour la liberté de la Lituanie sur la traditionnelle « route de la vie et de la mort » allant du cimetière d'Antakalnis à la tour de télévision. Le même jour, une opération de don de sang est organisée à la bibliothèque nationale Martynas Mažvydas pour commémorer les défenseurs de la liberté. La journée s’est terminée par une cérémonie nocturne devant un grand bûché.

Ce 13 janvier, Journée des défenseurs de la liberté (Laisvės gynėjų diena), des fleurs seront déposées sur la place de l'Indépendance de la capitale au mémorial du 11 mars, après une levée du drapeau national. Le Seimas (Parlement lituanien) organise la cérémonie de remise du Prix de la liberté. Une messe est dite en la cathédrale de Vilnius. D’habitude, c’est journée portes ouvertes au Parlement, au Musée des victimes du génocide et au complexe commémoratif Tuskulėnai Peace Park. Ce ne sera pas le cas cette année pour raison sanitaire.

Mise à jour 2022 : Le 30 juin 2022, la Cour suprême de Lituanie a rendu son verdict définitif dans l’affaire du 13 janvier. Soixante-sept personnes, dont l’ancien ministre de la Défense soviétique, ont été condamnées pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, le plus souvent par contumace. Les descendants des victimes ont longtemps demandé à entendre Mikhaïl Gorbatchev durant ce procès, en vain.

 
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16 novembre : la révolution estonienne en chantant

Ce jour est férié en Estonie, en souvenir du jour où ce petit pays a osé affirmer sa souveraineté (par encore son indépendance), au sein de l'URSS. Depuis quelques mois, les Estoniens entonnaient des chants patriotiques en guise de protestation… 

 

La journée est fériée en Estonie, en souvenir du jour où ce petit pays a osé affirmer sa souveraineté (pas encore son indépendance), au sein de l'URSS.

Le 16 novembre 1988, le soviet suprême d’Estonie déclarait sa souveraineté, Moscou déclarait cette déclaration non conforme à la constitution de l’URSS. Elle était pourtant l’aboutissement de la « Révolution chantante » (laulev revolutsioon) qui avait commencée spontanément en juin de la même année. 100 000 personnes avaient alors manifesté en entonnant des chants sur un parcours de quatre kilomètres aboutissant au lieu où se tenait habituellement le festival de la Chanson de Tallinn (Laulupidu), organisé tous les cinq ans depuis 1869. La foule brandissait des drapeaux aux couleurs de l’Estonie. En septembre, ils étaient quelque 300 000 au même endroit à entonner des chants patriotiques. La non-violence était consciemment stratégie politique. Dans la soirée du 20 août 1991, l’Estonie a été proclamée indépendante, sans avoir perdu une seule vie. L’URSS avait vécu.

Le 16 novembre est désormais célébré chaque année comme le Jour de la déclaration de souveraineté (Suveräänsuse deklareerimise päev). Cette année, en raison de l’épidémie, les commémorations seront bien plus modestes qu’à l’ordinaire.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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1938, 1989, Allemagne, Chute du communisme, Nazisme, 9 novembre Bruno Teissier 1938, 1989, Allemagne, Chute du communisme, Nazisme, 9 novembre Bruno Teissier

9 novembre : le jour du destin des Allemands

Il y a 31 ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonismes entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. L’évènement s’est produit vers 19 heures, à quelques heures près, l’Allemagne aurait pu célébrer chaque 10 novembre son unité retrouvée, mais la voilà assignée au 9 novembre, date qui n’est pas devenue fête nationale car bien trop chargée d’histoire : le souvenir de la Nuit de cristal.

 

Il y a 31 ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonisme entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. L’évènement s’est produit vers 19 heures, à quelques heures près, l’Allemagne aurait pu célébrer chaque 10 novembre son unité retrouvée, mais l’histoire en a voulu autrement. La voilà assignée au 9 novembre, date qui n’est pas devenue la fête nationale que certains auraient souhaité car elle est bien trop chargée d’histoire.

En 1938, le 9 novembre, c’était la « Nuit de cristal », le pogrom contre les juifs organisé par Goebbels. Le prétexte était l’agression d’un fonctionnaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris par un jeune juif allemand. Mais la date de cette nuit d’enfer qui marque le début de la Shoah, n’a pas été choisie au hasard. C’était le jour anniversaire de la tentative de putsch par Adolf Hitler, en 1923 à Munich. Si ce dernier avait tenté un coup de force précisément un 9 novembre, c’était parce que la république dite de Weimar, fondée le 9 novembre 1918 et honnie par l’extrême droite, fêtait ce jour-là ses 5 ans. Une date symbolique tout au long du XXe siècle.

Le 9 novembre est aussi la date de l’exécution du parlementaire allemand libéral, Robert Blum, par les contre-révolutionnaires, après l’insurrection viennoise d’octobre 1848… C’est un peu comme si une seule date racontait l’histoire récente de l’Allemagne. Cette date a été baptisée schicksalstag, le jour du Destin ! Le gouvernement lui préféra donc le 3 octobre, date officielle de la réunification en 1990.

Finalement, la fête nationale de l’Allemagne a été fixée le 3 octobre, en référence une journée de 1990 qui n’évoque rien de fort, si ce n’est l’officialisation d’une réunification déjà en cours et réalisée à marche forcée qui laisse un goût amer. Aujourd’hui, une partie de l’opinion est persuadée qu’une troisième voie était possible, que la RDA , dégagée de la tutelle de Moscou, si ont lui en avait laissé le temps aurait pu concilier démocratie et socialisme.

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En Suisse, on commémore aussi ce jour de 1932, le 9 novembre, où la police a tirée sur une manifestation d’ouvriers antifascistes à Genève, faisant 13 morts parmi les manifestants. C’était quelques semaines avant qu’Hitler ne prenne le pouvoir dans le pays voisin. Depuis 1982, un monument aux victimes de la fusillade, sur le parvis de l'université de Genève (devant le bâtiment Uni Mail), à l'emplacement de la fusillade, est fleuri chaque 9 novembre.

 
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Hongrie, Chute du communisme, Communisme, 1989, 1956, 2012, 23 octobre Bruno Teissier Hongrie, Chute du communisme, Communisme, 1989, 1956, 2012, 23 octobre Bruno Teissier

23 octobre : un jour pour défendre les libertés en Hongrie

La Hongrie commémore les événements de 1956 et ceux de 1989 qui ont mis fin au régime communiste. Cette fête nationale est aussi, pour une partie des Hongrois, l’occasion de manifester contre le régime autoritaire mis en place en 2012 par Victor Orban.

 

La Hongrie commémore les événements de 1956 en même temps que la journée de 1989 qui a mis fin au régime communiste. Cette fête nationale est aussi, pour une partie des Hongrois, l’occasion de manifester contre le régime autoritaire mis en place en 2012 par Victor Orban.

Le 23 octobre 2011, quelque 100 000 manifestants défilaient dans les rues de Budapest pour protester contre le régime liberticide que Viktor Orban était en train d’instaurer en Hongrie. Quelques uns, parmi les plus âgés, avaient participé à l’insurrection contre le régime communiste hongrois, le 23 octobre 1956. On se souvient que 10 jours plus tard, cette révolution démocratique avait été écrasée par les forces soviétiques, au prix de 200 000 morts. Un tiers de siècle plus tard, un 23 octobre (1989), ce régime prenait fin, laissant la place à une république de Hongrie qui a fonctionné démocratiquement jusqu’au 1er janvier 2012, date de l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution, inspirée des idées de l’extrême droite hongroise.

Cette journée du 23 octobre, dite Fête de la Révolution (Forradalom ünnepe), est devenue fête nationale en 1990, marquée par des célébrations officielles de cette double célébration, est aussi l’occasion pour l’opposition de protester contre un État hongrois aux tendances de plus en plus autoritaires. Cette année, des milliers de Budapestois défilent en soutien des étudiants qui se battent pour l'autonomie de la l’Université des arts du théâtre et du cinéma (SZFE) menacée par le pouvoir et la liberté académique. La conquête de la mairie de Budapest par l’opposition, en octobre 2019, donne néanmoins l’espoir aux démocrates de pouvoir mettre fin un jour au régime de Viktor Orbán.

Mise à jour 2022 : En 2022, ce fut une journée très paradoxale en Hongrie puisque, d’un côté, on y commémore une agression russe et que, en même temps, le gouvernement hongrois soutient l’agression russe de l’Ukraine. Cette année, le président Orban, largement réélu, n’a pas profité de ce jour férié pour rassembler ses partisans à Budapest comme il l’avait fait les années précédentes. Il a choisi faire profil bas et de s’exprimer depuis une ville de province alors que l’opposition manifestait, comme chaque année, dans la capitale.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 
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