L’Almanach international

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1938, Mexique, souveraineté, pétrole, 18 mars Bruno Teissier 1938, Mexique, souveraineté, pétrole, 18 mars Bruno Teissier

18 mars : l'anniversaire de l'expropriation du pétrole mexicain

Le président Andrés Manuel López Obrador invite les Mexicains à célébrer le 85e anniversaire de la nationalisation de l’industrie pétrolière prononcée en 1938 par son prédécesseur, Lázaro Cárdenas. Le 18 mars est l’occasion chaque année de célébrer la souveraineté du Mexique, en dépit de la proximité écrasante de son grand voisin du nord.

 

Le président Andrés Manuel López Obrador invite les Mexicains à se rendre ce samedi, à 17h. au Zócalo de Mexico (la place centrale de la capitale) pour célébrer le 85e anniversaire de l'expropriation pétrolière (El aniversario de la expropiación petrolera).

Le 18 mars 1938, le président du Mexique, le général Lázaro Cárdenas del Río, publia le décret d’expropriation du pétrole, autrement dit la nationalisation de l’industrie pétrolière contrôlée par 17 sociétés étrangères, principalement états-uniennes et britanniques. L’événement est considérable à l’époque. Et c’est une grande source de fierté pour les Mexicains qui célèbrent chaque 18 mars el aniversario de la expropiación petrolera par des déclarations patriotiques.

Au milieu des 1970, la plupart des États pétroliers commenceront à faire de même, mais quatre décennies plus tôt il fallait un certain aplomb de la part de Mexico pour affronter ainsi le puissant voisin. En 1953, l’Iran subira un coup d’État organisé par Washington, pour avoir tenté la même opération. En 1954, c’est le Guatemala qui fera les frais d’une tentative de réforme agraire qui aurait pu nuire aux intérêts d’une multinationale américaine. Et que du dire du putsch de 1973 au Chili…

En 1935, le Syndicat des travailleurs du pétrole de la République mexicaine (STPRM) est formé, il regroupe de plus de 20 000 travailleurs et reçoit le soutien du gouvernement cardeniste (centre gauche). Le STPRM émet très vite des revendications : la semaine de travail de 40 heures ; le paiement du salaire en cas de maladie ; l'indemnisation familiale en cas de décès ou d'invalidité totale, le salaire minimum de cinq pesos, les pensions de retraite. Devant le refus des pétroliers, en 1937, une grande grève a eu lieu qui a paralysé toutes les activités liées au secteur pétrolier. Le président Cárdenas  réagit par le décret du 18 mars 1938 consistant en l'expropriation légale des installations, des bâtiments, des raffineries, des stations de distribution, des navires, des oléoducs et de tous les biens mobiliers et immobiliers de la Compagnie pétrolière mexicaine appelée El Águila (Royal Dutch Shell), de la San Cristobal Shipping Company, de la San Ricardo Shipping Company, Huasteca Petroleum, Sinclair Pierce Oil Company, Mexican Sinclair Petroleum Corporation, Stanford and Company, Penn Mex Fuel Company, Richmond Petroleum Company, California Standard Oil Company du Mexique, El Agwi Oil Company, Imperio Gas and Fuel Company, Consolidated Oil Company du Mexique, Société Mexicana de Vapores San Antonio, Sabalo Transportation Company, Clarita S A et Cacalilao Sociedad Anónima, ainsi que ses filiales ou filiales. Une indemnisation était prévue, l’État mexicain du s’endetter pour y faire face. Les pétroliers ont tout quitté sans transition, tentant d’enfoncer le Mexique dans une crise pétrolière. Le pays ne retrouvera sa production de pétrole et son volume de raffinage qu’en 1942, à la faveur du conflit mondial. Les États-Unis ont alors envoyé des conseillers techniques au Mexique pour s'assurer que la production de pétrole pouvait soutenir les Alliés en guerre. Lázaro Cárdenas a fondé la société pétrolière Pemex (Petróleos Mexicanos), qui sera un modèle pour d'autres nations cherchant à mieux contrôler leurs ressources en pétrole et en gaz naturel.

Le 18 mars n’est pas un jour chômé pour tous les travailleurs, seuls les écoliers et étudiants ont une journée de congé ce jour-là.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 17 avril 2023

 

Rejoignez-nous ! Le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) se place dans les pas du président Lázaro Cárdenas.

AMLO fête l’expropriation du 18 mars 1938 au milieu des ouvriers du pétrole.

Le 18 mars, une journée pour célébrer la souveraineté du Mexique

L'expropriation du pétrole avait le soutien populaire et même celui des milieux conservateurs.

Une de l’époque

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1938, Jamaïque, fête du travail, 23 mai Bruno Teissier 1938, Jamaïque, fête du travail, 23 mai Bruno Teissier

23 mai : la fête des travailleurs en Jamaïque

La Jamaïque ne célèbre pas la fête des travailleurs le 1er mai comme dans la plupart des pays du monde mais le 23 mai en souvenir d’une rébellion ouvrière qui a éclaté le 23 mai 1938.

 

La Jamaïque ne célèbre pas la fête des travailleurs le 1er mai comme dans la plupart des pays du monde mais le 23 mai en souvenir d’une rébellion ouvrière qui a éclaté le 23 mai 1938.

En 1938, la Jamaïque était en proie à des troubles sociaux, les ouvriers étaient nettement sous-payés et plusieurs grèves ont éclaté à travers l'île, les travailleurs demandant tous la même chose, de meilleurs salaires. La plus remarquable de ces révoltes a été celle de l'usine de sucre de Frome qui qui a débuté le 23 mai 1938.

Une figure éminente a émergé des mouvements de 1938 : St. William Grant (St. pour "sergent"), un dirigeant syndical, nationaliste noir et garveyiste (influencé par Marcus Garvey). Grant s’est battu pour les droits des travailleurs et a même été arrêté en 1938 pour ses positions fermes, mais il mourra dans l’anonymat et la pauvreté. Son combat n’a cependant pas été oublié : le Victoria Park dans Parade au centre de Kingston a été renommé en mémoire de St.William Grant en 1977. En 1974, il a reçu l'Ordre de distinction à titre posthume. Son successeur à la tête du mouvement ouvrier, Alexander Bustamante, deviendra Premier ministre.

C'est à partir de ces mouvements ouvriers de 1938 que des syndicats ont été formés pour défendre la cause des travailleurs jamaïcains. La décision de faire du 23 mai la fête du travail date de 1961, quand un projet de loi au Parlement a aboli le Commonwealth Day (Empire Day jusqu’en 1958), un jour férié qui marquait l'anniversaire de la reine Victoria d'Angleterre, le monarque à qui on attribuait l'abolition de l'esclavage, son anniversaire était un jour férié fixé au 24 mai. Il fut décidé d’en faire la Fête du travail. Mais, sur proposition de Norman Manley, chef du gouvernement de l’époque, cette Fête du travail, (Labor Day), a été fixé au 23 mai, le jour anniversaire de l’apparition, en 1938, d’un mouvement ouvrier en Jamaïque.

Il y a une dimension supplémentaire à cette célébration : quand Hugh Shearer est devenu Premier ministre, en 1967, il a institué ce jour-là, une réception de la fête du Travail à Jamaica House (le siège du gouvernement). C'est une tradition qui perdure encore aujourd'hui. Hugh Shearer avait commencé sa carrière politique en tant que syndicaliste. Il avait participé avec Alexander Bustamante et d’autres dirigeants syndicaux à des négociations avec les employeurs dans certains conflits de travail les plus importants. En 1953, il a été nommé superviseur insulaire de l'Union. En 1977, il est devenu président du syndicat industriel et, dans les années qui ont suivi, fait de ce syndicat le plus grand des Caraïbes anglophones.

De 1961 à 1971, la fête a été très formelle et consensuelle. Elle prendra par la suite une dimension beaucoup plus combative et moins unitaire, un vrai jour de lutte des travailleurs pour leurs droits. Mais, elle est aussi l’occasion de travaux communautaires d’intérêt général.

Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde

 

Norman Manley, l’initiateur de la date du 23 mai

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1938, Turquie, 10 novembre, héros national Bruno Teissier 1938, Turquie, 10 novembre, héros national Bruno Teissier

10 novembre : que reste-t-il aujourd'hui d'Atatürk, père fondateur de la Turquie ?

À 9 h 05, ce matin, des sirènes retentissent et toute la Turquie se fige. La circulation s’arrête, le temps de deux minutes en hommage à Mustapha Kemal, dit Atatürk, le père fondateur de la république turque, décédé à 57 ans, le 10 novembre 1938. Mais, avec Recep Tayyip Erdoğan au pouvoir, que reste-il aujourd'hui du kémalisme ?

 

À 9 h 05, ce matin, des sirènes retentissent et toute la Turquie se fige. La circulation s’arrête, le temps de deux minutes en hommage à Mustapha Kemal, dit Atatürk, le père fondateur de la république turque, décédé à 57 ans, le 10 novembre 1938. Mais, avec Recep Tayyip Erdoğan au pouvoir, que reste-il aujourd'hui du kémalisme si ce n’est l’exaltation patriotique dans le cadre de conflits tous azimuts ?

​​Mustapha Kemal a combattu pour rétablir une Turquie indépendante, quitte à empiéter sur le territoire d’autres peuples : Arméniens, Kurdes... Son lointain successeur semble vouloir reconstituer un semblant d’Empire ottoman : guerres en Syrie, Arménie, Libye, tensions en Méditerranée, implantation au Soudan… À l’intérieur du pays, la situation est de plus en plus tendue. Devenues quotidiennes, les purges décidées par le président Erdoğan s’abattent sur tous les opposants : ceux de gauche, les syndicalistes, les militants des droits de l’homme et de la cause kurde. Tout le monde est sous la menace, les gens sont tétanisés par la peur. Les héritiers politiques d’Atatürk ont toutefois gagné, l’an dernier, les mairies d’Istanbul et d’Ankara. Le kémalisme, représenté par le principal parti d’opposition, n’a sans doute pas dit son dernier mot.
Ce matin, des centaines de personnes se rassemblent devant le palais de Dolmabahçe, à Istanbul, sur les rives du Bosphore où Atatürk a rendu son dernier souffle, le 10 novembre 1938, à 9h05. Heure à laquelle toutes les pendules du palais ont été arrêtées. Traditionnellement, une marche est organisée le 10 novembre par la municipalité de Beşiktaş jusqu’au palais de Dolmabahçe. Habituellement, une gigantesque chaîne humaine porte un drapeau turc mesurant plus d’un kilomètre de long. Cette année, en raison de la pandémie, les cérémonies sont beaucoup plus modestes.

D’ordinaire, à Ankara, des milliers de personnes affluent sur la colline d’Anıttepe où se trouve le mausolée Anıtkabir. La dépouille de Mustapha Kemal y a été transférée en 1953, lors de funérailles nationales. Le site accueille plus de 3 millions de visiteurs par an. Le mausolée abrite aussi un musée consacré à Atatürk et à la Guerre d’indépendance turque (1919-1922).

 
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1938, 1989, Allemagne, Chute du communisme, Nazisme, 9 novembre Bruno Teissier 1938, 1989, Allemagne, Chute du communisme, Nazisme, 9 novembre Bruno Teissier

9 novembre : le jour du destin des Allemands

Il y a 31 ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonismes entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. L’évènement s’est produit vers 19 heures, à quelques heures près, l’Allemagne aurait pu célébrer chaque 10 novembre son unité retrouvée, mais la voilà assignée au 9 novembre, date qui n’est pas devenue fête nationale car bien trop chargée d’histoire : le souvenir de la Nuit de cristal.

 

Il y a 31 ans, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonisme entre les deux Allemagnes et amorçant la fin de la Guerre froide. L’évènement s’est produit vers 19 heures, à quelques heures près, l’Allemagne aurait pu célébrer chaque 10 novembre son unité retrouvée, mais l’histoire en a voulu autrement. La voilà assignée au 9 novembre, date qui n’est pas devenue la fête nationale que certains auraient souhaité car elle est bien trop chargée d’histoire.

En 1938, le 9 novembre, c’était la « Nuit de cristal », le pogrom contre les juifs organisé par Goebbels. Le prétexte était l’agression d’un fonctionnaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris par un jeune juif allemand. Mais la date de cette nuit d’enfer qui marque le début de la Shoah, n’a pas été choisie au hasard. C’était le jour anniversaire de la tentative de putsch par Adolf Hitler, en 1923 à Munich. Si ce dernier avait tenté un coup de force précisément un 9 novembre, c’était parce que la république dite de Weimar, fondée le 9 novembre 1918 et honnie par l’extrême droite, fêtait ce jour-là ses 5 ans. Une date symbolique tout au long du XXe siècle.

Le 9 novembre est aussi la date de l’exécution du parlementaire allemand libéral, Robert Blum, par les contre-révolutionnaires, après l’insurrection viennoise d’octobre 1848… C’est un peu comme si une seule date racontait l’histoire récente de l’Allemagne. Cette date a été baptisée schicksalstag, le jour du Destin ! Le gouvernement lui préféra donc le 3 octobre, date officielle de la réunification en 1990.

Finalement, la fête nationale de l’Allemagne a été fixée le 3 octobre, en référence une journée de 1990 qui n’évoque rien de fort, si ce n’est l’officialisation d’une réunification déjà en cours et réalisée à marche forcée qui laisse un goût amer. Aujourd’hui, une partie de l’opinion est persuadée qu’une troisième voie était possible, que la RDA , dégagée de la tutelle de Moscou, si ont lui en avait laissé le temps aurait pu concilier démocratie et socialisme.

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En Suisse, on commémore aussi ce jour de 1932, le 9 novembre, où la police a tirée sur une manifestation d’ouvriers antifascistes à Genève, faisant 13 morts parmi les manifestants. C’était quelques semaines avant qu’Hitler ne prenne le pouvoir dans le pays voisin. Depuis 1982, un monument aux victimes de la fusillade, sur le parvis de l'université de Genève (devant le bâtiment Uni Mail), à l'emplacement de la fusillade, est fleuri chaque 9 novembre.

 
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1989, 1938, 1923, 1918, Nazisme, Communisme, Démocratie, Guerre froide Bruno Teissier 1989, 1938, 1923, 1918, Nazisme, Communisme, Démocratie, Guerre froide Bruno Teissier

9 novembre : l'impossible fête nationale allemande

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait, amorçant la fin de la Guerre froide. Une date idéale pour célébrer l’Allemagne réconciliée et retrouvée, mais impossible d’en faire la nouvelle fête nationale… car le 9 novembre évoque d’autres journées, plus sombres pour certaines

 

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait mettant fin à 50 années d’antagonismes entre les deux Allemagne et amorçant la fin de la Guerre froide. Une date idéale pour célébrer l’Allemagne réconciliée et retrouvée, mais impossible d’en faire la nouvelle fête nationale… car le 9 novembre évoque d’autres journées, plus sombres pour certaines : En 1938, la « Nuit de cristal » (pogrom contre les juifs), le même jour, en 1923 Adolf Hitler tentait un putsch à Munich. Quelques années auparavant encore, c’est le 9 novembre 1918 que furent proclamés simultanément deux régimes concurrents : la république de Weimar et la République socialiste libre, vite écrasée. Enfin, le 9 novembre 1848 vit l’exécution du parlementaire allemand Robert Blum par les contre-révolutionnaires, après l’insurrection viennoise d’octobre 1848. C’est un peu comme si une seule date racontait l’histoire de l’Allemagne au XXe siècle. Cette date a été baptisée schicksalstag, le jour du Destin ! Le gouvernement lui préféra donc le 3 octobre, date officielle de la réunification en 1990.

Cette année, les cérémonies officielles mettent l’accent sur le 80e anniversaire de la Nuit de cristal. Angela Merkel se rendra notamment à Berlin dans l’une des synagogues profanées à travers tout le pays par les nazis. Au moins 90 Juifs avaient été tués cette nuit-là, et 30 000 déportés vers les camps de concentration.

Mais, c’est aussi le centenaire de l’instauration de la république, celle de Weimar, la mal aimée… dont on évitera de parler. À tort, car c’était pourtant une première expérience de démocratie en Allemagne. Ce régime a notamment donné le droit de vote aux femmes et permis bien des progrès sociaux.

Hitler, en 1923, et Goebbels, en 1938, n’avait pas choisi le 9 novembre par hasard. L’extrême droite tente toujours de s’approprier le 9 novembre. Cette année encore, les autorités berlinoises ont dû interdire une manifestation prévue par l’extrême droite qui voulait organiser aujourd’hui une « marche du deuil pour les victimes de la politique ».

L’an prochain, on fêtera les 30 ans de la chute du mur.

 
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